Marcel Proust 7. Le Temps retrouvé --- 7. El tiempo recobrado Edición bilingüe, francés-español, de Miguel Garci-Gomez -- --
CHAPITRE PREMIER
Tansonville
Capítulo 1
Je n′aurais d′ailleurs pas à m′arrêter sur ce séjour que je fis du côté de Combray, et qui fut peut-être le moment de ma vie où je pensai le moins à Combray, si, justement par là, il n′avait apporté une vérification au moins provisoire à certaines idées que j′avais eues d′abord du côté de Guermantes, et une vérification aussi à d′autres idées que j′avais eues du côté de Méséglise. Je recommençais chaque soir, dans un autre sens, les promenades que nous faisions à Combray, l′après-midi, quand nous allions du côté de Méséglise. On dînait maintenant, à Tansonville, à une heure où jadis on dormait depuis longtemps à Combray. Et cela à cause de la saison chaude. Et puis, parce que, l′après-midi, Gilberte peignait dans la chapelle du château, on n′allait se promener qu′environ deux heures avant le dîner. Au plaisir de jadis, qui était de voir en rentrant le ciel pourpre encadrer le calvaire ou se baigner dans la Vivonne, succédait celui de partir à la nuit venue, quand on ne rencontrait plus dans le village que le triangle bleuâtre, irrégulier et mouvant, des moutons qui rentraient. Sur une moitié des champs le coucher s′éteignait ; au-dessus de l′astre était déjà allumée la lune qui bientôt les baignerait tout entiers. Il arrivait que Gilberte me laissât aller sans elle et je m′avançais, laissant mon ombre derrière moi, comme une barque qui poursuit sa navigation à travers des étendues enchantées. Mais le plus souvent Gilberte m′accompagnait. Les promenades que nous faisions ainsi, c′était bien souvent celles que je faisais jadis enfant : or comment n′eussé-je pas éprouvé, bien plus vivement encore que jadis du côté de Guermantes, le sentiment que jamais je ne serais capable d′écrire, auquel s′ajoutait celui que mon imagination et ma sensibilité s′étaient affaiblies, quand je vis combien peu j′étais curieux de Combray ? Et j′étais désolé de voir combien peu je revivais mes années d′autrefois. Je trouvais la Vivonne mince et laide au bord du chemin de halage. Non pas que je relevasse des inexactitudes matérielles bien grandes dans ce que je me rappelais. Mais, séparé des lieux qu′il m′arrivait de retraverser par toute une vie différente, il n′y avait pas entre eux et moi cette contigueacute; d′où naît, avant même qu′on s′en soit aperçu, l′immédiate, délicieuse et totale déflagration du souvenir. Ne comprenant pas bien, sans doute, quelle était sa nature, je m′attristais de penser que ma faculté de sentir et d′imaginer avait dû diminuer pour que je n′éprouvasse pas plus de plaisir dans ces promenades. Gilberte elle-même, qui me comprenait encore moins bien que je ne faisais moi-même, augmentait ma tristesse en partageant mon étonnement. « Comment, cela ne vous fait rien éprouver, me disait-elle, de prendre ce petit raidillon que vous montiez autrefois ? » Et elle-même avait tant changé que je ne la trouvais plus belle, qu′elle ne l′était plus du tout. Tandis que nous marchions, je voyais le pays changer, il fallait gravir des coteaux, puis des pentes s′abaissaient. Nous causions, très agréablement pour moi — non sans difficulté pourtant. En tant d′êtres il y a différentes couches qui ne sont pas pareilles (c′étaient, chez elle, le caractère de son père, le caractère de sa mère) ; on traverse l′une, puis l′autre. Mais le lendemain l′ordre de superposition est renversé. Et finalement on ne sait pas qui départagera les parties, à qui on peut se fier pour la sentence. Gilberte était comme ces pays avec qui on n′ose pas faire d′alliance parce qu′ils changent trop souvent de gouvernement. Mais au fond c′est un tort. La mémoire de l′être le plus successif établit chez lui une sorte d′identité et fait qu′il ne voudrait pas manquer à des promesses qu′il se rappelle, même s′il ne les eût pas contresignées. Quant à l′intelligence elle était, chez Gilberte, avec quelques absurdités de sa mère, très vive. Je me rappelle que dans ces conversations que nous avions en nous promenant elle me dit des choses qui plusieurs fois m′étonnèrent beaucoup. La première fut : « Si vous n′aviez pas trop faim et s′il n′était pas si tard, en prenant ce chemin à gauche et en tournant ensuite à droite, en moins d′un quart d′heure nous serions à Guermantes. » C′est comme si elle m′avait dit : « Tournez à gauche, prenez ensuite à votre main droite, et vous toucherez l′intangible, vous atteindrez les inaccessibles lointains dont on ne connaît jamais sur terre que la direction, que (ce que j′avais cru jadis que je pourrais connaître seulement de Guermantes, et peut-être, en un sens, je ne me trompais pas) le « côté ». Un de mes autres étonnements fut de voir les « Sources de la Vivonne », que je me représentais comme quelque chose d′aussi extra-terrestre que l′Entrée des Enfers, et qui n′étaient qu′une espèce de lavoir carré où montaient des bulles. Et la troisième fois fut quand Gilberte me dit : « Si vous voulez, nous pourrons tout de même sortir un après-midi et nous pourrons aller à Guermantes, en prenant par Méséglise, c′est la plus jolie façon », — phrase qui, en bouleversant toutes les idées de mon enfance, m′apprit que les deux côtés n′étaient pas aussi inconciliables que j′avais cru. Mais ce qui me frappa le plus, ce fut combien peu, pendant ce séjour, je revécus mes années d′autrefois, désirai peu revoir Combray, trouvai mince et laide la Vivonne. Mais où Gilberte vérifia pour moi des imaginations que j′avais eues du côté de Méséglise, ce fut pendant une de ces promenades en somme nocturnes bien qu′elles eussent lieu avant le dîner — mais elle dînait si tard ! Au moment de descendre dans le mystère d′une vallée parfaite et profonde que tapissait le clair de lune, nous nous arrêtâmes un instant, comme deux insectes qui vont s′enfoncer au cœur d′un calice bleuâtre. Gilberte eut alors, peut-être simplement par bonne grâce de maîtresse de maison qui regrette que vous partiez bientôt et qui aurait voulu mieux vous faire les honneurs de ce pays que vous semblez apprécier, de ces paroles où son habileté de femme du monde sachant tirer parti du silence, de la simplicité, de la sobriété dans l′expression des sentiments, vous fait croire que vous tenez dans sa vie une place que personne ne pourrait occuper. Épanchant brusquement sur elle la tendresse dont j′étais rempli par l′air délicieux, la brise qu′on respirait, je lui dis : « Vous parliez l′autre jour du raidillon, comme je vous aimais alors ! » Elle me répondit : « Pourquoi ne me le disiez-vous pas ? je ne m′en étais pas doutée. Moi je vous aimais. Et même deux fois je me suis jetée à votre tête. — Quand donc ? — La première fois à Tansonville, vous vous promeniez avec votre famille, je rentrais, je n′avais jamais vu un aussi joli petit garçon. J′avais l′habitude, ajouta-t-elle d′un air vague et pudique, d′aller jouer avec de petits amis, dans les ruines du donjon de Roussainville. Et vous me direz que j′étais bien mal élevée, car il y avait là dedans des filles et des garçons de tout genre, qui profitaient de l′obscurité. L′enfant de chœur de l′église de Combray, Théodore qui, il faut l′avouer, était bien gentil (Dieu qu′il était bien !) et qui est devenu très laid (il est maintenant pharmacien à Méséglise), s′y amusait avec toutes les petites paysannes du voisinage. Comme on me laissait sortir seule, dès que je pouvais m′échapper j′y courais. Je ne peux pas vous dire comme j′aurais voulu vous y voir venir ; je me rappelle très bien que, n′ayant qu′une minute pour vous faire comprendre ce que je désirais, au risque d′être vue par vos parents et les miens je vous l′ai indiqué d′une façon tellement crue que j′en ai honte maintenant. Mais vous m′avez regardée d′une façon si méchante que j′ai compris que vous ne vouliez pas. » Et tout d′un coup, je me dis que la vraie Gilberte — la vraie Albertine — c′étaient peut-être celles qui s′étaient au premier instant livrées dans leur regard, l′une devant la haie d′épines roses, l′autre sur la plage. Et c′était moi qui, n′ayant pas su le comprendre, ne l′ayant repris que plus tard dans ma mémoire — après un intervalle où par mes conversations tout un entre-deux de sentiment leur avait fait craindre d′être aussi franches que dans les premières minutes — avais tout gâté par ma maladresse. Je les avais « ratées » plus complètement — bien qu′à vrai dire l′échec relatif avec elles fût moins absurde — pour les mêmes raisons que Saint-Loup Rachel.
Por otra parte, no tendría por qué extenderme sobre aquella estancia mía cerca de Combray, y que quizá fue el momento de mi vida en que menos pensé en Combray, a no ser porque, precisamente por esto, encontré allí una comprobación, siquiera provisional, de ciertas ideas que antes tuve sobre Guermantes, y también de otras ideas que tuve sobre Méséglise. Todas las noches reanudaba, en otro sentido, nuestros antiguos paseos a Combray, cuando íbamos todas las tardes por el camino de Méséglise. Ahora comíamos en Tansonville a una hora en que antes, en Combray, llevábamos ya mucho tiempo durmiendo. Y como era la estación estival y, además, porque, después del almuerzo, Gilberta se ponía a pintar en la capilla del castillo, no salíamos de paseo hasta unas dos horas antes de la comida. El deleite de antaño, ver, al regreso, cómo el cielo de púrpura encuadraba el Calvario o se bañaba en el Vivonne, lo sustituía ahora el de salir de noche, cuando ya no encontrábamos en el pueblo más que el triángulo azulado, irregular y movedizo de las ovejas que volvían. En una mitad de los campos se ponía el sol; en la otra alumbraba ya la luna, que no tardaba en bañarlos por entero. Ocurría que Gilberta me dejaba caminar sin ella, y yo me adelantaba, dejando atrás mi sombra, como un barco que sigue navegando a través de las superficies encantadas; generalmente me acompañaba. Estos paseos solían ser mis paseos de niño: ¿cómo no iba a sentir más vivamente aún que antaño camino de Guermantes el sentimiento que nunca sabría escribir, al que se sumaba otro, el de que mi imaginación y mi sensibilidad se habían debilitado, cuando vi la poca curiosidad que me inspiraba Combray? ¡Qué pena comprobar lo poco que revivía mis años de otro tiempo! ¡Qué estrecho y qué feo me parecía el Vivonne junto al camino de sirga! No es que yo notase grandes diferencias materiales en lo que recordaba. Mas, separado de los lugares que atravesaba por toda una vida diferente, no había entre ellos y yo ninguna contigüidad en la que nace, incluso antes de darnos cuenta, la inmediata, deliciosa y total deflagración del recuerdo. Seguramente, sin comprender bien cuál era su naturaleza, me entristecía pensar que mi facultad de sentir y de imaginar debía de haber disminuido, puesto que aquellos paseos ya no me deleitaban. La misma Gilberta, que me comprendía menos aún de lo que me comprendía yo mismo, aumentaba mi tristeza al compartir mi asombro. «Pero ¿no le hace sentir nada -me decía- tomar ese repecho que subía en otro tiempo?» Y ella misma había cambiado tanto que ya no me parecía bella, que no lo era ya en absoluto. Mientras caminábamos, veía cambiar el paisaje, había que subir cuestas, bajar otras. Gilberta y yo hablábamos, muy agradablemente para mí. Pero no sin dificultad. Hay en tantos seres varias capas diferentes: el carácter del padre, el carácter de la madre; atravesamos una, luego la otra. Pero al día siguiente ha cambiado el orden de superposición. Y al final no se sabe quién distribuirá las partes, de quién podemos fiarnos para la sentencia. Gilberta era como esos países con los que otros países no se atreven a aliarse porque cambian demasiado a menudo de gobierno. Pero en el fondo es un error. La memoria del ser más sucesivo establece en él una especie de identidad y le hace no querer faltar a unas promesas que recuerda, aun en el caso de no haberlas firmado. En cuanto a la inteligencia, la de Gilberta, con algunos absurdos de su madre, era muy viva. Pero, y esto no afecta a su valor propio, recuerdo que, en aquellas conversaciones que teníamos en el paseo, varias veces me causó gran extrañeza. Una de ellas, la primera, diciéndome: «Si no tuviera usted mucha hambre y si no fuera tan tarde, tomando ese camino de la izquierda y girando luego a la derecha, en menos de un cuarto de hora estaríamos en Guermantes». Es como si me hubiera dicho: «Tome a la izquierda, después a la derecha, y tocará lo intangible, llegará a las inaccesibles lejanías de las que, en la tierra, no se conoce nunca más que la dirección, que el “hacia”» -lo que yo creí antaño que podría conocer solamente de Guermantes, y quizá, en cierto sentido, no me engañaba-. Otra de mis sorpresas fue ver las «fuentes del Vivonne», que yo me figuraba como algo tan extraterrestre como la Entrada a los Infiernos, y que no era más que una especie de lavadero cuadrado del que salían burbujas. Y la tercera fue cuando Gilberta me dijo: «Si quiere, podremos de todos modos salir un día después de almorzar y podemos ir a Guermantes, yendo por Méséglise, que es el camino más bonito», frase que, trastrocando todas las ideas de mi infancia, me enseñó que uno y otro camino no eran tan inconciliables como yo creía. Pero lo que más me chocó fue lo poco que, en aquella temporada, reviví mis años de otro tiempo, lo poco que deseaba volver a ver Combray, lo estrecho y feo que me pareció el Vivonne. Mas cuando Gilberta comprobó para mí algunas figuraciones mías del camino de Méséglise, fue en uno de aquellos paseos, nocturnos al fin aunque fuesen antes de la comida -¡pero ella comía tan tarde!-. Al bajar al misterio de un valle perfecto y profundo tapizado por la luz de la luna, nos detuvimos un instante, como dos insectos que van a clavarse en el corazón de un cáliz azulado. Gilberta, quizá simplemente por una fina atención de ama de casa que lamenta nuestra próxima partida y que hubiera querido hacernos mejor los honores de esa región que parecemos apreciar, tuvo entonces una de esas palabras con las que su habilidad de mujer de mundo sabe sacar partido del silencio, de la sencillez, de la sobriedad en la expresión del sentimiento, haciéndonos creer que ocupamos en su vida un lugar que ninguna otra persona podría ocupar. Derramando bruscamente hacia ella la ternura que me embargaba por el aire delicioso, por la brisa que se respiraba, le dije: -El otro día hablaba usted del repecho. ¡Cómo la amaba entonces! Me contestó: -¿Por qué no me lo decía? Yo no me lo figuraba. Yo le amaba. Y hasta por dos veces me insinué a usted. ¿Cuándo? -La primera vez en Tansonville. Iba usted de paseo con su familia, yo volvía; nunca había visto un mocito tan guapo. Tenía la costumbre -añadió en un tono vago y púdicode ir a jugar con unos amiguitos en las ruinas de la torre de Roussainville. Y dirá usted que yo estaba muy mal educada, pues había allí chicas y chicos de todo género que se aprovechaban de la oscuridad. El monaguillo de la iglesia de Combray, Teodoro, que hay que reconocer que era muy simpático (¡qué bien estaba!) y que se ha vuelto muy feo (ahora está de farmacéutico en Méséglise), se divertía con todas las aldeanitas de las cercanías. Como me dejaban salir sola, en cuanto podía me escapaba corriendo. Cuánto me hubiera gustado verle llegar a usted; recuerdo muy bien que, como no disponía más que de un minuto para hacerle comprender lo que deseaba, exponiéndome a que me vieran sus padres y los míos, se lo indiqué de una manera tan cruda que ahora me da vergüenza. Pero usted me miró de tan mala manera que comprendí que no quería. De pronto pensé que la verdadera Gilberta, la verdadera Albertina, eran quizá las que se entregaron en el primer momento en su mirada, una delante del seto de espinos rosa, la otra en la playa. Y fui yo el que, sin comprenderlo, sin haberlo revivido hasta más tarde en mi memoria, después de un intervalo en el que, por mis conversaciones, toda una distanciación de sentimiento les hizo temer ser tan francas como en el primer momento, lo estropeé todo con mi torpeza. Las «fallé» más completamente -aunque, en realidad, el relativo fracaso con ellas fuera menos absurdo- por las mismas razones que Saint-Loup a Raquel.
« Et la seconde fois, reprit Gilberte, c′est, bien des années après, quand je vous ai rencontré sous votre porte, l′avant-veille du jour où je vous ai retrouvé chez ma tante Oriane ; je ne vous ai pas reconnu tout de suite, ou plutôt je vous reconnaissais sans le savoir puisque j′avais la même envie qu′à Tansonville. — Dans l′intervalle il y avait eu pourtant les Champs-Élysées. — Oui, mais là vous m′aimiez trop, je sentais une inquisition sur tout ce que je faisais. » Je ne lui demandai pas alors quel était ce jeune homme avec lequel elle descendait l′avenue des Champs-Élysées, le jour où j′étais parti pour la revoir, où je me fusse réconcilié avec elle pendant qu′il en était temps encore, ce jour qui aurait peut-être changé toute ma vie si je n′avais rencontré les deux ombres s′avançant côte à côte dans le crépuscule. Si je le lui avais demandé, me dis-je, elle m′eût peut-être avoué la vérité, comme Albertine si elle eût ressuscité. Et en effet, les femmes qu′on n′aime plus et qu′on rencontre après des années, n′y a-t-il pas entre elles et vous la mort, tout aussi bien que si elles n′étaient plus de ce monde, puisque le fait que notre amour n′existe plus fait de celles qu′elles étaient alors, ou de celui que nous étions, des morts ? Je pensai que peut-être aussi elle ne se fût pas rappelé, ou eût menti. En tout cas cela n′offrait pas d′intérêt pour moi de le savoir, parce que mon cœur avait encore plus changé que le visage de Gilberte. Celui-ci ne me plaisait plus guère, mais surtout je n′étais plus malheureux, je n′aurais pas pu concevoir, si j′y eusse repensé, que j′eusse pu l′être autant de rencontrer Gilberte marchant à petits pas à côté d′un jeune homme, et de me dire : « C′est fini, je renonce à jamais la voir. » De l′état d′âme qui, cette lointaine année-là, n′avait été pour moi qu′une longue torture rien ne subsistait. Car il y a dans ce monde où tout s′use, où tout périt, une chose qui tombe en ruines, qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la Beauté : c′est le Chagrin.
Y la segunda vez -prosiguió Gilberta- fue, muchos años después, cuando le encontré en su puerta, el día que le volví a ver en casa de mi tía Oriana; no le reconocí en el primer momento, o más bien le reconocía sin saberlo, porque tenía la misma gana que en Tansonville. Pero en el intervalo hubo los Champs-Elysées. Sí, pero entonces me quería usted demasiado, yo sentía una inquisición en todo lo que hacía. No pensé en preguntarle quién era aquel muchacho con el que bajaba por la avenida de los Champs-Elysées el día en que fui por volverla a ver, el día en que me habría reconciliado con ella cuando todavía era tiempo, aquel día que habría podido cambiar toda mi vida si no me hubiera encontrado con las dos sombras que caminaban juntas en el crepúsculo. Si se lo hubiera preguntado, quizá me habría dicho la verdad, como Albertina si hubiera resucitado. Y, en efecto, cuando, pasados los años, encontramos a las mujeres a las que ya no amamos, ¿no está la muerte entre ellas y nosotros, lo mismo que si ya no fueran de este mundo porque el hecho de que nuestro amor no exista ya convierte en muertos a las que eran entonces o al que éramos nosotros? También podía ocurrir que no se acordara o que mintiera. En todo caso, saberlo ya no me interesaba, porque mi corazón había cambiado más aún que la cara de Gilberta. Esta cara ya no me gustaba mucho, pero, sobre todo, ya no me haría sufrir, ya no podría concebir, si hubiera vuelto a pensar en ello, que hubiera podido hacerme sufrir tanto encontrar a Gilberta caminando despacio junto a un muchacho, pensando: «Se acabó, renuncio para siempre a verla». Del estado de mi alma, que, aquel lejano año, no había sido para mí más que una larga tortura, no quedaba nada. Pues en este mundo donde todo se gasta, donde todo perece, hay una cosa que cae en ruinas, que se destruye más completamente todavía, dejando aún menos vestigios que la Belleza: es el Dolor.
Je ne suis donc pas surpris de ne pas lui avoir demandé alors avec qui elle descendait les Champs-Élysées, car j′ai déjà vu trop d′exemples de cette incuriosité amenée par le temps, mais je le suis un peu de ne pas avoir raconté à Gilberte qu′avant de la rencontrer ce jour-là, j′avais vendu une potiche de vieux Chine pour lui acheter des fleurs.
Ç′avait été, en effet, pendant les temps si tristes qui avaient suivi, ma seule consolation de penser qu′un jour je pourrais sans danger lui conter cette intention si tendre. Plus d′une année après, si je voyais qu′une voiture allait heurter la mienne, ma seule envie de ne pas mourir était pour pouvoir raconter cela à Gilberte. Je me consolais en me disant : « Ne nous pressons pas, j′ai toute la vie devant moi pour cela. » Et à cause de cela je désirais ne pas perdre la vie. Maintenant cela m′aurait paru peu agréable à dire, presque ridicule, et « entraînant ». « D′ailleurs, continua Gilberte, même le jour où je vous ai rencontré sous votre porte, vous étiez resté tellement le même qu′à Combray, si vous saviez comme vous aviez peu changé ! » Je revis Gilberte dans ma mémoire. J′aurais pu dessiner le quadrilatère de lumière que le soleil faisait sous les aubépines, la bêche que la petite fille tenait à la main, le long regard qui s′attacha à moi. Seulement j′avais cru, à cause du geste grossier dont il était accompagné, que c′était un regard de mépris parce que ce que je souhaitais me paraissait quelque chose que les petites filles ne connaissaient pas, et ne faisaient que dans mon imagination, pendant mes heures de désir solitaire. Encore moins aurais-je cru que si aisément, si rapidement, presque sous les yeux de mon grand-père, l′une d′entre elles eût eu l′audace de le figurer.
Pero, si bien no me sorprende no haberle preguntado entonces con quién bajaba por los Champs-Elysées, pues había visto ya demasiados ejemplos de esta misma falta de curiosidad que el Tiempo trae, en cambio me sorprende un poco no haber contado a Gilberta que, antes de encontrarla aquel día, había vendido un jarrón chino antiguo para comprarle flores1. Pues en aquellos tiempos tan tristes que siguieron a aquel encuentro, mi único consuelo fue pensar que algún día podría contarle sin peligro aquella intención tan tierna. Pasado más de un año, si veía que un coche iba a chocar con el mío, mi única preocupación era morir sin contar aquello a Gilberta. Me consolaba pensando: «No hay prisa, tengo por delante toda la vida para ello». Y por esto deseaba no perder la vida. Ahora esto me habría parecido poco agradable de decir, casi ridículo, y «comprometedor». Además -continuó Gilberta-, incluso el día que le encontré en su puerta, ¡seguía tan igual que en Combray, si supiera usted qué poco había cambiado! Volví a ver a Gilberta en mi memoria. Hubiera podido dibujar el cuadrilátero de luz que el sol trazaba bajo los majuelos, la laya que la muchachita llevaba en la mano, la larga mirada que posó en mí. Sólo que yo creí, por el gesto grosero que la acompañó, que era una mirada de desprecio, porque lo que yo deseaba me parecía una cosa que las muchachitas no conocían y no hacían más que en mi imaginación, durante mis horas de deseo solitario. Menos aún habría creído que, tan fácilmente, tan rápidamente, casi ante los ojos de mi abuelo, una de ellas tuviera la audacia de hacer aquel gesto.
Bien longtemps après cette conversation, je demandai à Gilberte avec qui elle se promenait avenue des Champs-Élysées, le soir où j′avais vendu les potiches : c′était Léa habillée en homme. Gilberte savait qu′elle connaissait Albertine, mais ne pouvait dire plus. Ainsi certaines personnes se retrouvent toujours dans notre vie pour préparer nos plaisirs ou nos douleurs.
Â…
Je ne suis donc pas surpris de ne pas lui avoir demandé alors avec qui elle descendait les Champs-Élysées, car j′ai déjà vu trop d′exemples de cette incuriosité amenée par le temps, mais je le suis un peu de ne pas avoir raconté à Gilberte qu′avant de la rencontrer ce jour-là, j′avais vendu une potiche de vieux Chine pour lui acheter des fleurs.
Ç′avait été, en effet, pendant les temps si tristes qui avaient suivi, ma seule consolation de penser qu′un jour je pourrais sans danger lui conter cette intention si tendre. Plus d′une année après, si je voyais qu′une voiture allait heurter la mienne, ma seule envie de ne pas mourir était pour pouvoir raconter cela à Gilberte. Je me consolais en me disant : « Ne nous pressons pas, j′ai toute la vie devant moi pour cela. » Et à cause de cela je désirais ne pas perdre la vie. Maintenant cela m′aurait paru peu agréable à dire, presque ridicule, et « entraînant ». D′ailleurs, continua Gilberte, même le jour où je vous ai rencontré sous votre porte, vous étiez resté tellement le même qu′à Combray, si vous saviez comme vous aviez peu changé ! » Je revis Gilberte dans ma mémoire. J′aurais pu dessiner le quadrilatère de lumière que le soleil faisait sous les aubépines, la bêche que la petite fille tenait à la main, le long regard qui s′attacha à moi. Seulement j′avais cru, à cause du geste grossier dont il était accompagné, que c′était un regard de mépris parce que ce que je souhaitais me paraissait quelque chose que les petites filles ne connaissaient pas, et ne faisaient que dans mon imagination, pendant mes heures de désir solitaire. Encore moins aurais-je cru que si aisément, si rapidement, presque sous les yeux de mon grand-père, l′une d′entre elles eût eu l′audace de le figurer.
Â…
Bien longtemps après cette conversation, je demandai à Gilberte avec qui elle se promenait avenue des Champs-Élysées, le soir où j′avais vendu les potiches : c′était Léa habillée en homme. Gilberte savait qu′elle connaissait Albertine, mais ne pouvait dire plus. Ainsi certaines personnes se retrouvent toujours dans notre vie pour préparer nos plaisirs ou nos douleurs.
No le pregunté con quién iba de paseo por la avenida de los Champs-Elysées el día en que vendí los jarrones chinosÂ…
Ce qu′il y avait eu de réel sous l′apparence d′alors m′était devenu tout à fait égal. Et pourtant, combien de jours et de nuits n′avais-je pas souffert à me demander qui c′était, n′avais-je pas dû, en y pensant, réprimer les battements de mon cœur plus encore peut-être que pour ne pas retourner dire bonsoir jadis à maman dans ce même Combray. On dit, et c′est ce qui explique l′affaiblissement progressif de certaines affections nerveuses, que notre système nerveux vieillit. Cela n′est pas vrai seulement pour notre moi permanent, qui se prolonge pendant toute la durée de notre vie, mais pour tous nos moi successifs qui, en somme, le composent en partie.
Lo que hubiera de real bajo la apariencia de entonces había llegado a serme por completo indiferente. Y, sin embargo, ¡cuántos días y cuántas noches sufrí preguntándome quién sería, cuántas veces tuve que reprimir el palpitar del corazón quizá más aún que cuando no volví a dar las buenas noches a mamá en aquel mismo Combray! Dicen, y esto explica la progresiva atenuación de ciertas afecciones nerviosas, que nuestro sistema nervioso envejece. Esto no es sólo cierto en cuanto a nuestro yo permanente, que se prolonga tanto como dura nuestra vida, sino en cuanto a todos nuestros yos sucesivos, que, en suma, le componen en parte.
Aussi me fallait-il, à tant d′années de distance, faire subir une retouche à une image que je me rappelais si bien, opération qui me rendit assez heureux en me montrant que l′abîme infranchissable que j′avais cru alors exister entre moi et un certain genre de petites filles aux cheveux dorés était aussi imaginaire que l′abîme de Pascal, et que je trouvai poétique à cause de la longue série d′années au fond de laquelle il me fallut l′accomplir. J′eus un sursaut de désir et de regret en pensant aux souterrains de Roussainville. Pourtant j′étais heureux de me dire que ce bonheur vers lequel se tendaient toutes mes forces alors, et que rien ne pouvait plus me rendre, eût existé ailleurs que dans ma pensée, en réalité si près de moi, dans ce Roussainville dont je parlais si souvent, que j′apercevais du cabinet sentant l′iris. Et je n′avais rien su ! En somme, elle résumait tout ce que j′avais désiré dans mes promenades, jusqu′à ne pas pouvoir me décider à rentrer, croyant voir s′entr′ouvrir, s′animer les arbres. Ce que je souhaitais si fiévreusement alors, elle avait failli, si j′eusse seulement su le comprendre et la retrouver, me le faire goûter dès mon adolescence. Plus complètement encore que je n′avais cru, Gilberte était à cette époque-là vraiment du côté de Méséglise.
Por eso, a tantos años de distancia, tuve que retocar una imagen que recordaba tan bien, operación que me hizo bastante feliz demostrándome que el infranqueable abismo que entonces creía existir entre mí y cierta clase de muchachitas de dorada cabellera era tan imaginario como el abismo de Paspal, y que me pareció poético por los muchos años en el fondo de los cuales había que realizarlo. Tuve un sobresalto de deseo y de añoranza pensando en los subterráneos de Roussainville. Pero me alegraba pensar que aquella felicidad hacia la que tendían entonces todas mis fuerzas, y que ya nada podía devolverme, hubiera existido fuera de mi pensamiento, en realidad tan cerca de mí, en aquel Roussainville del que yo hablaba tan a menudo, que veía desde el gabinete que olía a lirios. ¡Y yo no sabía nada! En suma, resumía todo lo que deseé en mis paseos hasta no poder decidirme a volver a casa, pareciéndome ver que los árboles se entreabrían, se animaban. Lo que entonces deseaba tan febrilmente, ella estuvo a punto de hacérmelo gustar en mi adolescencia, a poco que yo hubiera sabido comprenderlo y conquistarlo. En aquel tiempo Gilberta estaba verdaderamente de la parte de Méséglise más aún de lo que yo creyera.
Et même ce jour où je l′avais rencontrée sous une porte, bien qu′elle ne fût pas Mlle de l′Orgeville, celle que Robert avait connue dans les maisons de passe (et quelle drôle de chose que ce fût précisément à son futur mari que j′en eusse demandé l′éclaircissement !), je ne m′étais pas tout à fait trompé sur la signification de son regard, ni sur l′espèce de femme qu′elle était et m′avouait maintenant avoir été. « Tout cela est bien loin, me dit-elle, je n′ai jamais plus songé qu′à Robert depuis le jour où je lui ai été fiancée. Et, voyez-vous, ce n′est même pas ce caprice d′enfant que je me reproche le plus. »
E incluso aquel día en que la encontré bajo una puerta, aunque no fuera mademoiselle de l′Orgeville, la que Roberto había conocido en las casas de citas (¡y qué casualidad que fuese precisamente su futuro marido a quien yo le pidiera que me lo explicara!), no me había equivocado por completo sobre el significado de su mirada, ni sobre la clase de mujer que era y que ahora me confesaba haber sido. «Todo eso queda muy lejos -me dijo- ; desde que me prometí con Roberto, ya no he pensado nunca en nadie más que en él. Y le diré que ni siquiera son esos caprichos de niña lo que más me reprocho.»
Toute la journée, dans cette demeure de Tansonville un peu trop campagne, qui n′avait l′air que d′un lieu de sieste en tre deux promenades ou pendant l′averse, une de ces demeures où chaque salon a l′air d′un cabinet de verdure, et où sur la tenture des chambres, les roses du jardin dans l′une, les oiseaux des arbres dans l′autre, vous ont rejoints et vous tiennent compagnie — isolés du moins — car c′étaient de vieilles tentures où chaque rose était assez séparée pour qu′on eût pu, s elle avait été vivante, la cueillir, chaque oiseau le mettre en cage et l′apprivoiser, sans rien de ces grandes décorations des chambres d′aujourd′hui où, sur un fond d′argent, tous les pommiers de Normandie sont venus se profiler en style japonais, pour halluciner les heures que vous passez au lit, toute la journée je la passais dans ma chambre qui donnait sur les belles verdures du parc et les lilas de l′entrée, sur les feuilles vertes des grands arbres au bord de l′eau, étincelants de soleil, et sur la forêt de Méséglise. Je ne regardais, en somme, tout cela avec plaisir que parce que je me disais : c′est joli d′avoir tant de verdure dans la fenêtre de ma chambre, jusqu′au moment où dans le vaste tableau verdoyant je reconnus, peint lui au contraire en bleu sombre, simplement parce qu′il était plus loin, le clocher de l′église de Combray, non pas une figuration de ce clocher, ce clocher lui-même qui, mettant ainsi sous mes yeux la distance des lieues et des années, était venu, au milieu de la lumineuse verdure et d′un tout autre ton, si sombre qu′il paraissait presque seulement dessiné, s′inscrire dans le carreau de ma fenêtre. Et si je sortais un moment de ma chambre, au bout du couloir j′apercevais, parce qu′il était orienté autrement, comme une bande d′écarlate, la tenture d′un petit salon qui n′était qu′une simple mousseline mais rouge, et prête à s′incendier si un rayon de soleil y donnait.
En aquella morada un poco demasiado campestre, que parecía sólo un lugar de siesta entre dos paseos o un refugio contra un chaparrón, una de esas moradas en las que cada salón parece un gabinete de verdor y donde en el empapelado de las habitaciones, las rosas del jardín en una, los pájaros de los árboles en otra, nos han seguido y nos acompañan, aislados del mundo -pues eran viejos papeles en los; que cada rosa estaba lo bastante separada como para cogerla, si estuviera viva, cada pájaro para enjaularlo y domesticarlo, sin nada de esas grandes decoraciones de las estancias de hoy donde todos los manzanos de Normandía se perfilan, sobre un fondo de plata, en estilo japonés para alucinar las horas que pasamos en la cama-, yo pasaba todo el día en mi cuarto, que daba a los bellos follajes del parque y a las lilas de la entrada, a las hojas verdes de los grandes árboles a la orilla del agua, resplandecientes de sol, y al bosque de Méséglise. En realidad, si yo miraba todo aquello con deleite, era porque me decía: «Es bonito tener tanto verde en la ventana de mi cuarto», hasta el momento en que, en el gran cuadro verdeante, reconocí el campanario de la iglesia de Combray, pintado éste de azul oscuro, simplemente porque estaba más lejos. No una figuración de este campanario, del campanario mismo, que, poniendo así ante mis ojos la distancia de las leguas y de los años, había venido, en medio del luminoso verdor y de un tono muy diferente, tan oscuro que parecía solamente dibujado, a inscribirse en el cristal de mi ventana. Y si salía un momento de mi cuarto, al final del pasillo veía, porque estaba orientado de otro modo, como una banda de escarlata, la tapicería de un pequeño salón que era una simple muselina, pero roja, y dispuesta a incendiarse si le daba un rayo de sol.
Pendant nos promenades, Gilberte me parlait de Robert comme se détournant d′elle, mais pour aller auprès d′autres femmes. Et il est vrai que beaucoup encombraient sa vie, et, comme certaines camaraderies masculines pour les hommes qui aiment les femmes, avec ce caractère de défense inutilement faite et de place vainement usurpée qu′ont dans la plupart des maisons les objets qui ne peuvent servir à rien.
En aquellos paseos, Gilberta me hablaba de Roberto como apartándose de ella, mas para irse con otras mujeres. Y es verdad que había muchas en su vida, y, como ciertas camaraderías masculinas en los hombres mujeriegos, con ese carácter de defensa inútil y de lugar vanamente usurpado que tienen en la mayor parte de las casas los objetos que no pueden servir para nada.
Une fois, que j′avais quitté Gilberte assez tôt, je m′éveillai au milieu de la nuit dans la chambre de Tansonville, et encore à demi endormi j′appelai : «Â Albertine ». Ce n′était pas que j′eusse pensé à elle, ni rêvé d′elle, ni que je la prisse pour Gilberte.
Una vez que dejé a Gilberta bastante temprano, me desperté a media noche en el cuarto de Tansonville, y todavía medio dormido llamé: «Albertina». No es que estuviera pensando en ella, ni soñando con ella, ni que la confundiese con Gilberta:
Ma mémoire avait perdu l′amour d′Albertine, mais il semble qu′il y ait une mémoire involontaire des membres, pâle et stérile imitation de l′autre, qui vive plus longtemps comme certains animaux ou végétaux inintelligents vivent plus longtemps que l′homme. Les jambes, les bras sont pleins de souvenirs engourdis.
Â…
Une réminiscence éclose en mon bras m′avait fait chercher derrière mon dos la sonnette, comme dans ma chambre de Paris. Et ne la trouvant pas, j′avais appelé : «Â Albertine », croyant que mon amie défunte était couchée auprès de moi, comme elle faisait souvent le soir, et que nous nous endormions ensemble, comptant, au réveil, sur le temps qu′il faudrait à Françoise avant d′arriver, pour qu′Albertine pût sans imprudence tirer la sonnette que je ne trouvais pas
es que una reminiscencia enclavada en mi brazo mehizo buscar detrás de mí la campanilla, como en mi cuarto de París. Y, al no encontrarla, llamé: «Albertina», creyendo que mi amiga difunta estaba acostada al lado mío, como solía ocurrir por la noche, y que dormíamos juntos, calculando, al despertar, el tiempo que tardaría Francisca en llegar, para que Albertina pudiera, sin imprudencia, tirar de la campanilla que yo no encontraba.
Robert vint plusieurs fois à Tansonville pendant que j′y étais. Il était bien différent de ce que je l′avais connu. Sa vie ne l′avait pas épaissi, comme M. de Charlus, tout au contraire, mais, opérant en lui un changement inverse, lui avait donné l′aspect désinvolte d′un officier de cavalerie — et bien qu′il eût donné sa démission au moment de son mariage — à un point qu′il n′avait jamais eu. Au fur et à mesure que M. de Charlus s′était alourdi, Robert (et sans doute il était infiniment plus jeune, mais on sentait qu′il ne ferait que se rapprocher davantage de cet idéal avec l′âge), comme certaines femmes qui sacrifient résolument leur visage à leur taille et à partir d′un certain moment ne quittent plus Marienbad (pensant que, ne pouvant espérer garder à la fois plusieurs jeunesses, c′est encore celle de la tournure qui sera la plus capable de représenter les autres), était devenu plus élancé, plus rapide, effet contraire d′un même vice. Cette vélocité avait d′ailleurs diverses raisons psychologiques, la crainte d′être vu, le désir de ne pas sembler avoir cette crainte, la fébrilité qui naît du mécontentement de soi et de l′ennui. Il avait l′habitude d′aller dans certains mauvais lieux, et, comme il aimait qu′on ne le vît ni y entrer, ni en sortir, il s′engouffrait pour offrir aux regards malveillants des passants hypothétiques le moins de surface possible, comme on monte à l′assaut. Et cette allure de coup de vent lui était restée. Peut-être aussi schématisait-elle l′intrépidité apparente de quelqu′un qui veut montrer qu′il n′a pas peur et ne veut pas se donner le temps de penser.
Roberto fue varias veces a Tansonville mientras yo estaba allí. Era muy diferente de como yo le había conocido. Su vida no le había engordado, no le había hecho lento como a monsieur de Charlus, al contrario: operando en él un cambio inverso, le dio el aspecto desenvuelto de un oficial de caballería -aunque presentó la dimisión cuando se casóhasta un punto que nunca había tenido. A medida que monsieur de Charlus fue engordando, Roberto (claro que era mucho más joven, pero se notaba que, con la edad, se iría acercando más a este ideal), como ciertas mujeres que sacrifican resueltamente su cara a su tipo y, a partir de cierto momento, no salen de Marienbad (pensando que, ya que no pueden conservar a la vez varias juventudes, es la del tipo la que podrá representar mejor a las otras), se había vuelto más esbelto, más rápido, efecto contrario de un mismo vicio. Por otra parte, esta velocidad tenía diversas razones psicológicas: el temor de que le vieran, el deseo de que no se le notara este temor, la febrilidad que produce el descontento de sí mismo y el aburrimiento. Tenía la costumbre de ir a ciertos lugares de mala nota donde, como quería que no le vieran entrar ni salir, se colaba para ofrecer a las miradas malintencionadas de los transeúntes hipotéticos la menor superficie posible, como quien se lanza al asalto. Y le había quedado este movimiento de vendaval. Quizá también esquematizaba así la intrepidez aparente de quien quiere demostrar que no tiene miedo y no quiere tomarse tiempo para pensar.
Pour être complet il faudrait faire entrer en ligne de compte le désir, plus il vieillissait, de paraître jeune, et même l′impatience de ces hommes, toujours ennuyés, toujours blasés, que sont les gens trop intelligents pour la vie relativement oisive qu′ils mènent et où leurs facultés ne se réalisent pas. Sans doute l′oisiveté même de ceux-là peut se traduire par de la nonchalance. Mais, surtout depuis la faveur dont jouissent les exercices physiques, l′oisiveté a pris une forme sportive, même en dehors des heures de sport et qui se traduit par une vivacité fébrile qui croit ne pas laisser à l′ennui le temps ni la place de se développer.
Para ser completo, habría que tener en cuenta el deseo, cuanto más envejecía, de parecer joven, y hasta la impaciencia de esos hombres siempre aburridos, siempre hastiados, que son las personas demasiado inteligentes para la vida relativamente ociosa que llevan y en la que no se realizan sus facultades. Desde luego, la ociosidad misma de estos hombres se puede traducir en indolencia. Pero, sobre todo, desde el favor de que gozan los ejercicios físicos, la ociosidad ha tomado una forma deportiva, aun fuera de las horas de deporte, y que se traduce ya no en indolencia, sino en una vivacidad febril que cree no dar tiempo ni lugar al aburrimiento para desarrollarse.
Devenant beaucoup plus sec, il ne faisait presque plus preuve vis-à-vis de ses amis, par exemple vis-à-vis de moi, d′aucune sensibilité. Et en revanche il avait avec Gilberte des affectations de sensibleries poussées jusqu′à la comédie, qui déplaisaient. Ce n′est pas qu′en réalité Gilberte lui fût indifférente. Non, Robert l′aimait. Mais il lui mentait tout le temps, et son esprit de duplicité, sinon le fond même de ses mensonges, était perpétuellement découvert. Et alors il ne croyait pouvoir s′en tirer qu′en exagérant dans des proportions ridicules la tristesse réelle qu′il avait de peiner Gilberte. Il arrivait à Tansonville obligé, disait-il, de repartir le lendemain matin pour une affaire avec un certain Monsieur du pays qui était censé l′attendre à Paris et qui, précisément rencontré dans la soirée près de Combray, dévoilait involontairement le mensonge au courant duquel Robert avait négligé de le mettre, en disant qu′il était venu dans le pays se reposer pour un mois et ne retournerait pas à Paris d′ici là. Robert rougissait, voyait le sourire mélancolique et fin de Gilberte, se dépêtrait — en l′insultant — du gaffeur, rentrait avant sa femme, lui faisait remettre un mot désespéré où il lui disait qu′il avait fait un mensonge pour ne pas lui faire de peine, pour qu′en le voyant repartir pour une raison qu′il ne pouvait pas lui dire elle ne crût pas qu′il ne l′aimait pas (et tout cela, bien qu′il l′écrivît comme un mensonge, était en somme vrai), puis faisait demander s′il pouvait entrer chez elle et là, moitié tristesse réelle, moitié énervement de cette vie, moitié simulation chaque jour plus audacieuse, sanglotait, s′inondait d′eau froide, parlait de sa mort prochaine, quelquefois s′abattait sur le parquet comme s′il se fût trouvé mal. Gilberte ne savait pas dans quelle mesure elle devait le croire, le supposait menteur à chaque cas particulier, et s′inquiétait de ce pressentiment d′une mort prochaine, mais pensait que d′une façon générale elle était aimée, qu′il avait peut-être une maladie qu′elle ne savait pas, et n′osait pas à cause de cela le contrarier et lui demander de renoncer à ses voyages. Je comprenais, du reste, d′autant moins pourquoi il se faisait que Morel fût reçu comme l′enfant de la maison partout où étaient les Saint-Loup, à Paris, à Tansonville.
Como cada día se iba haciendo mucho más seco -al menos en esta fase desagradable-, ya trataba a sus amigos, por ejemplo a mí, casi sin la menor sensibilidad. Y, en cambio, afectaba con Gilberta unas sensiblerías llevadas hasta la comedia y que resultaban enojosas. En realidad, no es que Gilberta le fuera indiferente. No, Roberto la amaba. Pero le mentía continuamente, y continuamente se descubría su espíritu de duplicidad, si no el fondo mismo de sus mentiras; y entonces creía que sólo podía salir del paso exagerando en proporciones ridículas la tristeza, verdadera, que le causaba apenar a Gilberta. Llegaba a Tansonville y, según decía, tenía que volver a la mañana siguiente por un asunto con cierto señor de la región que le esperaba en París; precisamente aquella noche se encontraba al tal señor cerca de Combray e involuntariamente descubría la mentira, porque Roberto no se había cuidado de advertirle, diciendo que había venido al país a descansar un mes, durante el cual no pensaba volver a París. Roberto se sonrojaba, veía la sonrisa melancólica y sutil de Gilberta, se desahogaba insultando al que le había puesto en evidencia, volvía a casa antes que su mujer, le mandaba unas letras desesperadas diciéndole que había dicho aquella mentira por no disgustarla, para que, al verle marcharse por una causa que no podía decirle, no creyera que no la amaba (y todo esto, aunque lo escribiera como una mentira, era en el fondo verdad), después mandaba a preguntarle si podía entrar en su cuarto y allí, en parte por verdadera tristeza, en parte por desgaste nervioso de aquella vida, en parte por simulación más audaz cada día, sollozaba, se mojaba la cara con agua fría, hablaba de su muerte próxima, a veces se derrumbaba sobre el suelo como si se desmayara. Gilberta no sabía hasta qué punto debía creerle, pensaba que mentía en cada caso particular, pero que, en general, la amaba, y la preocupaba aquel presentimiento de una muerte próxima, pensando que quizá tenía una enfermedad que ella ignoraba, y no se atrevía a contrariarle y a pedirle que renunciara a sus viajes. Yo, por mi parte, tampoco comprendía por qué Roberto hacía que recibieran a Morel como hijo de la casa con Bergotte dondequiera que estuviesen los Saint-Loup, en París, en Tansonville.
Françoise, qui avait déjà vu tout ce que M. de Charlus avait fait pour Jupien et tout ce que Robert de Saint-Loup faisait pour Morel, n′en concluait pas que c′était un trait qui reparaissait à certaines générations chez les Guermantes, mais plutôt — comme Legrandin aidait beaucoup Théodore — elle avait fini, elle personne si morale et si pleine de préjugés, par croire que c′était une coutume que son universalité rendait respectable. Elle disait toujours d′un jeune homme, que ce fût Morel ou Théodore : «Â Il a trouvé un Monsieur qui s′est toujours intéressé à lui et qui lui a bien aidé. » Et comme en pareil cas les protecteurs sont ceux qui aiment, qui souffrent, qui pardonnent, Françoise, entre eux et les mineurs qu′ils détournaient, n′hésitait pas à leur donner le beau rôle, à leur trouver «Â bien du cœur ».
Francisca, que había visto ya todo lo que monsieur de Charlus hiciera por Jupien y todo lo que Roberto de Saint-Loup hacía por Morel, no sacaba la conclusión de que era un rasgo que reaparecía en ciertas generaciones de los Guermantes, sino que más bien -como Legrandin ayudaba mucho a Teodoro- acabó por creer -ella, una persona tan moral y tan llena de prejuicios- que era una costumbre ya respetable por su universalidad. Decía siempre de un joven, fuese Morel o Teodoro: «Ha encontrado un señor que se ha tomado mucho interés por él y le ha ayudado mucho». Y como en estos casos los protectores son los que aman, los que sufren, los que perdonan, Francisca, entre ellos y los menores a los que corrompían, no vacilaba en asignar a los primeros el papel noble, en encontrarlos muy buen corazón».
Elle blâmait sans hésiter Théodore qui avait joué bien des tours à Legrandin, et semblait pourtant ne pouvoir guère avoir de doutes sur la nature de leurs relations, car elle ajoutait : «Â Alors le petit a compris qu′il fallait y mettre du sien et y a dit : «Â Prenez-moi avec vous, je vous aimerai bien, je vous cajolerai bien », et ma foi ce Monsieur a tant de cœur que bien sûr que Théodore est sûr de trouver près de lui peut-être bien plus qu′il ne mérite, car c′est une tête brûlée, mais ce Monsieur est si bon que j′ai souvent dit à Jeannette (la fiancée de Théodore) : Petite, si jamais vous êtes dans la peine, allez vers ce Monsieur. Il coucherait plutôt par terre et vous donnerait son lit. Il a trop aimé le petit Théodore pour le mettre dehors, bien sûr qu′il ne l′abandonnera jamais. »
Censuraba rotundamente a Teodoro, que le había hecho muchas jugarretas a Legrandin, y esto sin abrigar, al parecer, casi ninguna duda sobre la clase de sus relaciones, pues añadía: «Bueno, el chiquillo ha comprendido que tenía que poner algo de su parte y ha dicho: “Ande, lléveme con usted, le querré mucho, le mimaré”, y, claro, ese señor tiene tan buen corazón que Teodoro está seguro de encontrar a su lado quizá mucho más de lo que merece, pues es un loco, pero ese señor es tan bueno que yo le he dicho muchas veces a Juanita -la novia de Teodoro-: “Mira, hija, si alguna vez te ves en un apuro, ve a ver a ese señor. Sería capaz de dormir en el suelo para dejarte su cama. Ha querido demasiado al chiquito -Teodoro- para echarle a la calle. Seguro que no le abandonará nunca”».
De même estimait-elle plus Saint-Loup que Morel et jugeait-elle que, malgré tous les coups que Morel avait faits, le marquis ne le laisserait jamais dans la peine, car c′est un homme qui avait trop de cœur, ou alors il faudrait qu′il lui soit arrivé à lui-même de grands revers.
De la misma manera, estimaba más a Saint-Loup que a Morel y pensaba que, a pesar de todas las malas pasadas que había hecho el chiquito -Morel-, el marqués no le dejaría nunca en apuros, pues es un hombre de muchísimo corazón, a no ser que él mismo sufriera grandes reveses.
C′est au cours d′un de ces entretiens, qu′ayant demandé le nom de famille de Théodore, qui vivait maintenant dans le Midi, je compris brusquement que c′était lui qui m′avait écrit pour mon article du Figaro cette lettre, d′une écriture populaire et d′un langage charmant, dont le nom du signataire m′était alors inconnu.
Â…
Saint-Loup insistait pour que je restasse à Tansonville et laissa échapper une fois, bien qu′il ne cherchât visiblement plus à me faire plaisir, que ma venue avait été pour sa femme une joie telle qu′elle en était restée, à ce qu′elle lui avait dit, transportée de joie tout un soir, un soir où elle se sentait si triste que je l′avais, en arrivant à l′improviste, miraculeusement sauvée du désespoir, «Â peut-être du pire », ajouta-t-il. Il me demandait de tâcher de la persuader qu′il l′aimait, me disant que la femme qu′il aimait aussi, il l′aimait moins qu′elle et romprait bientôt. «Â Et pourtant », ajouta-t-il, avec une telle félinité et un tel besoin de confidence que je croyais par moments que le nom de Charlie allait, malgré Robert, «Â sortir » comme le numéro d′une loterie, «Â j′avais de quoi être fier. Cette femme qui me donna tant de preuves de sa tendresse et que je vais sacrifier à Gilberte, jamais elle n′avait fait attention à un homme, elle se croyait elle-même incapable d′être amoureuse. Je suis le premier. Je savais qu′elle s′était refusée à tout le monde tellement que, quand j′ai reçu la lettre adorable où elle me disait qu′il ne pouvait y avoir de bonheur pour elle qu′avec moi, je n′en revenais pas. Évidemment, il y aurait de quoi me griser, si la pensée de voir cette pauvre petite Gilberte en larmes ne m′était pas intolérable. Ne trouves-tu pas qu′elle a quelque chose de Rachel ? », me disait-il. Et en effet j′avais été frappé d′une vague ressemblance qu′on pouvait à la rigueur trouver maintenant entre elles. Peut-être tenait-elle à une similitude réelle de quelques traits (dus par exemple à l′origine hébraî°µe pourtant si peu marquée chez Gilberte) à cause de laquelle Robert, quand sa famille avait voulu qu′il se mariât, s′était senti attiré vers Gilberte. Elle tenait aussi à ce que Gilberte, ayant surpris des photographies de Rachel, cherchait pour plaire à Robert à imiter certaines habitudes chères à l′actrice, comme d′avoir toujours des nœuds rouges dans les cheveux, un ruban de velours noir au bras, et se teignait les cheveux pour paraître brune. Puis sentant que ses chagrins lui donnaient mauvaise mine, elle essayait d′y remédier. Elle le faisait parfois sans mesure. Un jour où Robert devait venir le soir pour vingt-quatre heures à Tansonville, je fus stupéfait de la voir venir se mettre à table si étrangement différente de ce qu′elle était, non seulement autrefois, mais même les jours habituels, que je restai stupéfait comme si j′avais eu devant moi une actrice, une espèce de Théodora. Je sentais que malgré moi je la regardais trop fixement dans ma curiosité de savoir ce qu′elle avait de changé. Cette curiosité fut d′ailleurs bientôt satisfaite quand elle se moucha, car, malgré toutes les précautions qu′elle y mit, par toutes les couleurs qui restèrent sur le mouchoir, en faisant une riche palette, je vis qu′elle était complètement peinte. C′était cela qui lui faisait cette bouche sanglante et qu′elle s′efforçait de rendre rieuse en croyant que cela lui allait bien, tandis que l′heure du train qui s′approchait sans que Gilberte sût si son mari arrivait vraiment ou s′il n′enverrait pas une de ces dépêches dont M. de Guermantes avait spirituellement fixé le modèle : «Â Impossible venir, mensonge suit », pâlissait ses joues et cernait ses yeux.
Saint-Loup insistía para que yo me quedase en Tansonville, y una vez se le escapó decir, aunque se veía que ya no trataba de halagarme, que mi llegada le había dado a su mujer tanta alegría que se pasó loca de contenta toda una noche, precisamente una noche en que estaba tan triste que yo, al llegar de improviso, la salvé milagrosamente de la desesperación, «quizá de algo peor», añadió. Me pidió que intentara convencerla de que él la quería, diciéndome que a la mujer a la que también amaba la amaba menos que a ella y que rompería pronto aquellas relaciones. «Y, sin embargo -añadía con tal fatuidad y tal necesidad de confidencia que a veces creía yo que iba a “salir” el nombre de Charlie, sin quererlo Roberto, como el número de una lotería-, es para estar orgulloso. Esa mujer que me ha dado tantas pruebas de cariño y que voy a sacrificar a Gilberta, no había hecho nunca caso a ningún hombre y hasta se creía incapaz de enamorarse, yo soy el primero. Y sabía que había rechazado de tal modo a todo el mundo que, cuando recibí la adorable carta diciéndome que para ella no podía haber felicidad si no era conmigo, yo no volvía de mi asombro. Naturalmente, era como para echarlo todo a rodar si no fuera porque me resulta intolerable ver llorar a esa pobre Gilberta. ¿No te parece que tiene algo de Raquel?», me decía. Y, en efecto, me había llamado la atención cierto vago parecido que, en rigor, se les podía encontrar ahora. Quizá se debía a una verdadera similitud de algunos rasgos (debidos, por ejemplo, al origen hebraico, aunque tan poco marcado estuviera en Gilberta) por la cual Roberto, cuando su familia quiso que se casara, en igualdad de fortuna, se sintió más atraído por Gilberta. También se explicaba porque Gilberta, que había encontrado fotografías de Raquel, de la que ignoraba hasta el nombre, para gustar a Roberto se pusiera a imitar ciertos hábitos de la actriz, como el de llevar siempre lazos rojos en el pelo, una cinta de terciopelo negro en el brazo, y el de teñirse el pelo para parecer morena. Después, notando que sus cuitas le daban mala cara, intentaba remediarlo. A veces lo hacía sin medida. Un día en que Roberto iba a llegar por veinticuatro horas a Tansonville, me quedé estupefacto cuando Gilberta se sentó a la mesa tan extrañamente diferente, no sólo de lo que era en otro tiempo, sino hasta de como era los días habituales, que me quedé tan pasmado como si me encontrara ante una actriz, ante una especie de Teodora. Me daba cuenta de que, en mi curiosidad por saber qué cambio se había operado en ella, la miraba, sin querer, demasiado fijamente. Curiosidad que, por lo demás, quedó en seguida satisfecha cuando se sonó la nariz, y a pesar de las precauciones que en ello puso. Por todos los colores que quedaron en el pañuelo, formando una rica paleta, vi que estaba completamente pintada. Así tenía aquella boca sangrante y que ella se esforzaba por hacer reidora, creyendo que aquello le iba bien, mientras se acercaba la hora del tren, sin que Gilberta supiera si su marido llegaría en realidad o si enviaría uno de aquellos telegramas cuyo modelo había establecido con tanta gracia monsieur de Guermantes: «Imposible ir, sigue mentira»; así le palidecían las mejillas bajo el sudor violeta de la pintura y se le marcaban las ojeras.
«Â Ah ! vois-tu, me disait Saint-Loup — avec un accent volontairement tendre qui contrastait tant avec sa tendresse spontanée d′autrefois, avec une voix d′alcoolique et des modulations d′acteur — Gilberte heureuse, il n′y a rien que je ne donnerais pour cela. Elle a tant fait pour moi. Tu ne peux pas savoir. » Et ce qui était le plus déplaisant dans tout cela était encore l′amour-propre, car Saint-Loup était flatté d′être aimé par Gilberte, et, sans oser dire que c′était Morel qu′il aimait, donnait pourtant sur l′amour que le violoniste était censé avoir pour lui des détails qu′il savait bien exagérés sinon inventés de toute pièce, lui à qui Morel demandait chaque jour plus d′argent. Et c′était en me confiant Gilberte qu′il repartait pour Paris. J′eus, du reste, l′occasion, pour anticiper un peu, puisque je suis encore à Tansonville, de l′y apercevoir une fois dans le monde, et de loin, où sa parole, malgré tout vivante et charmante, me permettait de retrouver le passé. Je fus frappé de voir combien il changeait. Il ressemblait de plus en plus à sa mère. Mais la manière de sveltesse hautaine qu′il avait héritée d′elle et qu′elle avait parfaite, chez lui, grâce à l′éducation la plus accomplie, s′exagérait, se figeait ; la pénétration du regard propre aux Guermantes lui donnait l′air d′inspecter tous les lieux au milieu desquels il passait, mais d′une façon quasi inconsciente, par une sorte d′habitude et de particularité animale ; même immobile, la couleur qui était la sienne plus que de tous les Guermantes, d′être seulement de l′ensoleillement d′une journée d′or devenue solide, lui donnait comme un plumage si étrange, faisait de lui une espèce si rare, si précieuse, qu′on aurait voulu la posséder pour une collection ornithologique ; mais quand, de plus, cette lumière changée en oiseau se mettait en mouvement, en action, quand par exemple je voyais Robert de Saint-Loup entrer dans une soirée où j′étais, il avait des redressements de sa tête si joyeusement et si fièrement huppée sous l′aigrette d′or de ses cheveux un peu déplumés, des mouvements de cou tellement plus souples, plus fiers et plus coquets que n′en ont les humains, que devant la curiosité et l′admiration moitié mondaine, moitié zoologique qu′il vous inspirait, on se demandait si c′était dans le faubourg Saint-Germain qu′on se trouvait ou au Jardin des Plantes et si on regardait un grand seigneur traverser un salon, ou se promener dans sa cage un merveilleux oiseau. Pour peu qu′on y mît un peu d′imagination, le ramage ne se prêtait pas moins à cette interprétation que le plumage. Il disait ce qu′il croyait grand siècle et par là imitait les manières des Guermantes. Mais un rien d′indéfinissable faisait qu′elles devenaient les manières de M. de Charlus. «Â Je te quitte un instant, me dit-il, dans cette soirée où Mme de Marsantes était un peu plus loin. Je vais faire un doigt de cour à ma nièce. » Quant à cet amour dont il me parlait sans cesse, il n′était pas d′ailleurs que celui pour Charlie, bien que ce fût le seul qui comptât pour lui. Quel que soit le genre d′amours d′un homme, on se trompe toujours sur le nombre des personnes avec qui il a des liaisons, parce qu′on interprète faussement des amitiés comme des liaisons, ce qui est une erreur par addition, mais aussi parce qu′on croit qu′une liaison prouvée en exclut une autre, ce qui est un autre genre d′erreur. Deux personnes peuvent dire : «Â la maîtresse de XÂ…, je la connais », prononcer deux noms différents et ne se tromper ni l′une ni l′autre. Une femme qu′on aime suffit rarement à tous nos besoins et on la trompe avec une femme qu′on n′aime pas. Quant au genre d′amours que Saint-Loup avait hérité de M. de Charlus, un mari qui y est enclin fait habituellement le bonheur de sa femme. C′est une loi générale à laquelle les Guermantes trouvaient le moyen de faire exception parce que ceux qui avaient ce goût voulaient faire croire qu′ils avaient, au contraire, celui des femmes. Ils s′affichaient avec l′une ou l′autre et désespéraient la leur. Les Courvoisier en usaient plus sagement. Le jeune vicomte de Courvoisier se croyait seul sur la terre, et depuis l′origine du monde, à être tenté par quelqu′un de son sexe. Supposant que ce penchant lui venait du diable, il lutta contre lui, épousa une femme ravissante, lui fit des enfantsÂ… Puis un de ses cousins lui enseigna que ce penchant est assez répandu, poussa la bonté jusqu′à le mener dans des lieux où il pouvait le satisfaire. M. de Courvoisier n′en aima que plus sa femme, redoubla de zèle prolifique et elle et lui étaient cités comme le meilleur ménage de Paris. On n′en disait point autant de celui de Saint-Loup parce que Robert au lieu de se contenter de l′inversion, faisait mourir sa femme de jalousie en cherchant sans plaisir des maîtresses !
«Pero ya ves -me decía Roberto con un gesto deliberadamente tierno que contrastaba con su ternura espontánea de otro tiempo, y con una voz alcohólica y modulaciones de actor-, no hay nada que yo no sea capaz de hacer por ver feliz a Gilberta. ¡Ha hecho tanto por mí! No puedes imaginarlo.» Y lo más desagradable de todo esto era el amor propio, pues le halagaba que le amara Gilberta y, sin atreverse a decir que a quien él quería era Charlie, daba sobre el amor que al parecer le tenía al violinista unos detalles que Saint- Loup sabía muy exagerados, si no inventados de principio al fin, cuando Charlie le pedía cada día más dinero. Y se iba a París dejando a Gilberta a mi cuidado. Tuve ocasión (anticipándome un poco, pues estoy todavía en Tansonville) de verle una vez de lejos en una fiesta de sociedad, donde su palabra, a pesar de todo vivaz y seductora, me permitía recobrar el pasado; me impresionó lo mucho que cambiaba. Se parecía cada vez más a su madre; el tipo de esbeltez altiva que había heredado de ella, en quien era perfecta, en él, debido a la educación más esmerada, se exageraba, se petrificaba; por la penetración de la mirada propia de los Guermantes, parecía que estaba inspeccionando todos los lugares por los que pasaba, pero de una manera casi inconsciente, por una especie de hábito y de particularidad animal. Aun inmóvil, su color, más suyo que de todos los Guermantes, como el dorado de un día de sol que se tornara sólido, le daba como un plumaje tan extraño, hacía de él una especie tan rara, tan preciosa, que daban ganas de poseerlo para una colección ornitológica; pero cuando, además, esta luz tornada en pájaro se ponía en movimiento, en acción, cuando, por ejemplo, yo veía a Roberto de Saint-Loup entrar en una fiesta en la que estaba yo, irguiendo a veces la cabeza tan sedosa y orgullosamente encopetada bajo el airón de oro de sus cabellos un poco desplumados con movimientos de cuello mucho más suaves, más orgullosos y coquetos que los de los humanos, que, ante la curiosidad y la admiración medio mundana, medio zoológica que inspiraba, se preguntaba uno si estaba en el Faubourg Saint-Germain o en el Jardin des Plantes, y si estaba mirando atravesar un salón o pasear en su jaula un gran señor o un pájaro. A poca imaginación que se pusiera, el canto se prestaba a esta interpretación no menos que el plumaje. Saint-Loup empezaba a decir frases que creía muy gran siglo y así imitaba las maneras de Guermantes. Mas, por un pequeño matiz indefinible, resultaban las maneras de monsieur de Charlus. «Te voy a dejar un momento -me dijo en aquella fiesta en la que madame de Marsantes estaba un poco más lejos-. Voy a atender un poco a mi madre.» En cuanto a aquel amor de que me hablaba continuamente no era sólo el de Charlie, aunque era el único que contaba para él. Cualquiera que sea la clase de amores de un hombre, nos equivocamos siempre en cuanto al número de personas con quienes tiene relaciones, porque equivocadamente interpretamos amistades como enredos, lo que es un error por adición, pero también porque creemos que un enredo probado excluye otro, lo que es otro tipo de error. Dos personas pueden decir: «A la amante de X la conozco yo», pronunciar dos nombres diferentes y no equivocarse ni la una ni la otra. En cuanto a la clase de amores que Saint-Loup había heredado de monsieur de Charlus, un marido inclinado a ellos suele hacer la felicidad de su mujer. Es ésta una regla general en la que los Guermantes encontraban la manera de ser una excepción, porque los que tenían estos gustos querían hacer creer que, por el contrario, les gustaban las mujeres. Se exhibían con una o con otra y desesperaban a la suya. Los Courvoisier se comportaban con mayor prudencia. El joven vizconde de Courvoisier se creía el único en el mundo, y desde el origen del mismo, al que atrajera uno de su sexo. Suponiendo que esta inclinación era cosa del diablo, luchó contra ella, se casó con una mujer preciosa y le hizo hijos. Después, un primo suyo le enseñó que esa inclinación es bastante frecuente, y llegó su bondad hasta el extremo de llevarle a los lugares donde podía satisfacerla. Monsieur de Courvoisier amó más aún a su mujer, intensificó su celo prolífico y ella y él eran citados como el mejor matrimonio de París. No se decía lo mismo del de Saint-Loup, porque Roberto, en vez de contentarse con la inversión, mataba a su mujer de celos sosteniendo a queridas, con las que no sentía placer.
Il est possible que Morel, étant excessivement noir, fût nécessaire à Saint-Loup comme l′ombre l′est au rayon de soleil. On imagine très bien dans cette famille si ancienne un grand seigneur blond, doré, intelligent, doué de tous les prestiges et recelant à fond de cale un goût secret, ignoré de tous, pour les nègres. Robert, d′ailleurs, ne laissait jamais la conversation toucher à ce genre d′amours qui était le sien. Si je disais un mot : «Â Oh ! je ne sais pas, répondait-il avec un détachement si profond qu′il en laissait tomber son monocle, je n′ai pas soupçon de ces choses-là. Si tu désires des renseignements là-dessus, mon cher, je te conseille de t′adresser ailleurs. Moi, je suis un soldat, un point c′est tout. Autant ces choses-là m′indiffèrent, autant je suis avec passion la guerre balkanique. Autrefois cela t′intéressait, l′histoire des batailles. Je te disais alors qu′on reverrait, même dans les conditions les plus différentes, les batailles typiques, par exemple le grand essai d′enveloppement par l′aile de la bataille d′Ulm. Eh bien ! si spéciales que soient ces guerres balkaniques, Lullé-Burgas c′est encore Ulm, l′enveloppement par l′aile. Voilà les sujets dont tu peux me parler. Mais pour le genre de choses auxquelles tu fais allusion, je m′y connais autant qu′en sanscrit. » Ces sujets que Robert dédaignait ainsi, Gilberte, au contraire, quand il était reparti, les abordait volontiers en causant avec moi. Non, certes, relativement à son mari car elle ignorait, ou feignait d′ignorer tout. Mais elle s′étendait volontiers sur eux en tant qu′ils concernaient les autres, soit qu′elle y vît une sorte d′excuse indirecte pour Robert, soit que celui-ci, partagé comme son oncle entre un silence sévère à l′égard de ces sujets et un besoin de s′épancher et de médire, l′eût instruite pour beaucoup. Entre tous, M. de Charlus n′était pas épargné ; c′était sans doute que Robert, sans parler de Morel à Gilberte, ne pouvait s′empêcher, avec elle, de lui répéter, sous une forme ou sous une autre, ce que le violoniste lui avait appris. Et il poursuivait son ancien bienfaiteur de sa haine. Ces conversations, que Gilberte affectionnait, me permirent de lui demander si, dans un genre parallèle, Albertine, dont c′est par elle que j′avais entendu la première fois le nom, quand jadis elles étaient amies de cours, avait de ces goûts. Gilberte refusa de me donner ce renseignement. Au reste, il y avait longtemps qu′il eût cessé d′offrir quelque intérêt pour moi. Mais je continuais à m′en enquérir machinalement, comme un vieillard qui, ayant perdu la mémoire, demande de temps à autre des nouvelles du fils qu′il a perdu.
Es posible que Morel, como era tan moreno, le fuera necesario a Saint-Loup como se lo es la sombra al rayo de sol. En esta familia tan antigua se imagina muy bien a un gran señor rubio dorado, inteligente, con todos los prestigios y manteniendo secreta una afición ignorada por todos. Por otra parte, Roberto no dejaba nunca aludir en la conversación a esa clase de amores que era la suya. Si yo decía una palabra sobre el asunto: «¡Ah!, no sé -contestaba con un desinterés tan profundo que dejaba caer el monóculo-, yo no tengo ni idea de esas cosas. Si tú deseas datos sobre eso, querido, te aconsejo que te dirijas a otro. Yo soy un soldado, y no hay más que hablar. Mi indiferencia por esas cosas es tan grande como mi interés apasionado por la guerra de los Balcanes. En otro tiempo te interesaba a ti la etimología de las batallas. Entonces te decía yo que volveríamos a ver, hasta en las condiciones más diferentes, las batallas típicas, por ejemplo el gran ensayo de cerco por el flanco, la batalla de Ulm. Bueno, pues por especiales que sean estas guerras balcánicas, Loullé- Bourgas sigue siendo Ulm, envolver por el flanco. Éstas son las cosas de las que puedes hablarme. Pero de eso a que aludes sé tanto como de sánscrito». Estos temas que Roberto desdeñaba así, Gilberta, en cambio, los abordaba de buen grado hablando conmigo cuando él se marchaba. Claro que no en relación con su marido, Pues de él lo ignoraba o fingía ignorarlo todo. Pero le gustaba hablar de esto cuando se trataba de otro, ya porque viera en ello una especie de disculpa indirecta para Roberto, ya porque éste, compartido como su tío entre un silencio severo sobre estos temas y una necesidad de expansionarse y de hablar mal de la gente, le hubiera contado cosas sobre muchos. Entre todos ellos, no excluía a monsieur de Charlus; y es seguramente porque Roberto, sin hablar de Charlie a Gilberta, no podía menos de repetirle, en una o en otra forma, lo que el violinista le había contado, y el violinista perseguía con su odio a su antiguo bienhechor. Estas conversaciones que le gustaban a Gilberta me permitieron preguntarle si, en un género paralelo, tenía esas aficiones Albertina, cuyo nombre le oí a ella por primera vez cuando eran amigas de colegio. Gilberta no pudo informarme. Por lo demás, hacía ya tiempo que esto había perdido interés para mí. Pero seguía inquiriendo maquinalmente, como un viejo que ha perdido la memoria pide de cuando en cuando noticias del hijo muerto.
Un autre jour je revins à la charge et demandai encore à Gilberte si Albertine aimait les femmes. «Â Oh ! pas du tout. — Mais vous disiez autrefois qu′elle avait mauvais genre. — J′ai dit cela, moi ? vous devez vous tromper. En tout cas si je l′ai dit — mais vous faites erreur — je parlais au contraire d′amourettes avec des jeunes gens. À cet âge-là, du reste, cela n′allait probablement pas bien loin. » Gilberte disait-elle cela pour me cacher qu′elle-même, selon ce qu′Albertine m′avait dit, aimait les femmes et avait fait à Albertine des propositions ? Ou bien (car les autres sont souvent plus renseignés sur notre vie que nous ne croyons) savait-elle que j′avais aimé, que j′avais été jaloux d′Albertine et (les autres pouvant savoir plus de vérité que nous ne croyons, mais l′étendre aussi trop loin et être dans l′erreur par des suppositions excessives, alors que nous les avions espérés dans l′erreur par l′absence de toute supposition) s′imaginait-elle que je l′étais encore et me mettait-elle sur les yeux, par bonté, ce bandeau qu′on a toujours tout prêt pour les jaloux ? En tout cas, les paroles de Gilberte, depuis «Â le mauvais genre » d′autrefois jusqu′au certificat de bonne vie et mœurs d′aujourd′hui, suivaient une marche inverse des affirmations d′Albertine qui avait fini presque par avouer des demi-rapports avec Gilberte. Albertine m′avait étonné en cela comme sur ce que m′avait dit Andrée, car pour toute cette petite bande, si j′avais d′abord cru, avant de la connaître, à sa perversité, je m′étais rendu compte de mes fausses suppositions, comme il arrive si souvent quand on trouve une honnête fille et presque ignorante des réalités de l′amour dans le milieu qu′on avait cru à tort le plus dépravé. Puis j′avais refait le chemin en sens contraire, reprenant pour vraies mes suppositions du début. Mais peut-être Albertine avait-elle voulu me dire cela pour avoir l′air plus expérimentée qu′elle n′était et pour m′éblouir, à Paris, du prestige de sa perversité comme la première fois, à Balbec, par celui de sa vertu. Et tout simplement, quand je lui avais parlé des femmes qui aimaient les femmes, pour ne pas avoir l′air de ne pas savoir ce que c′était, comme dans une conversation on prend un air entendu si on parle de Fourier ou de Tobolsk encore qu′on ne sache pas ce que c′est. Elle avait peut-être vécu près de l′amie de Mlle Vinteuil et d′Andrée, séparée par une cloison étanche d′elles qui croyaient qu′elle n′en était pas, ne s′était renseignée ensuite — comme une femme qui épouse un homme de lettres cherche à se cultiver — qu′afin de me complaire en se faisant capable de répondre à mes questions, jusqu′au jour où elle avait compris qu′elles étaient inspirées par la jalousie et où elle avait fait machine en arrière, à moins que ce ne fût Gilberte qui me mentît. L′idée me vint que c′était pour avoir appris d′elle, au cours d′un flirt qu′il aurait conduit dans le sens qui l′intéressait, qu′elle ne détestait pas les femmes, que Robert l′avait épousée, espérant des plaisirs qu′il n′avait pas dû trouver chez lui puisqu′il les prenait ailleurs. Aucune de ces hypothèses n′était absurde, car chez des femmes comme la fille d′Odette ou les jeunes filles de la petite bande il y a une telle diversité, un tel cumul de goûts alternants, si même ils ne sont pas simultanés, qu′elles passent aisément d′une liaison avec une femme à un grand amour pour un homme, si bien que définir le goût réel et dominant reste difficile. C′est ainsi qu′Albertine avait cherché à me plaire pour me décider à l′épouser, mais elle y avait renoncé elle-même à cause de mon caractère indécis et tracassier. C′était, en effet, sous cette forme trop simple que je jugeais mon aventure avec Albertine, maintenant que je ne voyais plus cette aventure que du dehors.
Â…
Ce qui est curieux et ce sur quoi je ne puis m′étendre, c′est à quel point, vers cette époque-là, toutes les personnes qu′avait aimées Albertine, toutes celles qui auraient pu lui faire faire ce qu′elles auraient voulu, demandèrent, implorèrent, j′oserai dire mendièrent, à défaut de mon amitié, quelques relations avec moi. Il n′y aurait plus eu besoin d′offrir de l′argent à Mme Bontemps pour qu′elle me renvoyât Albertine. Ce retour de la vie, se produisant quand il ne servait plus à rien, m′attristait profondément, non à cause d′Albertine, que j′eusse reçue sans plaisir si elle m′eût été ramenée, non plus de Touraine mais de l′autre monde, mais à cause d′une jeune femme que j′aimais et que je ne pouvais arriver à voir. Je me disais que si elle mourait, ou si je ne l′aimais plus, tous ceux qui eussent pu me rapprocher d′elle tomberaient à mes pieds. En attendant, j′essayais en vain d′agir sur eux, n′étant pas guéri par l′expérience, qui aurait dû m′apprendre — si elle apprenait jamais rien — qu′aimer est un mauvais sort comme ceux qu′il y a dans les contes contre quoi on ne peut rien jusqu′à ce que l′enchantement ait cessé.
Es curioso un hecho sobre el que no puedo extenderme: hasta qué punto, por aquella época, todas las personas a las que Albertina quería, todas las que hubieran podido conseguir que hiciera lo que ellas quisieran, solicitaron, imploraron, me atreveré a decir que mendigaron, a falta de mi amistad, alguna relación conmigo. Ya no habría necesitado ofrecer dinero a madame Bontemps para que me mandara a Albertina. Como este cambio de la vida se producía cuando ya no me servía para nada, me entristecía profundamente, no por Albertina, a la que habría recibido sin alegría si me la hubieran devuelto, no ya de Turena, sino del otro mundo: por una mujer a la que amaba y a la que no podía llegar a ver. Pensaba que, si ella muriera, o si yo dejara de amarla, todos los que hubieran podido acercarme a ella caerían a mis pies. Mientras tanto, yo intentaba en vano actuar sobre ellos, pues no me había curado la experiencia, una experiencia que hubiera debido enseñarme -suponiendo que alguna vez enseñe algo- que amar es una mala suerte como la de los cuentos, contra la que nada se puede hasta que cesa el encantamiento.
— Justement, reprit Gilberte, le livre que je tiens parle de ces choses. C′est un vieux Balzac que je pioche pour me mettre à la hauteur de mes oncles, la Fille aux yeux d′Or. Mais c′est absurde, invraisemblable, un beau cauchemar. D′ailleurs, une femme peut, peut-être, être surveillée ainsi par une autre femme, jamais par un homme. — Vous vous trompez, j′ai connu une femme qu′un homme qui l′aimait était arrivé véritablement à séquestrer ; elle ne pouvait jamais voir personne et sortait seulement avec des serviteurs dévoués. — Hé bien, cela devrait vous faire horreur à vous qui êtes si bon. Justement nous disions avec Robert que vous devriez vous marier. Votre femme vous guérirait et vous feriez son bonheur. — Non, parce que j′ai trop mauvais caractère. — Quelle idée ! — Je vous assure ! J′ai, du reste, été fiancé, mais je n′ai pas pu.
-Precisamente el libro que tengo ahí habla de esas cosas -me dijo-. Es un viejo Balzac en el que me esfuerzo por ponerme a la altura de mis tíos, La fille aux yeux d′or. Pero es absurdo, inverosímil, una hermosa pesadilla. Además, una mujer puede ser vigilada de esa manera por otra mujer, nunca por un hombre. Se equivoca usted, yo conocí a una mujer a la que logró verdaderamente secuestrar un hombre que la amaba; no podía ver nunca a nadie y sólo podía salir con servidores fieles. -Bueno, pero eso le debía horrorizar a usted, que es tan bueno. Precisamente estábamos diciendo Roberto y yo que debía usted casarse. Su mujer le curaría y usted la haría feliz. -No, porque tengo muy mal carácter. -¡Qué ocurrencia! -Se lo aseguro. Por otra parte, he estado comprometido, pero no he podido...
Â…
Cuando subí a mi cuarto estaba triste de pensar que nunca había vuelto a ver la iglesia de Combray, que parecía esperarme en medio del follaje en una ventana violácea. Y pensaba: «Bueno, ya iré otro año, si no me muero antes», sin ver más obstáculo que mi muerte y sin imaginar la de la iglesia, pues me parecía que tenía que durar mucho tiempo después de mi muerte, como mucho tiempo había durado antes de mi nacimiento. Pero un día le hablé de Albertina a Gilberta y le pregunté si a Albertina le gustaban las mujeres.
-¡Oh, nada de eso!
-Pero una vez dijo usted que Albertina era de ésas.
-¿Yo he dicho eso? Debe de estar equivocado. En todo caso, si lo he dicho, pero creo que se equivoca, me refería a lo contrario, a amoríos con muchachos. De todos modos, a aquella edad, la cosa no iría probablemente muy lejos.
¿Decía esto Gilberta por ocultarme que a ella misma, según me dijo Albertina, le gustaban las mujeres y le había hecho a ella proposiciones? ¿O es que sabía (pues los demás suelen saber de nuestra vida más de lo que creemos) que yo había amado a Albertina, que tenía celos de ella y se imaginaba que todavía duraba aquello (pues los demás pueden saber más sobre nosotros de lo que creemos, pero pueden también llevarlo demasiado lejos y equivocarse por suposiciones excesivas, cuando nosotros los creíamos equivocados por falta de toda suposición), y, por bondad, me ponía sobre los ojos la venda que siempre se tiene a mano para los celosos? En todo caso, las palabras de Gilberta, desde «las malas costumbres» de otro tiempo hasta el certificado de buena vida y costumbres de hoy, seguían una marcha inversa de las afirmaciones de Albertina, que casi acabó por confesar unas medio relaciones con Gilberta. Albertina me sorprendió en esto, como en lo que me dijo Andrea, pues si, antes de conocer a toda aquella pandilla, creí al principio en su perversión, después me di cuenta de que mis suposiciones eran falsas, como tan a menudo ocurre cuando encontramos una muchacha honrada, y casi ignorante de las realidades del amor, en el medio que, sin razón, creíamos más depravado. Después volví a hacer el camino en sentido contrario, tomando como verdaderas mis suposiciones del principio. Pero quizá Albertina quiso decirme aquello para dárselas de más experimentada de lo que era y para deslumbrarme en París con el prestigio de su perversidad, como la primera vez en Balbec con el de su virtud; y, simplemente, cuando le hablé de las mujeres aficionadas a las mujeres, porque no pareciera que no sabía de qué se trataba, como quien en una conversación adopta un gesto como de estar en el secreto cuando se habla de Fourier o de Tobolsk, aunque no sepa de qué se habla. Quizá viviera cerca de la amiga de mademoiselle Vinteuil y de Andrea, pero separada de ellas, que creían que «no era del gremio», por un mamparo estanco, y después se informara -como procura cultivarse una mujer que se casa con un hombre de letras- sólo por complacerme capacitándose para contestar a mis preguntas, hasta que comprendió que estaban inspiradas por los celos y dio marcha atrás. A no ser que fuera Gilberta quien me mintiera. Hasta se me ocurrió la idea de que Roberto se casó con ella por haberse enterado, en el transcurso de un galanteo conducido por él en el sentido que le interesaba, de que no les hacía ascos alas mujeres, esperando encontrar así ciertos placeres que no había debido de gozar en casa, puesto que los buscaba fuera. Ninguna de estas hipótesis era absurda, pues en mujeres como la hija de Odette o las muchachas de la pandilla hay tal diversidad, tal cúmulo de gustos alternados, si no son incluso simultáneos, que esas mujeres pasan fácilmente de unas relaciones con una mujer a un gran amor por un hombre, hasta el punto de que resulta difícil definir la inclinación real y predominante.
Je ne voulus pas emprunter à Gilberte la Fille aux yeux d′Or puisqu′elle le lisait. Mais elle me prêta, le dernier soir que je passai chez elle, un livre qui me produisit une impression assez vive et mêlée. C′était un volume du journal inédit des Goncourt.
No quise pedirle a Gilberta su Fille aux yeux d′or porque la estaba leyendo. Pero aquella última noche que pasé en su casa me prestó para leer antes de dormirme un libro que me produjo una impresión bastante viva y compleja, impresión que, por lo demás, no iba a durar mucho. Era un volumen del diario inédito de los Goncourt.
J′étais triste, ce dernier soir, en remontant dans ma chambre, de penser que je n′avais pas été une seule fois revoir l′église de Combray qui semblait m′attendre au milieu des verdures dans une fenêtre toute violacée. Je me disais : «Â Tant pis, ce sera pour une autre année si je ne meurs pas d′ici là », ne voyant pas d′autre obstacle que ma mort et n′imaginant pas celle de l′église qui me semblait devoir durer longtemps après ma mort comme elle avait duré longtemps avant ma naissance.
Â…
Quand, avant d′éteindre ma bougie, je lus le passage que je transcris plus bas, mon absence de disposition pour les lettres, pressentie jadis du côté de Guermantes, confirmée durant ce séjour dont c′était le dernier soir — ce soir des veilles de départ où, l′engourdissement des habitudes qui vont finir cessant, on essaie de se juger — me parut quelque chose de moins regrettable, comme si la littérature ne révélait pas de vérité profonde, et en même temps il me semblait triste que la littérature ne fût pas ce que j′avais cru. D′autre part, moins regrettable me semblait l′état maladif qui allait me confiner dans une maison de santé, si les belles choses dont parlent les livres n′étaient pas plus belles que ce que j′avais vu. Mais par une contradiction bizarre, maintenant que ce livre en parlait, j′avais envie de les voir. Voici les pages que je lus jusqu′à ce que la fatigue me fermât les yeux :
Y cuando, antes de apagar la vela, leí el pasaje que transcribo a continuación, mi falta de disposición para las letras, presentida en otro tiempo en el camino de Guermantes, confirmada durante la estancia que terminaba esta noche -esa noche de las vísperas de partida en las que, al cesar el entumecimiento de los hábitos, intentamos juzgarnos-, me pareció cosa menos lamentable, como si la literatura no revelara una verdad profunda; y al mismo tiempo me daba pena que la literatura no fuera lo que yo había creído. Por otra parte, el estado enfermizo que iba a confinarme en un sanatorio me parecía menos lamentable si las bellas cosas de que hablan los libros no fueran más bellas de lo que yo había visto. Pero, por una extraña contradicción, ahora que este libro hablaba de ellas, tenía ganas de verlas. He aquí las páginas que leí hasta que el cansancio me cerró los ojos:
«Â Avant-hier tombe ici, pour m′emmener dîner chez lui, Verdurin, l′ancien critique de la Revue, l′auteur de ce livre sur Whistler où vraiment le faire, le coloriage artiste de l′original Américain est souvent rendu avec une grande délicatesse par l′amoureux de tous les raffinements, de toutes les joliesses de la chose peinte qu′est Verdurin. Et tandis que je m′habille pour le suivre, c′est, de sa part, tout un récit où il y a, par moments, comme l′épellement apeuré d′une confession sur le renoncement à écrire aussitôt après son mariage avec la «Â Madeleine » de Fromentin, renoncement qui serait dû à l′habitude de la morphine et aurait eu cet effet, au dire de Verdurin, que la plupart des habitués du salon de sa femme, ne sachant même pas que le mari eût jamais écrit, lui parlaient de Charles Blanc, de Saint-Victor, de Sainte-Beuve, de Burty, comme d′individus auxquels ils le croyaient, lui, tout à fait inférieur. «Â Voyons, vous Goncourt, vous savez bien, et Gautier le savait aussi, que mes salons étaient autre chose que ces piteux Maîtres d′autrefois crus un chef-d′œuvre dans la famille de ma femme. » Puis, par un crépuscule où il y a près des tours du Trocadéro comme le dernier allumement d′une lueur qui en fait des tours absolument pareilles aux tours enduites de gelée de groseille des anciens pâtissiers, la causerie continue dans la voiture qui doit nous conduire quai Conti où est leur hôtel, que son possesseur prétend être l′ancien hôtel des Ambassadeurs de Venise et où il y aurait un fumoir dont Verdurin me parle comme d′une salle transportée telle quelle, à la façon des Mille et une Nuits, d′un célèbre palazzo, dont j′oublie le nom, palazzo à la margelle du puits représentant un couronnement de la Vierge que Verdurin soutient être absolument du plus beau Sansovino et qui servirait, pour leurs invités, à jeter la cendre de leurs cigares. Et ma foi, quand nous arrivons, dans le glauque et le diffus d′un clair de lune vraiment semblable à ceux dont la peinture classique abrite Venise, et sur lequel la coupole silhouettée de l′Institut fait penser à la Salute dans les tableaux de Guardi, j′ai un peu l′illusion d′être au bord du Grand Canal. L′illusion est entretenue par la construction de l′hôtel où du premier étage on ne voit pas le quai et par le dire évocateur du maître de maison affirmant que le nom de la rue du Bac — du diable si j′y avais jamais pensé — viendrait du bac sur lequel des religieuses d′autrefois, les Miramiones, se rendaient aux offices de Notre-Dame. Tout un quartier où a flâné mon enfance quand ma tante de Courmont l′habitait, et que je me prends à «Â raimer » en retrouvant, presque contiguë à l′hôtel des Verdurin, l′enseigne du «Â Petit Dunkerque », une des rares boutiques survivant ailleurs que vignettées dans le crayonnage et les frottis de Gabriel de Saint-Aubin, où le XVIIIe siècle curieux venait asseoir ses moments d′oisiveté pour le marchandage des jolités françaises et étrangères et «Â tout ce que les arts produisent de plus nouveau », comme dit une facture de ce Petit Dunkerque, facture dont nous sommes seuls, je crois, Verdurin et moi, à posséder une épreuve et qui est bien un des volants chefs-d′œuvre de papier ornementé sur lequel le règne de Louis XV faisait ses comptes, avec son en-tête représentant une mer toute vagueuse, chargée de vaisseaux, une mer aux vagues ayant l′air d′une illustration de l′Édition des Fermiers Généraux de l′Huître et des Plaideurs. La maîtresse de la maison, qui va me placer à côté d′elle, me dit aimablement avoir fleuri sa table rien qu′avec des chrysanthèmes japonais, mais des chrysanthèmes disposés en des vases qui seraient de rarissimes chefs-d′œuvre, l′un entre autres, fait de bronze, sur lequel des pétales en cuivre rougeâtre sembleraient être la vivante effeuillaison de la fleur. Il y a là Cottard, le docteur et sa femme, le sculpteur polonais Viradobetski, Swann le collectionneur, une grande dame russe, une princesse au nom en or qui m′échappe, et Cottard me souffle à l′oreille que c′est elle qui aurait tiré à bout portant sur l′archiduc Rodolphe et d′après qui j′aurais en Galicie et dans tout le nord de la Pologne une situation absolument exceptionnelle, une jeune fille ne consentant jamais à promettre sa main sans savoir si son fiancé est un admirateur de la Faustin.
«Antes de ayer cayó por aquí, para llevarme a comer a su casa, Verdurin, el antiguo crítico de La Revue, autor de ese libro sobre Whistler en el que verdaderamente la factura, la iluminación artista del original americano, lo da a menudo con gran delicadeza ese enamorado de todos los refinamientos, de todas las bonituras de la cosa pintada que es Verdurin. Y mientras me visto para acompañarle, me brinda todo un relato que a veces parece el deletreo contrito de una confesión sobre el renunciamiento a escribir inmediatamente después de su himeneo con la “Magdalena” de Fromentin, renunciamiento que parece debido al hábito de la morfina y que, a creer a Verdurin, produjo el efecto de que la mayor parte de los asiduos del salón de su mujer no sabían siquiera que el marido hubiera escrito nunca nada, y le hablaban de Charles Blanc, de Saint-Victor, de Sainte-Beuve, de Burty, como de unos individuos a los que le creen muy inferior. “Vamos, Goncourt, usted sabe muy bien, y Gautier también lo sabía, que mis Salones eran algo más que esos lamentables Maîtres d′autrefois que en la familia de mi mujer creen una obra maestra”. Después, en un crepúsculo que, cerca de las torres del Trocadero, emite como el último rayo de un resplandor que las convierte en las torres untadas de jalea de grosella de los antiguos pasteleros, la charla continúa en el coche que nos lleva al Quai Conti donde está su hotel, que su posesor pretende ser el antiguo hotel de los embajadores de Venecia y donde parece ser que hay un fumadero del que Verdurin me habla como de una sala trasladada tal como estaba, a la manera de Las mil y una noches, de un célebre palazzo cuyo nombre no recuerdo, un palazzo con un pozo cuyo brocal representa una coronación de la Virgen que, al decir de Verdurin, es sin duda alguna del más bello Sansovino y que serviría para que sus invitados echaran la ceniza de los cigarros. Y la verdad es que, cuando llegamos, a la luz glauca y difusa de un claro de luna verdaderamente parejo a los que alumbran Venecia en la pintura clásica, y en el que la cúpula siluetada del Instituto hace pensar en la Salute en los cuadros de Guardi, tengo un poco la ilusión de estar a orillas del Gran Canal. Y la ilusión se mantenía por la construcción del hotel en el que, desde el primer piso, no se ve el muelle y por el decir evocador del dueño de la casa afirmando que el nombre de la Rue du Bac -nunca se me había ocurrido pensar tal cosa- venía de la barca en que las monjas de otro tiempo, las Miramiones, iban a los oficios de Notre-Dame. Todo un barrio por el que deambuló mi infancia cuando vivía en él mi tía De Courmont, y que ahora me pongo a reamar al encontrar, casi contigua al hotel de los Verdurin, la enseña del “Petit Dunkerque”, una de las raras tiendas supervivientes fuera de los viñetados en los dibujos de Gabriel de Saint- Aubin, allí donde el siglo XVIII curioso venía a sentar sus momentos de ocio para el regateo de las francesas y extranjeras y “todo lo más nuevo que produce en las artes”, como dice una factura de ese Petit Dunkerque, factura de la que, según creo, sólo Verdurin y yo poseemos una prueba y que es sin duda una de las volantes obras maestras de papel ornamentado en el que el reinado de Luis XV hacía sus cuentas, con su membrete representando un mar tempestuoso, lleno de barcos, un mar con unas olas como de una ilustración de la edición de los Recaudadores de Impuestos de L′huî tre etles plaideurs. La dueña de la casa, que me va a sentar a su lado, me dice amablemente que ha adornado la mesa sólo con crisantemos japoneses, pero unos crisantemos colocados en jarrones que serían obras de arte rarísimas, uno de ellos de bronce sobre el que unos pétalos de cobre rojizo parecían las auténticas hojas desprendidas de la flor. Están los Cottard -el doctor y su mujer-, el escultor polaco Viradobetski, el coleccionista Swann, una gran dama rusa, una princesa con un nombre terminado en of que no recuerdo, y Cottard me dice al oído que es ella la que disparó a quemarropa contra el archiduque Rodolfo y según la cual parece ser que tengo yo en Galitzia y en todo el norte de Polonia una fama absolutamente excepcional, tanto que una muchacha no concederá jamás su mano sin saber si el pretendiente es un admirador de La Faustin.
«Â Vous ne pouvez pas comprendre cela, vous autres Occidentaux — jette en manière de conclusion la princesse, qui me fait l′effet, ma foi, d′une intelligence tout à fait supérieure — cette pénétration par un écrivain de l′intimité de la femme. » Un homme au menton et aux lèvres rasés, aux favoris de maître d′hôtel, débitant sur un ton de condescendance des plaisanteries de professeur de seconde qui fraye avec les premiers de sa classe pour la Saint-Charlemagne, et c′est Brichot, l′universitaire. À mon nom prononcé par Verdurin, il n′a pas une parole qui marque qu′il connaisse nos livres, et c′est en moi un découragement colère éveillé par cette conspiration qu′organise contre nous la Sorbonne, apportant, jusque dans l′aimable logis où je suis fêté, la contradiction, l′hostilité d′un silence voulu. Nous passons à table et c′est alors un extraordinaire défilé d′assiettes qui sont tout bonnement des chefs-d′œuvre de l′art du porcelainier, celui dont, pendant un repas délicat, l′attention chatouillée d′un amateur écoute le plus complaisamment le bavardage artiste — des assiettes de Yung-Tsching à la couleur capucine de leurs rebords, au bleuâtre, à l′effeuillé turgide de leurs iris d′eau, à la traversée, vraiment décoratoire, par l′aurore d′un vol de martins-pêcheurs et de grues, aurore ayant tout à fait ces tons matutinaux qu′entre-regarde quotidiennement, boulevard Montmorency, mon réveil — des assiettes de Saxe plus mièvres dans le gracieux de leur faire, à l′endormement, à l′anémie de leurs roses tournées au violet, au déchiquetage lie-de-vin d′une tulipe, au rococo d′un œillet ou d′un myosotis — des assiettes de Sèvres engrillagées par le fin guillochis de leurs cannelures blanches, verticillées d′or, ou que noue, sur l′à-plat crémeux de la pâte, le galant relief d′un ruban d′or — enfin toute une argenterie où courent ces myrtes de Luciennes que reconnaîtrait la Dubarry. Et ce qui est peut-être aussi rare, c′est la qualité vraiment tout à fait remarquable des choses qui sont servies là dedans, un manger finement mijoté, tout un fricoté comme les Parisiens, il faut le dire bien haut, n′en ont jamais dans les plus grands dîners, et qui me rappelle certains cordons bleus de Jean d′Heurs. Même le foie gras n′a aucun rapport avec la fade mousse qu′on sert habituellement sous ce nom, et je ne sais pas beaucoup d′endroits où la simple salade de pommes de terre est faite ainsi de pommes de terre ayant la fermeté de boutons d′ivoire japonais, le patiné de ces petites cuillers d′ivoire avec lesquelles les Chinoises versent l′eau sur le poisson qu′elles viennent de pêcher. Dans le verre de Venise que j′ai devant moi, une riche bijouterie de rouges est mise par un extraordinaire Léoville acheté à la vente de M. Montalivet et c′est un amusement pour l′imagination de l′œil et aussi, je ne crains pas de le dire, pour l′imagination de ce qu′on appelait autrefois la gueule, de voir apporter une barbue qui n′a rien des barbues pas fraîches qu′on sert sur les tables les plus luxueuses et qui ont pris dans les retards du voyage le modelage sur leur dos de leurs arêtes ; une barbue qu′on sert non avec la colle à pâte que préparent, sous le nom de sauce blanche, tant de chefs de grande maison, mais avec de la véritable sauce blanche, faite avec du beurre à cinq francs la livre ; de voir apporter cette barbue dans un merveilleux plat Tching-Hon traversé par les pourpres rayages d′un coucher de soleil sur une mer où passe la navigation drolatique d′une bande de langoustes, au pointillis grumeleux si extraordinairement rendu qu′elles semblent avoir été moulées sur des carapaces vivantes, plat dont le marli est fait de la pêche à la ligne par un petit Chinois d′un poisson qui est un enchantement de nacreuse couleur par l′argentement azuré de son ventre. Comme je dis à Verdurin le délicat plaisir que ce doit être pour lui que cette raffinée mangeaille dans cette collection comme aucun prince n′en possède à l′heure actuelle derrière ses vitrines : «Â On voit bien que vous ne le connaissez pas », me jette mélancoliquement la maîtresse de maison, et elle me parle de son mari comme d′un original maniaque, indifférent à toutes ces jolités, «Â un maniaque, répète-t-elle, oui, absolument cela, un maniaque qui aurait plutôt l′appétit d′une bouteille de cidre, bue dans la fraîcheur un peu encanaillée d′une ferme normande ». Et la charmante femme à la parole vraiment amoureuse des colorations d′une contrée nous parle avec un enthousiasme débordant de cette Normandie qu′ils ont habitée, une Normandie qui serait un immense parc anglais, à la fragrance de ses hautes futaies à la Lawrence, au velours cryptomeria, dans leur bordure porcelainée d′hortensias roses, de ses pelouses naturelles, au chiffonnage de roses soufre dont la retombée sur une porte de paysans, où l′incrustation de deux poiriers enlacés simule une enseigne tout à fait ornementale, fait penser à la libre retombée d′une branche fleurie dans le bronze d′une applique de Gouthière, une Normandie qui serait absolument insoupçonnée des Parisiens en vacances et que protège la barrière de chacun de ses clos, barrières que les Verdurin me confessent ne pas s′être fait faute de lever toutes. À la fin du jour, dans un éteignement sommeilleux de toutes les couleurs où la lumière ne serait plus donnée que par une mer presque caillée ayant le bleuâtre du petit lait — mais non, rien de la mer que vous connaissez, proteste ma voisine frénétiquement, en réponse à mon dire que Flaubert nous avait menés, mon frère et moi, à Trouville, rien, absolument rien, il faudra venir avec moi, sans cela vous ne saurez jamais — ils rentraient, à travers les vraies forêts en fleurs de tulle rose que faisaient les rhododendrons, tout à fait grisés par l′odeur des jardineries qui donnaient au mari d′abominables crises d′asthme — oui, insista-t-elle, c′est cela, de vraies crises d′asthme. »
“Ustedes los occidentales -concluye la princesa, que por cierto me parece una inteligencia muy superior- no pueden comprender esa penetración de un escritor en la intimidad de una mujer.” Un hombre sin barba ni bigote, con patillas de mayordomo de hotel, va soltando en un tono de condescendencia unas bromas de profesor de segunda que fraterniza con los primeros de su clase por Saint-Charlemagne; es Brichot, el universitario. Verdurin pronuncia mi nombre y Brichot no tiene una palabra indicando que conoce nuestros libros, y se despierta en mí un desaliento irritado por esa conspiración que organiza contra nosotros la Sorbona, trayendo hasta el amable hogar donde se me festeja la oposición, la hostilidad, de un silencio deliberado. Pasamos a la mesa y es entonces un extraordinario desfile de platos que son sencillamente obras maestras del arte de la porcelana, y durante una comida delicada, la atención incitada de un aficionado escucha con la mayor complacencia aquel charloteo artista -desde los platos de los Yung-Ching hasta el color capuchina de sus bordes, el azulado, a los pétalos túrgidos de sus lirios acuáticos, a la travesía, verdaderamente decorativa, por la alborada de un vuelo de martines pescadores y de grullas, alborada que tiene todos los tonos matutinales que cotidianamente entremira, bulevar Montmorency, mi despertar-; platos de Sajonia más empalagosos en la gracia de su factura, en el adormilamiento, en la anemia de sus rosas, tirando a violeta, en la desmembración vinosa de un tulipán, en el rococó de un clavel o de un miosotis, platos de Sèvres enrejados con el fino grabado de sus blancas estrías, verticiladas de oro o anudadas, sobre el plano cremoso de la pasta, por el galante relieve de una cinta de oro, en fin, toda una argéntea vajilla por la que corren esos mirtos de Luciennes que la Dubarry reconocería. Y algo quizá no menos raro: la calidad notabilísima de las cosas que en tales recipientes son servidas, un manjar delicadamente, morosamente cocinado, todo un guisar como los parisienses, hay que decirlo muy alto, jamás encontrarán en los más cimeros ágapes y que me recuerda ciertos cordons bleus de Jean d′Heurs. Ni siquiera el foie gras tiene el menor parentesco con la insulsa espuma que habitualmente sirven con ese nombre; y no conozco muchos lugares donde la simple ensalada de patatas esté hecha con unas patatas que tienen consistencia de botones de marfil japoneses, la pátina de esas cucharitas de marfil con que las chinas echan agua sobre los peces que acaban de pescar. El cristal de Venecia que tengo ante mí lo enjoya suntuosamente de rojos, un extraordinario Léoville comprado en la subasta de monsieur Montalivet, y se recrea la imaginación de la vista y también, no temo decirlo, la imaginación de lo que antaño se llamaba el gaznate, al ver llegar a la mesa una barbuda que no tiene nada que ver con esas barbudas no muy frescas que se sirven en las mesas más lujosas y a las que, en el lapso prolongado del viaje, se les han marcado las espinas en el lomo; una barbuda que nos sirven, no con ese engrudo a los que tantos primeros cocineros de casa grande llaman salsa blanca, sino con verdadera salsa blanca, hecha con mantequilla de cinco francos la libra; al ver llegar esa barbuda en una maravillosa fuente Ching-Hon surcada por las purpúreas rayas de una puesta de sol sobre un mar por el que pasa la navegación jocunda de una banda de langostas, de un punteado grumoso tan extraordinariamente conseguido que parecen moldeadas en caparazones vivos, una fuente con un filete hecho de pececillos pescados con caña por un chinito y que tienen el indecible encanto del nacáreo color en la azulada plata de su vientre. Como yo le dijera a Verdurin el delicado goce que para él ha de ser ese refinado yantar en colección tal que ningún príncipe posee hoy tras sus vitrinas: “Ya se ve que usted no le conoce” me dispara melancoliosamente la anfitriona. Y me habla de su marido como de un original maniático, indiferente a todas esas bonituras, “un maniático, sí -repite-, exactamente un maniático que prefiriría trasegar una botella de sidra en el fresco un poco encanallado de una casa de labranza normanda”. Y la encantadora mujer, con palabra verdaderamente enamorada del colorido de una comarca, nos habla con desbordante entusiasmo de aquella Normandía que ellos vivieron, una Normandía que fuera un inmenso parque inglés, con la fragancia de sus altos bosques estilo Lawrence, con el terciopelo criptomeria en la aporcelanada orla de hortensias rosa de sus cuadros de césped natural, en el revoltijo de rosas color de azufre que, al caer sobre una puerta campesina donde la incrustación de dos perales enlazados simula una enseña enteramente ornamental, hace pensar en la libre caída de una rama florida en el bronce de un aplique de Gouthière, una Normandía que sería absolutamente insospechada para los veraneantes parisienses y que está protegida por la barrera de cada una de sus portillas, barreras que los Verdurin me confiesan no haberse recatado de levantarlas todas. Al caer la tarde, en una extinción soñolienta de todos los colores ya sin más luz que la que da una mar casi cuajada con el color azulado del suero de la leche (“No, no, nada de ese mar que usted conoce -protesta frenéticamente mi vecina, replicando a mi comentario de que Flaubert nos llevó a mi hermano y a mí a Trouvillenada, absolutamente nada de eso, tendrá que venir conmigo, sin lo cual nunca se dará idea”), tornaban a través de verdaderos bosques florecidos de tul rosa formados por los rododendros, completamente mareados por el olor de las sardinerías que daban al marido unos terribles accesos de asma –“sí, insistía la dama, eso mismo, verdaderos accesos de asma”-.
«Â Là-dessus, l′été suivant, ils revenaient, logeant toute une colonie d′artistes dans une admirable habitation moyenâgeuse que leur faisait un cloître ancien loué par eux, pour rien. Et, ma foi, en entendant cette femme qui, en passant par tant de milieux vraiment distingués, a gardé pourtant dans sa parole un peu de la verdeur de la parole d′une femme du peuple, une parole qui vous montre les choses avec la couleur que votre imagination y voit, l′eau me vient à la bouche de la vie qu′elle me confesse avoir menée là-bas, chacun travaillant dans sa cellule, et où, dans le salon, si vaste qu′il possédait deux cheminées, tout le monde venait avant le déjeuner pour des causeries tout à fait supérieures, mêlées de petits jeux, me refaisant penser à celles qu′évoque ce chef-d′œuvre de Diderot, les lettres à Mademoiselle Volland. Puis, après le déjeuner, tout le monde sortait, même les jours de grains dans le coup de soleil, le rayonnement d′une ondée lignant de son filtrage lumineux les nodosités d′un magnifique départ de hêtres centenaires qui mettaient devant la grille le beau végétal affectionné par le XVIIIe siècle, et d′arbustes ayant pour boutons fleurissants dans la suspension de leurs rameaux des gouttes de pluie. On s′arrêtait pour écouter le délicat barbotis, énamouré de fraîcheur, d′un bouvreuil se baignant dans la mignonne baignoire minuscule de nymphembourg qu′est la corolle d′une rose blanche. Et comme je parle à Mme Verdurin des paysages et des fleurs de là-bas délicatement pastellisés par Elstir : «Â Mais c′est moi qui lui ai fait connaître tout cela, jette-t-elle avec un redressement colère de la tête, tout vous entendez bien, tout, les coins curieux, tous les motifs, je le lui ai jeté à la face quand il nous a quittés, n′est-ce pas, Auguste ? tous les motifs qu′il a peints. Les objets, il les a toujours connus, cela il faut être juste, il faut le reconnaître. Mais les fleurs, il n′en avait jamais vu, il ne savait pas distinguer un althéa d′une passe-rose. C′est moi qui lui ai appris à reconnaître, vous n′allez pas me croire, à reconnaître le jasmin. » Et il faut avouer qu′il y a quelque chose de curieux à penser que le peintre des fleurs que les amateurs d′art nous citent aujourd′hui comme le premier, comme supérieur même à Fantin-Latour, n′aurait peut-être jamais, sans la femme qui est là, su peindre un jasmin. «Â Oui, ma parole, le jasmin ; toutes les roses qu′il a faites, c′est chez moi ou bien c′est moi qui les lui apportais. On ne l′appelait chez nous que Monsieur Tiche. Demandez à Cottard, à Brichot, à tous les autres, si on le traitait ici en grand homme. Lui-même en aurait ri. Je lui apprenais à disposer ses fleurs ; au commencement il ne pouvait pas en venir à bout. Il n′a jamais su faire un bouquet. Il n′avait pas de goût naturel pour choisir, il fallait que je lui dise : «Â Non, ne peignez pas cela, cela n′en vaut pas la peine, peignez ceci. » Ah ! s′il nous avait écoutés aussi pour l′arrangement de sa vie comme pour l′arrangement de ses fleurs et s′il n′avait pas fait ce sale mariage ! » Et brusquement, les yeux enfiévrés par l′absorption d′une rêverie tournée vers le passé, avec le nerveux taquinage, dans l′allongement maniaque de ses phalanges, du floche des manches de son corsage, c′est, dans le contournement de sa pose endolorie, comme un admirable tableau qui n′a, je crois, jamais été peint, et où se liraient toute la révolte contenue, toutes les susceptibilités rageuses d′une amie outragée dans les délicatesses, dans la pudeur de la femme. Là-dessus elle nous parle de l′admirable portrait qu′Elstir a fait pour elle, le portrait de la famille Collard, portrait donné par elle au Luxembourg au moment de sa brouille avec le peintre, confessant que c′est elle qui a donné au peintre l′idée de faire l′homme en habit pour obtenir tout ce beau bouillonnement du linge et qui a choisi la robe de velours de la femme, robe faisant un appui au milieu de tout le papillotage des nuances claires des tapis, des fleurs, des fruits, des robes de gaze des fillettes pareilles à des tutus de danseuses. Ce serait elle aussi qui aurait donné l′idée de ce coiffage, idée dont on a fait ensuite honneur à l′artiste, idée qui consistait, en somme, à peindre la femme, non pas en représentation mais surprise dans l′intime de sa vie de tous les jours. «Â Je lui disais : Mais dans la femme qui se coiffe, qui s′essuie la figure, qui se chauffe les pieds, quand elle ne croit pas être vue, il y a un tas de mouvements intéressants, des mouvements d′une grâce tout à fait léonardesque ! » Mais sur un signe de Verdurin indiquant le réveil de ces indignations comme malsain pour la grande nerveuse que serait au fond sa femme, Swann me fait admirer le collier de perles noires porté par la maîtresse de la maison et achetées par elle, toutes blanches, à la vente d′un descendant de Mme de La Fayette à qui elles auraient été données par Henriette d′Angleterre, perles devenues noires à la suite d′un incendie qui détruisit une partie de la maison que les Verdurin habitaient dans une rue dont je ne me rappelle plus le nom, incendie après lequel fut retrouvé le coffret où étaient ces perles, mais devenues entièrement noires. «Â Et je connais le portrait de ces perles, aux épaules mêmes de Mme de La Fayette, oui, parfaitement, leur portrait, insista Swann devant les exclamations des convives un brin ébahis, leur portrait authentique, dans la collection du duc de Guermantes. » Une collection qui n′a pas son égale au monde, proclame-t-il, et que je devrais aller voir, une collection héritée par le célèbre duc, qui était son neveu préféré, de Mme de Beausergent sa tante, de Mme de Beausergent depuis Mme d′Hayfeld, la sœur de la marquise de Villeparisis et de la princesse de Hanovre. Mon frère et moi nous l′avons tant aimé autrefois sous les traits du charmant bambin appelé Basin, qui est bien en effet le prénom du duc. Là-dessus, le docteur Cottard, avec une finesse qui décèle chez lui l′homme tout à fait distingué, ressaute à l′histoire des perles et nous apprend que des catastrophes de ce genre produisent dans le cerveau des gens des altérations tout à fait pareilles à celles qu′on remarque dans la matière inanimée et cite d′une façon vraiment plus philosophique que ne feraient bien des médecins le propre valet de chambre de Mme Verdurin qui, dans l′épouvante de cet incendie où il avait failli périr, était devenu un autre homme, ayant une écriture tellement changée qu′à la première lettre que ses maîtres, alors en Normandie, reçurent de lui leur annonçant l′événement, ils crurent à la mystification d′un farceur. Et pas seulement une autre écriture, selon Cottard, qui prétend que de sobre cet homme était devenu si abominablement pochard que Mme Verdurin avait été obligée de le renvoyer. Et la suggestive dissertation passa, sur un signe gracieux de la maîtresse de maison, de la salle à manger au fumoir vénitien dans lequel Cottard me dit avoir assisté à de véritables dédoublements de la personnalité, nous citant le cas d′un de ses malades, qu′il s′offre aimablement à m′amener chez moi et à qui il suffisait qu′il touchât les tempes pour l′éveiller à une seconde vie, vie pendant laquelle il ne se rappelait rien de la première, si bien que, très honnête homme dans celle-là, il y aurait été plusieurs fois arrêté pour des vols commis dans l′autre où il serait tout simplement un abominable gredin. Sur quoi Mme Verdurin remarque finement que la médecine pourrait fournir des sujets plus vrais à un théâtre où la cocasserie de l′imbroglio reposerait sur des méprises pathologiques, ce qui, de fil en aiguille, amène Mme Cottard à narrer qu′une donnée toute semblable a été mise en œuvre par un amateur qui est le favori des soirées de ses enfants, l′Écossais Stevenson, un nom qui met dans la bouche de Swann cette affirmation péremptoire : «Â Mais c′est tout à fait un grand écrivain, Stevenson, je vous assure, M. de Goncourt, un très grand, l′égal des plus grands. » Et comme, sur mon émerveillement des plafonds à caissons écussonnés provenant de l′ancien palazzo Barberini, de la salle où nous fumons, je laisse percer mon regret du noircissement progressif d′une certaine vasque par la cendre de nos «Â londrès », Swann, ayant raconté que des taches pareilles attestent sur les livres ayant appartenu à Napoléon Ier, livres possédés, malgré ses opinions antibonapartistes, par le duc de Guermantes, que l′empereur chiquait, Cottard, qui se révèle un curieux vraiment pénétrant en toutes choses, déclare que ces taches ne viennent pas du tout de cela — mais là, pas du tout, insiste-t-il avec autorité — mais de l′habitude qu′il avait d′avoir toujours dans la main, même sur les champs de bataille, des pastilles de réglisse, pour calmer ses douleurs de foie. «Â Car il avait une maladie de foie et c′est de cela qu′il est mort, conclut le docteur. »
Y al verano siguiente volvían, alojando a toda una colonia de artistas en una admirable mansión medieval habilitada en un antiguo claustro que ellos alquilaban por nada. Y la verdad es que, oyendo a esta mujer que, después de pasar por tantos lugares, verdaderamente ilustres, conserva sin embargo en su palabra un poco del verdor de la palabra de una mujer de pueblo, una palabra que nos muestra las cosas con el color que en ellas ve nuestra imaginación, se me hace la boca agua con la vida que ella me dice haber llevado allí, trabajando cada uno en su celda, y donde todos se reunían en el salón, tan espacioso que tenía dos chimeneas, a comer y a enhebrar unas charlas de tono elevadísimo, alternando con pequeños juegos, haciéndome pensar esta mansión en la que evoca esa obra maestra de Diderot, Lettres à Mademoiselle Volland. Y después del almuerzo todo el mundo salía, hasta con chaparrones, y cuando salía el sol, el resplandor de un aguacero, de un aguacero que rayaba con su filtrado luminoso las nudosidades de un magnífico desfile de hayas centenarias que ponían delante de la verja la belleza vegetal tan cara al siglo XVIII, y los arbustos que, a modo de botones florecidos, en las colgaduras de sus ramas, lucían gotas de lluvia. Deteníanse los paseantes a escuchar el delicado barboteo, enamorado de frescor, de un pardillo bañándose en la monísima y minúscula bañera de Ninfemburgo que es la corola de una rosa blanca. Y como yo le hablara a madame Verdurin de los paisajes y de las flores de allí delicadamente pastelizadas por Elstir, lánzame ella en iracundo alzar de la cabeza: “Es que soy yo quien le hice conocer todo aquello, todo, ¿sabe usted?, todo, los rincones curiosos, todos los motivos se los tiré a la cara cuando nos dejó, ¿verdad, Augusto? Todos, todos los motivos que pintó. Los objetos los conoció siempre, hay que ser justo, hay que reconocerlo. Pero flores, lo que se dice flores, no las había visto nunca, no sabía distinguir una altea de una malvarrosa. No me creerá usted, pero le enseñé yo a distinguir el jazmín”. Y fuerza es reconocer que resulta curioso pensar que el pintor de flores que los aficionados al arte nos citan hoy como el primero, incluso como superior a Fantin- Latour, quizá sin la mujer que aquí tenemos nunca supiera pintar un jazmín. “Sí, palabra de honor que el jazmín y todas las rosas que pintó las pintó en mi casa o se las llevé yo. En casa le llamábamos siempre monsieur Tiche; pregúntele a Cottard, a Brichot, a todos los demás, si le tratábamos aquí como a un gran hombre. Él mismo se habría reído. Yo le enseñaba a colocar sus flores, al principio no acertaba a hacerlo. Jamás supo formar un ramo. No tenía gusto natural para elegir, tenía que decirle yo: `No, no pinte eso, eso no vale la pena, pinte esto′. ¡Ah, si nos hubiera escuchado tan bien para arreglar su vida como para arreglar las flores, y si no hubiera hecho aquella asquerosa boda! ” Y, súbitamente, enfebrecidos los ojos por la absorción de un ensueño mirando hacia el pasado, con el tamborileo nervioso, en el maniático prolongar sus falanges allende el sedoso bullón de la blusa, en el escorzo de su actitud doliente, es como un maravilloso cuadro nunca pintado a lo que creo, y en el que se leyera toda la rebeldía contenida, todas las susceptibilidades iracundas de una amiga ultrajada en las delicadezas, el pudor de la mujer. Después nos habla del admirable retrato que Elstir hizo para ella, el retrato de la familia Cottard, que ella donó al Luxembourg cuando rompió con el pintor, declarando que fue ella quien dio al pintor la idea de pintar al hombre vestido de frac para lograr todo ese bello abullonamiento de la pechera y quien eligió el vestido de terciopelo de la mujer, un vestido que rima con todo ese esplendor de matices claros de los tapices, de las flores, de las frutas, de las gasas que envuelven a las niñas, parejas a las faldillas de las bailarinas. Y parece ser que a ella también se debe la idea de ese peinado, idea que, en suma, consistía en pintar a la mujer no en representación, sino sorprendida en lo íntimo de su vida cotidiana. “Yo le decía: pero en la mujer que se está peinando, que está secándose la cara, que está calentándose los pies, cuando cree que no la ven hay un venero de movimientos interesantes, de gestos de una gracia enteramente leonardesca:” Mas a una señal de Verdurin indicando que el despertar de aquellas indignaciones era nocivo para la gran nerviosa que parece ser, en el fondo, su mujer, Swann me hace admirar el collar de perlas negras que lleva la anfitriona y que ella compró completamente blancas en la subasta de un descendiente de madame de La Fayette, a quien se las regalara Enriqueta de Inglaterra, y que se tornaron negras en un incendio que destruyó una parte de la casa donde vivieron los Verdurin, en no recuerdo qué calle, y después del cual se encontró el cofrecillo donde estaban las perlas, mas que se habían tornado completamente negras. “Y yo conozco su retrato, el retrato de esas perlas, en los hombros mismos de madame de La Fayette, sí, exactamente, su retrato -insiste Swann ante las exclamaciones de los invitados un tanto maravillados-, su retrato auténtico, en la colección del duque de Guermantes.” Una colección sin igual en el mundo, proclama Swann, y que yo debería ir a ver, una colección heredada por el célebre duque, que era su sobrino predilecto, de madame de Beausergent, su tía, después madame d′Hazfeld, hermana de la marquesa de Villeparisis y de la princesa de Hanovre, donde tanto nos gustara en otro tiempo a mi hermano y a mí bajo los rasgos del encantador bambino llamado Basin, que es, en realidad, el nombre del duque. Y en esto el doctor Cottard, con una sutileza que revela en él un hombre distinguido en extremo, recoge la historia de las perlas y nos explica que análogas catástrofes producen en el cerebro de las personas ciertas alteraciones muy semejantes a las que se observan en la materia inanimada, y cita, de una manera verdaderamente más filosófica de lo que lo harían muchos médicos, al propio criado de madame Verdurin, que, en el espanto de aquel incendio en el que estuvo a punto de perecer, tornóse otro hombre, con una letra tan cambiada que, a la primera carta suya recibida por sus amos, a la sazón en Normandía, dándoles cuenta de lo ocurrido, creyeron que era invención de un bromista. Y no sólo cambió de letra: según Cottard, el hombre antes sobrio se tornó tan intolerablemente borracho que madame Verdurin no tuvo más remedio que despedirle. Y, a una seña de la anfitriona, la sugestiva disertación pasa del comedor al fumadero veneciano en el que nos dice Cottard que asistió a verdaderos desdoblamientos de la personalidad, citándonos el caso de un enfermo suyo, que él se ofrece amablemente a llevar a mi casa y que, según dice Cottard, basta que él le toque en las sienes para que despierte a una segunda vida durante la cual no recuerda nada de la primera, tanto que, muy honrado en ésta, ha estado detenido varias veces por robos cometidos en la otra, donde sería ni más ni menos que un perfecto sinvergüenza. A lo cual madame Verdurin observa agudamente que la medicina podría ofrecer temas más verdaderos a un teatro en el que la comicidad del embrollo se basaría en confusiones patológicas, lo que, de una cosa a otra, lleva a madame Cottard a contar que un tema muy parecido ha sido desarrollado por un narrador que es el favorito de las veladas de sus hijos, el escocés Stevenson, un nombre que pone en boca de Swann esta perentoria afirmación: “Pero Stevenson es un gran escritor, se lo aseguro, monsieur de Goncourt, un magnífico escritor, uno de los más grandes escritores”. Y como, maravillado yo de la sala donde estábamos fumando, de sus artesones blasonados, procedentes del antiguo palazzo Barberini, dejara traslucir mi pesar por el progresivo ennegrecimiento de cierto recipiente por la ceniza de nuestros “londres”, cuenta Swann que parecidas manchas atestiguan en los libros que pertenecieron a Napoleón I -unos libros que ahora posee el duque de Guermantes, pese a sus opiniones antibonapartistas-, que el emperador mascaba tabaco. Cottard, que se nos revela como un curioso verdaderamente penetrante en todas las cosas, declara que esas manchas no proceden en absoluto de nada de eso -”en absoluto”, repite con autoridad-, sino de la costumbre que Napoleón tenía de llevar siempre en la mano, hasta en los campos de batalla, pastillas de regaliz para calmar sus dolores de hígado. “Pues padecía del hígado, y de eso murió”, concluye el doctor».
Je m′arrêtai là, car je partais le lendemain et, d′ailleurs, c′était l′heure où me réclamait l′autre maître au service de qui nous sommes chaque jour, pour une moitié de notre temps. La tâche à laquelle il nous astreint, nous l′accomplissons les yeux fermés. Tous les matins il nous rend à notre autre maître, sachant que sans cela nous nous livrerions mal à la sienne. Curieux, quand notre esprit a rouvert ses yeux, de savoir ce que nous avons bien pu faire chez le maître qui étend ses esclaves avant de les mettre à une besogne précipitée, les plus malins, à peine la tâche finie, tâchent de subrepticement regarder. Mais le sommeil lutte avec eux de vitesse pour faire disparaître les traces de ce qu′ils voudraient voir. Et depuis tant de siècles, nous ne savons pas grand′chose là-dessus. — Je fermai donc le journal des Goncourt. Prestige de la littérature ! J′aurais voulu revoir les Cottard, leur demander tant de détails sur Elstir, aller voir la boutique du Petit Dunkerque si elle existait encore, demander la permission de visiter cet hôtel des Verdurin où j′avais dîné. Mais j′éprouvais un vague trouble. Certes, je ne m′étais jamais dissimulé que je ne savais pas écouter ni, dès que je n′étais plus seul, regarder ; une vieille femme ne montrait à mes yeux aucune espèce de collier de perles et ce qu′on en disait n′entrait pas dans mes oreilles. Tout de même, ces êtres-là, je les avais connus dans la vie quotidienne, j′avais souvent dîné avec eux, c′étaient les Verdurin, c′était le duc de Guermantes, c′étaient les Cottard, chacun d′eux m′avait paru aussi commun qu′à ma grand′mère ce Basin dont elle ne se doutait guère qu′il était le neveu chéri, le jeune héros délicieux, de Mme de Beausergent, chacun d′eux m′avait semblé insipide ; je me rappelais les vulgarités sans nombre dont chacun était composéÂ… «Â Et que tout cela fît un astre dans la nuit ! ! ! »
Lo dejé aquí, pues me iba al día siguiente; y además era la hora en que me reclamaba el otro maestro a cuyo servicio estamos cada día la mitad de nuestro tiempo. La tarea que nos impone la realizamos con los ojos cerrados. Todas las mañanas nos entrega de nuevo a nuestro otro dueño, sabiendo que, sin esto, nos entregaríamos mal a la suya. Curioso por saber, cuando nuestro espíritu abre de nuevo los ojos, lo que hemos podido hacer bajo el dueño que tiende a sus esclavos antes de ponerlos a una tarea precipitada, los más ladinos, apenas terminada ésta, intentan mirar subrepticiamente. Pero el sueño les gana por la mano para hacer desaparecer las huellas de lo que quisieran ver. Y al cabo de tantos siglos no sabemos gran cosa sobre el particular. Cerré, pues, el diario de los Goncourt. ¡Prestigio de la literatura! Yo habría querido volver a ver a los Cottard, preguntarles muchos detalles sobre Elstir, ir a ver la tienda del Petit Dunkerque si aún existía, pedir permiso para visitar aquel hotel de los Verdurin donde yo había comido. Pero sentía una vaga turbación. Desde luego, nunca me había disimulado que no sabía escuchar ni, cuando ya no estaba solo, mirar. Una señora anciana no mostraba ante mis ojos ninguna clase de collar de perlas y lo que se decía no me entraba en los oídos. Sin embargo, eran seres a los que había conocido en la vida cotidiana, había comido muchas veces con ellos, eran los Verdurin, era el duque de Guermantes, eran los Cottard, y cada uno de ellos me había parecido tan corriente como a mi abuela aquel Basin que ella no sospechaba que era el sobrino querido, el joven héroe delicioso, de madame de Beausergent. Todos me habían parecido insípidos; recordaba las innúmeras vulgaridades de que cada uno de ellos estaba compuesto... Et que tout cela fasse un astre dans la nuit!
Je résolus de laisser provisoirement de côté les objections qu′avaient pu faire naître en moi contre la littérature ces pages des Goncourt. Même en mettant de côté l′indice individuel de naîµ¥té qui est frappant chez le mémorialiste, je pouvais d′ailleurs me rassurer à divers points de vue. D′abord, en ce qui me concernait personnellement, mon incapacité de regarder et d′écouter, que le journal cité avait si péniblement illustrée pour moi, n′était pourtant pas totale. Il y avait en moi un personnage qui savait plus ou moins bien regarder, mais c′était un personnage intermittent, ne reprenant vie que quand se manifestait quelque essence générale, commune à plusieurs choses, qui faisait sa nourriture et sa joie. Alors le personnage regardait et écoutait, mais à une certaine profondeur seulement, de sorte que l′observation n′en profitait pas. Comme un géomètre qui, dépouillant les choses de leurs qualités sensibles, ne voit que leur substratum linéaire, ce que racontaient les gens m′échappait, car ce qui m′intéressait, c′était non ce qu′ils voulaient dire, mais la manière dont ils le disaient, en tant qu′elle était révélatrice de leur caractère ou de leurs ridicules ; ou plutôt c′était un objet qui avait toujours été plus particulièrement le but de ma recherche parce qu′il me donnait un plaisir spécifique, le point qui était commun à un être et à un autre. Ce n′était que quand je l′apercevais que mon esprit — jusque-là sommeillant, même derrière l′activité apparente de ma conversation, dont l′animation masquait pour les autres un total engourdissement spirituel — se mettait tout à coup joyeusement en chasse, mais ce qu′il poursuivait alors — par exemple l′identité du salon Verdurin dans divers lieux et divers temps — était situé à mi-profondeur, au delà de l′apparence elle-même, dans une zone un peu plus en retrait. Aussi le charme apparent, copiable, des êtres m′échappait parce que je n′avais plus la faculté de m′arrêter à lui, comme le chirurgien qui, sous le poli d′un ventre de femme, verrait le mal interne qui le ronge. J′avais beau dîner en ville, je ne voyais pas les convives, parce que quand je croyais les regarder je les radiographiais. Il en résultait qu′en réunissant toutes les remarques que j′avais pu faire dans un dîner sur les convives, le dessin des lignes tracées par moi figurait un ensemble de lois psychologiques où l′intérêt propre qu′avait eu dans ses discours le convive ne tenait presque aucune place. Mais cela enlevait-il tout mérite à mes portraits puisque je ne les donnais pas pour tels ? Si l′un de ces portraits, dans le domaine de la peinture, met en évidence certaines vérités relatives au volume, à la lumière, au mouvement, cela fait-il qu′il soit nécessairement inférieur à tel portrait ne lui ressemblant aucunement de la même personne, dans lequel mille détails qui sont omis dans le premier seront minutieusement relatés, deuxième portrait d′où l′on pourra conclure que le modèle était ravissant tandis qu′on l′eût cru laid dans le premier, ce qui peut avoir une importance documentaire et même historique, mais n′est pas nécessairement une vérité d′art. Puis ma frivolité, dès que je n′étais pas seul, me faisait désirer de plaire, plus désireux d′amuser en bavardant que de m′instruire en écoutant, à moins que je ne fusse allé dans le monde pour interroger sur quelque point d′art, ou quelque soupçon jaloux qui m′avait occupé l′esprit avant ! Mais j′étais incapable de voir ce dont le désir n′avait pas été éveillé en moi par quelque lecture, ce dont je n′avais pas d′avance désiré moi-même le croquis que je désirais ensuite confronter avec la réalité. Que de fois, je le savais bien, même si cette page de Goncourt ne me l′eût pas appris, je suis resté incapable d′accorder mon attention à des choses ou à des gens qu′ensuite, une fois que leur image m′avait été présentée dans la solitude par un artiste, j′aurais fait des lieues, risqué la mort pour retrouver. Alors mon imagination était partie, avait commencé à peindre. Et ce devant quoi j′avais bâillé l′année d′avant, je me disais avec angoisse, le contemplant d′avance, le désirant : «Â Sera-t-il vraiment impossible de le voir ? Que ne donnerais-je pas pour cela ! » Quand on lit des articles sur des gens, même simplement des gens du monde, qualifiés de «Â derniers représentants d′une société dont il n′existe plus aucun témoin », sans doute on peut s′écrier : «Â Dire que c′est d′un être si insignifiant qu′on parle avec tant d′abondance et d′éloges ! c′est cela que j′aurais déploré de ne pas avoir connu si je n′avais fait que lire les journaux et les revues, et si je n′avais pas vu «Â l′homme », mais j′étais plutôt tenté en lisant de telles pages dans les journaux de penser : «Â Quel malheur — alors que j′étais seulement préoccupé de retrouver Gilberte ou Albertine — que je n′aie pas fait plus attention à ce monsieur, je l′avais pris pour un raseur du monde, pour un simple figurant, c′était une figure ! » Cette disposition-là, les pages de Goncourt que je lus me la firent regretter. Car peut-être j′aurais pu conclure d′elles que la vie apprend à rabaisser le prix de la lecture, et nous montre que ce que l′écrivain nous vante ne valait pas grand′chose ; mais je pouvais tout aussi bien en conclure que la lecture, au contraire, nous apprend à relever la valeur de la vie, valeur que nous n′avons pas su apprécier et dont nous nous rendons compte seulement par le livre combien elle était grande. À la rigueur, nous pouvons nous consoler de nous être peu plu dans la société d′un Vinteuil, d′un Bergotte, puisque le bourgeoisisme pudibond de l′un, les défauts insupportables de l′autre ne prouvent rien contre eux, puisque leur génie est manifesté par leurs œuvres ; de même la prétentieuse vulgarité d′un Elstir à ses débuts.
Decidí prescindir provisionalmente de las objeciones que habían podido sugerirme contra la literatura las páginas de Goncourt leídas la víspera de salir de Tansonville. Aun prescindiendo del índice individual de ingenuidad que llama la atención en este memorialista, podía por otra parte tranquilizarme en diversos puntos de vista. En primer lugar, en lo que personalmente me concernía, mi incapacidad de mirar y de escuchar, que el citado diario tan penosamente había puesto de relieve para mí, no era, sin embargo, total. Había en mí un personaje que, más o menos, sabía mirar bien, pero era un personaje intermitente, que sólo tomaba vida cuando se manifestaba alguna esencia general, común a varias cosas, que constituía su alimento y su deleite. Entonces el personaje miraba y escuchaba, Pero sólo en cierta profundidad, de suerte que la observación no ganaba nada. Como un geómetra que, prescindiendo de las cualidades sensibles de las cosas, ve solamente su substrato lineal, yo no captaba lo que contaban las personas, pues lo que me interesaba no era lo que querían decir, sino la manera de decirlo, en cuanto revelaba su carácter o sus notas ridículas; o más bien era un objeto que fue siempre la finalidad principal de mi búsqueda porque me daba un goce específico, el punto común a uno y a otro ser. Sólo cuando mi mente lo percibía -somnolienta hasta entonces, incluso tras la aparente actividad de mi conversación, cuya animación enmascaraba para los demás un completo entumecimiento mental- se lanzaba de pronto, gozosamente, a la caza, pero lo que entonces perseguía -por ejemplo, la identidad del salón Verdurin en diversos lugares y tiempos- estaba situado a una profundidad media, más allá de la apariencia misma, en una zona un poco más retirada. Y el encanto aparente, copiable, de los seres escapaba a mi percepción porque yo no tenía la facultad de detenerme en él, como un cirujano que, bajo la tersura de un vientre de mujer, viera el mal interno que lo roe. Cuando comía invitado, no veía a los demás invitados, porque, creyendo mirarlos, los radiografiaba. Y al reunir todas las observaciones que había podido hacer sobre los invitados en una comida, el dibujo de las líneas por mí trazadas era como un conjunto de leyes psicológicas donde apenas tenía cabida el interés propio que el invitado hubiera podido tener en sus palabras. Pero ¿acaso esto quitaba todo mérito a mis retratos, si para mí no eran retratos? Si, en el campo de la pintura, alguien pone de relieve ciertas verdades relativas al volumen, a la luz, al movimiento, el cuadro no será necesariamente inferior a un retrato de la misma persona, que no se parece nada al primero y en el que se relatan minuciosamente mil detalles omitidos en éste, y del segundo retrato se podrá deducir que el modelo era seductor, cuando en el primero se hubiera creído feo, lo que puede tener una importancia documental y hasta histórica, pero no es necesariamente una verdad de arte. Después, en cuanto no estaba solo, mi frivolidad me daba el deseo de agradar, más de divertir hablando que de instruirme escuchando, a no ser que fuera a una reunión para enterarme sobre algún punto de arte o sobre alguna sospecha celosa que me había preocupado antes. Pero era incapaz de ver nada cuyo deseo no me hubiera sido sugerido previamente por alguna lectura, nada de lo que yo no hubiera dibujado de antemano un croquis que quisiera comparar con la realidad. ¡Cuántas veces -lo sabía muy bien, sin necesidad de aprenderlo en aquella página de Goncourt- fui incapaz de prestar atención a cosas o a personas que más tarde, después de que un artista me presentara su imagen en la soledad, hubiera caminado leguas, arriesgado la vida por volver a encontrarlas! Entonces mi imaginación se había puesto en marcha, había comenzado a pintar. Y aquello ante lo cual bostezara el año anterior, ahora me decía con angustia contemplándolo de antemano, deseándolo: «¿Será verdaderamente imposible verlo? ¡Cuánto daría por conseguirlo! » Cuando leemos artículos sobre ciertas personas aunque sólo se trate de personas del gran mundo, de esas de quienes se dice que son «los últimos representantes de una sociedad de la que ya no existe ningún testigo», seguramente podemos exclamar: «¡Pensar que ese de quien se habla con tanto elogio es un ser insignificante! ¡Pensar que, si yo me guiara solamente por los periódicos y las revistas sin haber visto al hombre lamentaría no haberle conocido! » Pero, al leer páginas tales en los periódicos, me sentía más bien tentado a pensar: «¡Lástima que -cuando sólo me preocupaba de encontrar a Gilberta o a Albertina no presté ninguna atención a ese señor! Yo le tomaba por uno de esos pelmas del gran mundo, por un comparsa, y era una Figura». Las páginas de Goncourt que leí me hicieron lamentar esta disposición. Pues quizá podía deducir de ellas que la vida aprende a rebajar el valor de la lectura, y nos demuestra que lo que el escritor nos alaba no valía gran cosa; mas con la misma razón podía deducir lo contrario: que la lectura nos enseña a apreciar más el valor de la vida, valor que no hemos sabido estimar y del que sólo por el libro nos damos cuenta de lo grande que era. En rigor, podemos consolarnos de haber gozado poco en la compañía de un Vinteuil, de un Bergotte. El burguesismo pudibundo del uno, los defectos insoportables del otro, hasta la pretenciosa vulgaridad de un Elstir en sus principios no pueden nada contra ellos, porque su genio se manifiesta en sus obras.
Ainsi le journal des Goncourt m′avait fait découvrir qu′Elstir n′était autre que le «Â Monsieur Tiche » qui avait tenu jadis de si exaspérants discours à Swann, chez les Verdurin. Mais quel est l′homme de génie qui n′a pas adopté les irritantes façons de parler des artistes de sa bande, avant d′arriver (comme c′était venu pour Elstir et comme cela arrive rarement) à un bon goût supérieur. Les lettres de Balzac, par exemple, ne sont-elles pas semées de termes vulgaires que Swann eût souffert mille morts d′employer ? Et cependant il est probable que Swann, si fin, si purgé de tout ridicule haî²³able, eût été incapable d′écrire la Cousine Bette et le Curé de Tours. Que ce soit donc les Mémoires qui aient tort de donner du charme à leur société alors qu′elle nous a déplu est un problème de peu d′importance, puisque, même si c′est l′écrivain de Mémoires qui se trompe, cela ne prouve rien contre la valeur de la vie qui produit de tels génies et qui n′existait pas moins dans les œuvres de Vinteuil, d′Elstir et de Bergotte.
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Para ellos, sean las Memorias o seamos nosotros quien se equivoque atribuyendo encanto a su compañía que nos ha desagradado, el problema importa poco, porque, aun suponiendo que el equivocado sea el autor de las Memorias, ello no demostraría nada contra el valor de la vida que produce tales genios.
Tout à l′autre extrémité de l′expérience, quand je voyais que les plus curieuses anecdotes, qui font la matière inépuisable, divertissement des soirées solitaires pour le lecteur, du journal des Goncourt, lui avaient été contées par ces convives que nous eussions à travers ces pages envié de connaître et qui ne m′avaient pas laissé à moi trace d′un souvenir intéressant, cela n′était pas trop inexplicable encore. Malgré la naîµ¥té de Goncourt, qui concluait de l′intérêt de ces anecdotes à la distinction probable de l′homme qui les contait, il pouvait très bien se faire que des hommes médiocres eussent eu dans leur vie, ou entendu raconter, des choses curieuses et les contassent à leur tour. Goncourt savait écouter, comme il savait voir ; je ne le savais pas. D′ailleurs, tous ces faits auraient eu besoin d′être jugés un à un M. de Guermantes ne m′avait certes pas donné l′impression de cet adorable modèle des grâces juvéniles que ma grand′mère eût tant voulu connaître et me proposait comme modèle inimitable d′après les Mémoires de Mme de Beausergent. Mais il faut songer que Basin avait alors sept ans, que l′écrivain était sa tante, et que même les maris qui doivent divorcer quelques mois après vous font un grand éloge de leur femme. Une des plus jolies poésies de Sainte-Beuve est consacrée à l′apparition devant une fontaine d′une jeune enfant couronnée de tous les dons et de toutes les grâces, la jeune Mlle de Champlâtreux, qui ne devait pas avoir alors dix ans. Malgré toute la tendre vénération que le poète de génie qu′est la comtesse de Noailles portait à sa belle-mère, la duchesse de Noailles, née Champlâtreux, il est possible, si elle avait eu à en faire le portrait, que celui-ci eût contrasté assez vivement avec celui que Sainte-Beuve en traçait cinquante ans plus tôt.
En el extremo opuesto de la experiencia, cuando yo veía que las anécdotas más curiosas, las que hacen del Diario de Goncourt materia inagotable, diversión de las noches solitarias para el lector, se las habían contado esos invitados que, a través de sus páginas, desearíamos conocer, y que a mí no me dejaron huella de un recuerdo interesante, no era todavía cosa muy inexplicable. A pesar de la ingenuidad de Goncourt, que del interés de aquellas anécdotas deducía la distinción probable del hombre que las contaba, muy bien podía ocurrir que unos hombres mediocres vieran en su vida u oyeran contar cosas curiosas y las contasen a su vez. Goncourt sabía escuchar, como sabía ver; yo no sabía. Por otra parte, habría que juzgar uno por uno todos esos hechos. La verdad es que monsieur de Guermantes no me había dado la impresión de aquel adorable modelo de gracias juveniles que a mi abuela tanto le hubiera gustado conocer y que me proponía como modelo inimitable por las Memorias de madame de Beausergent. Pero hay que pensar que Basin tenía entonces siete años, que el escritor era su tía y que hasta los maridos que se van a divorciar a los pocos meses nos hacen un gran elogio de su mujer. Una de las poesías más bonitas de Sainte-Beuve está dedicada a la aparición, ante una fuente, de una joven adornada de todos los dones y de todas las gracias, la joven mademoiselle de Champlâtreux, que no debía de tener entonces diez años. Pese a toda la tierna veneración que ese poeta genial que es la condesa de Noailles tenía a su suegra, la duquesa de Noailles, Champlâtreux por su familia, es, posible que, si hubiera tenido que hacer su retrato, contrastara bastante con el que Sainte-Beuve trazó cincuenta años antes.
Ce qui eût peut-être été plus troublant, c′était l′entre-deux, c′étaient ces gens desquels ce qu′on dit implique, chez eux, plus que la mémoire qui a su retenir une anecdote curieuse, sans que pourtant on ait, comme pour les Vinteuil, les Bergotte, le recours de les juger sur leur œuvre ; ils n′en ont pas créé, ils en ont seulement — à notre grand étonnement à nous qui les trouvions si médiocres — inspiré. Passe encore que le salon qui, dans les musées, donnera la plus grande impression d′élégance, depuis les grandes peintures de la Renaissance, soit celui de la petite bourgeoise ridicule que j′eusse, si je ne l′avais pas connue, rêvé devant le tableau de pouvoir approcher dans la réalité, espérant apprendre d′elle les secrets les plus précieux que l′art du peintre, que sa toile ne me donnaient pas et de qui la pompeuse traîne de velours et de dentelles est un morceau de peinture comparable aux plus beaux du Titien. Si j′avais compris jadis que ce n′est pas le plus spirituel, le plus instruit, le mieux relationné des hommes, mais celui qui sait devenir miroir et peut refléter ainsi sa vie, fût-elle médiocre, qui devient un Bergotte (les contemporains le tinssent-ils pour moins homme d′esprit que Swann et moins savant que Brichot), on peut souvent à plus forte raison en dire autant des modèles de l′artiste. Dans l′éveil de l′amour de la beauté, chez l′artiste, qui peut tout peindre, de l′élégance où il pourra trouver de si beaux motifs, le modèle lui sera fourni par des gens un peu plus riches que lui, chez qui il trouvera ce qu′il n′a pas d′habitude dans son atelier d′homme de génie méconnu qui vend ses toiles cinquante francs, un salon avec des meubles recouverts de vieille soie, beaucoup de lampes, de belles fleurs, de beaux fruits, de belles robes — gens modestes relativement, ou qui le paraîtraient à des gens vraiment brillants (qui ne connaissent même pas leur existence), mais qui, à cause de cela, sont plus à portée de connaître l′artiste obscur, de l′apprécier, de l′inviter, de lui acheter ses toiles, que les gens de l′aristocratie qui se font peindre, comme le Pape et les chefs d′État, par les peintres académiciens. La poésie d′un élégant foyer et des belles toilettes de notre temps ne se trouvera-t-elle pas plutôt, pour la postérité, dans le salon de l′éditeur Charpentier par Renoir que dans le portrait de la princesse de Sagan ou de la comtesse de la Rochefoucauld par Cotte ou Chaplin ? Les artistes qui nous ont donné les plus grandes visions d′élégance en ont recueilli les éléments chez des gens qui étaient rarement les grands élégants de leur époque, lesquels se font rarement peindre par l′inconnu porteur d′une beauté qu′ils ne peuvent pas distinguer sur ses toiles, dissimulée qu′elle est par l′interposition d′un poncif de grâce surannée qui flotte dans l′œil du public comme ces visions subjectives que le malade croit effectivement posées devant lui. Mais que ces modèles médiocres que j′avais connus eussent en outre inspiré, conseillé certains arrangements qui m′avaient enchanté, que la présence de tel d′entre eux dans les tableaux fût plus que celle d′un modèle, mais d′un ami qu′on veut faire figurer dans ses toiles, c′était à se demander si tous les gens que nous regrettons de ne pas avoir connus parce que Balzac les peignait dans ses livres ou les leur dédiait en hommage d′admiration, sur lesquels Sainte-Beuve ou Baudelaire firent leurs plus jolis vers, si, à plus forte raison, toutes les Récamier, toutes les Pompadour ne m′eussent pas paru d′insignifiantes personnes, soit par une infirmité de ma nature, ce qui me faisait alors enrager d′être malade et de ne pouvoir retourner voir tous les gens que j′avais méconnus, soit qu′elles ne dussent leur prestige qu′à une magie illusoire de la littérature, ce qui forçait à changer de dictionnaire pour lire et me consolait de devoir d′un jour à l′autre, à cause des progrès que faisait mon état maladif, rompre avec la société, renoncer au voyage, aux musées, pour aller me soigner dans une maison de santé.
Quizá es aún más desconcertante lo intermedio, esas gentes de las que lo que se dice implica en ellos más que la memoria que ha sabido retener una anécdota curiosa, pero sin tener el recurso, como con los Vinteuil, con los Bergotte, de juzgarlos por su obra, pues no han creado ninguna: sólo la han inspirado -con gran asombro nuestro, pues nos parecían tan mediocres-. Pase aún que el salón que dará en los museos la mayor impresión de elegancia desde las grandes pinturas del Renacimiento sea el de la pequeña burguesía ridícula a la que ante el cuadro, y de no haberla conocido, tanto habría deseado yo acercarme en la realidad, esperando aprender de ella los más preciosos secretos del arte del pintor, que su cuadro no me daba, y cuya pomposa cola de terciopelo y de encajes es un trozo de pintura comparable a los más bellos de Tiziano. Si yo había comprendido en otro tiempo que no es el más inteligente, el más culto, el mejor relacionado de los hombres, sino el que sabe hacerse espejo y puede reflejar así su vida, aunque fuera mediocre, el que llega a ser un Bergotte (aunque los contemporáneos le tuvieran por menos inteligente que Swam y menos sabio que Bréauté), lo mismo se podía decir, y con mayor razón, de los modelos del artista. En el surgir de la belleza, en el artista que puede pintarlo todo, el modelo se lo proporcionarán personas un poco más ricas que él, en cuya casa encontrará lo que no suele tener en su taller de hombre de talento desconocido que vende sus cuadros a cincuenta francos: un salón con muebles tapizados de seda antigua, muchas lámparas, bellas flores, hermosas frutas, preciosos vestidos -gente modesta relativamente, o que lo parecería a personas brillantes (que ni siquiera conocen su existencia), pero que, por eso mismo, están más cerca de conocer al artista oscuro, de apreciarle, de invitarle, de comprarle sus cuadros, que las personas de la aristocracia que encargan sus retratos, como el papa y los jefes de estado, a los pintores académicos-. La poesía de una casa elegante y de bellas toilettes de nuestro tiempo ¿no estará para la posteridad en el salón del editor Charpentier por Renoir más bien que en el retrato de la princesa de Sagan o de la condesa de La Rochefoucauld pintado por Cotte o por Chaplin? Los artistas que nos han dado las más grandes visiones de elegancia han tomado los elementos de la misma en las gentes que pocas veces eran los grandes elegantes de su época, los cuales rara vez encargan un retrato al desconocido portador de una belleza que ellos no pueden distinguir en sus pinturas, disimulada como está por la interposición de un tópico de gracia consabida y ya pasada que flota en el ojo del público como esas visiones subjetivas que el enfermo cree que están efectivamente ante él. Pero que esos modelos mediocres que yo conocí hubiesen además inspirado, aconsejado ciertas modificaciones que me encantaron; que la presencia de alguno de ellos en el cuadro fuese más que la presencia de un modelo, es decir, la de un amigo que el pintor quiere poner en sus cuadros, era como para preguntarse si no me hubieran parecido insignificantes todas las personas que lamentamos no haber conocido porque Balzac las pintaba en sus libros o les dedicaba un homenaje de admiración, sobre las que Sainte- Beuve o Baudelaire hicieron sus más hermosos versos, si no me lo hubieran parecido, con mayor razón, todas las Récamier, todas las Pompadour, bien por un defecto de mi naturaleza, lo que entonces me hacía enfurecerme por estar enfermo y no poder volver a ver a todas las personas que había conocido mal, bien porque sólo debiesen su prestigio a una magia ilusoria de la literatura, lo que obligaba a cambiar de diccionario para leer, y me consolaba de tener que romper de un día a otro, por los progresos que hacía mi estado enfermizo, con la sociedad, renunciar a un viaje, a los museos, para ir a reponerme en un sanatorio.
Peut-être, pourtant, ce côté mensonger, ce faux-jour n′existe-t-il dans les Mémoires que quand ils sont trop récents, trop près des réputations, qui plus tard s′anéantiront si vite, aussi bien intellectuelles que mondaines. (Et si l′érudition essaye alors de réagir contre cet ensevelissement, parvient-elle à détruire un sur mille de ces oublis qui vont s′entassant ?)
Â…
Ces idées, tendant, les unes à diminuer, les autres à accroître mon regret de ne pas avoir de dons pour la littérature, ne se présentèrent plus à ma pensée pendant les longues années que je passai à me soigner, loin de Paris, dans une maison de santé où, d′ailleurs, j′avais tout à fait renoncé au projet d′écrire, jusqu′à ce que celle-ci ne pût plus trouver de personnel médical, au commencement de 1916. Je rentrai alors dans un Paris bien différent de celui où j′étais déjà revenu une première fois, comme on le verra tout à l′heure, en août 1914, pour subir une visite médicale, après quoi j′avais rejoint ma maison de santé.
Estas ideas, que tendían, unas a disminuir, otras a aumentar mi pesar por no tener dones para la literatura, no se presentaron nunca en mi pensamiento durante los largos años en los que, por lo demás, había renunciado por completo al proyecto de escribir y que pasé lejos de París, en un sanatorio, hasta que este sanatorio no pudo ya encontrar personal médico, a principios de 1916. Entonces volví a un París muy diferente de aquel al que ya había vuelto una vez, como se verá en seguida, en agosto de 1914, para una consulta médica, después de lo cual retorné a mi sanatorio.
CHAPITRE II
M. De Charlus pendant la guerre; ses opinions, ses plaisirs
Capítulo 2
Un des premiers soirs dès mon nouveau retour à Paris en 1916, ayant envie d′entendre parler de la seule chose qui m′intéressait alors, la guerre, je sortis, après le dîner, pour aller voir Mme Verdurin, car elle était, avec Mme Bontemps, une des reines de ce Paris de la guerre qui faisait penser au Directoire. Comme par l′ensemencement d′une petite quantité de levure, en apparence de génération spontanée, des jeunes femmes allaient tout le jour coiffées de hauts turbans cylindriques comme aurait pu l′être une contemporaine de Mme Tallien. Par civisme, ayant des tuniques égyptiennes droites, sombres, très «Â guerre », sur des jupes très courtes, elles chaussaient des lanières rappelant le cothurne selon Talma, ou de hautes guêtres rappelant celles de nos chers combattants ; c′est, disaient-elles, parce qu′elles n′oubliaient pas qu′elles devaient réjouir les yeux de ces combattants qu′elles se paraient encore, non seulement de toilettes «Â floues », mais encore de bijoux évoquant les armées par leur thème décoratif, si même leur matière ne venait pas des armées, n′avait pas été travaillée aux armées ; au lieu d′ornements égyptiens rappelant la campagne d′Égypte, c′étaient des bagues ou des bracelets faits avec des fragments d′obus ou des ceintures de 75, des allume-cigarettes composés de deux sous anglais, auxquels un militaire était arrivé à donner, dans sa cagna, une patine si belle que le profil de la reine Victoria y avait l′air tracé par Pisanello ; c′est encore parce qu′elles y pensaient sans cesse, disaient-elles, qu′elles portaient à peine le deuil quand l′un des leurs tombait, sous le prétexte qu′il était «Â mêlé de fierté », ce qui permettait un bonnet de crêpe anglais blanc (du plus gracieux effet et autorisant tous les espoirs), dans l′invincible certitude du triomphe définitif, et permettait ainsi de remplacer le cachemire d′autrefois par le satin et la mousseline de soie, et même de garder ses perles, «Â tout en observant le tact et la correction qu′il est inutile de rappeler à des Françaises ».
Una de las primeras noches de mi nuevo regreso, en 1916, queriendo oír hablar de lo único que entonces me interesaba, la guerra, salí después de comer para ir a ver a madame Verdurin, pues era, con madame Bontemps, una de las reinas de aquel París de la guerra que hacía pensar en el Directorio. Como por la siembra de una pequeña cantidad de levadura, en apariencia de generación espontánea, unas mujeres jóvenes iban todo el día con unos altos turbantes cilíndricos, como una contemporánea de madame Tallien, llevando por civismo unas túnicas egipcias rectas, oscuras, muy «guerra», sobre unas faldas muy cortas; llevaban unas correas que recordaban el coturno según Talma, o unas altas polainas que recordaban las de nuestros queridos combatientes; era, decían ellas, porque no olvidaban que debían alegrar los ojos de aquellos combatientes, por lo que todavía se arreglaban, no sólo con vestidos «vaporosos», sino también con alhajas que evocaban los ejércitos con su tema decorativo, aunque la materia no viniera de los ejércitos, ni hubiera sido trabajada en los ejércitos; en lugar de los ornamentos egipcios que recordaban la campaña de Egipto, eran sortijas o pulseras hechas con fragmentos de obuses o cinturones de 75, encendedores formados por dos peniques ingleses a los que un militar había logrado dar en su trinchera una pátina tan bella que el perfil de la reina Victoria parecía trazado por Pisanello; era también porque pensaban constantemente en ellos, decían ellas, que, cuando caía uno de los suyos, apenas le guardaban luto, con el pretexto de que era «un luto en el que entraba el orgullo» lo que permitía un gorro de crespón inglés blanco (del más gracioso efecto y que «autorizaba todas las esperanzas», en la invencible seguridad del triunfo definitivo), sustituir al casimir de antaño por el raso y la muselina de seda, y hasta conservar las perlas, «sin dejar por eso de observar el tacto y la corrección que es inútil recordar a buenas francesas».
Le Louvre, tous les musées étaient fermés, et quand on lisait en tête d′un article de journal : «Â Une exposition sensationnelle », on pouvait être sûr qu′il s′agissait d′une exposition non de tableaux, mais de robes, de robes destinées, d′ailleurs, à éveiller «Â ces délicates joies d′art dont les Parisiennes étaient depuis trop longtemps sevrées ». C′est ainsi que l′élégance et le plaisir avaient repris ; l′élégance, à défaut des arts, cherchait à s′excuser comme ceux-ci en 1793, année où les artistes exposant au Salon révolutionnaire proclamaient que ce serait à tort qu′il paraîtrait «Â étrange à d′austères républicains que nous nous occupions des arts quand l′Europe coalisée assiège le territoire de la liberté ». Ainsi faisaient en 1916 les couturiers qui, d′ailleurs, avec une orgueilleuse conscience d′artistes, avouaient que «Â chercher du nouveau, s′écarter de la banalité, préparer la victoire, dégager pour les générations d′après la guerre une formule nouvelle du beau, telle était l′ambition qui les tourmentait, la chimère qu′ils poursuivaient, ainsi qu′on pouvait s′en rendre compte en venant visiter leurs salons délicieusement installés rue de la Â…, où effacer par une note lumineuse et gaie les lourdes tristesses de l′heure semble être le mot d′ordre, avec la discrétion toutefois qu′imposent les circonstances. Les tristesses de l′heure, il est vrai, pourraient avoir raison des énergies féminines si nous n′avions tant de hauts exemples de courage et d′endurance à méditer. Aussi en pensant à nos combattants qui au fond de leur tranchée rêvent de plus de confort et de coquetterie pour la chère absente laissée au foyer, ne cesserons-nous pas d′apporter toujours plus de recherche dans la création de robes répondant aux nécessités du moment. La vogue, cela se conçoit, est surtout aux maisons anglaises, donc alliées, et on raffole cette année de la robe-tonneau dont le joli abandon nous donne à toutes un amusant petit cachet de rare distinction. Ce sera même une des plus heureuses conséquences de cette triste guerre, ajoutait le charmant chroniqueur (en attendant la reprise des provinces perdues, le réveil du sentiment national), ce sera même une des plus heureuses conséquences de cette guerre que d′avoir obtenu de jolis résultats en fait de toilette, sans luxe inconsidéré et de mauvais aloi, avec très peu de chose, d′avoir créé de la coquetterie avec des riens. À la robe du grand couturier éditée à plusieurs exemplaires on préfère en ce moment les robes faites chez soi, parce qu′affirmant l′esprit, le goût et les tendances indiscutables de chacun. » Quant à la charité, en pensant à toutes les misères nées de l′invasion, à tant de mutilés, il était bien naturel qu′elle fût obligée de se faire «Â plus ingénieuse encore », ce qui obligeait les dames à hauts turbans à passer la fin de l′après-midi dans les thés autour d′une table de bridge, en commentant les nouvelles du «Â front », tandis qu′à la porte les attendaient leurs automobiles ayant sur le siège un beau militaire qui bavardait avec le chasseur. Ce n′était pas, du reste, seulement les coiffures surmontant les visages de leur étrange cylindre qui étaient nouvelles. Les visages l′étaient aussi. Les dames à nouveaux chapeaux étaient des jeunes femmes venues on ne savait trop d′où et qui étaient la fleur de l′élégance, les unes depuis six mois, les autres depuis deux ans, les autres depuis quatre. Ces différences avaient, d′ailleurs, pour elles autant d′importance qu′au temps où j′avais débuté dans le monde en avaient entre deux familles comme les Guermantes et les La Rochefoucauld trois ou quatre siècles d′ancienneté prouvée. La dame qui connaissait les Guermantes depuis 1914 regardait comme une parvenue celle qu′on présentait chez eux en 1916, lui faisait un bonjour de douairière, la dévisageait de son face-à-main et avouait dans une moue qu′on ne savait même pas au juste si cette dame était ou non mariée. «Â Tout cela est assez nauséabond », concluait la dame de 1914, qui eût voulu que le cycle des nouvelles admissions s′arrêtât après elle. Ces personnes nouvelles, que les jeunes gens trouvaient fort anciennes, et que d′ailleurs certains vieillards qui n′avaient pas été que dans le grand monde croyaient bien reconnaître pour ne pas être si nouvelles que cela, n′offraient pas seulement à la société les divertissements de conversation politique et de musique dans l′intimité qui lui convenaient ; il fallait encore que ce fussent elles qui les offrissent, car pour que les choses paraissent nouvelles, même si elles sont anciennes, et même si elles sont nouvelles, il faut en art, comme en médecine, comme en mondanité, des noms nouveaux (ils étaient d′ailleurs nouveaux en certaines choses). Ainsi Mme Verdurin était allée à Venise pendant la guerre, mais comme ces gens qui veulent éviter de parler chagrin et sentiment, quand elle disait que c′était épatant, ce qu′elle admirait ce n′était ni Venise, ni Saint-Marc, ni les palais, tout ce qui m′avait tant plu et dont elle faisait bon marché, mais l′effet des projecteurs dans le ciel, des projecteurs sur lesquels elle donnait des renseignements appuyés de chiffres. (Ainsi d′âge en âge renaît un certain réalisme en réaction contre l′art admiré jusque-là.) Le salon Sainte-Euverte était une étiquette défraîchie, sous laquelle la présence des plus grands artistes, des ministres les plus influents, n′eût attiré personne. On courait, au contraire, pour écouter un mot prononcé par le secrétaire des uns ou le sous-chef de cabinet des autres, chez les nouvelles dames à turban, dont l′invasion ailée et jacassante emplissait Paris. Les dames du Premier Directoire avaient une reine qui était jeune et belle et s′appelait Madame Tallien. Celles du second en avaient deux qui étaient vieilles et laides et qui s′appelaient Mme Verdurin et Mme Bontemps. Qui eût pu tenir rigueur à Mme Bontemps que son mari eût joué un rôle, âprement critiqué par l′Écho de Paris, dans l′affaire Dreyfus ? Toute la Chambre étant à un certain moment devenue révisionniste, c′était forcément parmi d′anciens révisionnistes, comme parmi d′anciens socialistes, qu′on avait été obligé de recruter le parti de l′Ordre social, de la Tolérance religieuse, de la Préparation militaire. On aurait détesté autrefois M. Bontemps parce que les antipatriotes avaient alors le nom de dreyfusards. Mais bientôt ce nom avait été oublié et remplacé par celui d′adversaire de la loi de trois ans. M. Bontemps était, au contraire, un des auteurs de cette loi, c′était donc un patriote. Dans le monde (et ce phénomène social n′est, d′ailleurs, qu′une application d′une loi psychologique bien plus générale), les nouveautés coupables ou non n′excitent l′horreur que tant qu′elles ne sont pas assimilées et entourées d′éléments rassurants. Il en était du dreyfusisme comme du mariage de Saint-Loup avec la fille d′Odette, mariage qui avait d′abord fait crier. Maintenant qu′on voyait chez les Saint-Loup tous les gens «Â qu′on connaissait », Gilberte aurait pu avoir les mœurs d′Odette elle-même que, malgré cela, on y serait «Â allé » et qu′on eût approuvé Gilberte de blâmer comme une douairière des nouveautés morales non assimilées. Le dreyfusisme était maintenant intégré dans une série de choses respectables et habituelles. Quant à se demander ce qu′il valait en soi, personne n′y songeait, pas plus pour l′admettre maintenant qu′autrefois pour le condamner. Il n′était plus «Â shocking ». C′était tout ce qu′il fallait. À peine se rappelait-on qu′il l′avait été, comme on ne sait plus au bout de quelque temps si le père d′une jeune fille fut un voleur ou non. Au besoin, on peut dire : «Â Non, c′est du beau-frère, ou d′un homonyme que vous parlez, mais contre celui-là il n′y a jamais eu rien à dire. » De même il y avait certainement eu dreyfusisme et dreyfusisme, et celui qui allait chez la duchesse de Montmorency et faisait passer la loi de trois ans ne pouvait être mauvais. En tout cas, à tout péché miséricorde. Cet oubli qui était octroyé au dreyfusisme l′était a fortiori aux dreyfusards. Il n′y avait plus qu′eux, du reste, dans la politique, puisque tous à un moment l′avaient été s′il voulaient être du Gouvernement, même ceux qui représentaient le contraire de ce que le dreyfusisme, dans sa choquante nouveauté, avait incarné (au temps où Saint-Loup était sur une mauvaise pente) : l′antipatriotisme, l′irréligion, l′anarchie, etc. Ainsi le dreyfusisme de M. Bontemps, invisible et contemplatif comme celui de tous les hommes politiques, ne se voyait pas plus que les os sous la peau. Personne ne se fût rappelé qu′il avait été dreyfusard, car les gens du monde sont distraits et oublieux, parce qu′aussi il y avait de cela un temps fort long, et qu′ils affectaient de croire plus long, car c′était une des idées les plus à la mode de dire que l′avant-guerre était séparé de la guerre par quelque chose d′aussi profond, simulant autant de durée qu′une période géologique, et Brichot lui-même, ce nationaliste, quand il faisait allusion à l′affaire Dreyfus disait : «Â Dans ces temps préhistoriques ». À vrai dire, ce changement profond opéré par la guerre était en raison inverse de la valeur des esprits touchés, du moins à partir d′un certain degré, car, tout en bas, les purs sots, les purs gens de plaisir ne s′occupaient pas qu′il y eût la guerre. Mais tout en haut, ceux qui se sont fait une vie intérieure ambiante ont peu d′égard à l′importance des événements. Ce qui modifie profondément pour eux l′ordre des pensées, c′est bien plutôt quelque chose qui semble en soi n′avoir aucune importance et qui renverse pour eux l′ordre du temps en les faisant contemporains d′un autre temps de leur vie. Un chant d′oiseau dans le parc de Montboissier, ou une brise chargée de l′odeur de réséda, sont évidemment des événements de moindre conséquence que les plus grandes dates de la Révolution et de l′Empire. Ils ont cependant inspiré à Chateaubriand, dans les Mémoires d′Outre-tombe, des pages d′une valeur infiniment plus grande.
Estaban cerrados el Louvre y todos los museos, y cuando se leía en el título de un artículo de periódico: «Una exposición sensacional», se podía estar seguro de que se trataba de una exposición no de cuadros, sino de vestidos, de vestidos destinados por lo demás a «esos delicados goces de arte de los que las parisienses llevaban tanto tiempo privadas». Así renacieron la elegancia y el placer; la elegancia, a falta del arte, quería disculparse como en 1793, año en que los artistas que expusieron en el Salón revolucionario proclamaban que, equivocadamente, parecería «impropio de austeros republicanos que nos ocupemos del arte cuando la Europa coligada asedia el territorio de la libertad». Lo mismo hacían en 1916 los modistos, que, además, por una orgullosa conciencia de artistas, confesaban que «buscar la novedad, huir de la vulgaridad, afirmar una personalidad, preparar la victoria, encontrar para las generaciones de después de la guerra una nueva fórmula de belleza tal era la ambición que los atormentaba, la quimera que perseguían, como se podía comprobar yendo a visitar sus salones deliciosamente instalados en la Rue de la..., donde parece imponerse la consigna de disipar con una nota luminosa y alegre las abrumadoras tristezas de la hora, pero con la discreción que las circunstancias imponen. Las tristezas de la hora -verdad es- podrían acabar con las energías femeninas si no tuviéramos tantos ejemplos de valor y de resistencia que nos hacen meditar. Por eso, pensando en nuestros combatientes, que en el fondo de su trinchera sueñan con más comodidad y más coquetería para la querida ausente que se quedó en el hogar, no dejarán de traernos siempre más primor en la creación de vestidos que respondan a las necesidades del momento. Lo que está en boga -y se comprende- es, sobre todo, las casas inglesas, aliadas por tanto, y este año entusiasma el vestido tonel, cuyo gracioso desgaire nos da a todas un simpático toquecito de rara distinción. Y aun será ésta una de las más felices consecuencias de esta triste guerra -añadía el encantador cronista-, y aun será ésta (era de esperar: la recuperación de las provincias perdidas, el despertar del sentimiento nacional) una de las más felices consecuencias de esta guerra: haber logrado bonitos resultados en cuestión de toilettes, sin lujo exagerado y de mal gusto, haber creado con tan poca cosa, con naderías, la coquetería. Al vestido de gran modisto editado en varios ejemplares se prefiere en este momento los vestidos hechos en casa porque afirman el espíritu, el gusto y las tendencias de cada cual». En cuanto a la caridad, pensando en todas las miserias nacidas de la invasión, en tantos mutilados, era muy natural que se viera obligada a hacerse «más ingeniosa aún», lo que obligaba a las damas de alto turbante a pasar el final de la tarde en los tés alrededor de una mesa de bridge comentando las noticias del «frente», mientras las esperaban a la puerta sus automóviles con un apuesto militar que charlaba con el botones. Pero no sólo eran nuevos los tocados que remataban las caras con su extraño cilindro. Lo eran también las caras. Aquellas damas del nuevo sombrero eran mujeres jóvenes llegadas de no se sabía bien dónde y que eran la flor de la elegancia, unas desde hacía seis meses, otras desde hacía dos años, otras desde hacía cuatro. Y estas diferencias tenían para ellas tanta importancia como tenían en el tiempo en que yo debuté en el mundo entre dos familias como los Guermantes y los La Rochefoucauld tres o cuatro siglos de antigüedad probada. La dama que conocía a los Guermantes desde 1914 miraba como a una advenediza a la que presentaban en aquella casa en 1916, le dirigía un saludo de reina madre, la enfocaba con sus impertinentes y declaraba con una mueca que ni siquiera se sabía con seguridad si aquella mujer estaba o no casada. «Todo esto es bastante nauseabundo», concluía la dama de 1914, que hubiera querido que el ciclo de las nuevas admisiones se hubiera cerrado con ella. Aquellas personas nuevas, que a los jóvenes les parecían muy antiguas, y a las que, por otra parte, algunos viejos que no habían vivido sólo en el gran mundo creían reconocer como no tan nuevas, no sólo ofrecían a la sociedad el entretenimiento de la conversación politica y la música en la intimidad que le convenía; además, tenían que ser ellas quienes los ofreciesen, pues para que las cosas parezcan nuevas siendo antiguas, y aun siendo nuevas, en arte, en medicina, en mundanidad, se necesitan nombres nuevos. (Por lo demás, eran nuevos en ciertas cosas. Así, por ejemplo, madame Verdurin fue a Venecia durante la guerra, pero, como esas personas que quieren evitar hablar de cosas tristes y de sentimiento, cuando decía que aquello era maravilloso, lo que admiraba no era ni Venecia, ni San Marcos, ni los palacios, todo lo que tanto me gustó a mí y de lo que ella no hacía caso, sino el efecto de los reflectores en el cielo, sobre los cuales daba detalles apoyados con cifras. Así renace, de edad en edad, cierto realismo como reacción contra el arte admirado hasta entonces.) El salón Saint-Euverte era una etiqueta desteñida bajo la cual a nadie hubiera atraído la presencia de los más grandes artistas, de los ministros más influyentes. En cambio todo el mundo corría por escuchar una palabra pronunciada por el secretario de los unos o por el subjefe de gabinete de los otros en casa de las nuevas damas de turbante cuya invasión alada y cacareante llenaba París. Las damas del primer Directorio tenían una reina que eran joven y bella y se llamaba madame Tallien. Las del segundo tenían dos que eran viejas y feas y se llamaban madame Verdurin y madame Bontemps. ¿Quién le hubiera echado en cara a madame Bontemps que su marido desempeñó un papel duramente criticado por L′Echo de Paris en el asunto Dreyfus? Como, en cierto momento, toda la Cámara se había hecho revisionista, fue forzosamente entre antiguos revisionistas, como entre antiguos socialistas, donde hubo que reclutar el partido del orden social, de la tolerancia religiosa, de la preparación militar. En otro tiempo habrían odiado a monsieur Bontemps, porque los antipatriotas tenían entonces el nombre de dreyfusistas. Pero este nombre no tardó en ser olvidado y sustituido por el del adversario de la ley de tres años. Y monsieur Bontemps era uno de los autores de esta ley, luego era un patriota. En el mundo (y este fenómeno social no es más que una aplicación de una ley psicológica mucho más general), las novedades, culpables o no, sólo espantan a la gente hasta que son asimiladas y rodeadas de elementos tranquilizadores. Ocurría con el dreyfusismo como con la boda de Saint-Loup con la hija de Odette, boda que al principio escandalizó. Ahora que en casa de los Saint-Loup se veía a todas las personas «conocidas», así hubiera tenido Gilberta las costumbres de la misma Odette, habrían ido a su casa y habrían aplaudido a la dueña por censurar como una ilustre abuela unas novedades morales no asimiladas. El dreyfusismo se había incorporado ya a una serie de cosas respetables y habituales. En cuanto a preguntarse lo que valía en sí mismo, nadie pensaba ahora en tal cosa para admitirlo, como antes no se pensó para condenarlo. Ya no era shocking, y esto bastaba. Apenas se recordaba que lo había sido, lo mismo que, al cabo de algún tiempo, ya no se sabe si el padre de una muchacha era un ladrón o no. Llegado el caso, se puede decir: «No, ese de que usted habla es un cuñado, o un homónimo. Pero contra el padre no se ha dicho nunca nada». Además, había habido dreyfusismo y dreyfusismo, y el que iba a casa de la duquesa de Montmorency y hacía pasar la ley de tres años no podía ser malo. En todo caso, no hay pecado sin remisión. Este olvido que se concedía al dreyfusismo se concedía a fortiori a los dreyfusistas. De todos modos, en la política ya no los había, puesto que todos lo habían sido en algún momento si querían ser del gobierno, hasta los que representaban lo contrario de lo que el dreyfusismo, en su chocante novedad, había encarnado (en la época en que Saint-Loup iba por mal camino): el antipatriotismo, la irreligiosidad, la anarquía, etc. En consecuencia, el dreyfusismo de monsieur Bontemps, invisible y constitutivo como el de todos los hombres políticos, se veía tan poco como los huesos bajo la piel. Nadie se hubiera acordado de que había sido dreyfusista, pues las personas del gran mundo son distraídas y olvidadizas, también porque había pasado mucho tiempo y ellos hacían como que había pasado más: una de las ideas más de moda era decir que la época de antes de la guerra estaba separada de la guerra por algo tan profundo, de tan larga duración al parecer, como un período geológico, y el propio Brichot, ese nacionalista, cuando aludía al asunto Dreyfus, decía: «En aquellos tiempos prehistóricos». (A decir verdad, este profundo cambio operado por la guerra estaba en razón inversa del valor de los cerebros en que se registraba, al menos a partir de cierto grado. En el plano más inferior, los tontos del todo, las personas de puro placer, no pensaban en que había habido guerra. Pero en la cima, los que se han hecho una vida interior ambiente se preocupan poco de la importancia de los acontecimientos. Para ellos, lo que modifica profundamente el orden de las ideas es sobre todo, con gran diferencia, algo que parece no tener en sí mismo ninguna importancia y que les altera el orden del tiempo retrotrayéndolos a otra época de su vida. Esto se observa prácticamente en la belleza de las páginas que inspira: el canto de un pájaro en el parque de Montboissier, o una brisa impregnada del olor de la reseda son evidentemente hechos de menor cuantía que las fechas más importantes de la Revolución y del Imperio. Sin embargo, inspiraron a Chateaubriand, en las Mémoiresd′outretombe, páginas de un valor infinitamente más grande.)
Â…
Las palabras dreyfusista y antidreyfusista ya no tenían sentido, decían ahora los mismos que se quedarían estupefactos e indignados si les dijeran que, probablemente, dentro de unos siglos, y quizá menos, la palabra boche no tendría más valor que el significado de curiosidad de las palabras sans-culotte o chouan bleu.
M. Bontemps ne voulait pas entendre parler de paix avant que l′Allemagne eût été réduite au même morcellement qu′au moyen âge, la déchéance de la maison de Hohenzollern prononcée, Guillaume ayant reçu douze balles dans la peau. En un mot, il était ce que Brichot appelait un «Â Jusquauboutiste », c′était le meilleur brevet de civisme qu′on pouvait lui donner. Sans doute, les trois premiers jours, Mme Bontemps avait été un peu dépaysée au milieu des personnes qui avaient demandé à Mme Verdurin à la connaître, et ce fut d′un ton légèrement aigre que Mme Verdurin répondit : «Â Le comte, ma chère », à Mme Bontemps qui lui disait : «Â C′est bien le duc d′Haussonville que vous venez de me présenter », soit par entière ignorance et absence de toute association entre le nom Haussonville et un titre quelconque, soit, au contraire, par excessive instruction et association d′idées avec le «Â Parti des Ducs », dont on lui avait dit que M. d′Haussonville était un des membres à l′Académie. À partir du quatrième jour elle avait commencé d′être solidement installée dans le faubourg Saint-Germain. Quelquefois encore on voyait autour d′elle les fragments inconnus d′un monde qu′on ne connaissait pas et qui n′étonnaient pas plus que des débris de coquille autour du poussin, ceux qui savaient l′œuf d′où Mme Bontemps était sortie. Mais dès le quinzième jour, elle les avait secoués, et avant la fin du premier mois, quand elle disait : «Â Je vais chez les Lévi », tout le monde comprenait, sans qu′elle eût besoin de préciser, qu′il s′agissait des Lévis-Mirepoix, et pas une duchesse ne se serait couchée sans avoir appris de Mme Bontemps ou de Mme Verdurin, au moins par téléphone, ce qu′il y avait dans le communiqué du soir, ce qu′on y avait omis, où on en était avec la Grèce, quelle offensive on préparait, en un mot tout ce que le public ne saurait que le lendemain ou plus tard, et dont on avait ainsi comme une sorte de répétition des couturières. Dans la conversation, Mme Verdurin, pour communiquer les nouvelles, disait : «Â nous » en parlant de la France. «Â Hé bien, voici : nous exigeons du roi de Grèce qu′il se retire du Péloponèse, etc. ; nous lui envoyons, etc. » Et dans tous ses récits revenait tout le temps le G.Q.G. (j′ai téléphoné au G.Q.G.), abréviation qu′elle avait à prononcer le même plaisir qu′avaient naguère les femmes qui ne connaissaient pas le prince d′Agrigente à demander en souriant, quand on parlait de lui et pour montrer qu′elles étaient au courant : «Â Grigri ? », un plaisir qui dans les époques peu troublées n′est connu que par les mondains, mais que dans ces grandes crises le peuple même connaît. Notre maître d′hôtel, par exemple, si on parlait du roi de Grèce, était capable, grâce aux journaux, de dire comme Guillaume II : «Â Tino », tandis que jusque-là sa familiarité avec les rois était restée plus vulgaire, ayant été inventée par lui, comme quand jadis, pour parler du Roi d′Espagne, il disait : «Â Fonfonse ». On peut remarquer, d′ailleurs, qu′au fur et à mesure qu′augmenta le nombre des gens brillants qui firent des avances à Mme Verdurin, le nombre de ceux qu′elle appelait les «Â ennuyeux » diminua. Par une sorte de transformation magique, tout ennuyeux qui était venu lui faire une visite et avait sollicité une invitation devenait subitement quelqu′un d′agréable, d′intelligent. Bref, au bout d′un an le nombre des ennuyeux était réduit dans une proportion tellement forte, que la «Â peur et l′impossibilité de s′ennuyer », qui avait tenu une si grande place dans la conversation et joué un si grand rôle dans la vie de Mme Verdurin, avait presque entièrement disparu. On eût dit que sur le tard cette impossibilité de s′ennuyer (qu′autrefois, d′ailleurs, elle assurait ne pas avoir éprouvée dans sa prime jeunesse) la faisait moins souffrir, comme certaines migraines, certains asthmes nerveux qui perdent de leur force quand on vieillit. Et l′effroi de s′ennuyer eût sans doute entièrement abandonné Mme Verdurin, faute d′ennuyeux, si elle n′avait, dans une faible mesure, remplacé ceux qui ne l′étaient plus par d′autres recrutés parmi les anciens fidèles. Du reste, pour en finir avec les duchesses qui fréquentaient maintenant chez Mme Verdurin, elles venaient y chercher, sans qu′elles s′en doutassent, exactement la même chose que les dreyfusards autrefois, c′est-à-dire un plaisir mondain composé de telle manière que sa dégustation assouvît les curiosités politiques et rassasiât le besoin de commenter entre soi les incidents lus dans les journaux. Mme Verdurin disait : «Â Vous viendrez à 5 heures parler de la guerre », comme autrefois «Â parler de l′affaire », et dans l′intervalle : «Â Vous viendrez entendre Morel ». Or Morel n′aurait pas dû être là, pour la raison qu′il n′était nullement réformé. Simplement il n′avait pas rejoint et était déserteur, mais personne ne le savait. Une autre étoile du salon était «Â dans les choux », qui malgré ses goûts sportifs s′était fait réformer. Il était devenu tellement pour moi l′auteur d′une œuvre admirable à laquelle je pensais constamment que ce n′est que par hasard, quand j′établissais un courant transversal entre deux séries de souvenirs, que je songeais qu′il était celui qui avait amené le départ d′Albertine de chez moi. Et encore ce courant transversal aboutissait, en ce qui concernait ces reliques de souvenirs d′Albertine, à une voie s′arrêtant en pleine friche à plusieurs années de distance. Car je ne pensais plus jamais à elle. C′était une voie non fréquentée de souvenirs, une ligne que je n′empruntais plus. Tandis que les œuvres de «Â dans les choux » étaient récentes et cette ligne de souvenirs perpétuellement fréquentée et utilisée par mon esprit.
Monsieur Bontemps no quería oír hablar de paz mientras Alemania no quedara reducida a la misma fragmentación que en la Edad Media, mientras no se decretara el destronamiento de la casa de Hohenzollern, mientras Guillermo no recibiera doce balas en el cuerpo. En una palabra, era lo que Brichot llamaba un «hasta el fin», el mejor título de civismo que se le podía dar. Desde luego, madame Bontemps había estado los tres primeros días un poco fuera de lugar entre personas que habían dicho a madame Verdurin que deseaban conocerla, y madame Verdurin contestó en un tonillo ligeramente agrio: «El conde, querida», a madame Bontemps, que le decía: «Ese señor que acaba usted de presentarme es el duque de Haussonville», fuera por absoluta ignorancia y ausencia de toda asociación entre el nombre Haussonville y un título cualquiera, o bien, al contrario, por excesivo conocimiento y asociación de ideas con el «Partido de los duques», al que se le había dicho que pertenecía monsieur d′Haussonville, en la Academia. Al cuarto día ya comenzó a estar sólidamente instalada en el Faubourg Saint-Germain. A veces se veían aún en torno suyo los desconocidos fragmentos de un mundo que no se conocía y a los que estaban enterados del huevo de que madame Bontemps había salido les causaban tan poca extrañeza como los trozos del cascarón alrededor del polluelo. Pero a los quince días ya se los había sacudido, y no había pasado un mes cuando decía: «Voy a casa de los Lévy», comprendiendo todo el mundo, sin más precisión, que se trataba de los Lévis- Mirepoix, y ninguna duquesa se iría a la cama sin enterarse por madame Bontemps o por madame Verdurin, al menos a través del teléfono, de lo que decía el comunicado de la noche, de lo que omitía, cómo iban las cosas con Grecia, qué ofensiva se estaba preparando: en una palabra, todo lo que el público no sabría hasta el día siguiente o hasta más tarde, y de lo que ella tendría, por este medio, una especie de ensayo general. En la conversación, madame Verdurin, para comunicar las noticias, decía «nosotros» refiriéndose a Francia. «Pues verá: nosotros exigimos al rey de Grecia que retire del Peloponeso, etc.; nosotros le enviamos, etc.» Y en todo lo que hablaba salía a relucir constantemente el G. Q. G.7 («he telefoneado al G. Q. G.»), abreviatura que pronunciaba con el mismo regodeo con que, en otro tiempo, las mujeres que no conocían al príncipe de Agrigente preguntaban sonriendo, cuando hablaban de él y para demostrar que estaban al corriente: «¿Grigri?», un regodeo que en las épocas tranquilas sólo conocen las mujeres mundanas, pero que en las grandes crisis conoce hasta el pueblo. Nuestro mayordomo, por ejemplo, si se hablaba del rey de Grecia, era capaz, gracias a los periódicos, de decir como Guillermo II: «¿Tino?», mientras que hasta entonces su familiaridad con los reyes había sido más vulgar, inventada por él, como cuando, en otro tiempo, hablando del rey de España, decía: «Fonfonse». También se pudo observar que, a medida que aumentó el número de personas brillantes que comenzaron a tratar a madame Verdurin, fue disminuyendo el número de los que ella llamaba «aburridos». Por una especie de transformación mágica, cualquier «aburrido» que fuera a hacerle una visita y solicitara una invitación pasaba súbitamente a ser una persona agradable, inteligente. Y al cabo de un año el número de los aburridos había quedado reducido en tal proporción que «el miedo y la imposibilidad de aburrirse», que tanto sitio ocuparan en la conversación y tan gran papel desempeñaran en la vida de madame Verdurin, habían desaparecido por completo. Dijérase que, a la vejez, aquella imposibilidad de aburrirse (que, por lo demás, antes aseguraba no haberla experimentado en su primera juventud) la hacía sufrir menos, como ocurre con ciertas jaquecas, con ciertas asmas nerviosas que pierden fuerza al envejecer. Y seguramente aquel miedo de aburrirse habría abandonado por completo a madame Verdurin, por falta de personas aburridas, si no hubiera sustituido, en pequeña medida, a las que ya no lo eran por otras, reclutadas ahora entre los antiguos fieles. Por otra parte, y terminaremos con las duquesas que ahora trataban a madame Verdurin, iban a buscar en su casa, sin sospecharlo, exactamente lo mismo que en otro tiempo buscaban los dreyfusistas, es decir, un placer mundano compuesto de tal manera que su degustación satisficiera las curiosidades políticas y la necesidad de comentar entre ellos los incidentes leídos en los periódicos. Madame Verdurin decía: «Vengan a las cinco a hablar de la guerra», como antes «a hablar del Affaire» y en el intervalo: «Vengan a oír a Morel». Pero Morel no tendría que estar allí, porque no estaba en absoluto libre de servicio. Simplemente no se había incorporado y era desertor, pero nadie lo sabía. Una de las estrellas del salón era Dans les choux, que, a pesar de sus aficiones deportivas, había conseguido que le declararan inútil. Hasta tal punto había llegado a ser para mí el autor de una obra admirable en la que yo pensaba constantemente, que sólo por casualidad, estableciendo una corriente transversal entre dos series de recuerdos, pensaba que era el mismo que dio lugar a que Albertina se fuera de mi casa. Y aun esta corriente transversal llegaba, en cuanto a aquellas reliquias de recuerdos de Albertina, a una vía que se cortaba en pleno erial a varios años de distancia, pues ya no pensaba nunca en ella. Era una vía de recuerdos, una línea que ya no seguía nunca. Mientras que las obras de Dans les choux eran recientes y mi mente frecuentaba y utilizaba siempre esta línea de recuerdos.
Je dois, du reste, dire que la connaissance du mari d′Andrée n′était ni très facile ni très agréable à faire, et que l′amitié qu′on lui vouait était promise à bien des déceptions. Il était, en effet, à ce moment déjà fort malade et s′épargnait les fatigues autres que celles qui lui paraissaient devoir peut-être lui donner du plaisir. Or il ne classait parmi celles-là que les rendez-vous avec des gens qu′il ne connaissait pas encore et que son ardente imagination lui représentait sans doute comme ayant une chance d′être différents des autres. Mais pour ceux qu′il connaissait déjà, il savait trop bien comment ils étaient, comment ils seraient, ils ne lui paraissaient plus valoir la peine d′une fatigue dangereuse pour lui et peut-être mortelle. C′était, en somme, un très mauvais ami. Et peut-être dans son goût pour des gens nouveaux se retrouvait-il quelque chose de l′audace frénétique qu′il portait jadis, à Balbec, aux sports, au jeu, à tous les excès de table. Quant à Mme Verdurin, elle voulait à chaque fois me faire faire la connaissance d′Andrée, ne pouvant admettre que je l′eusse connue depuis longtemps. D′ailleurs Andrée venait rarement avec son mari, mais elle était pour moi une amie admirable et sincère. Fidèle à l′esthétique de son mari, qui était en réaction contre les Ballets russes, elle disait du marquis de Polignac : «Â Il a sa maison décorée par Bakst ; comment peut-on dormir là dedans, j′aimerais mieux Dubufe. »
Debo decir que conocer al marido de Andrea no era ni muy fácil ni muy agradable y que la amistad que se le consagraba estaba condenada a muchas decepciones. Porque ya entonces estaba muy enfermo y rehuía las fatigas que no le ofrecieran un posible placer. Y entre éstas sólo incluía los encuentros con personas que aún no conocía y que, en su ardiente imaginación, se figuraba que podían ser diferentes de los demás. Los que ya conocía sabía de sobra cómo eran, cómo serían, y le parecía que no valían la pena de una fatiga peligrosa, quizá mortal, para él. Era, en suma, muy mal amigo. Y acaso en su afición a las personas nuevas reaparecía algo de la audacia frenética que antaño, en Balbec, ponía en los deportes, en el juego, en todos los excesos de la mesa. En cuanto a madame Verdurin, a cada paso quería presentarme a Andrea, sin poder admitir que yo la conocía. Por otra parte, Andrea no solía ir con su marido. Era para mí una amiga admirable y sincera, y, fiel a la estética de su marido, que estaba en reacción de los bailes rusos, decía del marqués de Polignac: «Tiene la casa decorada por Bakst; ¡no sé cómo se puede dormir en ella! Yo preferiría Dubuffe».
D′ailleurs les Verdurin, par le progrès fatal de l′esthétisme, qui finit par se manger la queue, disaient ne pas pouvoir supporter le modern style (de plus c′était munichois) ni les appartements blancs et n′aimaient plus que les vieux meubles français dans un décor sombre.
Además, los Verdurin, por el fatal progreso del esteticismo que acaba por morderse la cola, decían que no podían soportar el modern style (además, era muniqués) ni las habitaciones blancas, y sólo les gustaban los antiguos muebles franceses en una decoración oscura
On fut très étonné à cette époque, où Mme Verdurin pouvait avoir chez elle qui elle voulait, de lui voir faire indirectement des avances à une personne qu′elle avait complètement perdue de vue, Odette. On trouvait qu′elle ne pourrait rien ajouter au brillant milieu qu′était devenu le petit groupe. Mais une séparation prolongée, en même temps qu′elle apaise les rancunes, réveille quelquefois l′amitié. Et puis le phénomène qui amène non seulement les mourants à ne prononcer que des noms autrefois familiers, mais les vieillards à se complaire dans leurs souvenirs d′enfance, ce phénomène a son équivalent social. Pour réussir dans l′entreprise de faire revenir Odette chez elle, Mme Verdurin n′employa pas, bien entendu, les «Â ultras », mais les habitués moins fidèles qui avaient gardé un pied dans l′un et l′autre salon. Elle leur disait : «Â Je ne sais pas pourquoi on ne la voit plus ici. Elle est peut-être brouillée, moi pas. En somme, qu′est-ce que je lui ai fait ? C′est chez moi qu′elle a connu ses deux maris. Si elle veut revenir, qu′elle sache que les portes lui sont ouvertes. » Ces paroles, qui auraient dû coûter à la fierté de la Patronne si elles ne lui avaient pas été dictées par son imagination, furent redites, mais sans succès. Mme Verdurin attendit Odette sans la voir venir, jusqu′à ce que des événements qu′on verra plus loin amenassent pour de tout autres raisons ce que n′avait pu l′ambassade pourtant zélée des lâcheurs. Tant il est peu de réussites faciles, et d′échecs définitifs.
En aquella época, cuando madame Verdurin podía recibir en su casa a quien quisiera, nos extrañaba mucho que se dirigiera indirectamente a una persona a la que había perdido de vista por completo: Odette. Pensábamos que nada podría añadir al brillante medio que había llegado a ser el pequeño grupo. Pero a veces una separación prolongada, a la vez que amortigua los rencores, despierta la amistad. Y, además, el fenómeno en virtud del cual los moribundos pronuncian nombres familiares de tiempos remotos y los ancianos se complacen en sus recuerdos de infancia, ese fenómeno tiene su equivalente social. Para triunfar en el propósito de hacer volver a Odette a su casa, madame Verdurin no se valió, naturalmente, de los «ultras», sino de los amigos menos fieles que habían seguido con un pie en un salón y otro en el otro. Les decía: «No sé por qué ya no la vemos por aquí. Acaso está enfadada, yo no; después de todo, ¿qué le he hecho? Fue en mi casa donde conoció a sus dos maridos. Si quiere volver, sepa que encontrará las puertas abiertas». Estas palabras, que al orgullo de la Patrona le hubiera costado pronunciar si no se las dictara la imaginación, fueron repetidas, pero sin resultado. Madame Verdurin esperó a Odette, y Odette no llegó hasta que ciertos acontecimientos que veremos más adelante determinaron, por muy distintas razones, lo que no pudo lograr la embajada, celosa, sin embargo, de los amigos infieles. Tan raros son los triunfos fáciles y los fracasos definitivos.
Les choses étaient tellement les mêmes, tout en paraissant différentes, qu′on retrouvait tout naturellement les mots d′autrefois : «Â bien pensants, mal pensants ». Et de même que les anciens communards avaient été antirévisionnistes, les plus grands dreyfusards voulaient faire fusiller tout le monde et avaient l′appui des généraux, comme ceux-ci au temps de l′affaire avaient été contre Galliffet. À ces réunions, Mme Verdurin invitait quelques dames un peu récentes, connues par les œuvres et qui les premières fois venaient avec des toilettes éclatantes, de grands colliers de perles qu′Odette, qui en avait un aussi beau, de l′exhibition duquel elle-même avait abusé, regardait, maintenant qu′elle était en «Â tenue de guerre » à l′imitation des dames du faubourg, avec sévérité. Mais les femmes savent s′adapter. Au bout de trois ou quatre fois elles se rendaient compte que les toilettes qu′elles avaient crues chic étaient précisément proscrites par les personnes qui l′étaient, elles mettaient de côté leurs robes d′or et se résignaient à la simplicité.
Hasta tal punto eran iguales las cosas que reaparecían con la mayor espontaneidad las palabras de antaño: «bien pensants, mal pensants». Y como parecían diferentes, como los antiguos comuneros habían sido antirrevisionistas, los más acérrimos dreyfusistas querían que se fusilara a todo el mundo y contaban con el apoyo de los generales, como éstos, en los tiempos del Affaire, estuvieron contra Galliffet. A estas reuniones madame Verdurin invitaba a algunas damas un poco recientes, conocidas por las obras de caridad, y que las primeras veces asistían con galas esplendorosas, con grandes collares de perlas que Odette, dueña de uno no menos bello y de cuya exhibición había abusado también ella, miraba con severidad, ahora que, imitando a las damas del Faubourg, iba en «traje de guerra». Pero las mujeres saben adaptarse. Después de tres o cuatro veces se daban cuenta de que las toilettes que ellas habían creído elegantes estaban precisamente proscritas por las personas que lo eran, guardaban sus vestidos de oro y se resignaban a la sencillez.
Mme Verdurin disait : «Â C′est désolant, je vais téléphoner à Bontemps de faire le nécessaire pour demain, on a encore «Â caviardé » toute la fin de l′article de Norpois et simplement parce qu′il laissait entendre qu′on avait «Â limogé » Percin. » Car la bêtise courante faisait que chacun tirait sa gloire d′user des expressions courantes, et croyait montrer qu′elle était ainsi à la mode comme faisait une bourgeoise en disant, quand on parlait de M. de Bréauté ou de Charlus : «Â Qui ? Bebel de Bréauté, Mémé de Charlus ? » Les duchesses font de même, d′ailleurs, et avaient le même plaisir à dire «Â limoger » car, chez les duchesses, c′est, pour les roturiers un peu poètes, le nom qui diffère, mais elles s′expriment selon la catégorie d′esprit à laquelle elles appartiennent et où il y a aussi énormément de bourgeois. Les classes d′esprit n′ont pas égard à la naissance.
Madame Verdurin decía: «Esto es desolador, voy a telefonear a Bontemps que haga lo necesario para mañana; otra vez han tachado todo el final del artículo de Norpois y simplemente porque daba a entender que habían echado a Percin». Pues, por la estupidez corriente, todo el mundo presumía de emplear expresiones corrientes y creía demostrar así que estaba a la moda como cuando una burguesa dice refiriéndose a los señores de Bréauté, de Agrigente o de Charlus: «¿Quién? ¿Babal de Bréauté, Grigri, Mémé de Charlus?» Por lo demás, las duquesas hacen lo mismo y se complacían de la misma manera en decir largar, pues, en las duquesas, lo que distingue es el nombre -para los plebeyos un poco poetas-, pero se expresan según la categoría de inteligencia a la que pertenecen y en la que hay también muchísimos burgueses. Las clases de la inteligencia no tienen en cuenta el linaje.
Tous ces téléphonages de Mme Verdurin n′étaient pas, d′ailleurs, sans inconvénient. Quoique nous ayons oublié de le dire, le «Â salon » Verdurin, s′il continuait en esprit et en vérité, s′était transporté momentanément dans un des plus grands hôtels de Paris, le manque de charbon et de lumière rendant plus difficiles les réceptions des Verdurin dans l′ancien logis, fort humide, des Ambassadeurs de Venise. Le nouveau salon ne manquait pas, du reste, d′agrément. Comme à Venise la place, comptée à cause de l′eau, commande la forme des palais, comme un bout de jardin dans Paris ravit plus qu′un parc en province, l′étroite salle à manger qu′avait Mme Verdurin à l′hôtel faisait d′une sorte de losange aux murs éclatants de blancheur comme un écran sur lequel se détachaient à chaque mercredi, et presque tous les jours, tous les gens les plus intéressants, les plus variés, les femmes les plus élégantes de Paris, ravis de profiter du luxe des Verdurin qui, grâce à leur fortune, allait croissant à une époque où les plus riches se restreignaient faute de toucher leurs revenus. La forme donnée aux réceptions se trouvait modifiée sans qu′elles cessassent d′enchanter Brichot, qui, au fur et à mesure que les relations des Verdurin allaient s′étendant, y trouvait des plaisirs nouveaux et accumulés dans un petit espace comme des surprises dans un chausson de Noël. Enfin, certains jours, les dîneurs étaient si nombreux que la salle à manger de l′appartement privé était trop petite, on donnait le dîner dans la salle à manger immense d′en bas, où les fidèles, tout en feignant hypocritement de déplorer l′intimité d′en haut, étaient ravis au fond — en faisant bande à part comme jadis dans le petit chemin de fer — d′être un objet de spectacle et d′envie pour les tables voisines. Sans doute dans les temps habituels de la paix une note mondaine subrepticement envoyée au Figaro ou au Gaulois aurait fait savoir à plus de monde que n′en pouvait tenir la salle à manger du Majestic que Brichot avait dîné avec la duchesse de Duras. Mais depuis la guerre, les courriéristes mondains ayant supprimé ce genre d′informations (ils se rattrapaient sur les enterrements, les citations et les banquets franco-américains), la publicité ne pouvait plus exister que par ce moyen enfantin et restreint, digne des premiers âges, et antérieur à la découverte de Gutenberg, être vu à la table de Mme Verdurin. Après le dîner on montait dans les salons de la Patronne, puis les téléphonages commençaient. Mais beaucoup de grands hôtels étaient, à cette époque, peuplés d′espions qui notaient les nouvelles téléphonées par Bontemps avec une indiscrétion que corrigeait seulement par bonheur le manque de sûreté de ses informations, toujours démenties par l′événement.
Por otra parte, todos aquellos telefonazos de madame Verdurin no dejaban de tener inconvenientes. Aunque hayamos olvidado decirlo, el «salón» Verdurin, aunque era el mismo en inteligencia y en verdad, se había trasladado momentáneamente a uno de los más grandes hoteles de París, pues la falta de carbón y de luz dificultaba las recepciones de los Verdurin en la antigua mansión, muy húmeda, de los embajadores de Venecia. De todos modos, el nuevo salón no carecía de atractivo. De la misma manera que en Venecia, el espacio, limitado por el agua, determina la forma de los palacios, y que un pedacito de jardín en París es más seductor que un parque en provincias, el estrecho comedor que madame Verdurin tenía en el hotel hacía de una especie de rombo con paredes deslumbradoramente blancas una especie de pantalla sobre la que se destacaban todos los miércoles, y casi todos los días, todas las personas más interesantes, las más diversas, las mujeres más elegantes de París, encantadas de gozar del lujo de los Verdurin, que iba creciendo con su fortuna en una época en la que los más ricos se reducían por no cobrar sus rentas. La forma de las recepciones cambiaba, sin dejar por ello de encantar a Brichot, quien, a medida que se iban ampliando las relaciones de los Verdurin, iba encontrando en tales recepciones goces nuevos y acumulados en un pequeño espacio como sorpresas en un zapato de Reyes Magos. Algunos días, los comensales eran tan numerosos que el comedor del apartamento privado resultaba demasiado pequeño, y daban la comida en el inmenso comedor de la planta baja, donde los fieles, aunque fingían hipócritamente que echaban de menos la intimidad de arriba, en el fondo estaban encantados -al mismo tiempo que formaban camarilla independiente, como antaño en el trencillo- de ser objeto de espectáculo y de envidia para las mesas vecinas. Claro que, en los tiempos habituales de la paz, una crónica de sociedad subrepticiamente enviada a Le Figaro o a Le Gaulois hubiera hecho saber a mucha más gente de la que podía contener el salón del Majestic que Brichot había comido con la duquesa de Duras. Pero como, desde la guerra, los cronistas de sociedad habían suprimido esta clase de informaciones (aunque se desquitaban con los entierros, las reuniones y los banquetes francoamericanos), la publicidad ya sólo podía existir por este medio infantil y restringido, propio de las edades primitivas y anterior al descubrimiento de Gutenberg: ser visto en la mesa de madame Verdurin. Después de la comida subían a los salones de la Patrona y comenzaban las llamadas telefónicas. Pero en aquella época muchos grandes hoteles estaban llenos de espías que anotaban las noticias telefoneadas por Bontemps con una indiscreción sólo corregida, afortunadamente, por la falta de seguridad de sus informaciones, siempre desmentidas por los hechos.
Avant l′heure où les thés d′après-midi finissaient, à la tombée du jour, dans le ciel encore clair, on voyait de loin de petites taches brunes qu′on eût pu prendre, dans le soir bleu, pour des moucherons ou pour des oiseaux. Ainsi quand on voit de très loin une montagne on pourrait croire que c′est un nuage. Mais on est ému parce qu′on sait que ce nuage est immense, à l′état solide, et résistant. Ainsi étais-je ému parce que la tache brune dans le ciel d′été n′était ni un moucheron, ni un oiseau, mais un aéroplane monté par des hommes qui veillaient sur Paris. Le souvenir des aéroplanes que j′avais vus avec Albertine dans notre dernière promenade, près de Versailles, n′entrait pour rien dans cette émotion, car le souvenir de cette promenade m′était devenu indifférent.
Antes de la hora en que terminaban los tés de la tarde, a la caída del día, claro todavía el cielo, se veían de lejos unas manchitas oscuras que, en la noche azulada, hubieran podido parecer moscardones o pájaros, de la misma manera que cuando se ve de lejos una montaña se puede confundir con una nube, pero nos emociona porque sabemos que esa nube es inmensa, en estado sólido y resistente. Así me emocionaba a mí que la mancha oscura en el cielo estival no fuera ni un moscardón ni un pájaro, sino un aeroplano tripulado por unos hombres que vigilaban sobre París. (El recuerdo de los aeroplanos que viera con Albertina en nuestro último paseo, cerca de Versalles, no entraba para nada en esta emoción, pues el recuerdo de aquel paseo me era ya indiferente.)
À l′heure du dîner les restaurants étaient pleins et si, passant dans la rue, je voyais un pauvre permissionnaire, échappé pour six jours au risque permanent de la mort, et prêt à repartir pour les tranchées, arrêter un instant ses yeux devant les vitrines illuminées, je souffrais comme à l′hôtel de Balbec quand les pêcheurs nous regardaient dîner, mais je souffrais davantage parce que je savais que la misère du soldat est plus grande que celle du pauvre, les réunissant toutes, et plus touchante encore parce qu′elle est plus résignée, plus noble, et que c′est d′un hochement de tête philosophe, sans haine, que, prêt à repartir pour la guerre, il disait en voyant se bousculer les embusqués retenant leurs tables : «Â On ne dirait pas que c′est la guerre ici. » Puis à 9 h. ½, alors que personne n′avait encore eu le temps de finir de dîner, à cause des ordonnances de police on éteignait brusquement toutes les lumières et la nouvelle bousculade des embusqués arrachant leurs pardessus aux chasseurs du restaurant où j′avais dîné avec Saint-Loup un soir de perme avait lieu à 9 h. 35 dans une mystérieuse pénombre de chambre où l′on montre la lanterne magique, ou de salle de spectacle servant à exhiber les films d′un de ces cinémas vers lesquels allaient se précipiter dîneurs et dîneuses. Mais après cette heure-là, pour ceux qui, comme moi, le soir dont je parle, étaient restés à dîner chez eux, et sortaient pour aller voir des amis, Paris était, au moins dans certains quartiers, encore plus noir que n′était le Combray de mon enfance ; les visites qu′on se faisait prenaient un air de visites de voisins de campagne. Ah ! si Albertine avait vécu, qu′il eût été doux, les soirs où j′aurais dîné en ville, de lui donner rendez-vous dehors, sous les arcades. D′abord, je n′aurais rien vu, j′aurais eu l′émotion de croire qu′elle avait manqué au rendez-vous, quand tout à coup j′eusse vu se détacher du mur noir une de ses chères robes grises, ses yeux souriants qui m′auraient aperçu, et nous aurions pu nous promener enlacés sans que personne nous distinguât, nous dérangeât et rentrer ensuite à la maison. Hélas, j′étais seul et je me faisais l′effet d′aller faire une visite de voisin à la campagne, de ces visites comme Swann venait nous en faire après le dîner, sans rencontrer plus de passants dans l′obscurité de Tansonville, par ce petit chemin de halage, jusqu′à la rue du Saint-Esprit, que je n′en rencontrais maintenant dans les rues devenues de sinueux chemins rustiques de la rue Clotilde à la rue Bonaparte. D′ailleurs, comme ces fragments de paysage, que le temps qu′il fait modifie, n′étaient plus contrariés par un cadre devenu nuisible, les soirs où le vent chassait un grain glacial je me croyais bien plus au bord de la mer furieuse, dont j′avais jadis tant rêvé, que je ne m′y étais senti à Balbec ; et même d′autres éléments de nature qui n′existaient pas jusque-là à Paris faisaient croire qu′on venait, descendant du train, d′arriver pour les vacances, en pleine campagne : par exemple le contraste de lumière et d′ombre qu′on avait à côté de soi par terre les soirs de clair de lune. Celui-ci donnait de ces effets que les villes ne connaissent pas, même en plein hiver ; ses rayons s′étalaient sur la neige qu′aucun travailleur ne déblayait plus, boulevard Haussmann, comme ils eussent fait sur un glacier des Alpes. Les silhouettes des arbres se reflétaient nettes et pures sur cette neige d′or bleuté, avec la délicatesse qu′elles ont dans certaines peintures japonaises ou dans certains fonds de Raphaël ; elles étaient allongées à terre au pied de l′arbre lui-même, comme on les voit souvent dans la nature au soleil couchant, quand celui-ci inonde et rend réfléchissantes les prairies où des arbres s′élèvent à intervalles réguliers. Mais, par un raffinement d′une délicatesse délicieuse, la prairie sur laquelle se développaient ces ombres d′arbres, légères comme des âmes, était une prairie paradisiaque, non pas verte mais d′un blanc si éclatant, à cause du clair de lune qui rayonnait sur la neige de jade, qu′on aurait dit que cette prairie était tissée seulement avec des pétales de poiriers en fleurs. Et sur les places, les divinités des fontaines publiques tenant en main un jet de glace avaient l′air de statues d′une matière double pour l′exécution desquelles l′artiste avait voulu marier exclusivement le bronze au cristal. Par ces jours exceptionnels, toutes les maisons étaient noires. Mais au printemps, au contraire, parfois de temps à autre, bravant les règlements de la police, un hôtel particulier, ou seulement un étage d′un hôtel, ou même seulement une chambre d′un étage, n′ayant pas fermé ses volets apparaissait, ayant l′air de se soutenir toute seule sur d′impalpables ténèbres, comme une projection purement lumineuse, comme une apparition sans consistance. Et la femme qu′en levant les yeux bien haut on distinguait dans cette pénombre dorée prenait, dans cette nuit où l′on était perdu et où elle-même semblait recluse, le charme mystérieux et voilé d′une vision d′Orient. Puis on passait et rien n′interrompait plus l′hygiénique et monotone piétinement rythmique dans l′obscurité.
A la hora de la comida, los restaurantes estaban llenos; y si yo, al pasar por la calle, veía a un pobre soldado de permiso, y que, libre por seis días del peligro permanente de muerte y dispuesto a volver a las trincheras, dirige un instante los ojos a las lunas iluminadas, yo sufría como en el hotel de Balbec cuando unos pescadores nos miraban comer, pero sufría más porque sabía que la miseria del soldado es más grande que la del pobre, pues las reúne todas, y más conmovedora todavía por más resignada, más noble, y aquel soldado, a punto de volverse a la guerra, viendo cómo se tropezaban los emboscados para observar sus mesas, decía encogiéndose de hombros filosóficamente, sin odio: «Nadie diría aquí que hay guerra». Después, a las nueve y media, cuando todavía nadie había tenido tiempo de acabar de comer, se apagaban bruscamente las luces obedeciendo las órdenes de la policía, y a las nueve y treinta y cinco se repetía la aglomeración de los emboscados arrancando los abrigos de manos de los botones del restaurante donde yo había comido con Saint-Loup una noche de permiso, y la escena se desarrollaba en una misteriosa penumbra de proyección de linterna mágica, de uno de aquellos cines a los que se precipitaban los comensales. Mas, pasada esta hora, para los que, como yo, se habían quedado la noche de que hablo a cenar en su casa y salían para ir a ver a unos amigos, París estaba, al menos en ciertos barrios, aún más oscuro que el Combray de mi infancia; las visitas que se hacían tomaban cierto carácter de visitas entre vecinos del campo. ¡Ah, si Albertina viviera, qué bueno habría sido para mí, las noches en que cenaba fuera de casa, citarla en la calle, bajo los soportales! Al principio no vería nada, sentiría la emoción de creer que faltaba a la cita, y, de pronto vería destacarse de la negra pared uno de sus queridos trajes grises, sus ojos sonrientes al verme, y podríamos pasear abrazados sin que nadie nos viera, sin que nadie nos molestara, y volver luego a casa. Pero, ¡ay!, estaba solo y me hacía el efecto de ir a visitar a un vecino en el campo, como una de aquellas visitas que Swann nos hacía después de comer, sin encontrar ya transeúntes en la oscuridad de Tansonville, por el caminito de sirga, hasta la Rue du Saint-Esprit, como yo no los encontraba ahora en las calles convertidas en sinuosos caminos rústicos, desde Sainte-Clotilde hasta la Rue Bonaparte. Por otra parte, como esos fragmentos de paisaje que el tiempo cambiante hace viajar no eran ya contrarrestados por un marco ahora invisible, las noches en que el viento impulsaba una lluvia glacial me creía mucho más a la orilla del mar furioso con el que tanto soñara en otro tiempo, mucho más de lo que me sintiera en Balbec; y hasta otros elementos de la naturaleza que hasta entonces no habían existido en París hacían creer que, apeándonos del tren, acabábamos de llegar de veraneo a pleno campo: por ejemplo, el contraste de luz y de sombra que teníamos tan cerca, en el suelo, las noches de luna. Esta luz de la luna producía esos efectos que las ciudades no conocen, y aun en pleno invierno; sus rayos se extendían sobre la nieve que ningún trabajador quitaba ya, en el Boulevard Haussmann, como se extenderían sobre un glaciar de los Alpes. Las siluetas de los árboles se reflejaban rotundas y puras en aquella nieve de oro azulado, con esa delicadeza que tienen en algunas pinturas japonesas o en algunos fondos de Rafael; se alargaban en el suelo al pie del árbol mismo, como solemos verlas en la naturaleza cuando se pone el sol, cuando éste inunda y torna espejeantes las praderas en que los árboles se elevan a intervalos regulares. Mas, por un refinamiento de una delicadeza deliciosa, el prado sobre el cual se extendían esas sombras de árboles, ligeras como almas, era un prado paradisíaco, no verde, sino de un blanco tan deslumbrador por la luna que irradiaba en la nieve de jade, dijérase que era un prado tejido solamente con pétalos de perales en flor. Y en las plazas, las divinidades de las fuentes públicas enarbolando en la mano un surtidor de hielo parecían estatuas de una materia doble en cuya ejecución hubiera querido el artista enmaridar exclusivamente el bronce con el cristal. En aquellos días excepcionales todas las casas eran negras. Pero, en cambio, en la primavera, de cuando en cuando, desafiando los reglamentos de la policía, un hotel particular, o solamente un piso de un hotel, o incluso únicamente una habitación de un piso, no había cerrado los postigos y parecía sostenerse él solo sobre impalpables tinieblas, como una proyección puramente luminosa, como una aparición sin consistencia. Y la mujer que levantando muy alto los ojos, se distinguía en aquella penumbra dorada, tomaba en aquella noche donde estábamos perdidos y donde ella misma parecía reclusa, el encanto misterioso y velado de una visión de Oriente. Después pasábamos y ya nada interrumpía el higiénico y monótono paseo rústico en la oscuridad.
Je songeais que je n′avais revu depuis bien longtemps aucune des personnes dont il a été question dans cet ouvrage. En 1914, pendant les deux mois que j′avais passés à Paris, j′avais aperçu M. de Charlus et vu Bloch et Saint-Loup, ce dernier seulement deux fois. La seconde fois était certainement celle où il s′était le plus montré lui-même ; il avait effacé toutes les impressions peu agréables de manque de sincérité qu′il m′avait produites pendant le séjour à Tansonville que je viens de rapporter et j′avais reconnu en lui toutes les belles qualités d′autrefois. La première fois que je l′avais vu après la déclaration de guerre, c′est-à-dire au début de la semaine qui suivit, tandis que Bloch faisait montre des sentiments les plus chauvins, Saint-Loup n′avait pas assez d′ironie pour lui-même qui ne reprenait pas de service et j′avais été presque choqué de la violence de son ton. Saint-Loup revenait de Balbec. «Â Non, s′écria-t-il avec force et gaîté, tous ceux qui ne se battent pas, quelque raison qu′ils donnent, c′est qu′ils n′ont pas envie d′être tués, c′est par peur. » Et avec le même geste d′affirmation plus énergique encore que celui avec lequel il avait souligné la peur des autres, il ajouta : «Â Et moi, si je ne reprends pas de service, c′est tout bonnement par peur, na. » J′avais déjà remarqué chez différentes personnes que l′affectation des sentiments louables n′est pas la seule couverture des mauvais, mais qu′une plus nouvelle est l′exhibition de ces mauvais, de sorte qu′on n′ait pas l′air au moins de s′en cacher. De plus, chez Saint-Loup cette tendance était fortifiée par son habitude, quand il avait commis une indiscrétion, fait une gaffe, et qu′on aurait pu les lui reprocher, de les proclamer en disant que c′était exprès. Habitude qui, je crois bien, devait lui venir de quelque professeur à l′École de Guerre dans l′intimité de qui il avait vécu et pour qui il professait une grande admiration. Je n′eus donc aucun embarras pour interpréter cette boutade comme la ratification verbale d′un sentiment que Saint-Loup aimait mieux proclamer, puisqu′il avait dicté sa conduite et son abstention dans la guerre qui commençait. «Â Est-ce que tu as entendu dire, demanda-t-il en me quittant, que ma tante Oriane divorcerait ? Personnellement je n′en sais absolument rien. On dit cela de temps en temps et je l′ai entendu annoncer si souvent que j′attendrai que ce soit fait pour le croire. J′ajoute que ce serait très compréhensible ; mon oncle est un homme charmant, non seulement dans le monde, mais pour ses amis, pour ses parents. Même, d′une façon, il a beaucoup plus de cœur que ma tante qui est une sainte, mais qui le lui fait terriblement sentir. Seulement c′est un mari terrible, qui n′a jamais cessé de tromper sa femme, de l′insulter, de la brutaliser, de la priver d′argent. Ce serait si naturel qu′elle le quitte que c′est une raison pour que ce soit vrai, mais aussi pour que cela ne le soit pas parce que c′en est une pour qu′on en ait l′idée et qu′on le dise. Et puis du moment qu′elle l′a supporté si longtempsÂ… Maintenant je sais bien qu′il y a tant de choses qu′on annonce à tort, qu′on dément, et puis qui plus tard deviennent vraies. » Cela me fit penser à lui demander s′il avait jamais été question, avant son mariage avec Gilberte, qu′il épousât Mlle de Guermantes. Il sursauta et m′assura que non, que ce n′était qu′un de ces bruits du monde, qui naissent de temps à autre on ne sait pourquoi, s′évanouissent de même et dont la fausseté ne rend pas ceux qui ont cru en eux plus prudents, dès que naît un bruit nouveau de fiançailles, de divorce, ou un bruit politique, pour y ajouter foi et le colporter. Quarante-huit heures n′étaient pas passées que certains faits que j′appris me prouvèrent que je m′étais absolument trompé dans l′interprétation des paroles de Robert : «Â Tous ceux qui ne sont pas au front, c′est qu′ils ont peur. » Saint-Loup avait dit cela pour briller dans la conversation, pour faire de l′originalité psychologique, tant qu′il n′était pas sûr que son engagement serait accepté. Mais il faisait pendant ce temps-là des pieds et des mains pour qu′il le fût, étant en cela moins original, au sens qu′il croyait qu′il fallait donner à ce mot, mais plus profondément français de Saint-André-des-Champs, plus en conformité avec tout ce qu′il y avait à ce moment-là de meilleur chez les Français de Saint-André-des-Champs, seigneurs, bourgeois et serfs respectueux des seigneurs ou révoltés contre les seigneurs, deux divisions également françaises de la même famille, sous-embranchement Françoise et sous-embranchement Sauton, d′où deux flèches se dirigeaient à nouveau dans une même direction, qui était la frontière. Bloch avait été enchanté d′entendre l′aveu de la lâcheté d′un nationaliste (qui l′était d′ailleurs si peu) et, comme Saint-Loup avait demandé si lui-même devait partir, avait pris une figure de grand-prêtre pour répondre : «Â Myope. » Mais Bloch avait complètement changé d′avis sur la guerre quelques jours après où il vint me voir affolé. Quoique «Â myope », il avait été reconnu bon pour le service. Je le ramenais chez lui quand nous rencontrâmes Saint-Loup qui avait rendez-vous, pour être présenté au Ministère de la Guerre à un colonel, avec un ancien officier, «Â M. de Cambremer », me dit-il. «Â Ah ! c′est vrai, mais c′est d′une ancienne connaissance que je te parle. Tu connais aussi bien que moi Cancan. » Je lui répondis que je le connaissais en effet et sa femme aussi, que je ne les appréciais qu′à demi. Mais j′étais tellement habitué, depuis que je les avais vus pour la première fois, à considérer la femme comme une personne malgré tout remarquable, connaissant à fond Schopenhauer et ayant accès, en somme, dans un milieu intellectuel qui était fermé à son grossier époux, que je fus d′abord étonné d′entendre Saint-Loup répondre : «Â Sa femme est idiote, je te l′abandonne. Mais lui est un excellent homme qui était doué et qui est resté fort agréable. » Par l′«Â idiotie » de la femme, Saint-Loup entendait sans doute le désir éperdu de celle-ci de fréquenter le grand monde, ce que le grand monde juge le plus sévèrement. Par les qualités du mari, sans doute quelque chose de celles que lui reconnaissait sa nièce quand elle le trouvait le mieux de la famille. Lui, du moins, ne se souciait pas de duchesses, mais à vrai dire c′est là une «Â intelligence » qui diffère autant de celle qui caractérise les penseurs, que «Â l′intelligence » reconnue par le public à tel homme riche «Â d′avoir su faire sa fortune ». Mais les paroles de Saint-Loup ne me déplaisaient pas en ce qu′elles rappelaient que la prétention avoisine la bêtise et que la simplicité a un goût un peu caché mais agréable. Je n′avais pas eu, il est vrai, l′occasion de savourer celle de M. de Cambremer. Mais c′est justement ce qui fait qu′un être est tant d′êtres différents selon les personnes qui le jugent, en dehors même des différences de jugement. De Cambremer je n′avais connu que l′écorce. Et sa saveur, qui m′était attestée par d′autres, m′était inconnue. Bloch nous quitta devant sa porte, débordant d′amertume contre Saint-Loup, lui disant qu′eux autres, «Â beaux fils galonnés », paradant dans les États-Majors, ne risquaient rien, et que lui, simple soldat de 2e classe, n′avait pas envie de se faire «Â trouer la peau » pour Guillaume. «Â Il paraît qu′il est gravement malade, l′Empereur Guillaume », répondit Saint-Loup. Bloch qui, comme tous les gens qui tiennent de près à la Bourse, accueillait avec une facilité particulière les nouvelles sensationnelles, ajouta : «Â On dit même beaucoup qu′il est mort. » À la Bourse tout souverain malade, que ce soit Edouard VII ou Guillaume II, est mort, toute ville sur le point d′être assiégée est prise. «Â On ne le cache, ajouta Bloch, que pour ne pas déprimer l′opinion chez les Boches. Mais il est mort dans la nuit d′hier. Mon père le tient d′une source de tout premier ordre. » Les sources de tout premier ordre étaient les seules dont tînt compte M. Bloch le père, alors que, par la chance qu′il avait, grâce à de «Â hautes relations », d′être en communication avec elles, il en recevait la nouvelle encore secrète que l′Extérieure allait monter ou la de Beers fléchir. D′ailleurs, si à ce moment précis se produisait une hausse sur la de Beers, ou des «Â offres » sur l′Extérieure, si le marché de la première était «Â ferme » et «Â actif », celui de la seconde «Â hésitant », «Â faible », et qu′on s′y tînt «Â sur la réserve », la source de premier ordre n′en restait pas moins une source de premier ordre. Aussi Bloch nous annonça-t-il la mort du Kaiser d′un air mystérieux et important, mais aussi rageur. Il était surtout particulièrement exaspéré d′entendre Robert dire : «Â l′Empereur Guillaume ». Je crois que sous le couperet de la guillotine Saint-Loup et M. de Guermantes n′auraient pas pu dire autrement. Deux hommes du monde restant seuls vivants dans une île déserte, où ils n′auraient à faire preuve de bonnes façons pour personne, se reconnaîtraient à ces traces d′éducation, comme deux latinistes citeraient correctement du Virgile. Saint-Loup n′eût jamais pu, même torturé par les Allemands, dire autrement que «Â l′Empereur Guillaume ». Et ce savoir-vivre est malgré tout l′indice de grandes entraves pour l′esprit. Celui qui ne sait pas les rejeter reste un homme du monde. Cette élégante médiocrité est d′ailleurs délicieuse — surtout avec tout ce qui s′y allie de générosité cachée et d′héroî²e inexprimé — à côté de la vulgarité de Bloch, à la fois pleutre et fanfaron, qui criait à Saint-Loup : «Â Tu ne pourrais pas dire «Â Guillaume » tout court ? C′est ça, tu as la frousse, déjà ici tu te mets à plat ventre devant lui ! Ah ! ça nous fera de beaux soldats à la frontière, ils lécheront les bottes des Boches. Vous êtes des galonnés qui savez parader dans un carrousel. Un point, c′est tout. » «Â Ce pauvre Bloch veut absolument que je ne fasse que parader », me dit Saint-Loup en souriant, quand nous eûmes quitté notre camarade. Et je sentais bien que parader n′était pas du tout ce que désirait Robert, bien que je ne me rendisse pas compte alors de ses intentions aussi exactement que je le fis plus tard quand, la cavalerie restant inactive, il obtint de servir comme officier d′infanterie, puis de chasseurs à pied, et enfin quand vint la suite qu′on lira plus loin. Mais du patriotisme de Robert, Bloch ne se rendit pas compte, simplement parce que Robert ne l′exprimait nullement. Si Bloch nous avait fait des professions de foi méchamment antimilitaristes une fois qu′il avait été reconnu «Â bon », il avait eu préalablement les déclarations les plus chauvines quand il se croyait réformé pour myopie. Mais ces déclarations, Saint-Loup eût été incapable de les faire ; d′abord par une espèce de délicatesse morale qui empêche d′exprimer les sentiments trop profonds et qu′on trouve tout naturels. Ma mère autrefois non seulement n′eût pas hésité une seconde à mourir pour ma grand′mère, mais aurait horriblement souffert si on l′avait empêchée de le faire. Néanmoins, il m′est impossible d′imaginer rétrospectivement dans sa bouche une phrase telle que : «Â Je donnerais ma vie pour ma mère. » Aussi tacite était, dans son amour de la France, Robert qu′en ce moment je trouvais beaucoup plus Saint-Loup (autant que je pouvais me représenter son père) que Guermantes. Il eût été préservé aussi d′exprimer ces sentiments-là par la qualité en quelque sorte morale de son intelligence. Il y a chez les travailleurs intelligents et vraiment sérieux une certaine aversion pour ceux qui mettent en littérature ce qu′ils font, le font valoir. Nous n′avions été ensemble ni au lycée, ni à la Sorbonne, mais nous avions séparément suivi certains cours des mêmes maîtres, et je me rappelle le sourire de Saint-Loup en parlant de ceux qui, tout en faisant un cours remarquable, voulaient se faire passer pour des hommes de génie en donnant un nom ambitieux à leurs théories. Pour peu que nous en parlions, Robert riait de bon cœur. Naturellement notre prédilection n′allait pas d′instinct aux Cottard ou aux Brichot, mais enfin nous avions une certaine considération pour les gens qui savaient à fond le grec ou la médecine et ne se croyaient pas autorisés pour cela à faire les charlatans. De même que toutes les actions de maman reposaient jadis sur le sentiment qu′elle eût donné sa vie pour sa mère, comme elle ne s′était jamais formulé ce sentiment à elle-même, en tout cas elle eût trouvé non pas seulement inutile et ridicule, mais choquant et honteux de l′exprimer aux autres ; de même il m′était impossible d′imaginer Saint-Loup (me parlant de son équipement, des courses qu′il avait à faire, de nos chances de victoire, du peu de valeur de l′armée russe, de ce que ferait l′Angleterre) prononçant une des phrases les plus éloquentes que peut dire le Ministre le plus sympathique aux députés debout et enthousiastes. Je ne peux cependant pas dire que, dans ce côté négatif qui l′empêchait d′exprimer les beaux sentiments qu′il ressentait, il n′y avait pas un effet de l′«Â esprit des Guermantes », comme on en a vu tant d′exemples chez Swann. Car si je le trouvais Saint-Loup surtout, il restait Guermantes aussi et par là, parmi les nombreux mobiles qui excitaient son courage, il y en avait qui n′étaient pas les mêmes que ceux de ses amis de Doncières, ces jeunes gens épris de leur métier avec qui j′avais dîné chaque soir et dont tant se firent tuer à la bataille de la Marne ou ailleurs en entraînant leurs hommes. Les jeunes socialistes qu′il pouvait y avoir à Doncières quand j′y étais, mais que je ne connaissais pas parce qu′ils ne fréquentaient pas le milieu de Saint-Loup, purent se rendre compte que les officiers de ce milieu n′étaient nullement des «Â aristos » dans l′acception hautainement fière et bassement jouisseuse que le «Â populo », les officiers sortis des rangs, les francs-maçons donnaient à ce surnom. Et pareillement d′ailleurs, ce même patriotisme, les officiers nobles le rencontrèrent pleinement chez les socialistes que je les avais entendu accuser, pendant que j′étais à Doncières, en pleine affaire Dreyfus, d′être des sans-patrie. Le patriotisme des militaires, aussi sincère, aussi profond, avait pris une forme définie qu′ils croyaient intangible et sur laquelle ils s′indignaient de voir jeter «Â l′opprobre », tandis que les patriotes en quelque sorte inconscients, indépendants, sans religion patriotique définie, qu′étaient les radicaux-socialistes, n′avaient pas su comprendre quelle réalité profonde vivait dans ce qu′ils croyaient de vaines et haineuses formules. Sans doute Saint-Loup comme eux s′était habitué à développer en lui, comme la partie la plus vraie de lui-même, la recherche et la conception des meilleures manœuvres en vue des plus grands succès stratégiques et tactiques, de sorte que, pour lui comme pour eux, la vie de son corps était quelque chose de relativement peu important qui pouvait être facilement sacrifié à cette partie intérieure, véritable noyau vital chez eux, autour duquel l′existence personnelle n′avait de valeur que comme un épiderme protecteur.
Pensaba yo que desde hacía mucho tiempo no había visto a ninguna de las personas de quienes se ha hablado en esta obra. Sólo en 1914, durante los dos meses que pasé en París, había vislumbrado a monsieur de Charlus y había visto a Bloch y a Saint-Loup, a éste solamente dos veces. En la segunda se mostró, desde luego, más él mismo; borró todas las impresiones, poco agradables, de insinceridad que me había producido durante la temporada de Tansonville que acabo de contar, y reconocí en él todas las buenas cualidades de los antiguos tiempos. La primera vez que le vi después de la declaración de guerra, es decir, a principios de la semana siguiente, mientras que Bloch hacía gala de los sentimientos más patrioteros, Saint-Loup, cuando Bloch nos dejó, hablaba de sí mismo con la mayor ironía, por no haberse incorporado al servicio, y casi me chocó la violencia de su tono. «Nada -exclamó con fuerza y jovialmente-, todos los que no se baten, digan lo que digan, es que no tienen ganas de que los maten, es por miedo. -Y con el mismo gesto de seguridad más enérgico aún que el que había subrayado el miedo de los demás, añadió-: Y yo, si no me reincorporo al servicio es simplemente por miedo, ¡ni más ni menos! » Ya había observado yo en diferentes personas que el alarde de sentimientos loables no es el único disimulo de los malos, que hay otro más nuevo: la exhibición de los malos, para que, al menos, no parezca que se quiere ocultarlos. Además, en Saint-Loup esta tendencia era más acusada por su costumbre, cuando había cometido una indiscreción, cuando había dado un mal paso que pudieran reprocharle, de proclamarlo diciendo que lo había hecho adrede. Costumbre que debía de haber tomado, a lo que creo, de algún profesor de la Escuela de Guerra en cuya intimidad había vivido y por el que sentía gran admiración. Así que no vacilé en interpretar aquella salida como una ratificación verbal de un sentimiento que Saint-Loup prefería proclamar ya que había determinado su conducta y su abstención en la guerra que comenzaba. «¿Has oído decir - me preguntó antes de despedirnos- que mi tía Oriana se va a divorciar? Yo no sé absolutamente nada. Se dice eso de cuando en cuando y lo he oído decir tantas veces que esperaré a verlo para creerlo. Te diré que sería muy comprensible. Mi tío es un hombre encantador, no solamente en sociedad, sino con sus amigos, con sus parientes. Y hasta, en cierto modo, tiene mucho más corazón que mi tía, que es una santa, pero que lo hace notar horriblemente. Sólo que es un marido terrible, que no ha dejado nunca de engañar a su mujer, de insultarla, de tratarla mal, de privarla de dinero. Sería tan natural que le deje que esto es una razón para que sea verdad, pero también para que no lo sea, porque al mismo tiempo es una razón para que la gente lo piense y lo diga. Y, además, ¡después de soportarle tanto tiempo! Pero bueno, ya sé que hay muchas cosas que se dicen sin ton ni son, que luego se desmienten y que más tarde resultan ciertas.» Esto me hizo pensar en preguntarle si alguna vez se había tratado de casarse él con mademoiselle de Guermantes. Como escandalizado, me aseguró que no, que no era más que uno de esos rumores que surgen de cuando en cuando sin saber por qué, que se apagan de la misma manera y cuya falsedad no hace más prudentes a quienes los creyeron cuando surge un nuevo rumor de boda, de divorcio, o un rumor político, para darle crédito y difundirlo. No habían pasado cuarenta y ocho horas cuando ciertos hechos me demostraron que estaba absolutamente equivocado en la interpretación de las palabras de Roberto: «Todos los que no están en el frente es porque tienen miedo». Saint-Loup había dicho esto por brillar en la conversación, por hacer originalidad psicológica, mientras no estuviera Saint-Loup venía de Balbec. Más tarde me enteré indirectamente de que había hecho intentos vanos por conquistar al director del restaurante, el cual debía su posición a lo que había heredado de monsieur Nissim Bernard. Pues no era otro que aquel joven criado «protegido» por el tío de Bloch. Pero con la riqueza había adquirido la virtud. De modo que fue inútil que Saint-Loup intentara seducirle. En compensación, mientras que los jóvenes virtuosos se abandonan, ya maduros, a las pasiones de las que al fin se han enterado, algunos adolescentes fáciles se convierten en hombres de principios contra los cuales se estrellan desagradablemente los Charlus que acuden fiados de antiguos cuentos, pero demasiado tarde. Todo es cuestión de cronología. [La edición de La Pléiade incluye a pie de página esta «adición marginal (inédita) que rompe la continuidad del texto». ( y a a T.)] seguro de que aceptaban su reincorporación. Pero, mientras tanto, hacía cuanto estaba en su mano para que la aceptaran, y en esto era menos original, en el sentido que él creía que había que dar a esta palabra, pero más profundamente francés de Saint-André-des- Champs, más de acuerdo con todo lo mejor que había en aquel momento entre los franceses de SaintAndré-des-Champs, señores, burgueses y siervos respetuosos de los señores o insurrectos contra los señores, dos divisiones igualmente francesas de la misma familia, en la rama Francisca y en la rama Morel, de donde salían dos flechas para converger de nuevo en una misma dirección, que era la frontera. A Bloch le había encantado oír la confesión de cobardía de un nacionalista (que, por lo demás, lo era tan poco), y, como Saint-Loup le preguntara si él iba a ir al frente, había adoptado un gesto de gran sacerdote para contestar: «Miope». Pero Bloch cambió completamente de opinión sobre la guerra a los pocos días, cuando vino a verme muy apurado. Aunque «miope», le habían declarado útil para el servicio. Le llevaba yo a su casa cuando encontramos a Saint-Loup, que tenía una cita con un antiguo oficial en el ministerio de la Guerra para que le presentara a un coronel, «monsieur de Cambremer», me dijo. «¡Ah, si te hablo de un antiguo conocido! Tú conoces tan bien como yo a Cancan.» Le contesté que sí que le conocía, y también a su mujer, pero que no los estimaba mucho. Mas estaba tan acostumbrado, desde la primera vez que los vi, a considerar a la mujer como una persona notable a pesar de todo, una mujer que conocía a fondo a Schopenhauer y que al fin y al cabo tenía acceso a un medio intelectual que estaba cerrado a su vulgar esposo, que me extrañó de pronto oír a Saint-Loup contestarme: «Su mujer es idiota, te la regalo. Pero él es un hombre excelente que tenía buenas cualidades y que sigue siendo muy agradable». Con aquello de «idiota», Saint-Loup aludía seguramente al desorbitado deseo de la mujer de Cambremer de entrar en el gran mundo, cosa que el gran mundo juzga muy severamente; en cuanto a las cualidades del marido, sin duda se refería a alguna de las que le reconocía su sobrina cuando decía que era lo mejor de la familia. Al menos a él no le importaban las duquesas, pero, en realidad, es ésta una «inteligencia» que difiere de la que caracteriza a los pensadores tanto como la «inteligencia» que el público reconoce a un hombre rico «que ha sabido labrarse su fortuna». Pero las palabras de Saint-Loup no me desagradaban por cuanto recordaban que la pretensión anda cerca de la necedad y que la sencillez tiene un gusto un poco escondido pero agradable. La verdad es que yo no había tenido ocasión de saborear la de monsieur de Cambremer. Pero ésta es precisamente la causa de que un ser sea tantos seres diferentes según las personas que le juzgan, incluso aparte de las diferencias de juicio. De monsieur de Cambremer yo no había conocido más que la corteza. Y su sabor, que me fue testificado por otros, me era desconocido. Bloch nos dejó delante de su puerta, rebosando amargura contra Saint- Loup, diciéndole que otros, «hijos de papá», con charreteras, contoneándose en los estados mayores, no arriesgaban nada, mientras que él, simple soldado de segunda clase, no tenía ningunas ganas de que «le agujerearan el pellejo por Guillermo». -Parece ser que está gravemente enfermo, el emperador Guillermo -contestó Saint- Loup. Bloch, que, como todos los que tienen estrechos contactos con la Bolsa, acogía con especial facilidad las noticias sensacionales, añadió: -Y hasta se dice mucho que ha muerto. -En la Bolsa, todo soberano enfermo, ya sea Eduardo VII o Guillermo II, ha muerto, toda ciudad a punto de ser sitiada es ciudad tomada-. Sólo lo ocultan -añadió Bloch- por no desanimar a la opinión entre los boches. Pero murió anoche. Mi padre lo sabe de buenísima tinta. Las fuentes de muy buena tinta eran las únicas de las que hacía caso monsieur Bloch padre, quizá porque, por la posibilidad que él tenía, gracias a sus «altas relaciones», de estar en comunicación con ellas, recibiera la noticia aún secreta de que las de Exterior iban a subir o la de que las de Beers iban a bajar. Además, si en aquel momento preciso se registraba un alza en las de Beers u «ofertas» en las de Exterior, si el mercado de las de Beers estaba «firme» y «activo», el de las de Exterior «dudoso», «flojo», y que se estaba «a la expectativa», la fuente de muy buena tinta no dejaba de ser una fuente de muy buena tinta. Por eso Bloch nos anunció la muerte del káiser con un aire misterioso e importante, pero también rabioso. Le irritaba muchísimo oír decir a Roberto «el emperador Guillermo». Creo que ni bajo la cuchilla de la guillotina habrían podido Saint- Loup y monsieur de Guermantes decirlo de otro modo. Dos hombres de la alta sociedad que fueran los únicos seres vivos en una isla desierta, donde no tendrían que ostentar ante nadie sus buenas maneras, se reconocerían en estos detalles de educación, como dos latinistas citarían correctamente una frase de Virgilio. Ni torturado por los alemanes dejaría Saint-Loup de decir «el emperador Guillermo». Y estas buenas maneras son, a pesar de todo, indicio de grandes trabas para la inteligencia. El que no puede desprenderse de ellas sigue siendo un hombre del gran mundo. Por lo demás, esta elegante mediocridad es deliciosa -sobre todo con lo que lleva en sí de generosidad oculta y de heroísmo inexpresado- junto a la vulgaridad de Bloch, a la vez cobarde y fanfarrón, que le gritaba a Saint-Loup: «¿Es que no puedes decir Guillermo a secas? Claro, tienes miedo, ya te ves de rodillas delante de él. ¡Ah! Buenos soldados tendremos en la frontera, les lamerán las botas a los boches. Vosotros sois unos engalonados que sabéis exhibiros en un carrusel, y nada más». «Ese pobre Bloch se empeña en que yo no haga más que exhibirme», me dijo Saint- Loup sonriendo cuando nos separamos de nuestro compañero. Y me di muy bien cuenta de que exhibirse no era en modo alguno lo que Roberto deseaba, aunque entonces no penetrara en sus intenciones tan exactamente como lo hice después cuando, permaneciendo inactiva la caballería, consiguió servir como oficial de infantería, luego de cazadores a pie y, por último, cuando ocurrió lo que se leerá más adelante. Pero Bloch no se daba cuenta del patriotismo de Roberto sencillamente porque Roberto no lo expresaba en absoluto. Aunque Bloch nos hizo profesiones de fe malévolamente antimilitaristas cuando le dieron por útil, antes, cuando se creía libre por miopía, había hecho las declaraciones más patrioteras. Unas declaraciones que Saint-Loup hubiera sido incapaz de hacer; en primer lugar, por una especie de delicadeza moral que impide manifestar los sentimientos más profundos y que para el que los siente son completamente naturales. En otro tiempo, mi madre no sólo no hubiera vacilado un segundo en morir por mi abuela, sino que habría sufrido horriblemente si le hubieran impedido hacerlo. Pero me es imposible imaginar retrospectivamente en su boca una frase como: «Daría mi vida por mi madre». Tan tácito era Roberto en su amor a Francia que, en aquel momento, yo le encontraba mucho más Saint-Loup (hasta donde yo podía imaginarme a su padre) que Guermantes. También le hubiera preservado de expresar aquellos sentimientos la calidad en cierto modo moral de su inteligencia. Hay en los trabajadores inteligentes y verdaderamente serios cierta aversión por los que ponen en literatura lo que hacen, por los que lo ponderan. Claro que nuestra predilección no iba por instinto a los Cottard o a los Brichot, pero al fin y al cabo teníamos cierta consideración a las personas que sabían a fondo el griego o la medicina y no por eso se creían autorizadas a hacer el charlatán. Ya dije que, aunque todas las acciones de mamá se fundaban en el sentimiento de que hubiera dado su vida por su madre, jamás se formuló este sentimiento a sí misma, y en todo caso le habría parecido no sólo inútil y ridículo, sino chocante y vergonzoso expresarlo a otros; de la misma manera, me es imposible imaginar a Saint-Loup hablándome de su equipo, de las gestiones que tenía que hacer, de nuestras probabilidades de victoria, del escaso valor del ejército ruso, de lo que haría Inglaterra, me es imposible imaginar en su boca ni aun la frase más elocuente dicha por el ministro más simpático ante los diputados en pie y entusiastas. Pero no puedo decir que en este lado negativo que le impedía expresar sus bellos sentimientos no hubiera un efecto del «espíritu de los Guermantes», como tantos ejemplos hemos visto en Swann. Pues aunque yo le encontraba sobre todo Saint-Loup, seguía siendo también Guermantes, y por esto, entre los numerosos móviles que suscitaban su valor, los había que no eran los mismos que los de sus amigos de Doncières, aquellos jóvenes enamorados de su oficio con los que yo cenaba todas las noches y tantos de los cuales cayeron en la batalla del Marne o en otro sitio al frente de sus hombres. Los jóvenes socialistas que podía haber en Doncières cuando yo estaba allí, pero a los que no conocía porque no frecuentaban el medio de Saint-Loup, pudieron darse cuenta de que los oficiales de este medio no eran en modo alguno «aristos» en la acepción altamente orgullosa y bajamente burlona que el «pópulo», los oficiales salidos de las filas, los masones, daban al apodo de «aristo». Y, paralelamente, este mismo patriotismo lo encontraron plenamente los oficiales en los socialistas, a quienes yo les había oído acusar, cuando estaba en Doncières, en pleno asunto Dreyfus, de ser unos «sin patria». El patriotismo de los militares, tan sincero, tan profundo, tomó una forma definida que ellos creían intangible, indignándose de que la juzgaran con «oprobio», mientras que los patriotas en cierto modo inconscientes, independientes, sin religión patriótica definida, que eran los radicales-socialistas, no supieron comprender la profunda realidad que existía en lo que ellos creían fórmulas vanas y rencorosas. Seguramente Saint-Loup se había habituado como ellos a desarrollar en sí mismo, como su parte más verdadera, la búsqueda y la concepción de las mejores maniobras para los mayores éxitos estratégicos y tácticos, de modo que, para él como para ellos, la vida de su cuerpo era algo relativamente poco importante que se podía sacrificar fácilmente a aquella parte interior, verdadero núcleo vital en ellos, en torno al que la existencia personal no tenía más valor que el de una epidermis protectora.
Â… En el valor de Saint-Loup había elementos más característicos, en los que se podía reconocer fácilmente la generosidad que había sido al principio el encanto de nuestra amistad, y también el vicio hereditario que más tarde se despertó en él, y que, junto a cierto nivel intelectual que no había rebasado, le hacía no sólo admirar el valor, sino llevar la repugnancia por el afeminamiento hasta una cierta embriaguez en el contacto con la virilidad. Vivir al raso con senegaleses que hacían a cada momento el sacrificio de su vida le producía, sin duda castamente, una voluptuosidad cerebral en la que entraba buena parte de desprecio por los «caballeritos almizclados» y que, por opuesta que pueda parecer, no era tan diferente de la que le daba aquella cocaína de la que tanto había abusado en Tansonville, y cuyo heroísmo -como un remedio que sustituye a otro- le curaría. En su valor había, en primer lugar, aquel doble hábito de cortesía que, por una parte, le hacía alabar a los demás y contentarse, en cuanto a sí mismo, con obrar bien sin decir nada, al contrario de un Bloch, que le dijo cuando nos encontramos: «Usted se rajará, naturalmente», y que no hacía nada; y, por otra parte, le impulsaba a no estimar en nada lo que era suyo, su fortuna, su estirpe, su vida misma, a darlo. En una palabra, la verdadera nobleza de su ser. -Tendremos para mucho tiempo? -le dije a Saint-Loup.
-No, creo que será una guerra muy corta -me contestó. Pero en esto, como siempre, sus argumentos eran librescos-. Sin dejar de tener en cuenta las profecías de Moltke, relee - me dijo, como si ya lo hubiera leído- el decreto del 28 de octubre de 1913 sobre la conducción de las grandes unidades; verás que el reemplazo de las reservas del tiempo de paz no está organizado, ni siquiera previsto, lo que no habría dejado de hacerse si la guerra fuera a ser larga.
A mí me parecía que el tal decreto se podía interpretar no como una prueba de que la guerra sería corta, sino como la imprevisión de que lo sería y de lo que sería, por parte de los que lo habían redactado y que no sospechaban ni lo que sería en una guerra estabilizada el tremendo consumo del material de todas clases ni la solidaridad de diversos teatros de operaciones.
Fuera del mundo de la homosexualidad, en las personas más opuestas por naturaleza a la homosexualidad, existe cierto ideal convencional de virilidad, que, si el homosexual no es un ser superior, se encuentra a su disposición para desnaturalizarlo, por lo demás. Este ideal -de ciertos militares, de ciertos diplomáticos- es particularmente exasperante. En su forma más baja es simplemente la rudeza del corazón de oro que no quiere parecer emocionado y que, al separarse de un amigo que acaso va a morir, siente en el fondo unas ganas de llorar que nadie sospecha, porque las disimula bajo una cólera creciente que termina en esta explosión en el momento de separarse: «Vamos, rediós, pedazo de idiota, dame un beso y toma esta bolsa que me está estorbando, so imbécil». El diplomático, el oficial, el hombre que siente que sólo cuenta una gran obra nacional, pero que le tiene afecto al «pequeño» que estaba en la embajada o en el batallón y que ha muerto de unas fiebres o de una bala, presenta la misma inclinación a la virilidad bajo una forma más hábil, más sabia, pero en el fondo igualmente odiosa. No quiere llorar al «pequeño», sabe que muy pronto no se pensará en él más de lo que piensa el cirujano de buen corazón, que, sin embargo, la noche en que muere una enfermita contagiosa, siente una pena que no expresa. A poco escritor que sea el diplomático y cuente esa muerte, no dirá que sintió pena; no; en primer lugar, por «pudor viril», y, además, por habilidad artística que suscita la emoción disimulándola. Un colega y él velarán al moribundo. Ni por un momento dirán que están apenados. Hablarán de los asuntos de la embajada o del batallón, y hasta hablarán de todo eso con más precisión que de costumbre.
«B. me dijo: “No olvide que mañana hay revista del general; procure que los hombres estén bien arreglados”. Él, tan dulce de costumbre, tenía un tono más seco, observé que evitaba mirarme, yo también estaba nervioso.» Y el lector comprende que este tono seco es la pena en las personas que no quieren que se les note la pena, lo que sería simplemente ridículo, pero que es también bastante desesperante y feo, porque es la manera de sentir pena de las personas que creen que la pena no cuenta, que la vida es más seria que las separaciones, etcétera, de modo que dan en las muertes esa impresión de mentira, de vacío, que da un día cada año el señor que nos trae una caja de marronsglacés, y nos dice: «Le deseo muchas felicidades», y lo dice en tono de broma, pero lo dice de todas maneras.
Para acabar el relato del oficial o del diplomático que vela al compañero moribundo, con la cabeza cubierta porque han traído al herido al aire libre, en un momento dado se acabó. «Yo pensaba: hay que volver a preparar las cosas para el zafarrancho, pero no sé por qué, cuando el doctor soltó el pulso, B. y yo, sin ponernos de acuerdo -el sol pegaba fuerte, quizá teníamos calor-, de pie delante de la cama, nos quitamos el kepis». Y el lector se da perfecta cuenta de que no fue por el calor, por el sol, sino por la emoción ante la majestad de la muerte por lo que los dos hombres viriles, que nunca tuvieron en la boca la palabra ternura o la palabra pena, se descubrieron.
El ideal de virilidad de los homosexuales tipo Saint-Loup no es el mismo, pero es igualmente convencional e igualmente falso. En ellos la mentira reside en el hecho de no querer darse cuenta de que en la base de los sentimientos a los que atribuyen otro origen se encuentra el deseo fisico. Monsieur de Charlus odiaba el afeminamiento. Saint-Loup admiraba el valor de los jóvenes, la embriaguez de las cargas de caballería, la nobleza intelectual y moral de las amistades de hombre a hombre, enteramente puras, en las que sacrifican la vida el uno por el otro. La guerra que deja las capitales sólo con mujeres, para desesperación de los homosexuales, es por el contrario la novela apasionada de los homosexuales, si son lo bastante inteligentes para forjarse quimeras y no lo suficiente para saber descubrirlas, reconocer su origen, juzgarse. De suerte que cuando ciertos jóvenes se enrolaron simplemente por espíritu de imitación deportiva, lo mismo que un año todo el mundo juega al «diábolo», para Saint-Loup fue más el ideal mismo que él se imaginaba seguir en sus deseos mucho más concretos pero embarullados de ideología, un ideal servido en común con los seres que prefería, en una orden de caballería puramente masculina, lejos de las mujeres, en una orden donde podría exponer la vida por salvar a su ordenanza y morir inspirando a sus hombres un amor fanático. Y así, aunque en su valor hubiera otros muchos ingredientes, se encontraba el hecho de que era un gran señor, y se encontraba también, bajo una forma inconocible e idealizada, la idea de monsieur de Charlus de que era esencial en un hombre no tener nada de afeminado. Por otra parte, así como en filosofía y en arte, dos ideas análogas sólo valen por la manera como están desarrolladas, y pueden diferir mucho expuestas por Jenofonte o por Platón, así yo, sin dejar de reconocer lo mucho que tienen uno de otro al hacer eso, admiro a Saint-Loup solicitando que le destinen al punto más peligroso, infinitamente más que a monsieur de Charlus evitando llevar corbatas claras.
...
Je parlai à Saint-Loup de son ami le directeur du Grand Hôtel de Balbec qui, paraît-il, avait prétendu qu′il y avait eu au début de la guerre dans certains régiments français des défections, qu′il appelait des «Â défectuosités », et avait accusé de les avoir provoquée ce qu′il appelait le «Â militariste prussien », Â… disant d′ailleurs en riant à propos de son frère : «Â Il est dans les tranchées, ils sont à trente mètres des Boches ! » jusqu′à ce qu′ayant appris qu′il l′était lui-même on l′eût mis dans un camp de concentration. «Â À propos de Balbec, te rappelles-tu l′ancien liftier de l′hôtel ? » me dit en me quittant Saint-Loup sur le ton de quelqu′un qui n′avait pas trop l′air de savoir qui c′était et qui comptait sur moi pour l′éclairer. «Â Il s′engage et m′a écrit pour le faire entrer dans l′aviation. » Sans doute le liftier était-il las de monter dans la cage captive de l′ascenseur, et les hauteurs de l′escalier du Grand Hôtel ne lui suffisaient plus. Il allait «Â prendre ses galons » autrement que comme concierge, car notre destin n′est pas toujours ce que nous avions cru. «Â Je vais sûrement appuyer sa demande, me dit Saint-Loup. Je le disais encore à Gilberte ce matin, jamais nous n′aurons assez d′avions. C′est avec cela qu′on verra ce que prépare l′adversaire. C′est cela qui lui enlèvera le bénéfice le plus grand d′une attaque, celui de la surprise, l′armée la meilleure sera peut-être celle qui aura les meilleurs yeux. Eh bien, et la pauvre Françoise a-t-elle réussi à faire réformer son neveu ? » Mais Françoise, qui avait fait depuis longtemps tous ses efforts pour que son neveu fût réformé et qui, quand on lui avait proposé une recommandation, par la voie des Guermantes, pour le général de Saint-Joseph, avait répondu d′un ton désespéré : «Â Oh ! non, ça ne servirait à rien, il n′y a rien à faire avec ce vieux bonhomme-là, c′est tout ce qu′il y a de pis, il est patriotique », Françoise, dès qu′il avait été question de la guerre, et quelque douleur qu′elle en éprouvât, trouvait qu′on ne devait pas abandonner les «Â pauvres Russes », puisqu′on était «Â alliancé ». Le maître d′hôtel, persuadé d′ailleurs que la guerre ne durerait que dix jours et se terminerait par la victoire éclatante de la France, n′aurait pas osé, par peur d′être démenti par les événements, et n′aurait même pas eu assez d′imagination pour prédire une guerre longue et indécise. Mais cette victoire complète et immédiate, il tâchait au moins d′en extraire d′avance tout ce qui pouvait faire souffrir Françoise. «Â
Ça pourrait bien faire du vilain, parce qu′il paraît qu′il y en a beaucoup qui ne veulent pas marcher, des gars de seize ans qui pleurent. » Il tâchait aussi pour la «Â vexer » de lui dire des choses désagréables, c′est ce qu′il appelait «Â lui jeter un pépin, lui lancer une apostrophe, lui envoyer un calembour ». «Â De seize ans, Vierge Marie », disait Françoise, et un instant méfiante : «Â On disait pourtant qu′on ne les prenait qu′après vingt ans, c′est encore des enfants. — Naturellement les journaux ont ordre de ne pas dire cela. Du reste, c′est toute la jeunesse qui sera en avant, il n′en reviendra pas lourd. D′un côté, ça fera du bon, une bonne saignée, là, c′est utile de temps en temps, ça fera marcher le commerce. Ah ! dame, s′il y a des gosses trop tendres qui ont une hésitation, on les fusille immédiatement, douze balles dans la peau, vlan ! D′un côté, il faut ça. Et puis, les officiers, qu′est-ce que ça peut leur faire ? Ils touchent leurs pesetas, c′est tout ce qu′ils demandent. » Françoise pâlissait tellement pendant chacune de ces conversations qu′on craignait que le maître d′hôtel ne la fît mourir d′une maladie de cœur. Elle ne perdait pas ses défauts pour cela. Quand une jeune fille venait me voir, si mal aux jambes qu′eût la vieille servante, m′arrivait-il de sortir un instant de ma chambre, je la voyais au haut d′une échelle, dans la penderie, en train, disait-elle, de chercher quelque paletot à moi pour voir si les mites ne s′y mettaient pas, en réalité pour nous écouter. Elle gardait malgré toutes mes critiques sa manière insidieuse de poser des questions d′une façon indirecte pour laquelle elle avait utilisé depuis quelque temps un certain «Â parce que sans doute ». N′osant pas me dire : «Â Est-ce que cette dame a un hôtel ? » elle me disait, les yeux timidement levés comme ceux d′un bon chien : «Â Parce que sans doute cette dame a un hôtel particulierÂ…Â », évitant l′interrogation flagrante, moins pour être polie que pour ne pas sembler curieuse. Enfin, comme les domestiques que nous aimons le plus — surtout s′ils ne nous rendent presque plus les services et les égards de leur emploi — restent, hélas, des domestiques et marquent plus nettement les limites (que nous voudrions effacer) de leur caste au fur et à mesure qu′ils croient le plus pénétrer la nôtre, Françoise avait souvent à mon endroit (pour me piquer, eût dit le maître d′hôtel) de ces propos étranges qu′une personne du monde n′aurait pas ; avec une joie aussi dissimulée mais aussi profonde que si c′eût été une maladie grave, si j′avais chaud et que la sueur — je n′y prenais pas garde — perlât à mon front : «Â Mais vous êtes en nage », me disait-elle, étonnée comme devant un phénomène étrange, souriant un peu avec le mépris que cause quelque chose d′indécent, «Â vous sortez, mais vous avez oublié de mettre votre cravate », prenant pourtant la voix préoccupée qui est chargée d′inquiéter quelqu′un sur son état. On aurait dit que moi seul dans l′univers avais jamais été en nage. Car dans son humilité, dans sa tendre admiration pour des êtres qui lui étaient infiniment inférieurs, elle adoptait leur vilain tour de langage. Sa fille s′étant plaint d′elle à moi et m′ayant dit (je ne sais de qui elle l′avait appris) : «Â Elle a toujours quelque chose à dire, que je ferme mal les portes, et patati patali et patata patala », Françoise crut sans doute que son incomplète éducation seule l′avait privée jusqu′ici de ce bel usage. Et sur ses lèvres où j′avais vu fleurir jadis le français le plus pur, j′entendis plusieurs fois par jour : «Â Et patati patali et patata patala ». Il est du reste curieux combien non seulement les expressions mais les pensées varient peu chez une même personne. Le maître d′hôtel ayant pris l′habitude de déclarer que M. Poincaré était mal intentionné, pas pour l′argent, mais parce qu′il avait voulu absolument la guerre, il redisait cela sept à huit fois par jour devant le même auditoire habituel et toujours aussi intéressé. Pas un mot n′était modifié, pas un geste, une intonation. Bien que cela ne durât que deux minutes, c′était invariable, comme une représentation. Ses fautes de français corrompaient le langage de Françoise tout autant que les fautes de sa fille.
Le hablé a Saint-Loup de mi amigo el director del Gran Hotel de Balbec, que, según parece, había dicho que al principio de la guerra se produjeron en ciertos regimientos franceses algunas defecciones -que él llamaba «defectuosidades»- y había acusado de haberlas provocado a lo que él llamaba el «militarista prusiano»; incluso llegó a creer, en cierto momento, en un desembarco simultáneo de los japoneses, de los alemanes y de los cosacos en Rivebelle, amenazando a Balbec, y añadió que no había más que «décrépir» (por deguerpir, echar a correr). Este germanófobo decía riendo a propósito de su hermano: «¡Está en las trincheras a veinticinco metros de los boches! » , hasta que se supo que él mismo lo era y le metieron en un campo de concentración. «A propósito de Balbec, ¿te acuerdas del antiguo liftier del hotel? -me dijo Saint-Loup, al marcharse, en el tono de quien no supiera mucho quién era y esperaba que yo se lo aclarase-. Se va a enrolar y me ha escrito para que le haga entrar en aviación. -Seguramente el lift estaba harto de subir en la caja cautiva del ascensor y ya no le bastaban las alturas de la escalera del Gran Hotel. Iba a “ponerse los galones”, y no como conserje, pues nuestro destino no siempre es lo que habíamos creído-. Seguramente le recomendaré -añadió Saint-Loup-. Esta mañana, sin ir más lejos, se lo decía yo a Gilberta: nunca tendremos bastantes aviones. Con los aviones veremos lo que prepara el adversario. Con los aviones le quitaremos la mayor ventaja de un ataque, la de la sorpresa; el mejor ejército será quizá el que tenga mejores ojos. Bueno, y la pobre Francisca ¿ha conseguido que declaren inútil a su sobrino?» Pero Francisca, que llevaba mucho tiempo haciendo lo imposible porque declararan inútil a su sobrino, cuando le propusieron una recomendación, a través de los Guermantes, para el general De Saint-Joseph, contestó en un tono desesperado: «¡Oh, no, eso no serviría para nada, con ese viejo no hay nada que hacer, es de lo peor, es un patriótico», pues Francisca, tratándose de guerra, y por mucho que le doliera, pensaba que no se debía abandonar a los «pobres rusos», puesto que eran «afianzados». El mayordomo, convencido, por otra parte, de que la guerra no duraría más que diez días y acabaría en una victoria aplastante de Francia, no se habría atrevido, por miedo a que le desmintieran los acontecimientos, y ni siquiera habría tenido bastante imaginación para ello, a predecir una guerra larga e indecisa. Pero, de aquella su victoria completa e inmediata, procuraba por lo menos sacar de antemano todo lo que podía hacer sufrir a Francisca. «A lo mejor las cosas van mal, porque parece ser que muchos no quieren ir, mocitos de dieciséis años que lloran.» Y, para molestarla, decía cosas desagradables, lo que él llamaba «tirarle una pedrada, lanzarle un apóstrofe». «¡De dieciséis años, Virgen María! -decía Francisca, y desconfiando un momento-: Pues decían que no los llevarían más que desde los veinte, son todavía unos niños. Naturalmente, los periódicos tienen orden de no decirlo. De todos modos toda la juventud tendrá que ir para allá, y no volverán muchos. Por un lado, será bueno, una buena sangría conviene de cuando en cuando, eso hará prosperar el comercio. ¡Diablo, si hay niños de esos demasiado tiernos que vacilan, se les fusila inmediatamente, doce balas en el pellejo, y a otra cosa! Por un lado, hace falta eso y, además, a los oficiales, ¿qué les importa? Ellos cobran sus pesetas y no piden más.» Francisca palidecía de tal modo en estas conversaciones que teníamos miedo de que el mayordomo la hiciera morirse del corazón. No por eso perdía sus defectos. Cuando venía a verme una muchacha, por mucho que le dolieran las piernas a la vieja criada, si se me ocurría salir un momento de mi cuarto, la veía en lo alto de la escalera, en el ropero, buscando, decía ella, un abrigo mío para ver si no tenía polillas, pero, en realidad, para escuchar. A pesar de todas mis críticas, conservaba su insidiosa manera de preguntar indirectamente, para la cual utilizaba desde hacía algún tiempo un cierto giro: «porque seguramente». No atreviéndose a decirme: «¿Tiene esa señora un hotel?», me decía, alzando tímidamente los ojos como un perro bueno: «Porque seguramente esa señora tiene un hotel particular...», evitando la interrogación franca, más que por finura, por no parecer curiosa. En fin, como los domésticos que más queremos -y sobre todo cuando ya casi no nos hacen los servicios ni nos tienen los respetos de su empleo- siguen, ¡ay!, siendo domésticos y marcan más claramente los límites de su casta (unos límites que nosotros quisiéramos suprimir) a medida que creen penetrar más en la nuestra, Francisca tenía conmigo («para pincharme», diría el mayordomo) esas palabras extrañas que una persona del gran mundo no diría: con una alegría disimulada pero tan profunda como si me aquejara una enfermedad grave, si yo tenía calor y el sudor perlaba mi frente -de lo que yo no hacía caso-: «Pero está usted nadando en sudor», me decía, con el asombro de quien contempla un fenómeno extraño, sonriendo un poco con el desprecio que causa una cosa indecente («va usted a salir y ha olvidado la corbata»), y, sin embargo, con esa voz preocupada de quien se encarga de alarmar a alguien sobre su estado. Cualquiera diría que nadie más que yo en el mundo estuvo nunca nadando en sudor. Además, ya no hablaba bien como antes. Pues, en su humildad, en su tierna admiración por personas que le eran infinitamente inferiores, adoptaba sus feos giros de lenguaje. Como su hija se me quejara de ella diciéndome (no sé de dónde lo había sacado): «Siempre tiene algo que decir, que cierro mal las puertas, y patatatín y patatatán», Francisca creyó seguramente que sólo su incompleta educación la había privado hasta entonces de esta ilustrada manera de hablar. Y varias veces al día oí en sus labios, donde antaño viera florecer el más puro francés: «Y patatatín y patatatán». Por otra parte, es curioso lo poco que varían en una misma persona no sólo las expresiones, sino los pensamientos. Como el mayordomo tomara la costumbre de decir que monsieur Poincaré tenía malas intenciones, no por el dinero, sino porque quiso a todo trance la guerra, lo decía siete u ocho veces al día ante el mismo auditorio habitual y siempre igual de interesado. No cambiaba ni una palabra, ni un gesto, ni una entonación. Aunque no durara más que dos minutos, era invariable, como una comedia. Sus faltas de francés corrompían el lenguaje de Francisca tanto como las faltas de su hija.
Â…
Creía que lo que tanto molestó un día a monsieur de Rambuteau oír llamar al duque de Guermantes «los edículos Rambuteau» se llamaba pistières. Seguramente en su infancia no había oído la «o» y esto le había quedado. Pronunciaba, pues, esta palabra incorrectamente, pero perpetuamente. A Francisca le chocaba al principio, pero acabó por decirlo también, para quejarse de que no hubiera esas cosas para las mujeres como para los hombres. Pero su humildad y su admiración hacia el mayordomo le impedían decir nunca pissotières, sino -con una ligera concesión a la costumbre- pissetières.
Elle ne dormait plus, ne mangeait plus, se faisait lire les communiqués, auxquels elle ne comprenait rien, par le maître d′hôtel qui n′y comprenait guère davantage, et chez qui le désir de tourmenter Françoise était souvent dominé par une allégresse patriotique ; il disait avec un rire sympathique, en parlant des Allemands : «Â
Ça doit chauffer, notre vieux Joffre est en train de leur tirer des plans sur la comète. » Françoise ne comprenait pas trop de quelle comète il s′agissait, mais n′en sentait pas moins que cette phrase faisait partie des aimables et originales extravagances auxquelles une personne bien élevée doit répondre avec bonne humeur, par urbanité, et haussant gaiement les épaules d′un air de dire : «Â Il est bien toujours le même », elle tempérait ses larmes d′un sourire. Au moins était-elle heureuse que son nouveau garçon boucher qui, malgré son métier, était assez craintif (il avait cependant commencé dans les abattoirs) ne fût pas d′âge à partir. Sans quoi elle eût été capable d′aller trouver le Ministre de la Guerre.
Francisca ya no dormía, ya no comía, pedía que le leyeran los comunicados, de los que no entendía nada; se lo pedía al mayordomo, que apenas entendía más que ella y cuyo deseo de atormentar a Francisca quedaba a veces dominado por una alegría patriótica; decía con una risa de simpatía refiriéndose a los alemanes: «La cosa está que arde; nuestro viejo Joffre está empeñado en leur tirer des plans à la comète». Francisca no comprendía muy bien de qué cometa se trataba, pero por eso mismo se daba mejor cuenta de que esta frase formaba parte de las simpáticas y originales extravagancias a las que una persona bien educada debe responder con buen humor, por urbanidad y encogiéndose alegremente de hombros como diciendo: «Siempre es el mismo», y atemperaba sus lágrimas con una sonrisa. Por lo menos estaba contenta de que su nuevo dependiente de carnicería, que a pesar de su oficio era bastante miedoso (aunque había empezado en los mataderos), no estuviera en edad de ir a la guerra. De estarlo, Francisca habría sido capaz de ir a ver al ministro de la Guerra para pedirle que le declararan inútil.
Le maître d′hôtel n′eût pu imaginer que les communiqués ne fussent pas excellents et qu′on ne se rapprochât pas de Berlin, puisqu′il lisait : «Â Nous avons repoussé, avec de fortes pertes pour l′ennemi, etc. », actions qu′il célébrait comme de nouvelles victoires. J′étais cependant effrayé de la rapidité avec laquelle le théâtre de ces victoires se rapprochait de Paris, et je fus même étonné que le maître d′hôtel, ayant vu dans un communiqué qu′une action avait eu lieu près de Lens, n′eût pas été inquiet en voyant dans le journal du lendemain que ses suites avaient tourné à notre avantage à Jouy-le-Vicomte, dont nous tenions solidement les abords. Le maître d′hôtel savait, connaissait pourtant bien le nom, Jouy-le-Vicomte, qui n′était pas tellement éloigné de Combray. Mais on lit les journaux comme on aime, un bandeau sur les yeux. On ne cherche pas à comprendre les faits. On écoute les douces paroles du rédacteur en chef, comme on écoute les paroles de sa maîtresse. On est battu et content parce qu′on ne se croit pas battu, mais vainqueur.
El mayordomo no podía imaginar que los comunicados no eran excelentes y que no nos acercábamos a Berlín, pues leía: «Hemos rechazado, con grandes pérdidas para el enemigo, etc.», acciones que él celebraba como nuevas victorias. En cambio, a mí me asustaba la rapidez con que el teatro de estas victorias se acercaba a París, y hasta me asombró que el mayordomo, viendo en un comunicado que había tenido lugar una acción cerca de Lens, no se preocupara al ver en el periódico del día siguiente que la situación había cambiado a favor nuestro en Jouy-le-Vicomte, cuyos accesos dominábamos firmemente. Sin embargo, el mayordomo conocía bien el nombre de Jouy-le-Vicomte, que no estaba tan lejos de Combray. Pero los periódicos se leen como se ama, con una venda en los ojos. No se intenta entender los hechos. Se escuchan las dulces palabras del redactor jefe como se escuchan las palabras de la amante. El vencido está contento porque no se cree vencido, sino vencedor.
Je n′étais pas, du reste, demeuré longtemps à Paris et j′avais regagné assez vite ma maison de santé. Bien qu′en principe le docteur nous traitât par l′isolement, on m′y avait remis à deux époques différentes une lettre de Gilberte et une lettre de Robert. Gilberte m′écrivait (c′était à peu près en septembre 1914) que, quelque désir qu′elle eût de rester à Paris pour avoir plus facilement des nouvelles de Robert, les raids perpétuels de taubes au-dessus de Paris lui avaient causé une telle épouvante, surtout pour sa petite fille, qu′elle s′était enfuie de Paris par le dernier train qui partait encore pour Combray, que le train n′était même pas allé à Combray et que ce n′était que grâce à la charrette d′un paysan sur laquelle elle avait fait dix heures d′un trajet atroce, qu′elle avait pu gagner Tansonville ! «Â Et là, imaginez-vous ce qui attendait votre vieille amie, m′écrivait en finissant Gilberte. J′étais partie de Paris pour fuir les avions allemands, me figurant qu′à Tansonville je serais à l′abri de tout. Je n′y étais pas depuis deux jours que vous n′imaginerez jamais ce qui arrivait : les Allemands qui envahissaient la région après avoir battu nos troupes près de La Fère, et un état-major allemand suivi d′un régiment qui se présentait à la porte de Tansonville, et que j′étais obligée d′héberger, et pas moyen de fuir, plus un train, rien. » L′état-major allemand s′était-il bien conduit, ou fallait-il voir dans la lettre de Gilberte un effet par contagion de l′esprit des Guermantes, lesquels étaient de souche bavaroise, apparentée à la plus haute aristocratie d′Allemagne, mais Gilberte ne tarissait pas sur la parfaite éducation de l′état-major, et même des soldats qui lui avaient seulement demandé «Â la permission de cueillir un des ne-m′oubliez-pas qui poussaient auprès de l′étang », bonne éducation qu′elle opposait à la violence désordonnée des fuyards français, qui avaient traversé la propriété en saccageant tout, avant l′arrivée des généraux allemands. En tout cas, si la lettre de Gilberte était par certains côtés imprégnée de l′esprit des Guermantes — d′autres diraient de l′internationalisme juif, ce qui n′aurait probablement pas été juste, comme on verra — la lettre que je reçus pas mal de mois plus tard de Robert était, elle, beaucoup plus Saint-Loup que Guermantes, reflétant de plus toute la culture libérale qu′il avait acquise, et, en somme, entièrement sympathique. Malheureusement il ne me parlait pas de stratégie comme dans ses conversations de Doncières et ne me disait pas dans quelle mesure il estimait que la guerre confirmât ou infirmât les principes qu′il m′avait alors exposés. Tout au plus me dit-il que depuis 1914 s′étaient en réalité succédé plusieurs guerres, les enseignements de chacune influant sur la conduite de la suivante. Et, par exemple, la théorie de la «Â percée » avait été complétée par cette thèse qu′il fallait avant de percer bouleverser entièrement par l′artillerie le terrain occupé par l′adversaire. Mais ensuite on avait constaté qu′au contraire ce bouleversement rendait impossible l′avance de l′infanterie et de l′artillerie dans des terrains dont des milliers de trous d′obus avaient fait autant d′obstacles. «Â La guerre, disait-il, n′échappe pas aux lois de notre vieil Hegel. Elle est en état de perpétuel devenir. » C′était peu auprès de ce que j′aurais voulu savoir. Mais ce qui me fâchait davantage encore c′est qu′il n′avait plus le droit de me citer de noms de généraux. Et d′ailleurs, par le peu que me disait le journal, ce n′était pas ceux dont j′étais à Doncières si préoccupé de savoir lesquels montreraient le plus de valeur dans une guerre, qui conduisaient celle-ci. Geslin de Bourgogne, Galliffet, Négrier étaient morts. Pau avait quitté le service actif presque au début de la guerre. De Joffre, de Foch, de Castelnau, de Pétain, nous n′avions jamais parlé. «Â Mon petit, m′écrivait Robert,
En todo caso, yo no me quedé mucho tiempo en París, sino que volví pronto a mi sanatorio. Aunque, en principio, el doctor tratara a los enfermos por el método del aislamiento, me entregaron en dos ocasiones diferentes una carta de Gilberta y otra de Roberto. Gilberta me escribía (era aproximadamente en septiembre de 1914) que, a pesar de su gran deseo de quedarse en París para tener más fácilmente noticias de Roberto, las continuas incursiones de taubes sobre París le habían causado tal espanto, sobre todo por su niña pequeña, que huyó de París en el último tren que aún salía para Combray, que este tren ni siquiera había llegado a Combray y que pudo llegar a Tansonville gracias al carro de un campesino en el que hizo diez horas de un trayecto atroz. «Y figúrese lo que esperaba allí a su vieja amiga -me escribía Gilberta para terminar-. Me había marchado de París huyendo de los aviones alemanes, creyendo que en Tansonville estaría al abrigo de todo. No llevaba allí dos días cuando no se imagina usted lo que ocurría; los alemanes, que invadían la región después de derrotar a nuestras tropas cerca de La Fère, y un estado mayor alemán seguido de un regimiento que se presenta a la puerta de Tansonville y yo me veo obligada a alojarlo, y sin manera de escapar, ni un tren, nada.» O el estado mayor se había conducido bien en realidad, o había que ver en la carta de Gilberta un efecto por contagio del espíritu de los Guermantes, que eran de estirpe bávara, emparentados con la más alta aristocracia de Alemania, pero el caso es que Gilberta contaba y no acababa sobre la perfecta educación del estado mayor, y hasta de los soldados, que sólo le habían pedido «permiso para coger uno de los —no me olvides” que crecían junto al estanque», buena educación que comparaba con la violencia desordenada de los fugitivos franceses, que antes de que llegaran los generales alemanes habían atravesado la finca destrozándolo todo. El caso es que, si la carta de Gilberta estaba en ciertos aspectos impregnada del espíritu de los Guermantes -otros dirían del internacionalismo judío, lo que probablemente no sería justo, como se verá-, la carta de Roberto que recibí bastantes meses más tarde era mucho más Saint-Loup que Guermantes, reflejando, además, toda la cultura liberal que Roberto había adquirido y, en suma, enteramente simpática. Desgraciadamente, no me hablaba de estrategia como en sus conversaciones de Doncières y no me decía en qué medida estimaba que la guerra confirmaba o contradecía los principios que entonces me expusiera. A lo sumo, me dijo que desde 1914 se habían sucedido en realidad varias guerras, influyendo las enseñanzas de cada una en la manera de conducir la siguiente. Y, por ejemplo, la teoría de la «penetración» fue completada por la tesis de que, antes de penetrar, había que machacar completamente con la artillería el terreno ocupado por el adversario. Pero después se comprobó que aquello imposibilitaba el avance de la infantería y de la artillería en unos terrenos donde los miles de hoyos de los obuses han producido otros tantos obstáculos. «La guerra -me decía- no escapa a las leyes de nuestro viejo Hegel. Está en perpetuo devenir.» Esto era poco para lo que yo hubiera querido saber. Pero lo que más me contrariaba era que no tenía derecho a citarme nombres de generales. Y, además, por lo poco que me decía el periódico, no eran aquellos de los que tanto me preocupaba en Doncières saber cuáles se comportarían con más valor en una guerra quienes conducían ésta. Geslin de Bourgogne, Galliffet, Négrier habían muerto. Pan había dejado el servicio activo casi al principio de la guerra. De Joffre, de Foch, de Castelnau, de Pétain, no habíamos hablado nunca. «Amigo mío -me escribía Roberto-,
Â…
reconozco que esas consignas, como “no pasarán” o “venceremos”, no son agradables; durante mucho tiempo me han dado tanto dolor de muelas como poilu y lo demás, y desde luego es fastidioso levantar una epopeya sobre unas palabras que son peor que una falta gramatical o una falta de buen gusto, son esa cosa contradictoria y atroz, una afectación, una de esas presunciones vulgares que tanto detestamos, como, por ejemplo, esa gente que cree muy ingenioso decir “la coco” en vez de “la cocaína”.
si tu voyais tout ce monde, surtout les gens du peuple, les ouvriers, les petits commerçants, qui ne se doutaient pas de ce qu′ils recelaient en eux d′héroî²e et seraient morts dans leur lit sans l′avoir soupçonné, courir sous les balles pour secourir un camarade, pour emporter un chef blessé, et, frappés eux-mêmes, sourire au moment où ils vont mourir parce que le médecin-chef leur apprend que la tranchée a été reprise aux Allemands, je t′assure, mon cher petit, que cela donne une belle idée du Français et que ça fait comprendre les époques historiques qui nous paraissaient un peu extraordinaires dans nos classes. L′époque est tellement belle que tu trouverais comme moi que les mots ne sont plus rien.
Pero si tú vieras a toda esta gente, sobre todo a la gente del pueblo, a los obreros, a los pequeños comerciantes, que no sospechaban el heroísmo que llevaban dentro y habrían muerto en la cama sin haberlo sospechado, si los vieras correr bajo las balas para socorrer a un compañero, para transportar a un jefe herido, y, heridos ellos mismos, sonreír en el momento que van a morir porque el médico jefe les dice que se ha tomado la trinchera a los alemanes, te aseguro, hijito, que esto da una hermosa idea de los franceses y que hace entender las épocas históricas que en las clases nos parecían un poco extraordinarias. La epopeya es tan magnífica que tú pensarías como yo que las palabras ya no son nada.
Â… Au contact d′une telle grandeur, le mot «Â poilu » est devenu pour moi quelque chose dont je ne sens pas plus s′il a pu contenir d′abord une allusion ou une plaisanterie que quand nous lisons «Â chouans » par exemple. Mais je sais «Â poilu » déjà prêt pour de grands poètes, comme les mots déluge, ou Christ, ou barbares qui étaient déjà pétris de grandeur avant que s′en fussent servis Hugo, Vigny, ou les autres. Je dis que le peuple est ce qu′il y a de mieux, mais tout le monde est bien. Le pauvre Vaugoubert, le fils de l′ambassadeur, a été sept fois blessé avant d′être tué, et chaque fois qu′il revenait d′une expédition sans avoir écopé, il avait l′air de s′excuser et de dire que ce n′était pas sa faute. C′était un être charmant. Nous nous étions beaucoup liés, les pauvres parents ont eu la permission de venir à l′enterrement, à condition de ne pas être en deuil et de ne rester que cinq minutes à cause du bombardement. La mère, un grand cheval que tu connais peut-être, pouvait avoir beaucoup de chagrin, on ne distinguait rien. Mais le pauvre père était dans un tel état que je t′assure que moi, qui ai fini par devenir tout à fait insensible à force de prendre l′habitude de voir la tête du camarade, qui est en train de me parler, subitement labourée par une torpille ou même détachée du tronc, je ne pouvais pas me contenir en voyant l′effondrement du pauvre Vaugoubert qui n′était plus qu′une espèce de loque. Le Général avait beau lui dire que c′était pour la France, que son fils s′était conduit en héros, cela ne faisait que redoubler les sanglots du pauvre homme qui ne pouvait pas se détacher du corps de son fils. Enfin, et c′est pour cela qu′il faut se dire qu′«Â ils ne passeront pas », tous ces gens-là, comme mon pauvre valet de chambre, comme Vaugoubert, ont empêché les Allemands de passer. Tu trouves peut-être que nous n′avançons pas beaucoup, mais il ne faut pas raisonner, une armée se sent victorieuse par une impression intime, comme un mourant se sent foutu. Or nous savons que nous aurons la victoire et nous la voulons pour dicter la paix juste, je ne veux pas dire seulement pour nous, vraiment juste, juste pour les Français, juste pour les Allemands. »
Rodin o Maillol podrían hacer una obra maestra con una materia horrible que ya no se reconocería. En contacto con tal grandeza, poilu es para mí una cosa de la que ya ni siquiera sé si, al principio, pudo contener una alusión o una burla, como, por ejemplo, cuando leemos “chouans”. Pero ya veo poilu presto para grandes poetas, como las palabras “diluvio”, o “Cristo”, o “bárbaros”, que estaban ya penetradas de grandeza antes de que las usaran Hugo, Vigny o los demás. Te digo que el pueblo, los obreros, es lo mejor que hay, pero todo el mundo está bien. El pobre pequeño Vaugoubert, el hijo del embajador, fue herido siete veces antes de que le mataran, y cada vez que volvía de una expedición sin haber atrapado una bala, parecía que se disculpaba y que decía que no era culpa suya. Era una criatura encantadora. Nos hicimos muy amigos; a los pobres padres les autorizaron a venir al entierro con la condición de no vestir de luto y de no quedarse más de cinco minutos por causa de los bombardeos. La madre, un caballote que quizá conoces, quizá tenía mucha pena, pero no se le notaba nada, pero el pobre padre se encontraba en tal estado que te aseguro que yo, que me he vuelto completamente insensible a fuerza de ver la cabeza del compañero que me está hablando súbitamente destrozada por un torpedo y hasta separada del tronco, no me podía contener al ver el derrumbamiento del pobre Vaugoubert, que no era más que una especie de guiñapo. Por más que el general le dijera que era por Francia, que su hijo se había portado como un héroe, todo esto no servía más que para aumentar los sollozos del pobre hombre, que no podía apartarse del cadáver de su hijo. En fin, por eso hay que habituarse al “no pasarán”; toda esa gente, como mi pobre asistente, como Vaugoubert, han impedido a los alemanes pasar. Quizá a ti te parece que no avanzamos mucho, pero no hay que razonar; un ejército se siente victorioso por una impresión íntima, como un moribundo se siente perdido. Pero sabemos que conseguiremos la victoria y la queremos para dictar una paz justa, no quiero decir solamente justa para nosotros, verdaderamente justa, justa para los franceses, justa para los alemanes.»
De même que les héros d′un esprit médiocre et banal écrivant des poèmes pendant leur convalescence se plaçaient pour décrire la guerre non au niveau des événements, qui en eux-mêmes ne sont rien, mais de la banale esthétique, dont ils avaient suivi les règles jusque-là, parlant, comme ils eussent fait dix ans plus tôt, de la «Â sanglante aurore », du «Â vol frémissant de la victoire », etc., Saint-Loup, lui, beaucoup plus intelligent et artiste, restait intelligent et artiste, et notait avec goût pour moi des paysages pendant qu′il était immobilisé à la lisière d′une forêt marécageuse, mais comme si ç′avait été pour une chasse au canard. Pour me faire comprendre certaines oppositions d′ombre et de lumière qui avaient été «Â l′enchantement de sa matinée », il me citait certains tableaux que nous aimions l′un et l′autre et ne craignait pas de faire allusion à une page de Romain Rolland, voire de Nietzsche, avec cette indépendance des gens du front qui n′avaient pas la même peur de prononcer un nom allemand que ceux de l′arrière, et même avec cette pointe de coquetterie à citer un ennemi que mettait, par exemple, le colonel du Paty de Clam, dans la salle des témoins de l′affaire Zola, à réciter en passant devant Pierre Quillard, poète dreyfusard de la plus extrême violence et que, d′ailleurs, il ne connaissait pas, des vers de son drame symboliste : La Fille aux mains coupées. Saint-Loup me parlait-il d′une mélodie de Schumann, il n′en donnait le titre qu′en allemand et ne prenait aucune circonlocution pour me dire que quand, à l′aube, il avait entendu un premier gazouillement à la lisière d′une forêt, il avait été enivré comme si lui avait parlé l′oiseau de ce «Â sublime Siegfried » qu′il espérait bien entendre après la guerre.
Claro que el «azote» no había elevado la inteligencia de Saint-Loup por encima de sí misma. De análoga manera que el héroe de una inteligencia mediocre y trivial que escribe poemas durante su convalecencia se sitúa para describir la guerra no al nivel de los acontecimientos, que no son nada en sí mismos, sino de la vulgar estética cuyas reglas siguieron hasta entonces, hablando como hablarían diez años antes de la «sangrienta aurora», del «vuelo estremecido de la victoria», etc., Saint-Loup, por su parte, mucho más inteligente y artista, seguía siendo inteligente y artista, y apuntaba con buen gusto para mí algunos paisajes, mientras estaba inmovilizado al borde de un bosque pantanoso, pero como si estuviera allí cazando patos. Para hacerme comprender ciertos contrastes de sombra y de luz que habían sido «el encanto de su madrugada», me citaba ciertos cuadros que a los dos nos gustaban y no dudaba en aludir a una página de Romain Rolland, hasta de Nietzsche, por esa independencia de las personas del frente que no temían, como los de la retaguardia, pronunciar un nombre alemán, y hasta con esa punta de coquetería en citar a un enemigo que ponía, por ejemplo, el coronel Du Paty de Clam, en la sala de testigos del asunto Zola, en recitar al paso ante Pierre Quillard, poeta dreyfusista de la mayor violencia y al que, por lo demás, no conocía, unos versos de su drama simbolista La fille aux mains coupées. Si Saint-Loup me hablaba de una melodía de Schumann, daba el título en alemán y no andaba con circunlocuciones para decirme que cuando, al amanecer, oyó un primer gorgeo en la orilla de aquel bosque, sintió el mismo arrobo que si le hubiera hablado el pájaro de aquel «sublime Siegfried» que esperaba oír después de la guerra.
Et maintenant, à mon second retour à Paris, j′avais reçu dès le lendemain de mon arrivée, une nouvelle lettre de Gilberte, qui sans doute avait oublié celle, ou du moins le sens de celle que j′ai rapportée, car son départ de Paris à la fin de 1914 y était représenté rétrospectivement d′une manière assez différente. «Â Vous ne savez peut-être pas, mon cher ami, me disait-elle, que voilà bientôt deux ans que je suis à Tansonville. J′y suis arrivée en même temps que les Allemands. Tout le monde avait voulu m′empêcher de partir. On me traitait de folle. — Comment, me disait-on, vous êtes en sûreté à Paris et vous partez pour ces régions envahies, juste au moment où tout le monde cherche à s′en échapper. — Je ne méconnaissais pas tout ce que ce raisonnement avait de juste. Mais, que voulez-vous, je n′ai qu′une seule qualité, je ne suis pas lâche, ou, si vous aimez mieux, je suis fidèle, et quand j′ai su mon cher Tansonville menacé, je n′ai pas voulu que notre vieux régisseur restât seul à le défendre. Il m′a semblé que ma place était à ses côtés. Et c′est, du reste, grâce à cette résolution que j′ai pu sauver à peu près le château — quand tous les autres dans le voisinage, abandonnés par leurs propriétaires affolés, ont été presque tous détruits de fond en comble — et non seulement le château, mais les précieuses collections auxquelles mon cher Papa tenait tant. » En un mot, Gilberte était persuadée maintenant qu′elle n′était pas allée à Tansonville, comme elle me l′avait écrit en 1914, pour fuir les Allemands et pour être à l′abri, mais au contraire pour les rencontrer et défendre contre eux son château. Ils n′étaient pas restés à Tansonville, d′ailleurs, mais elle n′avait plus cessé d′avoir chez elle un va-et-vient constant de militaires qui dépassait de beaucoup celui qui tirait les larmes à Françoise dans la rue de Combray, et de mener, comme elle disait cette fois en toute vérité, la vie du front. Aussi parlait-on dans les journaux avec les plus grands éloges de son admirable conduite et il était question de la décorer. La fin de sa lettre était entièrement exacte. «Â Vous n′avez pas idée de ce que c′est que cette guerre, mon cher ami, et de l′importance qu′y prend une route, un pont, une hauteur. Que de fois j′ai pensé à vous, aux promenades, grâce à vous rendues délicieuses, que nous faisions ensemble dans tout ce pays aujourd′hui ravagé, alors que d′immenses combats se livrent pour la possession de tel chemin, de tel coteau que vous aimiez, où nous sommes allés si souvent ensemble. Probablement vous comme moi, vous ne vous imaginiez pas que l′obscur Roussainville et l′assommant Méséglise, d′où on nous portait nos lettres, et où on était allé chercher le docteur quand vous avez été souffrant, seraient jamais des endroits célèbres. Eh bien, mon cher ami, ils sont à jamais entrés dans la gloire au même titre qu′Austerlitz ou Valmy. La bataille de Méséglise a duré plus de huit mois, les Allemands y ont perdu plus de cent mille hommes, ils ont détruit Méséglise, mais ils ne l′ont pas pris. Le petit chemin que vous aimiez tant, que nous appelions le raidillon aux aubépines et où vous prétendez que vous êtes tombé dans votre enfance amoureux de moi, alors que je vous assure en toute vérité que c′était moi qui étais amoureuse de vous, je ne peux pas vous dire l′importance qu′il a prise. L′immense champ de blé auquel il aboutit, c′est la fameuse cote 307 dont vous avez dû voir le nom revenir si souvent dans les communiqués. Les Français ont fait sauter le petit pont sur la Vivonne qui, disiez-vous, ne vous rappelait pas votre enfance autant que vous l′auriez voulu, les Allemands en ont jeté d′autres ; pendant un an et demi ils ont eu une moitié de Combray et les Français l′autre moitié. »
Y ahora, a mi segunda vuelta a París, recibí, al día siguiente de llegar, otra carta de Gilberta, que seguramente había olvidado la que he transcrito, o al menos su sentido, pues de su salida de París a finales de 1914 hablaba retrospectivamente de manera bastante distinta. «Quizá no sabe usted, querido amigo -me decía-, que llevo ya dos años en Tansonville. Llegué al mismo tiempo que los alemanes; todo el mundo quería impedirme que me marchara. Me llamaban loca. “Pero -me decían- está usted segura en París y se va a esas zonas invadidas, precisamente en el momento en que todo el mundo procura salir de ellas.” Yo no ignoraba todo lo que este razonamiento tenía de justo. Pero qué quiere usted, yo no tengo más que una cualidad, que no soy cobarde o, si lo prefiere, que soy fiel, y cuando supe que mi querido Tansonville estaba amenazado, no quise que nuestro viejo administrador estuviera solo para defenderlo, me parecía que mi sitio estaba a su lado. Y gracias a esta resolución he podido salvar más o menos el castillo -cuando todos los de las inmediaciones, abandonados por sus propietarios enloquecidos, han quedado destruidos casi por completo-, y no sólo salvar el castillo, sino las preciosas colecciones que tanto quería mi querido papá.» En una palabra, Gilberta estaba ahora convencida de que no había ido a Tansonville, como me escribió en 1914, huyendo de los alemanes y para ponerse a salvo, sino al contrario, para salirles al encuentro y defender contra ellos su castillo. De todos modos, no se quedaron en Tansonville, pero Gilberta no dejó de tener en su casa un vaivén constante de militares que rebasaba con mucho al que le hacía derramar lágrimas a Francisca en la calle de Combray, de llevar, como ella decía, esta vez con toda verdad, la vida del frente. Y los periódicos hablaban con los mayores elogios de su admirable conducta y se trataba de condecorarla. El final de su carta era absolutamente exacto. «No tiene usted idea, querido amigo, de lo que es esta guerra y de la importancia que en ella adquiere una carretera, un puente, una loma. Cuántas veces he pensado en usted, en los paseos, deliciosos gracias a usted, que dábamos juntos por toda esta región hoy asolada, mientras se libran inmensos combates por la posesión de un camino, de un cerro que a usted le gustaba, adonde tantas veces fuimos juntos. Probablemente, usted como yo no se imaginaba que el oscuro Roussainville y el aburrido Méséglise, de donde nos traían las cartas y a donde íbamos a buscar al doctor cuando usted estuvo malo, llegarían a ser lugares famosos. Bueno, querido amigo, han entrado para siempre en la gloria con la misma razón que Austerlitz o Valmy. La batalla de Méséglise ha durado más de ocho meses, los alemanes perdieron en ella más de seiscientos mil hombres, destruyeron Méséglise, pero no lo tomaron. El caminito que tanto le gustaba a usted, que llamábamos la Cuesta de los Majuelos y donde usted decía que se había enamorado de mí cuando era pequeño, cuando le aseguro de verdad que era yo quien estaba enamorada de usted, no puedo decirle la importancia que ha tomado. El inmenso campo de trigo al que va a parar es la famosa cota 307, cuyo nombre ha debido de ver muchas veces en los comunicados. Los franceses volaron el puentecito sobre el Vivonne, que, decía usted, no le recordaba su infancia tanto como usted quisiera, y los alemanes tendieron otros; durante un año, ellos tuvieron medio Combray y nosotros otro medio.»
Le lendemain du jour où j′avais reçu cette lettre, c′est-à-dire l′avant-veille de celui où, cheminant dans l′obscurité, j′entendais sonner le bruit de mes pas, tout en remâchant tous ces souvenirs, Saint-Loup venu du front, sur le point d′y retourner, m′avait fait une visite de quelques secondes seulement, dont l′annonce seule m′avait violemment ému. Françoise avait d′abord voulu se précipiter sur lui, espérant qu′il pourrait faire réformer le timide garçon boucher, dont, dans un an, la classe allait partir. Mais elle fut arrêtée elle-même en pensant à l′inutilité de cette démarche, car depuis longtemps le timide tueur d′animaux avait changé de boucherie, et soit que la patronne de la nôtre craignît de perdre notre clientèle, soit qu′elle fût de bonne foi, elle avait déclaré à Françoise qu′elle ignorait où ce garçon, «Â qui, d′ailleurs, ne ferait jamais un bon boucher », était employé. Françoise avait bien cherché partout, mais Paris est grand, les boucheries nombreuses, et elle avait eu beau entrer dans un grand nombre, elle n′avait pu retrouver le jeune homme timide et sanglant.
Al día siguiente de recibir esta carta, es decir, la antevíspera del día en que, caminando en la oscuridad, oía el ruido de mis pasos, mientras yo rumiaba todos aquellos recuerdos, Saint-Loup, que había venido del frente y se disponía a volver a él, me hizo una visita de sólo unos segundos, cuyo anuncio me emocionó violentamente. Francisca quiso precipitarse sobre él, esperando que podría conseguir que declararan inútil al tímido dependiente de la carnicería, cuya quinta iba a ser movilizada al año siguiente. Pero ella misma se detuvo por la inutilidad de tal gestión, pues el tímido matarife de animales había cambiado de carnicería desde hacía mucho tiempo. Y bien fuera porque la nuestra temiera perdernos como clientes, bien de buena fe, le dijo a Francisca que no sabía dónde estaba empleado aquel mozo, quien, por lo demás, no sería nunca un buen carnicero. Francisca buscó por todas partes. Mas París es grande, numerosas las carnicerías y, por más que entró en muchas, no pudo encontrar al mozo tímido y ensangrentado.
Quand Saint-Loup était entré dans ma chambre, je l′avais approché avec ce sentiment de timidité, avec cette impression de surnaturel que donnaient au fond tous les permissionnaires et qu′on éprouve quand on est introduit auprès d′une personne atteinte d′un mal mortel et qui cependant se lève, s′habille, se promène encore. Il semblait (il avait surtout semblé au début, car pour qui n′avait pas vécu comme moi loin de Paris, l′habitude était venue qui retranche aux choses que nous avons vues plusieurs fois la racine d′impression profonde et de pensée qui leur donne leur sens réel), il semblait presque qu′il y eût quelque chose de cruel dans ces permissions données aux combattants. Aux premières, on se disait : «Â Ils ne voudront pas repartir, ils déserteront. » Et en effet, ils ne venaient pas seulement de lieux qui nous semblaient irréels parce que nous n′en avions entendu parler que par les journaux et que nous ne pouvions nous figurer qu′on eût pris part à ces combats titaniques et revenir seulement avec une contusion à l′épaule ; c′était des rivages de la mort, vers lesquels ils allaient retourner, qu′ils venaient un instant parmi nous, incompréhensibles pour nous, nous remplissant de tendresse, d′effroi, et d′un sentiment de mystère, comme ces morts que nous évoquons, qui nous apparaissent une seconde, que nous n′osons pas interroger et qui, du reste, pourraient tout au plus nous répondre : «Â Vous ne pourriez pas vous figurer. » Car il est extraordinaire à quel point chez les rescapés du front que sont les permissionnaires parmi les vivants, ou chez les morts qu′un médium hypnotise ou évoque, le seul effet d′un contact avec le mystère soit d′accroître s′il est possible l′insignifiance des propos. Tel j′abordai Robert qui avait encore au front une cicatrice plus auguste et plus mystérieuse pour moi que l′empreinte laissée sur la terre par le pied d′un géant. Et je n′avais pas osé lui poser de question et il ne m′avait dit que de simples paroles. Encore étaient-elles fort peu différentes de ce qu′elles eussent été avant la guerre, comme si les gens, malgré elle, continuaient à être ce qu′ils étaient ; le ton des entretiens était le même, la matière seule différait, et encore !
Cuando Saint-Loup entró en mi cuarto, me acerqué a él con ese sentimiento de timidez, con esa impresión de cosa sobrenatural que producían en el fondo todos los militares de permiso y que sentimos cuando entramos en casa de una persona herida de una enfermedad mortal y que, sin embargo, se levanta, se viste y pasea todavía. Parecía (sobre todo había parecido al principio, pues para quien no había vivido como yo lejos de París llegó la costumbre que quita a las cosas que hemos visto varias veces la raíz de impresión profunda y de pensamiento que les da su sentido real), parecía casi que hubiera algo de cruel en aquellos permisos dados a los combatientes. Las primeras veces nos decíamos: «No querrán volver a marcharse, desertarán». Y en realidad no sólo venían de lugares que nos parecían irreales porque no habíamos oído hablar de ellos más que por los periódicos y no podíamos figurarnos que hubieran podido tomar parte en aquellos combates titánicos y volver con sólo una contusión en el hombro; era de las riberas de la muerte, a las que iban a volver, de donde venían a pasar un momento entre nosotros, incomprensibles para nosotros, llenándonos de ternura y de espanto y de un sentimiento de misterio, como esos muertos que evocamos, que se nos aparecen un segundo, a los que no nos atrevemos a interrogar y que, por lo demás, podrían a lo sumo contestarnos: «No podrías imaginarlo». Pues es extraordinario hasta qué punto, entre esos salvados del fuego que son los militares de permiso, entre los vivos o los muertos que un médium hipnotiza o evoca, el único efecto del contacto con el misterio consiste en acentuar, si ello es posible, la insignificancia de las palabras. Así abordé yo a Roberto, que tenía aún en la frente una cicatriz, más augusta y más misteriosa para mí que la huella dejada en el suelo por el pie de un gigante. Y no me atreví a preguntarle y no me dijo más que palabras sencillas. Y palabras muy poco diferentes de lo que hubieran sido antes de la guerra, como si, a pesar de ella, la gente siguiera siendo como era; el tono de las conversaciones era el mismo, sólo cambiaba el tema, y no mucho.
Je crus comprendre que Robert avait trouvé aux armées des ressources qui lui avaient fait peu à peu oublier que Morel s′était aussi mal conduit avec lui qu′avec son oncle. Pourtant il lui gardait une grande amitié et était pris de brusques désirs de le revoir, qu′il ajournait sans cesse. Je crus plus délicat envers Gilberte de ne pas indiquer à Robert que pour retrouver Morel il n′avait qu′à aller chez Mme Verdurin.
Creí entender que Roberto había encontrado en el ejército recursos que le hicieron olvidar poco a poco que Morel se había portado con él tan mal como con su tío. Sin embargo, le seguía teniendo una gran amistad y, de pronto, sentía grandes deseos de verle, pero lo iba aplazando continuamente. A mí me pareció más delicado con Gilberta no indicar a Roberto que, para ver a Morel, no tenía más que ir a casa de madame Verdurin.
Je dis avec humilité à Robert combien on sentait peu la guerre à Paris, il me dit que même à Paris c′était quelquefois «Â assez inou#187;. Il faisait allusion à un raid de zeppelins qu′il y avait eu la veille et il me demanda si j′avais bien vu, mais comme il m′eût parlé autrefois de quelque spectacle d′une grande beauté esthétique. Encore au front comprend-on qu′il y ait une sorte de coquetterie à dire : «Â C′est merveilleux, quel rose ! et ce vert pâle ! », au moment où on peut à tout instant être tué, mais ceci n′existait pas chez Saint-Loup, à Paris, à propos d′un raid insignifiant.
Le dije con humildad lo poco que se notaba la guerra en París. Me dijo que hasta en París la cosa resultaba a veces «bastante inusitada». Aludía a una incursión de zepelinesregistrada la víspera y me preguntó si lo había visto bien, pero como me hubiera hablado en otro tiempo de algún espectáculo de gran belleza estética. Todavía en el frente se comprende que haya una especie de coquetería en decir: «¡Qué maravilla de rosa! ¡Y ese verde pálido! » en el momento en que puede llegar la muerte a cada instante; pero éste no era el caso de Saint-Loup, en París, hablando de una incursión insignificante,
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pero que desde nuestro balcón, en aquel silencio de una noche en que hubo de pronto una fiesta verdadera con cohetes útiles y protectores, toques de clarines que no eran más que teatralidad, etc.
Je lui parlai de la beauté des avions qui montaient dans la nuit. «Â Et peut-être encore plus de ceux qui descendent, me dit-il. Je reconnais que c′est très beau le moment où ils montent, où ils vont faire constellation et obéissent en cela à des lois tout aussi précises que celles qui régissent les constellations, car ce qui te semble un spectacle est le ralliement des escadrilles, les commandements qu′on leur donne, leur départ en chasse, etc. Mais est-ce que tu n′aimes pas mieux le moment où, définitivement assimilés aux étoiles, ils s′en détachent pour partir en chasse ou rentrer après la berloque, le moment où ils «Â font apocalypse », même les étoiles ne gardant plus leur place. Et ces sirènes, était-ce assez wagnérien, ce qui, du reste, était bien naturel pour saluer l′arrivée des Allemands, ça faisait très hymne national, très Wacht am Rhein, avec le Kronprinz et les princesses dans la loge impériale ; c′était à se demander si c′était bien des aviateurs et pas plutôt des Walkyries qui montaient. » Il semblait avoir plaisir à cette assimilation des aviateurs et des Walkyries et l′expliquait, d′ailleurs, par des raisons purement musicales : «Â Dame, c′est que la musique des sirènes était d′une Chevauchée. Il faut décidément l′arrivée des Allemands pour qu′on puisse entendre du Wagner à Paris. » À certains points de vue la comparaison n′était pas fausse. La ville semblait une masse informe et noire qui tout d′un coup passait des profondeurs de la nuit dans la lumière et dans le ciel où un à un les aviateurs s′élevaient à l′appel déchirant des sirènes, cependant que d′un mouvement plus lent, mais plus insidieux, plus alarmant, car ce regard faisait penser à l′objet invisible encore et peut-être déjà proche qu′il cherchait, les projecteurs se remuaient sans cesse, flairaient l′ennemi, le cernaient dans leurs lumières jusqu′au moment où les avions aiguillés bondiraient en chasse pour le saisir. Et escadrille après escadrille chaque aviateur s′élançait ainsi de la ville, transporté maintenant dans le ciel, pareil à une Walkyrie. Pourtant des coins de la terre, au ras des maisons, s′éclairaient et je dis à Saint-Loup que s′il avait été à la maison la veille, il aurait pu, tout en contemplant l′apocalypse dans le ciel, voir sur la terre, comme dans l′enterrement du comte d′Orgaz du Greco où ces différents plans sont parallèles, un vrai vaudeville joué par des personnages en chemise de nuit, lesquels, à cause de leurs noms célèbres, eussent mérité d′être envoyés à quelque successeur de ce Ferrari dont les notes mondaines nous avaient si souvent amusés, Saint-Loup et moi, que nous nous amusions pour nous-mêmes à en inventer. Et c′est ce que nous aurions fait encore ce jour-là comme s′il n′y avait pas la guerre, bien que sur un sujet fort «Â guerre »Â : la peur des Zeppelins — reconnu : la duchesse de Guermantes superbe en chemise de nuit, le duc de Guermantes inénarrable en pyjama rose et peignoir de bain, etc., etc. «Â Je suis sûr, me dit-il, que dans tous les grands hôtels on a dû voir les juives américaines en chemise, serrant sur leur sein décati le collier de perles qui leur permettra d′épouser un duc décavé. L′hôtel Ritz, ces soirs-là, doit ressembler à l′Hôtel du libre échange. »
Le hablé de la belleza de los aviones que ascendían en la noche. -Y quizá más aún de los que descienden -me dijo-. Reconozco que es muy hermoso el momento en que suben, en que van a formar constelación, y obedecen en esto a leyes tan precisas como las que rigen las constelaciones, pues lo que te parece un espectáculo es la formación de las escuadrillas, las órdenes que les dan, su salida en servicio de caza, etc. Pero ¿no te gusta más el momento en que, definitivamente asimilados a las estrellas, se destacan para salir en misión de caza o entrar después del toque de fajina, el momento en que hacen apocalipsis, y ni las estrellas conservan ya su sitio? Y esas sirenas, todo tan wagneriano, lo que, por lo demás, era muy natural para saludar la llegada de los alemanes, muy himno nacional, con el Kronprinz y las princesas en el palco imperial, Wacht am Rhein; como para preguntarse si eran en verdad aviadores o más bien valquirias que ascendían. -Parecía complacerse en esta asimilación de los aviadores y de las valquirias, explicándola, por lo demás, con razones puramente musicales-: ¡Claro, es que la música de las sirenas se parecía tanto a la Cabalgata! Decididamente hace falta que lleguen los alemanes para que se pueda oír a Wagner en París. Desde ciertos puntos de vista la comparación no era falsa. ciudad parecía un negro, y que de pronto pasaba, de las profundidades y de la noche, a la luz y al cielo, donde los aviadores se lanzaban uno por uno a la llamada desgarradora de las sirenas, mientras un movimiento más lento pero más insidioso, más alarmante, pues aquella mirada parecía pensar en el objeto invisible todavía y quizá ya próximo que buscaba, los reflectores se paseaban sin cesar, olfateando al enemigo, sitiándolo con sus luces hasta el momento en que los aviones, orientados, irrumpirían a la caza para cogerlo. Y, escuadrilla tras escuadrilla, cada aviador se lanzaba así desde la ciudad transportada ahora al cielo como una valquiria. Sin embargo, algunos rincones de la tierra a ras de las casas se alumbraban, y le dije a Saint-Loup que, si hubiera estado en casa la víspera, habría podido, a la vez que contemplaba el apocalipsis en el cielo, ver en la tierra (como en el Entierro del condede Orgaz, del Greco, donde esos diferentes planos son paralelos) un verdadero vaudeville representado por personajes en camisón, que por sus nombres célebres merecerían ser enviados a algún sucesor de aquel Ferrari cuyas crónicas de sociedad tantas veces nos divirtieron, a Saint-Loup y a mí, que nos entreteníamos en inventarlas para nosotros mismos. Y eso mismo hicimos aquel día, como si no hubiera guerra, aunque con un tema muy guerra, el miedo a los zepelines: -Reconocido: la duquesa de Guermantes soberbia en su camisón, el duque de Guermantes inenarrable en pijama rosa y albornoz, etc., etc. -Estoy seguro -me dijo- de que en todos los grandes hoteles han debido de ver a las judías americanas en camisa, apretando sobre sus senos marchitos el collar de perlas que les permitirá casarse con un duque tronado. Esas noches, el Hotel Ritz debe de parecer el hotel del libre cambio.
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-¿Te acuerdas -le dije- de nuestras conversaciones de Doncières? -¡Ah!, eran los buenos tiempos. ¡Qué abismo nos separa de ellos! ¿Renacerán siquiera alguna vez
du gouffre interdit à nos sondes, comme montent au ciel les soleils rajeunis après s′être lavés au fond des mers profondes?
-No pensemos en aquellas conversaciones sino para evocar lo gratas que eran -le dije-. Yo trataba de encontrar en ellas cierta clase de verdad. La guerra actual, que lo ha trastornado todo, y sobre todo, según dices tú, la idea de la guerra, ¿invalida lo que entonces me decías sobre aquellas batallas, por ejemplo las batallas de Napoleón que se imitaran en las guerras futuras? -¡De ninguna manera! -me dijo-; la batalla napoleónica existe siempre, y más aún en esta guerra, en la que Hindenburg está imbuido del espíritu napoleónico. Esos movimientos rápidos de las tropas, sus amagos, ya sea cuando deja sólo una tenue cortina ante uno de sus adversarios para caer con todas sus fuerzas reunidas sobre el otro (Napoleón 1814), ya sea cuando lleva a fondo una diversión que obliga al adversario a mantener sus fuerzas en un frente que no es el principal (como la finta de Hindenburg ante Varsovia mediante la cual los rusos, engañados, concentraron allí su resistencia y fueron batidos en los lagos de Masuria), sus repliegues análogos a aquellos con que comenzaron Austerlitz, Arcola, Eckmühl, todo en él es napoleónico, y aún no ha terminado. Añadiré que si, lejos de mí, intentas interpretar, a medida que se vayan produciendo, los hechos de esta guerra, no debes fiarte demasiado exclusivamente de esa manera especial de Hindenburg para encontrar en ella el sentido de lo que hace, la clave de lo que va a hacer. Un general es como un escritor que quiere hacer cierta obra de teatro, cierto libro, y el libro mismo, con los recursos inesperados que revela aquí, el callejón sin salida que presenta allá, le hace desviarse muchísimo del plan preconcebido. Como una diversión, por ejemplo, sólo se 16 «de la sima prohibida a nuestras sondas, como ascienden al cielo soles de nuevo jóvenes lavados en el fondo de los mares profundos. » debe hacer en un punto que tiene por sí mismo bastante importancia, supón que la diversión saliera mejor de cuanto se podía esperar, mientras que la operación principal resulta un fracaso; entonces la diversión puede pasar a ser la operación principal. Yo espero a Hindenburg en uno de esos tipos de la batalla napoleónica, la que consiste en separar dos adversarios, los ingleses y nosotros.
Je demandai à Saint-Loup si cette guerre avait confirmé ce que nous disions des guerres passées à Doncières. Je lui rappelai des propos que lui-même avait oubliés, par exemple sur les pastiches des batailles par les généraux à venir. «Â La feinte, lui disais-je, n′est plus guère possible dans ces opérations qu′on prépare d′avance avec de telles accumulations d′artillerie. Et ce que tu m′as dit depuis sur les reconnaissances par les avions, qu′évidemment tu ne pouvais pas prévoir, empêche l′emploi des ruses napoléoniennes. — Comme tu te trompes, me répondit-il, cette guerre, évidemment, est nouvelle par rapport aux autres et se compose elle-même de guerres successives, dont la dernière est une innovation par rapport à celle qui l′a précédée. Il faut s′adapter à une formule nouvelle de l′ennemi pour se défendre contre elle, et alors lui-même recommence à innover, mais, comme en toute chose humaine, les vieux trucs prennent toujours. Pas plus tard qu′hier au soir, le plus intelligent des critiques militaires écrivait : «Â Quand les Allemands ont voulu délivrer la Prusse orientale, ils ont commencé l′opération par une puissante démonstration fort au sud contre Varsovie, sacrifiant dix mille hommes pour tromper l′ennemi. Quand ils ont créé, au début de 1915, la masse de manœuvre de l′archiduc Eugène pour dégager la Hongrie menacée, ils ont répandu le bruit que cette masse était destinée à une opération contre la Serbie. C′est ainsi qu′en 1800 l′armée qui allait opérer contre l′Italie était essentiellement qualifiée d′armée de réserve et semblait destinée non à passer les Alpes, mais à appuyer les armées engagées sur les théâtres septentrionaux. La ruse d′Hindenburg attaquant Varsovie pour masquer l′attaque véritable sur les lacs de Mazurie est imitée d′un plan de Napoléon de 1812. » Tu vois que M. Bidou reproduit presque les paroles que tu me rappelles et que j′avais oubliées. Et comme la guerre n′est pas finie, ces ruses-là se reproduiront encore et réussiront, car on ne perce rien à jour, ce qui a pris une fois a pris parce que c′était bon et prendra toujours. » Et en effet, bien longtemps après cette conversation avec Saint-Loup, pendant que les regards des Alliés étaient fixés sur Pétrograd, contre laquelle capitale on croyait que les Allemands commençaient leur marche, ils préparaient la plus puissante offensive contre l′Italie. Saint-Loup me cita bien d′autres exemples de pastiches militaires, ou, si l′on croit qu′il n′y a pas un art mais une science militaire, d′application de lois permanentes. «Â Je ne veux pas dire, il y aurait contradiction dans les mots, ajouta Saint-Loup, que l′art de la guerre soit une science. Et s′il y a une science de la guerre, il y a diversité, dispute et contradiction entre les savants. Diversité projetée pour une part dans la catégorie du temps. Ceci est assez rassurant, car, pour autant que cela est, cela n′indique pas forcément erreur mais vérité qui évolue. » Il devait me dire plus tard : «Â Vois dans cette guerre l′évolution des idées sur la possibilité de la percée, par exemple. On y croit d′abord, puis on vient à la doctrine de l′invulnérabilité des fronts, puis à celle de la percée possible, mais dangereuse, de la nécessité de ne pas faire un pas en avant sans que l′objectif soit d′abord détruit (un journaliste péremptoire écrira que prétendre le contraire est la plus grande sottise qu′on puisse dire), puis, au contraire, à celle d′avancer avec une très faible préparation d′artillerie, puis on en vient à faire remonter l′invulnérabilité des fronts à la guerre de 1870 et à prétendre que c′est une idée fausse pour la guerre actuelle, donc une idée d′une vérité relative. Fausse dans la guerre actuelle à cause de l′accroissement des masses et du perfectionnement des engins (voir Bidou du 2 juillet 1918), accroissement qui d′abord avait fait croire que la prochaine guerre serait très courte, puis très longue, et enfin a fait croire de nouveau à la possibilité des décisions victorieuses. Bidou cite les Alliés sur la Somme, les Allemands vers Paris en 1918. De même à chaque conquête des Allemands on dit : le terrain n′est rien, les villes ne sont rien, ce qu′il faut c′est détruire la force militaire de l′adversaire. Puis les Allemands à leur tour adoptent cette théorie en 1918 et alors Bidou explique curieusement (2 juillet 1918) comment certains points vitaux, certains espaces essentiels s′ils sont conquis décident de la victoire. C′est, d′ailleurs, une tournure de son esprit. Il a montré comment si la Russie était bouchée sur mer elle serait défaite et qu′une armée enfermée dans une sorte de camp d′emprisonnement est destinée à périr. »
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Il faut dire pourtant que si la guerre n′avait pas modifié le caractère de Saint-Loup, son intelligence, conduite par une évolution où l′hérédité entrait pour une grande part, avait pris un brillant que je ne lui avais jamais vu. Quelle distance entre le jeune blondin qui jadis était courtisé par les femmes chic ou aspirait à le devenir, et le discoureur, le doctrinaire qui ne cessait de jouer avec les mots ! À une autre génération, sur une autre tige, comme un acteur qui reprend le rôle joué jadis par Bressant ou Delaunay, il était comme un successeur — rose, blond et doré, alors que l′autre était mi-partie très noir et tout blanc — de M. de Charlus. Il avait beau ne pas s′entendre avec son oncle sur la guerre, s′étant rangé dans cette fraction de l′aristocratie qui faisait passer la France avant tout tandis que M. de Charlus était au fond défaitiste, il pouvait montrer à celui qui n′avait pas vu le «Â créateur du rôle » comment on pouvait exceller dans l′emploi de raisonneur. «Â Il paraît que Hindenbourg c′est une révélation, lui dis-je. — Une vieille révélation, me répondit-il du «Â tac au tac », ou une future révélation. » Il aurait fallu, au lieu de ménager l′ennemi, laisser faire Mangin, abattre l′Autriche et l′Allemagne et européaniser la Turquie au lieu de montégriniser la France. «Â Mais nous aurons l′aide des États-Unis, lui dis-je. — En attendant, je ne vois ici que le spectacle des États désunis. Pourquoi ne pas faire des concessions plus larges à l′Italie par la peur de déchristianiser la France ? — Si ton oncle Charlus t′entendait ! lui dis-je. Au fond tu ne serais pas fâché qu′on offense encore un peu plus le Pape, et lui pense avec désespoir au mal qu′on peut faire au trône de François-Joseph. Il se dit, d′ailleurs, en cela dans la tradition de Talleyrand et du Congrès de Vienne. — L′ère du Congrès de Vienne est révolue, me répondit-il ; à la diplomatie secrète il faut opposer la diplomatie concrète. Mon oncle est au fond un monarchiste impénitent à qui on ferait avaler des carpes comme Mme Molé ou des escarpes comme Arthur Meyer, pourvu que carpes et escarpes fussent à la Chambord. Par haine du drapeau tricolore, je crois qu′il se rangerait plutôt sous le torchon du Bonnet rouge, qu′il prendrait de bonne foi pour le Drapeau blanc. » Certes, ce n′était que des mots et Saint-Loup était loin d′avoir l′originalité quelquefois profonde de son oncle. Mais il était aussi affable et charmant de caractère que l′autre était soupçonneux et jaloux. Et il était resté charmant et rose comme à Balbec, sous tous ses cheveux d′or. La seule chose où son oncle ne l′eût pas dépassé était cet état d′esprit du faubourg Saint-Germain dont sont empreints ceux qui croient s′en être le plus détachés et qui leur donne à la fois ce respect des hommes intelligents pas nés (qui ne fleurit vraiment que dans la noblesse et rend les révolutions si injustes) et cette niaise satisfaction de soi. De par ce mélange d′humilité et d′orgueil, de curiosité d′esprit acquise et d′autorité innée, M. de Charlus et Saint-Loup, par des chemins différents et avec des opinions opposées, étaient devenus, à une génération d′intervalle, des intellectuels que toute idée nouvelle intéresse et des causeurs de qui aucun interrupteur ne peut obtenir le silence. De sorte qu′une personne un peu médiocre pouvait les trouver l′un et l′autre, selon la disposition où elle se trouvait, éblouissants ou raseurs.
Hay que decir, sin embargo, que si la guerra no había aumentado la inteligencia de Saint-Loup, esta inteligencia, conducida por una evolución en la que entraba la herencia en gran parte, había adquirido una brillantez que yo no le había visto nunca. ¡Qué distancia entre aquel joven rubito en otro tiempo cortejado por las mujeres elegantes o que aspiraban a serlo, y el discursivo, el doctrinario que no cesaba de jugar con las palabras! En otra generación, en otra estirpe, como un actor que hace el papel representado en otro tiempo por Bressant o por Delaunay, era como un sucesor -rosa, rubio y dorado, mientras que el otro era mitad muy negro y mitad muy blanco- de monsieur de Charlus. Aunque no se entendiera con su tío sobre la guerra, pues se había situado en aquella fracción de la aristocracia que ponía a Francia por encima de todo, mientras que monsieur de Charlus era en el fondo derrotista, podía demostrar a quien no hubiera visto al «creador del papel» hasta dónde se podía llegar en el menester de razonador. -Parece que Hindenburg es una revelación -le dije. -Una revelación vieja -me contestó como un rayo- o una futura revolución. En vez de tratar con cuidado al enemigo, habríamos debido dejar hacer a Mangin, derrotar a Austria y a Alemania y europeizar a Turquía en lugar de montenegrizar a Francia. -Pero tendremos la ayuda de los Estados Unidos -le dije. -Mientras tanto, yo no veo aquí más que el espectáculo de los Estados Desunidos. ¿Por qué no hacer concesiones más amplias a Italia por miedo de descristianizar a Francia? -¡Si te oyera tu tío Charlus! -le dije-. A ti, en el fondo, no te disgustaría que se ofendiera todavía un poco más al Papa, mientras que él piensa con desesperación en el daño que se puede hacer al trono de Francisco José. Y en esto dice que está dentro de la tradición de Talleyrand y del Congreso de Viena. -La era del Congreso de Viena ya prescribió -me contestó-; a la diplomacia secreta hay que oponer ahora la diplomacia concreta. En el fondo, mi tío es un monárquico impenitente al que harían tragar carpas como madame Molé o escarpas como Arturo Meyer, con tal que carpas y escarpas fuesen estilo Chambord. Por odio a la bandera tricolor, creo que se afiliaría más bien bajo el trapo del Bonnet rouge, que tomaría de buena fe por la bandera blanca. Claro que todo esto no eran más que palabras, y Saint-Loup estaba lejos de tener la originalidad, a veces profunda, de su tío. Pero era tan afable y encantador de carácter como el otro desconfiado y celoso. Y seguía siendo encantador y rosa como en Balbec, bajo toda su cabellera de oro. Lo único en que su tío no le superaría era aquella mentalidad del Faubourg Saint-Germain tan arraigada en los mismos que creen haberse desprendido totalmente de ella y que les vale a la vez ese respeto de los hombres inteligentes no aristócratas (que sólo en la nobleza florece verdaderamente y que hace tan injustas las revoluciones), unido a una tonta satisfacción de sí mismo. Pero en esta mezcla de humildad y de orgullo, de curiosidades intelectuales adquiridas y de autoridad innata, monsieur de Charlus y Saint-Loup, por caminos diferentes y con opiniones opuestas, habían llegado a ser, con el intervalo de una generación, intelectuales a los que interesa toda idea nueva y conversadores a los que ningún interruptor puede reducir al silencio. De suerte que una persona un poco mediocre podría encontrarlos a ambos deslumbradores y aburridos, según la disposición en que se encontraba.
Tout en me rappelant la visite de Saint-Loup j′avais marché, puis, pour aller chez Mme Verdurin, fait un long crochet ; j′étais presque au pont des Invalides. Les lumières, assez peu nombreuses (à cause des gothas), étaient allumées un peu trop tôt, car le changement d′heure avait été fait un peu trop tôt, quand la nuit venait encore assez vite, mais stabilisé pour toute la belle saison (comme les calorifères sont allumés et éteints à partir d′une certaine date), et au-dessus de la ville nocturnement éclairée, dans toute une partie du ciel — du ciel ignorant de l′heure d′été et de l′heure d′hiver, et qui ne daignait pas savoir que 8 h. ½ était devenu 9 h. ½ — dans toute une partie du ciel bleuâtre il continuait à faire un peu jour. Dans toute la partie de la ville que dominent les tours du Trocadéro, le ciel avait l′air d′une immense mer nuance de turquoise qui se retire, laissant déjà émerger toute une ligne légère de rochers noirs, peut-être même de simples filets de pêcheurs alignés les uns auprès des autres, et qui étaient de petits nuages. Mer en ce moment couleur turquoise et qui emporte avec elle, sans qu′ils s′en aperçoivent, les hommes entraînés dans l′immense révolution de la terre, de la terre sur laquelle ils sont assez fous pour continuer leurs révolutions à eux, et leurs vaines guerres, comme celle qui ensanglantait en ce moment la France. Du reste, à force de regarder le ciel paresseux et trop beau, qui ne trouvait pas digne de lui de changer son horaire et au-dessus de la ville allumée prolongeait mollement, en ces tons bleuâtres, sa journée qui s′attardait, le vertige prenait : ce n′était plus une mer étendue, mais une gradation verticale de bleus glaciers. Et les tours du Trocadéro qui semblaient si proches des degrés de turquoise devaient en être extrêmement éloignées, comme ces deux tours de certaines villes de Suisse qu′on croirait dans le lointain voisines avec la pente des cimes. Je revins sur mes pas, mais une fois quitté le pont des Invalides, il ne faisait plus jour dans le ciel, il n′y avait même guère de lumières dans la ville, et butant çà et là contre des poubelles, prenant un chemin pour un autre, je me trouvai sans m′en douter, en suivant machinalement un dédale de rues obscures, arrivé sur les boulevards. Là, l′impression d′Orient que je venais d′avoir se renouvela et, d′autre part, à l′évocation du Paris du Directoire succéda celle du Paris de 1815. Comme en 1815 c′était le défilé le plus disparate des uniformes des troupes alliées ; et, parmi elles, des Africains en jupe-culotte rouge, des Hindous enturbannés de blanc suffisaient pour que de ce Paris où je me promenais je fisse toute une imaginaire cité exotique, dans un Orient à la fois minutieusement exact en ce qui concernait les costumes et la couleur des visages, arbitrairement chimérique en ce qui concernait le décor, comme de la ville où il vivait, Carpaccio fit une Jérusalem ou une Constantinople en y assemblant une foule dont la merveilleuse bigarrure n′était pas plus colorée que celle-ci. Marchant derrière deux zouaves qui ne semblaient guère se préoccuper de lui, j′aperçus un homme gras et gros, en feutre mou, en longue houppelande et sur la figure mauve duquel j′hésitai si je devais mettre le nom d′un acteur ou d′un peintre également connus pour d′innombrables scandales sodomistes. J′étais certain en tout cas que je ne connaissais pas le promeneur, aussi fus-je bien surpris, quand ses regards rencontrèrent les miens, de voir qu′il avait l′air gêné et fit exprès de s′arrêter et de venir à moi comme un homme qui veut montrer que vous ne le surprenez nullement en train de se livrer à une occupation qu′il eût préféré laisser secrète. Une seconde je me demandai qui me disait bonjour : c′était M. de Charlus. On peut dire que pour lui l′évolution de son mal ou la révolution de son vice était à ce point extrême où la petite personnalité primitive de l′individu, ses qualités ancestrales, sont entièrement interceptées par le passage en face d′elles du défaut ou du mal générique dont ils sont accompagnés. M. de Charlus était arrivé aussi loin qu′il était possible de soi-même, ou plutôt il était lui-même si parfaitement masqué par ce qu′il était devenu et qui n′appartenait pas à lui seul, mais à beaucoup d′autres invertis, qu′à la première minute je l′avais pris pour un autre d′entre eux, derrière ces zouaves, en plein boulevard, pour un autre d′entre eux qui n′était pas M. de Charlus, qui n′était pas un grand seigneur, qui n′était pas un homme d′imagination et d′esprit et qui n′avait pour toute ressemblance avec le baron que cet air commun à eux tous, et qui maintenant chez lui, au moins avant qu′on se fût appliqué à bien regarder, couvrait tout.
Mientras recordaba así la visita de Saint-Loup, había caminado haciendo un rodeo demasiado largo; estaba cerca del puente de los Inválidos. Las luces, bastante poco numerosas (por causa de los gothas), se encendían, un poco demasiado pronto, pues se había adelantado demasiado la hora, cuando la noche llegaba todavía bastante de prisa, pero el cambio era para toda la buena estación (como se encienden y se apagan los caloríferos a partir de cierta fecha), y, sobre la ciudad nocturnamente alumbrada, en una parte del cielo -del cielo que ignoraba la hora de verano y la hora de invierno y no se dignaba saber que las ocho y media eran ahora las nueve y media-, en toda una parte del cielo azulenco seguía habiendo un poco de día. En toda la parte de la ciudad que dominan las torres del Trocadero, el cielo parecía un mar inmenso matizado de turquesa y que se retira, dejando ya emerger toda una ligera línea de rocas negras, acaso hasta de simples redes de pescadores alineadas unas junto a otras, y que eran nubes pequeñas. Mar en este momento color turquesa y que lleva con él, sin que lo noten, a los hombres arrastrados en la inmensa revolución de la tierra, de esa tierra en la cual son lo bastante locos para continuar sus propias revoluciones y sus vanas guerras, como la que en este momento ensangrentaba a Francia. Por otra parte, a fuerza de mirar el cielo perezoso y demasiado bello, que no encontraba digno de él cambiar su horario y, perezosamente, prolongaba sobre la ciudad iluminada, en aquellos tonos azulados, su jornada, que se iba retrasando, daba vértigo: ya no era un mar extenso, sino una gradación vertical de glaciares azules. Y las torres del Trocadero, que parecían tan cerca de las gradaciones de turquesa, debían de estar lejísimos, como esas dos torres de ciertas ciudades de Suiza que, desde lejos, parecen tocar la ladera de las cumbres. Volví sobre mis pasos, pero una vez lejos del puente de los Inválidos ya no era de día en el cielo, y ni siquiera había apenas luz en la ciudad, y tropezando acá y allá contra los cubos de basura, tomando un camino en vez de otro, me encontré, sin pensarlo, siguiendo maquinalmente un dédalo de calles oscuras, en los bulevares. Allí se repitió la impresión de Oriente que acababa de tener, y por otra parte la evocación del París del Directorio sucedió a la del París de 1815. Como en 1815, era el desfile más heterogéneo de los uniformes de las tropas aliadas; y entre ellas, los africanos con falda pantalón de color rojo, los hindúes con turbantes blancos, bastaban para que aquel París por el que paseaba resultase para mí una imaginaria ciudad exótica, en un Oriente a la vez minuciosamente exacto en cuanto a los trajes y al color de los rostros, arbitrariamente quimérico en cuanto al decorado, de la misma manera que Carpaccio convirtió la ciudad en que vivía en una Jerusalén o en una Constantinopla, congregando en ella una multitud cuyo maravilloso abigarramiento no era más polícromo que éste. Caminando detrás de dos zuavos que no parecían ocuparse apenas de él, divisé un hombre alto y grueso, con un sombrero blando, una larga hopalanda y en cuya cara malva dudé si debía poner el nombre de un actor o el de un pintor igualmente conocidos por innumerables escándalos sodomitas. En todo caso, estaba seguro de que no conocía al paseante; me quedé, pues, muy sorprendido, cuando sus miradas se encontraron con las mías, de verle azorado y de que, como a propósito, se detuviera y viniera hacia mí como un hombre que quiere demostrar que no le sorprendemos, ni muchos menos, entregándose a una ocupación que él preferiría que se mantuviera en secreto. Por un segundo me pregunté quién me saludaba: era monsieur de Charlus. Puede decirse que la evolución de su mal o la revolución de su vicio estaba en ese punto extremo en que la pequeña personalidad primitiva del individuo, sus cualidades atávicas, son por completo interceptadas por el paso frente a ellas del defecto o del mal genérico que las acompañan. Monsieur de Charlus había llegado lo más lejos posible de sí mismo, o más bien estaba él mismo tan perfectamente enmascarado por lo que había llegado a ser y que no pertenecía a él solo, sino a otros muchos invertidos, que en el primer momento le tomé por otro de ellos, detrás de aquellos zuavos, en pleno bulevar, por otro de ellos que no era monsieur de Charlus, que no era un gran señor, que no era un hombre de imaginación y de talento y que no tenía con el barón otro parecido que ese aire común a todos, un aire que ahora en él, al menos antes de mirarle muy bien, lo cubría todo.
C′est ainsi qu′ayant voulu aller chez Mme Verdurin j′avais rencontré M. de Charlus. Et certes, je ne l′eusse pas comme autrefois trouvé chez elle ; leur brouille n′avait fait que s′aggraver et Mme Verdurin se servait même des événements présents pour le discréditer davantage. Ayant dit depuis longtemps qu′elle le trouvait usé, fini, plus démodé dans ses prétendues audaces que les plus pompiers, elle résumait maintenant cette condamnation et dégoûtait de lui toutes les imaginations en disant qu′il était «Â avant-guerre ». La guerre avait mis entre lui et le présent, selon le petit clan, une coupure qui le reculait dans le passé le plus mort. D′ailleurs — et ceci s′adressait plutôt au monde politique, qui était moins informé — elle le représentait comme aussi «Â toc », aussi «Â à côté » comme situation mondaine que comme valeur intellectuelle. «Â Il ne voit personne, personne ne le reçoit », disait-elle à M. Bontemps, qu′elle persuadait aisément. Il y avait d′ailleurs du vrai dans ces paroles. La situation de M. de Charlus avait changé. Se souciant de moins en moins du monde, s′étant brouillé par caractère quinteux et ayant, par conscience de sa valeur sociale, dédaigné de se réconcilier avec la plupart des personnes qui étaient la fleur de la société, il vivait dans un isolement relatif qui n′avait pas, comme celui où était morte Mme de Villeparisis, l′ostracisme de l′aristocratie pour cause, mais qui aux yeux du public paraissait pire pour deux raisons. La mauvaise réputation, maintenant connue, de M. de Charlus faisait croire aux gens peu renseignés que c′était pour cela que ne le fréquentaient point les gens que de son propre chef il refusait de fréquenter. De sorte que ce qui était l′effet de son humeur atrabilaire semblait celui du mépris des personnes à l′égard de qui elle s′exerçait. D′autre part, Mme de Villeparisis avait eu un grand rempart : la famille. Mais M. de Charlus avait multiplié entre elle et lui les brouilles. Elle lui avait, d′ailleurs — surtout côté vieux faubourg, côté Courvoisier — semblé inintéressante. Et il ne se doutait guère, lui qui avait fait vers l′art, par opposition aux Courvoisier, des pointes si hardies, que ce qui eût intéressé le plus en lui un Bergotte, par exemple, c′était sa parenté avec tout ce vieux faubourg, c′eût été le pouvoir de décrire la vie quasi provinciale menée par ses cousines de la rue de la Chaise, à la place du Palais-Bourbon et à la rue Garancière. Point de vue moins transcendant et plus pratique, Mme Verdurin affectait de croire qu′il n′était pas Français. «Â Quelle est sa nationalité exacte, est-ce qu′il n′est pas Autrichien ? demandait innocemment M. Verdurin. — Mais non, pas du tout, répondait la comtesse Molé, dont le premier mouvement obéissait plutôt au bon sens qu′à la rancune. — Mais non, il est Prussien, disait la Patronne, mais je vous le dis, je le sais, il nous l′a assez répété qu′il était membre héréditaire de la Chambre des Seigneurs de Prusse et Durchlaucht. — Pourtant la reine de Naples m′avait ditÂ… — Vous savez que c′est une affreuse espionne, s′écriait Mme Verdurin qui n′avait pas oublié l′attitude que la souveraine déchue avait eue un soir chez elle. Je le sais et d′une façon précise, elle ne vivait que de ça. Si nous avions un gouvernement plus énergique, tout ça devrait être dans un camp de concentration. Et allez donc ! En tout cas, vous ferez bien de ne pas recevoir ce joli monde, parce que je sais que le Ministre de l′Intérieur a l′œil sur eux, votre hôtel serait surveillé. Rien ne m′enlèvera de l′idée que pendant deux ans Charlus n′a pas cessé d′espionner chez moi. » Et pensant probablement qu′on pouvait avoir un doute sur l′intérêt que pouvaient présenter pour le gouvernement allemand les rapports les plus circonstanciés sur l′organisation du petit clan, Mme Verdurin, d′un air doux et perspicace, en personne qui sait que la valeur de ce qu′elle dit ne paraîtra que plus précieuse si elle n′enfle pas la voix pour le dire : «Â Je vous dirai que dès le premier jour j′ai dit à mon mari :
Ça ne me va pas, la façon dont cet homme s′est introduit chez moi.
Ça a quelque chose de louche. Nous avions une propriété au fond d′une baie, sur un point très élevé. Il était sûrement chargé par les Allemands de préparer là une base pour leurs sous-marins. Il y avait des choses qui m′étonnaient et que maintenant je comprends. Ainsi au début il ne pouvait pas venir par le train avec les autres habitués. Moi je lui avais très gentiment proposé une chambre dans le château. Hé bien, non, il avait préféré habiter Doncières où il y avait énormément de troupe. Tout ça sentait l′espionnage à plein nez. »
Resulta, pues, que queriendo ir a casa de madame Verdurin, me encontré con monsieur de Charlus. Y, desde luego, no le hubiera encontrado en aquella casa como antaño; su enfado no había hecho sino agravarse y madame Verdurin aprovechaba hasta los acontecimientos presentes para desacreditarle más. Había dicho hacía ya mucho tiempo que le encontraba gastado, acabado, más pasado de moda en sus pretendidas audacias que los más pompiers, y ahora resumía esta condenación y le alejaba de todas las imaginaciones diciendo que era «de antes de la guerra». Para el pequeño clan, la guerra había hecho, entre él y el presente, un corte que le relegaba al pasado más muerto. Por otra parte -y esto se dirigía más bien al mundo político que estaba menos enterado-, le presentaba como tan ridículo, tan fuera de la circulación como posición mundana que como valor intelectual. «No ve a nadie, no le recibe nadie», le decía a monsieur Bontemps, al que convencía fácilmente. Desde luego, había algo de verdad en estas palabras. La posición de monsieur de Charlus había cambiado. Cada vez menos interesado por el gran mundo, indisponiéndose siempre con todos por su carácter quisquilloso y, por conciencia de su valor social, desdeñoso de reconciliarse con la mayor parte de las personas que eran la flor y nata de la sociedad, vivía en un relativo aislamiento que no se debía, como la soledad en que murió madame de Villeparisis, al ostracismo impuesto por la aristocracia, pero que para el público resultaba peor por dos razones. La mala fama de monsieur de Charlus, ahora conocida, hacía creer a las personas poco enteradas que era por esto por lo que no le trataban las gentes a quienes él, por su propia voluntad, renunciaba a tratar. Y así, lo que era efecto de su humor atrabiliario, parecía desprecio de las personas sobre las que tal humor recaía. Por otra parte, madame de Villeparisis se valió de un gran escudo: la familia. Pero monsieur de Charlus provocó numerosos enfados entre ella y él. Y eso que no le había parecido carente de interés -sobre todo en el aspecto viejo Faubourg, en el aspecto Couvoisier-. Y apenas sospechaba, él, que había hecho incursiones tan atrevidas hacia el arte, por oposición a los Couvoisier, que lo que en él hubiera interesado más a un Bergotte, por ejemplo, era su parentesco con todo aquel viejo Faubourg, hubiera sido poder describirle la vida casi provinciana de sus primas, de la Rue de la Chaise a la plaza del Palais- Bourbon y a la Rue Garancière. Además, madame Verdurin, situándose en otro punto de vista menos trascendental y más práctico, simulaba creer que monsieur de Charlus no era francés. «¿Cuál es su verdadera nacionalidad? ¿No es austríaco?» -preguntaba inocentemente monsieur Verdurin-. «Claro que no, en absoluto» -contestaba la condesa Molé, cuyo primer impulso obedecía al buen sentido más que al rencor-. «Claro que no, es prusiano -decía la Patrona-. Se lo digo yo que lo sé; no nos ha repetido pocas veces que era miembro hereditario de la Cámara de Señores de Prusia y Durchlaucht...» «Pero la reina de Nápoles me dijo...» «Sepa usted que ésa es una horrible espía -exclamaba madame Verdurin, que no había olvidado la actitud que la soberana destronada tomó una noche en casa de los Verdurin-. Lo sé sin lugar a dudas; vivía de eso. Si tuviéramos un gobierno más enérgico, toda esa gente debería estar en un campo de concentración. Y mire, haría usted muy bien en no recibir a esa gentecilla, porque yo sé que el ministro del interior los tiene vigilados, y vigilarán el hotel de usted. Nadie me quitará la idea de que Charlus estuvo de espía dos años en mi casa.» Y pensando probablemente que se podía abrigar alguna duda sobre el interés que podían tener para el gobierno alemán los informes más circunstanciados sobre la organización del pequeño clan, madame Verdurin, con gesto dulce y perspicaz, como persona que sabe que el valor de lo que dice parecerá mayor si ella no engola la voz para decirlo: «Debo decirles que desde el primer día advertí a mi marido: no me gusta la manera como ese hombre se ha introducido en mi casa. Tiene algo de turbio. Teníamos una propiedad al fondo de una bahía, en un punto muy elevado. Seguramente los alemanes le encargaron preparar allí una base para sus submarinos. Había cosas que me extrañaban y que ahora comprendo. Por ejemplo, al principio, no quería ir en el tren con los otros visitantes asiduos. Yo le había ofrecido muy amablemente una habitación en el castillo. Bueno, pues no: prefirió vivir en Doncières, donde hay muchísima tropa. Todo eso olía a espionaje a cien leguas».
Pour la première des accusations dirigées contre le baron de Charlus, celle d′être passé de mode, les gens du monde ne donnaient que trop aisément raison à Mme Verdurin. En fait, ils étaient ingrats, car M. de Charlus était en quelque sorte leur poète, celui qui avait su dégager dans la mondanité ambiante une sorte de poésie où il entrait de l′histoire, de la beauté, du pittoresque, du comique, de la frivole élégance. Mais les gens du monde, incapables de comprendre cette poésie, n′en voyant aucune dans leur vie, la cherchaient ailleurs et mettaient à mille pieds au-dessus de M. de Charlus des hommes qui lui étaient infiniment inférieurs, mais qui prétendaient mépriser le monde et, en revanche, professaient des théories de sociologie et d′économie politique. M. de Charlus s′enchantait à raconter des mots involontairement lyriques, et à décrire les toilettes savamment gracieuses de la duchesse de XÂ…, la traitant de femme sublime, ce qui le faisait considérer comme une espèce d′imbécile par des femmes du monde qui trouvaient la duchesse de XÂ… une sotte sans intérêt, que les robes sont faites pour être portées mais sans qu′on ait l′air d′y faire aucune attention, et qui, elles, plus intelligentes, couraient à la Sorbonne ou à la Chambre, si Deschanel devait parler.
En cuanto a la primera de las acusaciones contra el barón de Charlus, la de estar pasado de moda, la gente del gran mundo le daba la razón de muy buen grado a madame Verdurin. En realidad, eran ingratos, pues monsieur de Charlus era, en cierto modo, su poeta, el que supo sacar de la mundanidad ambiente una especie de poesía en la que entraba la historia, la belleza, lo pintoresco, lo cómico, la frívola elegancia. Pero la gente del gran mundo, incapaz de comprender esta poesía, no veía ninguna en su vida, la buscaba en otro sitio y ponía a mil pies por encima de monsieur de Charlus a unos hombres que le eran infinitamente inferiores, pero que presumían de despreciar al gran mundo y, en cambio, profesaban teorías de sociología y de economía politica. A monsieur de Charlus le encantaba contar chistes involuntariamente típicos y describir las toilettes estudiadamente graciosas de la duquesa de Montmorency, a la que llamaba mujer sublime, por lo cual le consideraban una especie de imbécil algunas mujeres del gran mundo que tenían a la duquesa de Montmorency por una tonta sin interés, que pensaban que los vestidos se hacen para llevarlos, pero sin prestarles, al parecer, ninguna atención, y que ellas, más inteligentes, iban a la Sorbona o a la Cámara de Diputados cuando hablaba Deschanel.
Bref, les gens du monde s′étaient désengoués de M. de Charlus, non pas pour avoir trop pénétré, mais sans avoir pénétré jamais sa rare valeur intellectuelle. On le trouvait «Â avant-guerre », démodé, car ceux-là mêmes qui sont le plus incapables de juger les mérites sont ceux qui pour les classer adoptent le plus l′ordre de la mode ; ils n′ont pas épuisé, pas même effleuré les hommes de mérite qu′il y avait dans une génération, et maintenant il faut les condamner tous en bloc car voici l′étiquette d′une génération nouvelle, qu′on ne comprendra pas davantage. Quant à la deuxième accusation, celle de germanisme, l′esprit juste-milieu des gens du monde la leur faisait repousser, mais elle avait trouvé un interprète inlassable et particulièrement cruel en Morel qui, ayant su garder dans les journaux, et même dans le monde, la place que M. de Charlus avait, en prenant, les deux fois, autant de peine, réussi à lui faire obtenir, mais non pas ensuite à lui faire retirer, poursuivait le baron d′une haine implacable ; c′était non seulement cruel de la part de Morel, mais doublement coupable, car quelles qu′eussent été ses relations exactes avec le baron, il avait connu de lui ce qu′il cachait à tant de gens, sa profonde bonté. M. de Charlus avait été avec le violoniste d′une telle générosité, d′une telle délicatesse, lui avait montré de tels scrupules de ne pas manquer à sa parole, qu′en le quittant l′idée que Charlie avait emportée de lui n′était nullement l′idée d′un homme vicieux (tout au plus considérait-il le vice du baron comme une maladie) mais de l′homme ayant le plus d′idées élevées qu′il eût jamais connu, un homme d′une sensibilité extraordinaire, une manière de saint. Il le niait si peu que, même brouillé avec lui, il disait sincèrement à des parents : «Â Vous pouvez lui confier votre fils, il ne peut avoir sur lui que la meilleure influence. » Aussi quand il cherchait par ses articles à le faire souffrir, dans sa pensée ce qu′il bafouait en lui ce n′était pas le vice, c′était la vertu. Un peu avant la guerre, de petites chroniques, transparentes pour ce qu′on appelait les initiés, avaient commencé à faire le plus grand tort à M. de Charlus. De l′une intitulée : «Â Les mésaventures d′une douairière en us, les vieux jours de la Baronne », Mme Verdurin avait acheté cinquante exemplaires pour pouvoir la prêter à ses connaissances, et M. Verdurin, déclarant que Voltaire même n′écrivait pas mieux, en donnait lecture à haute voix. Depuis la guerre le ton avait changé. L′inversion du baron n′était pas seule dénoncée, mais aussi sa prétendue nationalité germanique : «Â Frau Bosch », «Â Frau von den Bosch » étaient les surnoms habituels de M. de Charlus. Un morceau d′un caractère poétique avait ce titre emprunté à certains airs de danse dans Beethoven : «Â Une Allemande ». Enfin deux nouvelles : «Â Oncle d′Amérique et Tante de Francfort » et «Â Gaillard d′arrière » lues en épreuves dans le petit clan, avaient fait la joie de Brichot lui-même qui s′était écrié : «Â Pourvu que très haute et très puissante Anastasie ne nous caviarde pas ! »
En fin, la gente del gran mundo se había desinflado de monsieur de Charlus, no por haber penetrado demasiado en su raro valor intelectual, sino por no haber penetrado nunca en él. Le encontraban «avant-guerre», pasado de moda, pues los más incapaces de juzgar los méritos son los mismos que más adoptan, para clasificarlos, las órdenes de la moda; no han agotado, ni siquiera rozado, a los hombres de mérito que había en una generación, y ahora tienen que condenarlos en bloque, pues se impone la etiqueta de una generación nueva, a la que tampoco entenderán. En cuanto a la segunda acusación, la de germanismo, el espíritu juste-milieu de las personas del gran mundo hacía que la rechazaran, pero encontró un intérprete infatigable y especialmente cruel en Morel, que, habiendo sabido conservar en los periódicos y hasta en sociedad el lugar que monsieur de Charlus, con tanto esfuerzo en ambos casos, consiguió para él, sin conseguir después que se lo retiraran, perseguía al barón con un odio más culpable aún porque, cualesquiera que fuesen sus relaciones exactas con el barón, Morel llegó a conocer lo que Charlus ocultaba a tanta gente: su profunda bondad. + Había sido tan generoso con el violinista, tan delicado, había tenido con él tales escrúpulos de no faltar a su palabra, que Charlie, al dejarle, se llevó de él no la idea de un hombre vicioso (a lo sumo consideraba el vicio del barón como una enfermedad), sino del hombre con más ideas elevadas que jamás conoció, un hombre de una sensibilidad extraordinaria, una especie de santo. Tan poco lo negaba que, aun enfadado con él, decía sinceramente a unos parientes: «Se le puede confiar a un hijo, pues ejercerá sobre él la mejor influencia». Y cuando, en sus artículos, intentaba hacerle sufrir, de lo que en su pensamiento se burlaba no era del vicio, sino de la virtud del barón. Un poco antes de la guerra, unas croniquillas, transparentes para los que se llamaban iniciados, comenzaron a infligir un gran daño a monsieur de Charlus. De una crónica titulada «Desventuras de una ilustre abuela en us, la vejez de la baronesa», madame Verdurin compró cincuenta ejemplares para poder prestárselos a sus conocidos, y monsieur Verdurin, afirmando que ni el mismo Voltaire escribía mejor, lo leía en voz alta. Desde la guerra cambió el tono. Ya no se denunciaba únicamente la inversión de monsieur de Charlus, sino también su supuesta nacionalidad germánica: «Frau Bosch», «Frau van den Bosch» eran los sobrenombres habituales de monsieur de Charlus. Una croniquilla de carácter poético llevaba un título tomado de ciertos aires de baile en Beethoven: «Una alemana». Por último, dos noticias: «Tío de América y Tía de Francfort» y «Mozo de retaguardia», que se leyeron en pruebas en el pequeño clan, fueron el regocijo del propio Brichot, que exclamó: «¡Con tal de que la muy alta y muy poderosa señora Anastasia no nos censure! »
Les articles eux-mêmes étaient plus fins que ces titres ridicules. Leur style dérivait de Bergotte mais d′une façon à laquelle seul peut-être j′étais sensible, et voici pourquoi. Les écrits de Bergotte n′avaient nullement influé sur Morel. La fécondation s′était faite d′une façon toute particulière et si rare que c′est à cause de cela seulement que je la rapporte ici. J′ai indiqué en son temps la manière si spéciale que Bergotte avait, quand il parlait, de choisir ses mots, de les prononcer. Morel, qui l′avait longtemps rencontré, avait fait de lui alors des «Â imitations », où il contrefaisait parfaitement sa voix, usant des mêmes mots qu′il eût pris. Or maintenant, Morel pour écrire transcrivait des conversations à la Bergotte, mais sans leur faire subir cette transposition qui en eût fait du Bergotte écrit. Peu de personnes ayant causé avec Bergotte, on ne reconnaissait pas le ton, qui différait du style. Cette fécondation orale est si rare que j′ai voulu la citer ici. Elle ne produit, d′ailleurs, que des fleurs stériles.
Â…
Morel qui était au bureau de la presse et dont personne ne connaissait la situation irrégulière affectait de trouver, son sang français bouillant dans ses veines comme le jus des raisins de Combray, que c′était peu de chose que d′être dans un bureau pendant la guerre et feignait de vouloir s′engager (alors qu′il n′avait qu′à rejoindre) pendant que Mme Verdurin faisait tout ce qu′elle pouvait pour lui persuader de rester à Paris. Certes, elle était indignée que M. de Cambremer, à son âge, fût dans un état-major, et de tout homme qui n′allait pas chez elle elle disait : «Â Où est-ce qu′il a encore trouvé le moyen de se cacher celui-là ? », et si on affirmait que celui-là était en première ligne depuis le premier jour, répondait sans scrupule de mentir ou peut-être par habitude de se tromper : «Â Mais pas du tout, il n′a pas bougé de Paris, il fait quelque chose d′à peu près aussi dangereux que de promener un ministre, c′est moi qui vous le dis, je vous en réponds, je le sais par quelqu′un qui l′a vu »Â ; mais pour les fidèles ce n′était pas la même chose, elle ne voulait pas les laisser partir, considérant la guerre comme une grande «Â ennuyeuse » qui les faisait la lâcher ; aussi faisait-elle toutes les démarches pour qu′ils restassent, ce qui lui donnerait le double plaisir de les avoir à dîner et, quand ils n′étaient pas encore arrivés ou déjà partis, de flétrir leur inaction. Encore fallait-il que le fidèle se prêtât à cet embusquage, et elle était désolée de voir Morel feindre de vouloir s′y montrer récalcitrant ; aussi lui disait-elle : «Â Mais si, vous servez dans ce bureau, et plus qu′au front. Ce qu′il faut, c′est d′être utile, faire vraiment partie de la guerre, en être. Il y a ceux qui en sont et les embusqués. Eh bien, vous, vous en êtes, et, soyez tranquille, tout le monde le sait, personne ne vous jette la pierre. » Telle dans des circonstances différentes, quand pourtant les hommes n′étaient pas aussi rares et qu′elle n′était pas obligée comme maintenant d′avoir surtout des femmes, si l′un d′eux perdait sa mère, elle n′hésitait pas à lui persuader qu′il pouvait sans inconvénient continuer à venir à ses réceptions. «Â Le chagrin se porte dans le cœur. Vous voudriez aller au bal (elle n′en donnait pas), je serais la première à vous le déconseiller, mais ici, à mes petits mercredis ou dans une baignoire, personne ne s′en étonnera. On sait bien que vous avez du chagrinÂ…Â » Maintenant les hommes étaient plus rares, les deuils plus fréquents, inutiles même à les empêcher d′aller dans le monde, la guerre suffisait. Elle voulait leur persuader qu′ils étaient plus utiles à la France en restant à Paris, comme elle leur eût assuré autrefois que le défunt eût été plus heureux de les voir se distraire. Malgré tout elle avait peu d′hommes, peut-être regrettait-elle parfois d′avoir consommé avec M. de Charlus une rupture sur laquelle il n′y avait plus à revenir.
A Morel, que estaba en las oficinas de prensa, le parecía, por otra parte -pues la sangre francesa le hervía en las venas como el jugo de uvas de Combray-, que era poca cosa estar en una oficina durante la guerra y acabó por enrolarse, aunque madame Verdurin hizo todo lo posible por convencerle de que se quedara en París. Estaba indignada de que monsieur de Cambremer, a su edad, estuviera en un estado mayor, pues madame Verdurin decía de cualquier hombre que no fuera a su casa: «,Dónde se las ha arreglado también ése para emboscarse?», y si le decían que ése estaba en primera línea desde el primer día, replicaba sin escrúpulo de mentir o quizá por costumbre de equivocarse «Nada de eso, no se ha movido de París; está haciendo algo tan peligroso, más o menos, como pasear a un ministro, se lo digo yo, se lo aseguro, lo sé por una persona que le ha visto»; pero tratándose de los fieles ya no era lo mismo, no quería dejarlos ir al frente, consideraba la guerra como una gran «importuna» que los hacía abandonar el campo, el de ella. Por eso daba todos los pasos imaginables para que se quedasen, lo que le proporcionaría el doble placer de tenerlos a comer y, cuando no habían llegado todavía o ya se habían marchado, criticarlos por su inacción. Pero era necesario que el fiel se prestara a ser un emboscado, y estaba disgustadísima de que Morel se mostrara en esto irreductible, sin que sirviera para nada lo que le dijo durante mucho tiempo: «Le digo que sí, que sirve usted en esa oficina, y más que en el frente. Lo que hace falta es ser útil, formar verdaderamente parte de la guerra, estar en ella. Hay los que están en ella y los emboscados. Usted es de los que están en ella, y no se preocupe, que todo el mundo lo sabe, nadie le va a tirar la piedra». Así, en circunstancias diferentes, aun cuando los hombres no eran tan escasos y madame Verdurin no estaba obligada como ahora a tener sólo mujeres en sus reuniones, si uno de ellos perdía a su madre, no vacilaba en convencerle de que no había ningún inconveniente en que siguiera asistiendo a sus recepciones. «El dolor se lleva en el corazón. Si usted quisiera ir al baile [ella no daba bailes], yo sería la primera en disuadirle, pero aquí, en mis pequeños miércoles o en un palco, a nadie le extrañará. Todo el mundo sabe que usted está apenado...» Ahora los hombres eran más escasos, los lutos más frecuentes, innecesarios, además, para impedir la vida mundana, pues ya lo hacía la guerra. Madame Verdurin se aferraba a los que quedaban. Se empeñaba en convencerlos de que eran más útiles a Francia quedándose en París, de la misma manera que antes les habría asegurado que el difunto estaría más contento viéndoles distraerse. A pesar de todo, tenía pocos hombres; quizá le pesaba a veces haber consumado con monsieur de Charlus una ruptura que ya no tenía arreglo.
Monsieur de Charlus y madame Verdurin ya no se trataban, pero madame Verdurin seguía recibiendo y monsieur de Charlus yendo a sus placeres como si nada hubiera cambiado -con algunas pequeñas diferencias sin gran importancia: por ejemplo, Cottard asistía ahora a las recepciones de madame Verdurin con un uniforme de coronel de L′îledu rêve, bastante parecido al de un almirante haitiano y en el que una ancha cinta azul cielo recordaba la de las «hijas de María»; monsieur de Charlus, ahora en una ciudad donde los hombres ya hechos, que eran los que hasta entonces le gustaban, habían desaparecido, hacía lo que ciertos franceses que, mujeriegos en Francia, vivían en las colonias: primero por necesidad y luego por gusto, se aficionó a los niños.
Encore le premier de ces traits caractéristiques du salon Verdurin s′effaça-t-il assez vite, car Cottard mourut bientôt «Â face à l′ennemi », dirent les journaux, bien qu′il n′eût pas quitté Paris, mais se fût, en effet, surmené pour son âge, suivi bientôt par M. Verdurin, dont la mort chagrina une seule personne qui fut, le croirait-on, Elstir. J′avais pu étudier son œuvre à un point de vue en quelque sorte absolu. Mais lui, surtout au fur et à mesure qu′il vieillissait, la reliait superstitieusement à la société qui lui avait fourni ses modèles et, après s′être ainsi, par l′alchimie des impressions, transformée chez lui en œuvres d′art, lui avait donné son public, ses spectateurs. De plus en plus enclin à croire matériellement qu′une part notable de la beauté réside dans les choses, ainsi que, pour commencer, il avait adoré en Mme Elstir le type de beauté un peu lourde qu′il avait poursuivie, caressé dans des peintures, des tapisseries, il voyait disparaître avec M. Verdurin un des derniers vestiges du cadre social, du cadre périssable — aussi vite caduc que les modes vestimentaires elles-mêmes qui en font partie — qui soutient un art, certifie son authenticité, comme la Révolution en détruisant les élégances du XVIIIe aurait pu désoler un peintre de Fêtes galantes ou affliger Renoir la disparition de Montmartre et du Moulin de la Galette ; mais surtout en M. Verdurin il voyait disparaître les yeux, le cerveau, qui avaient eu de sa peinture la vision la plus juste, où cette peinture, à l′état de souvenir aimé, résidait en quelque sorte. Sans doute des jeunes gens avaient surgi qui aimaient aussi la peinture, mais une autre peinture, et qui n′avaient pas comme Swann, comme M. Verdurin, reçu des leçons de goût de Whistler, des leçons de vérité de Monet, leur permettant de juger Elstir avec justice. Aussi celui-ci se sentait-il plus seul à la mort de M. Verdurin avec lequel il était pourtant brouillé depuis tant d′années, et ce fut pour lui comme un peu de la beauté de son œuvre qui s′éclipsait avec un peu de ce qui existait dans l′univers de conscience de cette beauté.
Y el primero de estos rasgos característicos desapareció bastante pronto, pues Cottard no tardó en morir «frente al enemigo», dijeron los periódicos, aunque no había salido de París, pero murió, en realidad, de exceso de trabajo para su edad, seguido al poco tiempo de monsieur Verdurin, cuya muerte apenó a una sola persona, que fue, quién lo diría, Elstir. Yo había podido estudiar su obra en un aspecto absoluto en cierto modo. Pero, sobre todo a medida que iba envejeciendo, él la relacionaba supersticiosamente con la sociedad que le había proporcionado los modelos y, transformada así en él, por la alquimia de las impresiones, en obra de arte, le dio su público, sus espectadores. Cada vez más inclinado a creer, materialistamente, que una buena parte de la belleza reside en las cosas, Elstir, así como al principio, adoró en su mujer el tipo de belleza un poco llena que había perseguido, acariciado en sus pinturas, en sus tapices, con monsieur Verdurin veía desaparecer uno de los últimos vestigios del cuadro social, del cuadro perecedero -que pasaba tan pronto como las mismas modas vestimentarias que forman parte de él- que sostiene un arte, que certifica su autenticidad, como la Revolución, al destruir las elegancias del siglo XVIII, hubiera podido desolar a un pintor de fiestas galantes o como hubiera podido afligir a Renoir la desaparición de Montmartre o del Moulin de la Galette; pero, sobre todo, en monsieur Verdurin veía desaparecer los ojos, el cerebro que había tenido la visión más justa de su pintura, los ojos, el cerebro donde, en cierto modo, residía, en estado de recuerdo amado, esta pintura. Claro que habían surgido jóvenes aficionados también a la pintura, pero a otra pintura, y que no habían recibido, como Swann, como monsieur Verdurin, lecciones de gusto de Whistler, lecciones de verdad de Monet, que les permitieran juzgar a Elstir con justicia. Por eso Elstir se sentía más solo al morir Verdurin, aunque llevara tantos años enemistado con él, y fue como si se eclipsara un poco de la belleza de su obra con un poco de lo que había de conciencia de esta belleza.
Quant au changement qui avait affecté les plaisirs de M. de Charlus, il resta intermittent. Entretenant une nombreuse correspondance avec «Â le front » il ne manquait pas de permissionnaires assez mûrs.
En cuanto al cambio que había afectado a los placeres de monsieur de Charlus, la verdad es que fue intermitente: como sostenía una copiosa correspondencia con el «frente», no le faltaban militares de permiso bastante maduros.
En somme, d′une manière générale, Mme Verdurin continua à recevoir et M. de Charlus à aller à ses plaisirs comme si rien n′avait changé. Et pourtant depuis deux ans l′immense être humain appelé France et dont, même au point de vue purement matériel, on ne ressent la beauté colossale que si on aperçoit la cohésion des millions d′individus qui comme des cellules aux formes variées le remplissent, comme autant de petits polygones intérieurs, jusqu′au bord extrême de son périmètre, et si on le voit à l′échelle où un infusoire, une cellule, verrait un corps humain, c′est-à-dire grand comme le Mont Blanc, s′était affronté en une gigantesque querelle collective avec cet autre immense conglomérat d′individus qu′est l′Allemagne.
Â…
Au temps où je croyais ce qu′on disait, j′aurais été tenté, en entendant l′Allemagne, puis la Bulgarie, puis la Grèce protester de leurs intentions pacifiques, d′y ajouter foi. Mais depuis que la vie avec Albertine et avec Françoise m′avait habitué à soupçonner chez elles des pensées, des projets qu′elles n′exprimaient pas, je ne laissais aucune parole juste en apparence de Guillaume II, de Ferdinand de Bulgarie, de Constantin de Grèce, tromper mon instinct qui devinait ce que machinait chacun d′eux. Et sans doute mes querelles avec Françoise, avec Albertine, n′avaient été que des querelles particulières, n′intéressant que la vie de cette petite cellule spirituelle qu′est un être. Mais de même qu′il est des corps d′animaux, des corps humains, c′est-à-dire des assemblages de cellules dont chacun par rapport à une seule est grand comme une montagne, de même il existe d′énormes entassements organisés d′individus qu′on appelle nations ; leur vie ne fait que répéter en les amplifiant la vie des cellules composantes ; et qui n′est pas capable de comprendre le mystère, les réactions, les lois de celles-ci, ne prononcera que des mots vides quand il parlera des luttes entre nations. Mais s′il est maître de la psychologie des individus, alors ces masses colossales d′individus conglomérés s′affrontant l′une l′autre prendront à ses yeux une beauté plus puissante que la lutte naissant seulement du conflit de deux caractères ; et il les verra à l′échelle où verraient le corps d′un homme de haute taille des infusoires dont il faudrait plus de dix mille pour remplir un cube d′un millimètre de côté. Telles depuis quelque temps, la grande figure France remplie jusqu′à son périmètre de millions de petits polygones aux formes variées, et la figure remplie d′encore plus de polygones Allemagne, avaient entre elles deux une de ces querelles, comme en ont, dans une certaine mesure, des individus.
En la época en que yo creía lo que se decía, al oír a Alemania, después a Bulgaria, luego a Grecia hacer profesión de sus intenciones pacíficas, me hubiera inclinado a darles crédito. Pero desde que la vida con Albertina y con Francisca me acostumbró a sospechar en ellas pensamientos y proyectos que no expresaban, ninguna palabra, justa en apariencia, de Guillermo II, de Fernando de Bulgaria, de Constantino de Grecia, engañaba a mi instinto, que adivinaba lo que tramaba cada uno de ellos. Claro es que mis querellas con Francisca o con Albertina no fueron sino disputas particulares que sólo interesaban a esa pequeña célula espiritual que es un ser. Pero así como hay cuerpos de animales, cuerpos humanos, es decir, conjuntos de células cada uno de los cuales es, con relación a una sola de éstas, tan grande como el Mont Blanc, así también existen enormes aglomeraciones organizadas de individuos que se llaman naciones; su vida no hace más que repetir, amplificándolas, la vida de las células integrantes; y quien no sea capaz de comprender el misterio, las reacciones, las leyes de la vida, no pronunciará más que palabras vacías cuando hable de las luchas entre naciones. Pero si conoce la psicología de los individuos, entonces esas masas colosales de individuos conglomerados que se enfrentan unos con otros adquirirán a sus ojos una belleza más fuerte que la lucha que nace solamente del conflicto de dos caracteres. Y los verá a la escala en que verían el cuerpo de un hombre de elevada estatura unos infusorios, de los que harían falta más de diez mil para llenar un cubo de un milímetro de lado. De igual manera, la gran figura Francia, llena hasta su perímetro, desde hace algún tiempo, de millones de pequeños polígonos de diversas formas, y la figura Alemania, llena de más polígonos aún, tenían entre ellas esas disputas. Y así, desde este punto de vista, el cuerpo Alemania y el cuerpo Francia, y los cuerpos aliados y enemigos, se comportaban, en cierta medida, como individuos.
Mais les coups qu′elles échangeaient étaient réglés par cette boxe Mont Blanc dont Saint-Loup m′avait exposé les principes ; et parce que même en les considérant du point de vue des individus elles en étaient de géants assemblages, la querelle prenait des formes immenses et magnifiques, comme le soulèvement d′un océan aux millions de vagues qui essaye de rompre une ligne séculaire de falaises, comme des glaciers gigantesques qui tentent dans leurs oscillations lentes et destructrices de briser le cadre de montagne où ils sont circonscrits. Malgré cela, la vie continuait presque semblable pour bien des personnes qui ont figuré dans ce récit, et notamment pour M. de Charlus et pour les Verdurin, comme si les Allemands n′avaient pas été aussi près d′eux, la permanence menaçante bien qu′actuellement enrayée d′un péril nous laissant entièrement indifférents si nous ne nous le représentons pas. Les gens vont d′habitude à leurs plaisirs sans penser jamais que, si les influences étiolantes et modératrices venaient à cesser, la prolifération des infusoires atteindrait son maximum, c′est-à-dire, faisant en quelques jours un bond de plusieurs millions de lieues, passerait d′un millimètre cube à une masse un million de fois plus grande que le soleil, ayant en même temps détruit tout l′oxygène, toutes les substances dont nous vivons, et qu′il n′y aurait plus ni humanité, ni animaux, ni terre, ou, sans songer qu′une irrémédiable et fort vraisemblable catastrophe pourrait être déterminée dans l′éther par l′activité incessante et frénétique que cache l′apparente immutabilité du soleil, ils s′occupent de leurs affaires sans penser à ces deux mondes, l′un trop petit, l′autre trop grand pour qu′ils aperçoivent les menaces cosmiques qu′ils font planer autour de nous. Tels les Verdurin donnaient des dîners (puis bientôt Mme Verdurin seule, après la mort de M. Verdurin) et M. de Charlus allait à ses plaisirs sans guère songer que les Allemands fussent — immobilisés, il est vrai, par une sanglante barrière toujours renouvelée — à une heure d′automobile de Paris. Les Verdurin y pensaient pourtant, dira-t-on, puisqu′ils avaient un salon politique où on discutait chaque soir de la situation, non seulement des armées, mais des flottes. Ils pensaient, en effet, à ces hécatombes de régiments anéantis, de passagers engloutis, mais une opération inverse multiplie à tel point ce qui concerne notre bien être et divise par un chiffre tellement formidable ce qui ne le concerne pas, que la mort de millions d′inconnus nous chatouille à peine et presque moins désagréablement qu′un courant d′air. Mme Verdurin, souffrant pour ses migraines de ne plus avoir de croissant à tremper dans son café au lait, avait obtenu de Cottard une ordonnance qui lui permettait de s′en faire faire dans certain restaurant dont nous avons parlé. Cela avait été presque aussi difficile à obtenir des pouvoirs publics que la nomination d′un général. Elle reprit son premier croissant le matin où les journaux narraient le naufrage du Lusitania. Tout en trempant le croissant dans le café au lait et donnant des pichenettes à son journal pour qu′il pût se tenir grand ouvert sans qu′elle eût besoin de détourner son autre main des trempettes, elle disait : «Â Quelle horreur ! Cela dépasse en horreur les plus affreuses tragédies. » Mais la mort de tous ces noyés ne devait lui apparaître que réduite au milliardième, car tout en faisant, la bouche pleine, ces réflexions désolées, l′air qui surnageait sur sa figure, amené probablement là par la saveur du croissant, si précieux contre la migraine, était plutôt celui d′une douce satisfaction.
Pero los golpes que se daban estaban reglamentados por ese boxeo innumerable cuyos principios me expuso Saint-Loup; y como, aun considerándolos como individuos, eran conjuntos gigantescos, la disputa tomaba formas inmensas y magníficas, como si se levantara un océano de millones de olas tratando de romper una línea secular de costas, como si unos glaciares gigantescos intentaran, en sus oscilaciones lentas y destructoras, romper el marco de montañas en que están circunscritos. A pesar de esto, la vida seguía casi igual para muchas personas que han figurado en este relato y especialmente para monsieur de Charlus y para los Verdurin, como si los alemanes no estuvieran tan cerca de ellos, porque la permanencia amenazadora, aunque ahora detenida, de un peligro nos deja por completo indiferentes cuando no nos lo representamos. Las gentes van generalmente a sus diversiones sin pensar nunca que, si cesaran las influencias debilitantes y moderadoras, la proliferación de los infusorios llegaría al máximo, es decir, daría en unos días un salto de varios millones de leguas, pasaría de un milímetro cúbico a una masa un millón de veces más grande que el sol, destruyendo al mismo tiempo todo el oxígeno, todas las sustancias de que vivimos, y ya no habría ni humanidad, ni animales, ni tierra, o sin pensar que una irremediable y verosímil catástrofe podrá producirse en el éter por la actividad incesante y frenética que oculta la aparente inmutabilidad del sol; se ocupan de sus asuntos sin pensar en esos dos mundos, el uno demasiado pequeño, el otro demasiado grande para que perciban las amenazas cósmicas que se ciernen en torno a nosotros. De esta suerte los Verdurin daban comidas (pronto madame Verdurin sola, pues monsieur Verdurin murió al poco tiempo) y monsieur de Charlus iba a sus placeres, sin pensar que los alemanes estaban a una hora de automóvil de París -verdad es que inmovilizados por una sangrante barrera siempre renovada-. Se dirá que los Verdurin sí pensaban en ello, puesto que tenían un salón político donde se discutía cada noche la situación, no sólo de los ejércitos, sino de las flotas. Pensaban, en efecto, en aquellas hecatombes de regimientos aniquilados, de pasajeros tragados por la tierra; pero una operación inversa multiplica hasta tal punto lo que se refiere a nuestro bienestar y divide por una cifra tan formidable lo que no le concierne, que la muerte de millones de desconocidos nos afecta apenas y casi menos desagradablemente que una corriente de aire. Madame Verdurin, lamentándose por sus jaquecas de no tener croissants que mojar en su café con leche, acabó por conseguir que Cottard le diera una receta para que se los hicieran en cierto restaurante del que hemos hablado. Esto fue casi tan difícil de conseguir de los poderes públicos como el nombramiento de un general. Volvió a tomar su primer croissant la mañana en que los periódicos publicaron el naufragio del Lusitania. Sin dejar de mojar el croissant en el café con leche y de dar papirotazos a su periódico para que se mantuviera abierto sin que ella tuviera necesidad de sujetarlo con la mano de mojar el croissant, decía: «¡Qué horror! Esto es más horrible que las más horribles tragedias». Pero la muerte de todos aquellos ahogados debía de verla ella reducida a un milésimo, pues mientras, con la boca llena, hacía estas desoladas reflexiones, el aire que sobrenadaba en su cara, traído a ella probablemente por el sabor del croissant, tan eficaz contra la jaqueca, era más bien un aire de plácida satisfacción.
Â…
Â…
M. de Charlus allait plus loin que ne pas souhaiter passionnément la victoire de la France ; il souhaitait sans se l′avouer sinon que l′Allemagne triomphât, du moins qu′elle ne fût pas écrasée comme tout le monde le souhaitait. La cause en était que dans ces querelles les grands ensembles d′individus appelés nations se comportent eux-mêmes, dans une certaine mesure, comme des individus. La logique qui les conduit est tout intérieure et perpétuellement refondue par la passion, comme celle de gens affrontés dans une querelle amoureuse ou domestique, comme la querelle d′un fils avec son père, d′une cuisinière avec sa patronne, d′une femme avec son mari. Celle qui a tort croit cependant avoir raison — comme c′était le cas pour l′Allemagne — et celle qui a raison donne parfois de son bon droit des arguments qui ne lui paraissent irréfutables que parce qu′ils répondent à sa passion. Dans ces querelles d′individus, pour être convaincu du bon droit de n′importe laquelle des parties, le plus sûr est d′être cette partie-là, un spectateur ne l′approuvera jamais aussi complètement. Or, dans les nations, l′individu, s′il fait vraiment partie de la nation, n′est qu′une cellule de l′individu : nation. Le bourrage de crâne est un mot vide de sens. Eût-on dit aux Français qu′ils allaient être battus qu′aucun Français ne se fût moins désespéré que si on lui avait dit qu′il allait être tué par les berthas. Le véritable bourrage de crâne on se le fait à soi-même par l′espérance qui est un genre de l′instinct de conservation d′une nation si l′on est vraiment membre vivant de cette nation. Pour rester aveugle sur ce qu′a d′injuste la cause de l′individu Allemagne, pour reconnaître à tout instant ce qu′a de juste la cause de l′individu France, le plus sûr n′était pas pour un Allemand de n′avoir pas de jugement, pour un Français d′en avoir, le plus sûr pour l′un ou pour l′autre c′était d′avoir du patriotisme. M. de Charlus, qui avait de rares qualités morales, qui était accessible à la pitié, généreux, capable d′affection, de dévouement, en revanche, pour des raisons diverses — parmi lesquelles celle d′avoir eu une mère duchesse de Bavière pouvait jouer un rôle — n′avait pas de patriotisme. Il était, par conséquent, du corps France comme du corps Allemagne. Si j′avais été moi-même dénué de patriotisme, au lieu de me sentir une des cellules du corps France, il me semble que ma façon de juger la querelle n′eût pas été la même qu′elle eût pu être autrefois. Dans mon adolescence, où je croyais exactement ce qu′on me disait, j′aurais sans doute, en entendant le gouvernement allemand protester de sa bonne foi, été tenté de ne pas la mettre en doute, mais depuis longtemps je savais que nos pensées ne s′accordent pas toujours avec nos paroles.
En cuanto a monsieur de Charlus, su caso era un poco diferente, pero peor aún, pues iba más allá de no desear apasionadamente la victoria de Francia: más bien deseaba, sin confesárselo a sí mismo, si no que Alemania triunfara, al menos que no fuera aplastada como todo el mundo deseaba. La causa de esto era que, en esas querellas, las grandes aglomeraciones de individuos llamadas naciones se comportan ellas mismas, en cierta medida, como individuos. La lógica que las conduce es absolutamente interior y está perpetuamente refundida por la pasión, como las personas enfrentadas en una disputa amorosa o doméstica, como la riña de un padre con su hijo, de una cocinera con su patrona, de una mujer con su marido. El que no tiene razón cree tenerla -como era el caso de Alemania-, y el que la tiene da a veces argumentos que le parecen irrefutables sólo porque responden a su pasión. En estas disputas de individuos, para estar convencido del derecho de cualquiera de las partes, lo más seguro es ser esa parte, pues un espectador no lo aprobará jamás tan completamente. Ahora bien, en las naciones, el individuo, aunque forme verdaderamente parte de la nación, no es más que una célula del individuo-nación. La propaganda es una palabra vacía de sentido. Si les hubieran dicho a los franceses que iban a ser derrotados, ningún francés sentiría mayor desesperación que si le dijeran que le iban a matar los bertas. La verdadera propaganda nos la hacemos a nosotros mismos con la esperanza, que es una figura del instinto de conservación de una nación, cuando se es verdaderamente un miembro vivo de esa nación. Para seguir ciego sobre lo que tiene de injusto la causa del individuo Alemania, para reconocer en todo momento lo que tiene de justo la causa del individuo Francia, lo más seguro no era para un alemán no tener juicio, para un francés tenerlo: lo más seguro para uno o para otro era tener patriotismo. Monsieur de Charlus, que tenía raras cualidades morales, que era asequible a la compasión, generoso, capaz de afecto, de fidelidad, en cambio, por diversas razones - entre las cuales podía figurar la de haber tenido una madre duquesa de Baviera-, no tenía patriotismo. Pertenecía, por consiguiente, al cuerpo Francia y al cuerpo Alemania. Si yo careciera de patriotismo, en vez de sentirme una célula del cuerpo Francia, creo que mi manera de juzgar la querella no habría sido la misma que hubiera podido ser en otro tiempo. En mi adolescencia, cuando creía exactamente lo que me decían, seguramente, al oír al gobernador alemán proclamar su buena fe, me habría inclinado a no ponerla en duda; pero sabía desde hacía mucho tiempo que nuestros pensamientos no siempre están de acuerdo con nuestras palabras;
 …
no sólo había descubierto un día, desde la ventana de la escalera, un Charlus que no sospechaba, sino que, sobre todo, había visto en Francisca y después, ¡ay!, en Albertina, cómo se formaban juicios y proyectos tan contrarios a sus palabras, que yo, aunque simple espectador, no hubiera dejado que ninguna de las palabras, justas en apariencia del emperador de Alemania, del rey de Bulgaria, engañara a mi instinto, el cual adivinaría, como en cuanto a Albertina, lo que tramaban en secreto.
Mais enfin, je ne peux que supposer ce que j′aurais fait si je n′avais pas été acteur, si je n′avais pas été une partie de l′acteur France, comme dans mes querelles avec Albertine, où mon regard triste et ma gorge oppressée étaient une partie de mon individu passionnément intéressé à ma cause, je ne pouvais arriver au détachement. Celui de M. de Charlus était complet. Or, dès lors qu′il n′était plus qu′un spectateur, tout devait le porter à être germanophile, du moment que, n′étant pas véritablement français, il vivait en France. Il était très fin, les sots sont en tous pays les plus nombreux ; nul doute que, vivant en Allemagne, les sots d′Allemagne défendant avec sottise et passion une cause injuste ne l′eussent irrité ; mais vivant en France, les sots français défendant avec sottise et passion une cause juste ne l′irritaient pas moins. La logique de la passion, fût-elle au service du meilleur droit, n′est jamais irréfutable pour celui qui n′est pas passionné. M. de Charlus relevait avec finesse chaque faux raisonnement des patriotes. La satisfaction que cause à un imbécile son bon droit et la certitude du succès vous laissent particulièrement irrité. M. de Charlus l′était par l′optimisme triomphant de gens qui ne connaissaient pas comme lui l′Allemagne et sa force, qui croyaient chaque mois à un écrasement pour le mois suivant, et au bout d′un an n′étaient pas moins assurés dans un nouveau pronostic, comme s′ils n′en avaient pas porté, avec tout autant d′assurance, d′aussi faux, mais qu′ils avaient oubliés disant, si on le leur rappelait, que «Â ce n′était pas la même chose ». Or, M. de Charlus, qui avait certaines profondeurs dans l′esprit, n′eût peut-être pas compris en Art que le «Â ce n′est pas la même chose » opposé par les détracteurs de Monet à ceux qui leur disent «Â on a dit la même chose pour Delacroix », répondait à la même tournure d′esprit.
Pero, en fin, no puedo más que suponer lo que habría hecho si no fuera actor, si no fuera una parte del actor Francia, como, en mis disputas con Albertina, mi mirada triste o mi garganta oprimida eran una parte de mi individuo apasionadamente interesado por mi causa: no podía llegar a desentenderme. Monsieur de Charlus se desentendía por completo. Y, desde el momento en que no era más que un espectador, todo debía inclinarle a ser germanófilo, puesto que, no siendo verdaderamente francés, vivía en Francia. Era muy inteligente, y, en todos los países los más numerosos son los tontos; no cabe duda de que, viviendo en Alemania, los tontos alemanes, defendiendo tontamente y con pasión una causa injusta, le habrían irritado; pero, viviendo en Francia y defendiendo los franceses tontamente y con pasión una causa justa, no le irritarían menos. La lógica de la pasión, aunque esté al servicio del mejor derecho, no es nunca irrefutable para el que no está apasionado. Monsieur de Charlus denunciaba con inteligencia cada razonamiento falso de los patriotas. La satisfacción que causa a un imbécil su derecho y la certidumbre del éxito nos irritan profundamente. A monsieur de Charlus le irritaba el optimismo triunfante de los que no conocían como él a Alemania y su fuerza, de los que creían cada mes que iba a quedar aplastada al mes siguiente y, pasado un año, estaban igualmente seguros en un nuevo pronóstico, como si no hubieran hecho con la misma seguridad otros no menos falsos, pero los habían olvidado, diciendo, si se lo recordaban, que no era lo mismo.
Enfin M. de Charlus était pitoyable, l′idée d′un vaincu lui faisait mal, il était toujours pour le faible, il ne lisait pas les chroniques judiciaires pour ne pas avoir à souffrir dans sa chair des angoisses du condamné et de l′impossibilité d′assassiner le juge, le bourreau, et la foule ravie de voir que «Â justice est faite ». Il était certain, en tout cas, que la France ne pouvait plus être vaincue, et, en revanche, il savait que les Allemands souffraient de la famine, seraient obligés un jour ou l′autre de se rendre à merci. Cette idée elle aussi lui était rendue plus désagréable par ce fait qu′il vivait en France. Ses souvenirs de l′Allemagne étaient malgré tout lointains, tandis que les Français qui parlaient de l′écrasement de l′Allemagne avec une joie qui lui déplaisait, c′étaient des gens dont les défauts lui étaient connus, la figure antipathique. Dans ces cas-là on plaint plus ceux qu′on ne connaît pas, ceux qu′on imagine, que ceux qui sont tout près de nous dans la vulgarité de la vie quotidienne, à moins alors d′être tout à fait ceux-là, de ne faire qu′une chair avec eux ; le patriotisme fait ce miracle, on est pour son pays comme on est pour soi-même dans une querelle amoureuse. Aussi la guerre était-elle pour M. de Charlus une culture extraordinairement féconde de ces haines qui chez lui naissaient en un instant, avaient une durée très courte mais pendant laquelle il se fût livré à toutes les violences. En lisant les journaux, l′air de triomphe des chroniqueurs présentant chaque jour l′Allemagne à bas : «Â La Bête aux abois, réduite à l′impuissance », alors que le contraire n′était que trop vrai, l′enivrait de rage par leur sottise allègre et féroce. Les journaux étaient en partie rédigés à ce moment-là par des gens connus qui trouvaient là une manière de «Â reprendre du service », par des Brichot, par des Norpois, par des Legrandin. M. de Charlus rêvait de les rencontrer, de les accabler des plus amers sarcasmes. Toujours particulièrement instruit des tares sexuelles, il les connaissait chez quelques-uns qui, pensant qu′elles étaient ignorées chez eux, se complaisaient à les dénoncer chez les souverains des «Â Empires de proie », chez Wagner, etc. Il brûlait de se trouver face à face avec eux, de leur mettre le nez dans leur propre vice devant tout le monde et de laisser ces insulteurs d′un vaincu, déshonorés et pantelants. M. de Charlus enfin avait encore des raisons plus particulières d′être ce germanophile. L′une était qu′homme du monde, il avait beaucoup vécu parmi les gens du monde, parmi les gens honorables, parmi les hommes d′honneur, de ces gens qui ne serreront pas la main à une fripouille, il connaissait leur délicatesse et leur dureté ; il les savait insensibles aux larmes d′un homme qu′ils font chasser d′un cercle ou avec qui ils refusent de se battre, dût leur acte de «Â propreté morale » amener la mort de la mère de la brebis galeuse. Malgré lui, quelque admiration qu′il eût pour l′Angleterre, cette Angleterre impeccable, incapable de mensonge, empêchant le blé et le lait d′entrer en Allemagne, c′était un peu cette nation d′hommes d′honneur, de témoins patentés, d′arbitres en affaires d′honneur ; tandis qu′il savait que des gens tarés, des fripouilles comme certains personnages de Dostoski peuvent être meilleurs, et je n′ai jamais pu comprendre pourquoi il leur identifiait les Allemands, le mensonge et la ruse ne leur suffisant pas pour faire préjuger un bon cœur qu′il ne semble pas que les Allemands aient montré. Enfin, un dernier trait complétera cette germanophilie de M. de Charlus : il la devait, et par une réaction très bizarre, à son «Â charlisme ». Il trouvait les Allemands fort laids, peut-être parce qu′ils étaient un peu trop près de son sang ; il était fou des Marocains, mais surtout des Anglo-Saxons en qui il voyait comme des statues vivantes de Phidias. Or, chez lui, le plaisir n′allait pas sans une certaine idée cruelle dont je ne savais pas encore à ce moment-là toute la force ; l′homme qu′il aimait lui apparaissait comme un délicieux bourreau. Il eût cru, en prenant parti contre les Allemands, agir comme il n′agissait que dans les heures de volupté, c′est-à-dire en sens contraire de sa nature pitoyable, c′est-à-dire enflammée pour le mal séduisant et écrasant la vertueuse laideur. Il en fut encore ainsi au moment du meurtre de Raspoutine, meurtre auquel on fut surpris, d′ailleurs, de trouver un si fort cachet de couleur russe, dans un souper à la Dostoski (impression qui eût été encore bien plus forte si le public n′avait pas ignoré de tout cela ce que savait parfaitement M. de Charlus), parce que la vie nous déçoit tellement que nous finissons par croire que la littérature n′a aucun rapport avec elle et que nous sommes stupéfaits de voir que les précieuses idées que les livres nous ont montrées s′étalent, sans peur de s′abîmer, gratuitement, naturellement, en pleine vie quotidienne et, par exemple, qu′un souper, un meurtre, événement russe, ont quelque chose de russe.
En fin, como monsieur de Charlus era compasivo, la idea de un vencido le hacía daño, estaba siempre a favor del débil, no leía las crónicas judiciales por no tener que sufrir en su carne las angustias del condenado y por la imposibilidad de asesinar al juez, al verdugo y a la multitud encantada de ver que «la justicia se había cumplido». En todo caso, estaba seguro de que Francia no podía ya ser vencida, y en cambio sabía que los alemanes pasaban hambre, que, un día u otro, tendrían que rendirse sin condiciones. También esta idea le resultaba más desagradable por el hecho de vivir en Francia. Después de todo, sus recuerdos de Alemania eran lejanos, mientras que los franceses que hablaban del aplastamiento de Alemania con una alegría que le desagradaba eran personas cuyos defectos conocía, de cara antipática. En estos casos compadecemos más a los que no conocemos, a los que imaginamos, que a los que están muy cerca de nosotros en la vulgaridad de la vida cotidiana, a menos que seamos completamente ellos, a menos que formemos una sola carne con ellos; el patriotismo hace ese milagro, estamos por nuestro país como estamos por nosotros mismos en una querella amorosa. Por eso la guerra era para monsieur de Charlus un cultivo extraordinariamente fecundo de sus odios, que en él nacían en un instante y duraban muy poco tiempo, pero en este poco tiempo sería capaz de entregarse a todas las violencias. Al leer los periódicos, el tono triunfal de los cronistas que presentaban cada día a Alemania en el suelo, «la bestia en la agonía, reducida a la impotencia», cuando era demasiado cierto lo contrario, le enfurecía por su estupidez alegre y feroz. En aquel momento los diarios los hacían en parte personas conocidas que encontraban en esto una manera de «incorporarse al servicio»: los Brichot, los Norpois, el mismo Morel y Legrandin. Y monsieur de Charlus estaba deseando encontrárselos, abrumarlos con sus amargos sarcasmos. Siempre muy enterado de las taras sexuales, las conocía en algunos que, pensando que eran ignoradas en ellos, se complacían en denunciarlas en los soberanos de los «Imperios de presa», en Wagner, etc. Estaba deseando encontrarse frente a frente con ellos, refregarles la nariz en su propio vicio delante de todo el mundo y dejar deshonrados y jadeantes a aquellos que se ensañaban con un vencido. Monsieur de Charlus tenía, demás, otras razones especiales para ser germanófilo. Una de ellas era que, hombre del gran mundo, había vivido mucho entre la gente del gran mundo, entre la gente honorable, entre los hombres de honor, gente que nunca estrechará la mano a un sinvergüenza: conocía su delicadeza y su dureza, los sabía insensibles a las lágrimas de un hombre al que hacen expulsar de un círculo o con el que se niegan a batirse, aunque su acto de «limpieza moral» causara la muerte de la madre del apestado. A pesar suyo, por mucha admiración que tuviera por Inglaterra, por la admirable manera como entró en la guerra, aquella Inglaterra impecable, incapaz de mentira, impidiendo que entraran en Alemania el trigo y la leche, era un poco esta nación de hombre de honor, de testigo patentado, de árbitro en asuntos de honor; mientras que sabía que personas taradas, canallas como algunos personajes de Dostoyevski, pueden ser mejores, y nunca he comprendido por qué identificaba con ellos a los alemanes, pues la mentira y la trampa no bastan para suponer un buen corazón, un buen corazón que los alemanes no parecen haber demostrado. Un último rasgo completará la germanofilia de monsieur de Charlus: se debía, y por una reacción muy curiosa, a su «charlismo». Los alemanes le parecían muy feos, quizá porque eran un poco demasiado de su sangre; le entusiasmaban los marroquíes, pero, sobre todo, los anglosajones, en quienes veía como estatuas vivas de Fidias. Ahora bien, en él el placer no era completo sin cierta idea cruel, cuya fuerza yo no conocía entonces en toda su intensidad; al hombre que él amaba lo veía como a un delicioso verdugo. Al tomar partido contra los alemanes le hubiera parecido que obraba como en las horas de voluptuosidad, es decir, en sentido contrario a su naturaleza compasiva, o sea, inflamado por el mal seductor y aplastando la fealdad virtuosa. Así ocurrió también cuando mataron a Rasputin, muerte que, por otra parte, sorprendió por el fuerte sello de color ruso, en una cena a lo Dostoyevski (impresión que habría sido todavía más fuerte si el público no hubiera ignorado de todo aquello lo que monsieur de Charlus sabía perfectamente), porque la vida nos decepciona de tal modo que acabamos por creer que la literatura no tiene ninguna relación con ella y nos asombra ver que las preciosas ideas que hemos visto en los libros se manifiestan, sin miedo de estropearse, gratuitamente, naturalmente, en plena vida cotidiana, y, por ejemplo, que una cena, un asesinato, acontecimientos rusos, tienen algo de ruso.
La guerre se prolongeait indéfiniment et ceux qui avaient annoncé de source sûre, il y avait déjà plusieurs années, que les pourparlers de paix étaient commencés, spécifiant les clauses du traité, ne prenaient pas la peine, quand ils causaient avec vous, de s′excuser de leurs fausses nouvelles. Ils les avaient oubliées et étaient prêts à en propager sincèrement d′autres, qu′ils oublieraient aussi vite. C′était l′époque où il y avait continuellement des raids de gothas ; l′air grésillait perpétuellement d′une vibration vigilante et sonore d′aéroplanes français. Mais parfois retentissait la sirène comme un appel déchirant de Walkyrie — seule musique allemande qu′on eût entendue depuis la guerre — jusqu′à l′heure où les pompiers annonçaient que l′alerte était finie tandis qu′à côté d′eux la berloque, comme un invisible gamin, commentait à intervalles réguliers la bonne nouvelle et jetait en l′air son cri de joie.
La guerra se prolongaba indefinidamente y los que habían anunciado de buena fuente, hacía ya unos años, que habían comenzado las negociaciones de paz, especificando las cláusulas del tratado, no se tomaban el trabajo, cuando hablaban con nosotros, de disculparse por sus falsas noticias. Las habían olvidado y estaban dispuestos a propagar sinceramente otras que olvidarían con la misma rapidez. Era la época en que había continuamente incursiones de los gothas; el aire chisporroteaba continuamente en una vibración vigilante y sonora de aeroplanos franceses. Pero a veces resonaba la sirena como una desgarradora llamada de Walkure -única música alemana que se oyera desde la guerra- hasta que los bomberos anunciaban que había terminado la alarma, mientras, a su lado, la fajina, como un chicuelo invisible, comentaba a intervalos regulares la buena nueva y lanzaba al aire su grito de júbilo.
M. de Charlus était étonné de voir que même des gens comme Brichot qui avant la guerre avaient été militaristes, reprochant surtout à la France de ne pas l′être assez, ne se contentaient pas de reprocher les excès de son militarisme à l′Allemagne, mais même son admiration de l′armée. Sans doute ils changeaient d′avis dès qu′il s′agissait de ralentir la guerre contre l′Allemagne et dénonçaient avec raison les pacifistes. Mais, par exemple, Brichot, ayant accepté, malgré ses yeux, de rendre compte dans des conférences de certains ouvrages parus chez les neutres, exaltait le roman d′un Suisse où sont raillés comme semence de militarisme deux enfants tombant d′une admiration symbolique à la vue d′un dragon. Cette raillerie avait de quoi déplaire pour d′autres raisons à M. de Charlus, lequel estimait qu′un dragon peut être quelque chose de fort beau. Mais surtout il ne comprenait pas l′admiration de Brichot, sinon pour le livre, que le baron n′avait pas lu, du moins pour son esprit, si différent de celui qui animait Brichot avant la guerre. Alors tout ce que faisait un militaire était bien, fût-ce les irrégularités du général de Boisdeffre, les travestissements et machinations du colonel du Paty de Clam, le faux du colonel Henry. Par quelle volte-face extraordinaire (et qui n′était en réalité qu′une autre face de la même passion fort noble, la passion patriotique, obligée, de militariste qu′elle était quand elle luttait contre le dreyfusisme, lequel était de tendances antimilitaristes, à se faire presque antimilitariste puisque c′était maintenant contre la Germanie sur-militariste qu′elle luttait) Brichot s′écriait-il : «Â Oh ! le spectacle bien mirifique et digne d′attirer la jeunesse d′un siècle tout de brutalité, ne connaissant que le culte de la force : un dragon ! On peut juger de ce que sera la vile soldatesque d′une génération élevée dans le culte de ces manifestations de force brutale ! »
Monsieur de Charlus estaba asombrado de ver que incluso personas como Brichot, que antes de la guerra eran militaristas y reprochaban sobre todo a Francia no serlo bastante, no se contentaban con reprochar a Alemania los excesos de su militarismo, sino hasta su admiración por el ejército. Cierto es que cambiaban de opinión desde el momento en que se trataba de amortiguar la guerra contra Alemania y denunciaban con razón a los pacifistas. Pero, por ejemplo, Brichot, que, a pesar de su afección de la vista, aceptó dar cuenta en conferencias de ciertas obras aparecidas en los países neutrales, hizo un gran elogio de la novela de un suizo en la que se hace burla, como simiente de militarismo, de dos niños que caen en una admiración simbólica ante un dragón. Esta burla tenía que desagradar, por otras razones, a monsieur de Charlus, quien pensaba que un dragón puede ser algo muy bello. Pero, sobre todo, no comprendía la admiración de Brichot, si no por el libro que el barón no había leído, al menos por su espíritu tan diferente del que animaba a Brichot antes de la guerra. Entonces, todo lo que hacía un militar estaba bien para él, así fuese las irregularidades del general De Boisdeffre, las tergiversaciones y maquinaciones del coronel Du Paty de Clam, las falsificaciones del coronel Henry. Por alguna mutación extraordinaria (y que no era en realidad sino otra cara de la misma pasión muy noble, la pasión patriótica, obligada, de militarista que era cuando luchaba contra el dreyfusismo, cuya tendencia era antimilitarista, a hacerse casi antimilitarista porque ahora luchaba contra la Germania supramilitarista), Bichot exclamaba: «¡Oh, qué espectáculo tan mirífico y digno de atraer a la juventud de un siglo todo brutalidad, que no conoce más que el culto a la fuerza: un dragón! ¿Se puede imaginar lo que será la vil soldadesca de una generación formada en el culto a esas manifestaciones de fuerza brutal?»
Â…
Por eso Spitteler, queriendo oponerlo a este odioso concepto del sable por encima de todo, ha desterrado simbólicamente a lo profundo de los bosques, ridiculizado, calumniado, solitario, al personaje soñador llamado por él el Estudiante Loco, en quien el autor encarna deliciosamente la dulzura, desgraciadamente pasada de moda, pronto olvidada se podrá decir, si no se acaba con el atroz reinado de su viejo dios, la dulzura adorable de las épocas de paz.
«Â Voyons, me dit M. de Charlus, vous connaissez Brichot et Cambremer. Chaque fois que je les vois ils me parlent de l′extraordinaire manque de psychologie de l′Allemagne. Entre nous, croyez-vous que jusqu′ici ils avaient eu grand souci de la psychologie, et que même maintenant ils soient capables d′en faire preuve ? Mais croyez bien que je n′exagère pas. Qu′il s′agisse du plus grand Allemand, de Nietzsche, de Gœthe, vous entendrez Brichot dire : «Â Avec l′habituel manque de psychologie qui caractérise la race teutonne ». Il y a évidemment dans la guerre des choses qui me font plus de peine. Mais avouez que c′est énervant. Norpois est plus fin, je le reconnais, bien qu′il n′ait pas cessé de se tromper depuis le commencement. Mais qu′est-ce que ça veut dire que ces articles qui excitent l′enthousiasme universel ? Mon cher Monsieur, vous savez aussi bien que moi ce que vaut Brichot, que j′aime beaucoup, même depuis le schisme qui m′a séparé de sa petite église, à cause de quoi je le vois beaucoup moins. Mais enfin j′ai une certaine considération pour ce régent de collège, beau parleur et fort instruit, et j′avoue que c′est fort touchant qu′à son âge, et diminué comme il est, car il l′est très sensiblement depuis quelques années, il se soit remis, comme il dit, à servir. Mais enfin la bonne intention est une chose, le talent en est une autre, et Brichot n′a jamais eu de talent. J′avoue que je partage son admiration pour certaines grandeurs de la guerre actuelle. Tout au plus est-il étrange qu′un partisan aveugle de l′Antiquité comme Brichot, qui n′avait pas assez de sarcasmes pour Zola trouvant plus de poésie dans un ménage d′ouvriers, dans la mine, que dans les palais historiques, ou pour Goncourt mettant Diderot au-dessus d′Homère et Watteau au-dessus de Raphaël, ne cesse de nous répéter que les Thermopyles, qu′Austerlitz même, ce n′était rien à côté de Vauquois. Cette fois, du reste, le public, qui avait résisté aux modernistes de la littérature et de l′art, suit ceux de la guerre, parce que c′est une mode adoptée de penser ainsi et puis que les petits esprits sont écrasés non par la beauté, mais par l′énormité de l′action. On n′écrit plus Kolossal qu′avec un K, mais, au fond, ce devant quoi on s′agenouille c′est bien du colossal.
«Vamos -me dijo monsieur de Charlus-, usted conoce a Cottard y a Cambremer. Cada vez que los veo me hablan de la extraordinaria falta de psicología de Alemania. Entre nosotros, ¿cree usted que han tenido hasta ahora gran preocupación por la psicología, y que ni siquiera ahora la tengan? Le aseguro que no exagero. Así se trate del alemán más grande, de Nietzsche, de Goethe, oirá a Cottard hablar de la habitual falta de psicología que caracteriza a la raza teutona. Claro que hay en la guerra cosas que me dan más penas, pero confiese usted que es enervante. Norpois es más sagaz, lo reconozco, aunque desde el principio no ha hecho más que equivocarse. Pero ¿qué quieren decir esos artículos que provocan el entusiasmo universal? Querido señor mío, usted sabe tan bien como yo lo que vale Brichot, al que quiero mucho, incluso después del cisma que me separó de su pequeña iglesia y por el cual le veo mucho menos. Pero, en fin, tengo cierta consideración por ese regente de colegio, buen orador y muy culto, y reconozco que es muy meritorio que, a su edad y capitidisminuido como está, pues lo está muy sensiblemente desde hace años, haya vuelto, como él dice, “al servicio”. Pero una cosa es la buena intención y otra el talento, y Brichot no lo ha tenido nunca. Confieso que comparto su admiración por ciertas grandezas de la guerra actual. En todo caso, es extraño que un partidario ciego de la antigüedad como Brichot, que no encontraba bastantes sarcasmos para Zola porque veía más poesía en un matrimonio de obreros, en la mina, que en los palacios históricos, o para Goncourt, que pone a Diderot por encima de Homero y a Watteau por encima de Rafael, no cese de repetirnos que las Termópilas, que Austerlitz mismo, no son nada al lado de Vauquois. Por lo demás, esta vez el público, que se resistió a los modernistas de la literatura y del arte, sigue a los de la guerra, porque es moda pensar así y, además, a los pequeños espíritus les pasma no la belleza, sino la enormidad de la acción. Sólo se escribe ya kolossal con una sola k, pero en el fondo eso ante lo cual se arrodilla la gente es colosal.
Â…
A propósito de Brichot, ¿ha visto usted a Morel? Me dicen que desea volver a verme. No tiene más que dar los primeros pasos, yo soy el más viejo, no me toca a mí comenzar.» Por desgracia, anticipémonos a decirlo, monsieur de Charlus se encontró al día siguiente en la calle frente a frente con Morel, el cual, para darle celos, le cogió por el brazo, le contó historias más o menos ciertas, y cuando monsieur de Charlus, trastornado, sintió la necesidad de que Morel se quedara aquella noche con él, de que no fuera a otro sitio, Morel vio a un compañero y dijo adiós a monsieur de Charlus, el cual, con la esperanza de que esta amenaza, que desde luego no iba a cumplir jamás, obligara a Morel a quedarse, le dijo: «Ten cuidado, me vengaré», y Morel, riéndose, le dejó plantado palmoteando en el cuello y cogiendo por la cintura a su asombrado compañero.
Las palabras que me decía monsieur de Charlus sobre Morel demostraban sin duda hasta qué punto el amor -y muy persistente tenía que ser el del barón- hace al enamorado más crédulo y menos orgulloso (al mismo tiempo que más imaginativo y más susceptible). Pero cuando monsieur de Charlus añadía: «Es un muchacho que se vuelve loco por las mujeres y no piensa más que en eso», decía más verdad de lo que él creía. Lo decía por amor propio, por amor, por que los demás pudieran creer que a las relaciones de Morel con él no habían seguido otras del mismo género. Claro que yo no le creía, pues había visto a Morel dar por cincuenta francos una de sus noches al príncipe de Guermantes, cosa que monsieur de Charlus ignoró siempre. Y si Morel, al ver pasar a monsieur de Charlus, sentado él en una terraza de café con sus compañeros, lanzaba con ellos unos grititos especiales, señalaba al barón con el dedo y producía esos cloqueos con los que la gente se burla de un viejo invertido (excepto los días en que, por necesidad de confesión, procuraba tropezarse con él para tener ocasión de decirle tristemente: «¡Oh, perdón!, reconozco que he obrado con usted de una manera indecente»), yo estaba convencido de que lo hacía por esconder su juego; de que cada uno de sus denunciadores públicos, solo frente a él, hubiera hecho todo lo que él le pidiera. Me engañaba. Si un impulso singular condujo a la inversión a hombres como Saint-Loup, que tan lejos estaban de ella -y esto en todas las clases-, un impulso en sentido inverso apartó a otros de estas prácticas en las que eran muy habituales. En algunos el cambio se operó por tardíos escrúpulos religiosos, por la emoción sentida cuando se produjeron ciertos escándalos, o por el temor de enfermedades inexistentes en las que les habían hecho creer, con toda sinceridad, unos parientes que solían ser porteros o criados, sin sinceridad unos amantes celosos que creyeran conservar así para ellos solos a un joven al que, por el contrario, hicieron separarse de ellos mismos igual que de los demás. Así, por ejemplo, el antiguo liftier de Balbec no hubiera aceptado por ningún precio unas proposiciones que ahora le parecían tan graves como las del enemigo. En cuanto a Morel, si rechazaba a todo el mundo, sin excepción -en lo que monsieur de Charlus había dicho sin saberlo una verdad que justificaba a la vez sus ilusiones y destruía sus esperanzas-, era porque, dos años después de dejar a monsieur de Charlus, se enamoró de una mujer con la que vivía y que, con más voluntad que él, supo imponerle una fidelidad absoluta. Y Morel, que en los tiempos en que monsieur de Charlus le daba tanto dinero había dado por cincuenta francos una noche al príncipe de Guermantes, no habría aceptado ahora de éste ni de ningún otro ningún dinero, así le ofrecieran cincuenta mil francos. A falta de honor y de desinterés, «su mujer» le inculcó cierto respeto humano, que llegaba hasta la bravata y la ostentación de que todo el dinero del mundo le importaba un comino cuando se lo ofrecían con ciertas condiciones. Es decir, que el juego de las diferentes leyes psicológicas se las arregla para compensar en la floración de la especie humana todo lo que, en uno o en otro sentido, por la plétora o por la rarefacción, determinaría su aniquilamiento. Así ocurre con las flores, donde una misma sabiduría, descubierta por Darwin, regula los modos de fecundación oponiéndolos sucesivamente unos a otros.
«Â C′est, du reste, une étrange chose, ajouta M. de Charlus de la petite voix pointue qu′il prenait par moments. J′entends des gens qui ont l′air très heureux toute la journée, qui prennent d′excellents cocktails, déclarer qu′ils ne pourront aller jusqu′au bout de la guerre, que leur cœur n′aura pas la force, qu′ils ne peuvent pas penser à autre chose, qu′ils mourront tout d′un coup, et le plus extraordinaire, c′est que cela arrive en effet. Comme c′est curieux ! Est-ce une question d′alimentation, parce qu′ils n′ingéreront plus que des choses mal préparées, ou parce que pour prouver leur zèle ils s′attellent à des besognes vaines mais qui détruisent le régime qui les conservait ? Mais enfin j′enregistre un nombre étonnant de ces étranges morts prématurées, prématurées au moins au gré du défunt. Je ne sais plus ce que je vous disais, que Brichot et Norpois admiraient cette guerre, mais quelle singulière manière d′en parler ! D′abord avez-vous remarqué ce pullulement d′expressions nouvelles qu′emploie Norpois qui, quand elles ont fini par s′user à force d′être employées tous les jours — car vraiment il est infatigable, et je crois que c′est la mort de ma tante Villeparisis qui lui a donné une seconde jeunesse, — sont immédiatement remplacées par d′autres lieux communs ? Autrefois je me rappelle que vous vous amusiez à noter ces modes de langage qui apparaissaient, se maintenaient, puis disparaissaient : celui qui sème le vent récolte la tempête ; les chiens aboient, la caravane passe ; faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances, disait le baron Louis ; il y a des symptômes qu′il serait exagéré de prendre au tragique mais qu′il convient de prendre au sérieux ; travailler pour le roi de Prusse (celle-là a d′ailleurs ressuscité, ce qui était infaillible). Hé bien, depuis, hélas, que j′en ai vu mourir ! Nous avons eu : le chiffon de papier, les empires de proie, la fameuse kultur qui consiste à assassiner des femmes et des enfants sans défense, la victoire appartient, comme disent les Japonais, à celui qui sait souffrir un quart d′heure de plus que l′autre, les Germano-Touraniens, la barbarie scientifique — si nous voulons gagner la guerre, selon la forte expression de M. Lloyd George — enfin ça ne se compte plus, et le mordant des troupes, et le cran des troupes. Même la syntaxe de l′excellent Norpois subit du fait de la guerre une altération aussi profonde que la fabrication du pain ou la rapidité des transports. Avez-vous remarqué que l′excellent homme, tenant à proclamer ses désirs comme une vérité sur le point d′être réalisée, n′ose pas tout de même employer le futur pur et simple, qui risquerait d′être contredit par les événements, mais a adopté comme signe de ce temps le verbe savoir ? » J′avouai à M. de Charlus que je ne comprenais pas bien ce qu′il voulait dire. Il me faut noter ici que le duc de Guermantes ne partageait nullement le pessimisme de son frère. Il était, de plus, aussi anglophile que M. de Charlus était anglophobe. Enfin il tenait M. Caillaux pour un traître qui méritait mille fois d′être fusillé. Quand son frère lui demandait des preuves de cette trahison, M. de Guermantes répondait que s′il ne fallait condamner que les gens qui signent un papier où ils déclarent «Â j′ai trahi » on ne punirait jamais le crime de trahison. Mais pour le cas où je n′aurais pas l′occasion d′y revenir, je noterai aussi que, deux ans plus tard, le duc de Guermantes, animé du plus pur anticaillautisme, rencontra un attaché militaire anglais et sa femme, couple remarquablement lettré avec lequel il se lia, comme au temps de l′affaire Dreyfus avec les trois dames charmantes ; que dès le premier jour il eut la stupéfaction, parlant de Caillaux dont il estimait la condamnation certaine et le crime patent, d′entendre le couple charmant et lettré dire : «Â Mais il sera probablement acquitté, il n′y a absolument rien contre lui. » M. de Guermantes essaya d′alléguer que M. de Norpois, dans sa déposition, avait dit en regardant Caillaux atterré : «Â Monsieur Caillaux, vous êtes le Giolitti de la France. » Mais le couple charmant avait souri, tourné M. de Norpois en ridicule, cité des preuves de son gâtisme et conclu qu′il avait dit cela devant M. Caillaux atterré, disait le Figaro, mais probablement, en réalité, devant M. Caillaux narquois. Les opinions du duc de Guermantes n′avaient pas tardé à changer. Attribuer ce changement à l′influence d′une Anglaise n′est pas aussi extraordinaire que cela eût pu paraître si on l′eût prophétisé même en 1919, où les Anglais n′appelaient les Allemands que les Huns et réclamaient une féroce condamnation contre les coupables. Leur opinion à eux aussi devait changer et toute décision être approuvée par eux qui pouvait contrister la France et venir en aide à l′Allemagne. Pour revenir à M. de Charlus : «Â Mais si, répondit-il à l′aveu que je ne le comprenais pas : «Â savoir », dans les articles de Norpois, est le signe du futur, c′est-à-dire le signe des désirs de Norpois et des désirs de nous tous d′ailleurs, ajouta-t-il, peut-être sans une complète sincérité, vous comprenez bien que si «Â savoir » n′était pas devenu le simple signe du futur, on comprendrait à la rigueur que le sujet de ce verbe pût être un pays, par exemple chaque fois que Norpois dit : «Â L′Amérique ne saurait rester indifférente à ces violations répétées du droit », «Â La monarchie bicéphale ne saurait manquer de venir à résipiscence ». Il est clair que de telles phrases expriment les désirs de Norpois (comme les miens, comme les vôtres), mais enfin, là le verbe peut encore garder malgré tout son sens ancien, car un pays peut «Â savoir », l′Amérique peut «Â savoir », la monarchie «Â bicéphale » elle-même peut «Â savoir » (malgré l′éternel manque de psychologie), mais le doute n′est plus possible quand Norpois écrit : «Â Ces dévastations systématiques ne sauraient persuader aux neutres », «Â La région des lacs ne saurait manquer de tomber à bref délai aux mains des alliés », «Â Les résultats de ces élections neutralistes ne sauraient refléter l′opinion de la grande majorité du pays. » Or il est certain que ces dévastations, ces régions et ces résultats de votes sont des choses inanimées qui ne peuvent pas «Â savoir ». Par cette formule Norpois adresse simplement aux neutres l′injonction (à laquelle j′ai le regret de constater qu′ils ne semblent pas obéir) de sortir de la neutralité ou aux régions des lacs de ne plus appartenir aux «Â Boches » (M. de Charlus mettait à prononcer le mot «Â boche » le même genre de hardiesse que jadis dans le train de Balbec à parler des hommes dont le goût n′est pas pour les femmes). D′ailleurs, avez-vous remarqué avec quelles ruses Norpois a toujours commencé, dès 1914, ses articles aux neutres ? Il commence par déclarer que, certes, la France n′a pas à s′immiscer dans la politique de l′Italie ou de la Roumanie ou de la Bulgarie, etc. C′est à ces puissances seules qu′il convient de décider en toute indépendance et en ne consultant que l′intérêt national si elles doivent ou non sortir de la neutralité. Mais si ces premières déclarations de l′article (ce qu′on eût appelé autrefois l′exorde) sont si remarquables et désintéressées, le morceau suivant l′est généralement beaucoup moins. Toutefois, en continuant, dit en substance Norpois, «Â il est bien clair que seules tireront un bénéfice matériel de la lutte les nations qui se seront rangées du côté du Droit et de la Justice. On ne peut attendre que les alliés récompensent, en leur octroyant leurs territoires d′où s′élève depuis des siècles la plainte de leurs frères opprimés, les peuples qui, suivant la politique de moindre effort, n′auront pas mis leur épée au service des alliés ». Ce premier pas fait vers un conseil d′intervention, rien n′arrête plus Norpois, ce n′est plus seulement le principe mais l′époque de l′intervention sur lesquels il donne des conseils de moins en moins déguisés. «Â Certes, dit-il en faisant ce qu′il appellerait lui-même le bon apôtre, c′est à l′Italie, à la Roumanie seules de décider de l′heure opportune et de la forme sous laquelle il leur conviendra d′intervenir. Elles ne peuvent pourtant ignorer qu′à trop tergiverser elles risquent de laisser passer l′heure. Déjà les sabots des cavaliers russes font frémir la Germanie traquée d′une indicible épouvante. Il est bien évident que les peuples qui n′auront fait que voler au secours de la victoire, dont on voit déjà l′aube resplendissante, n′auront nullement droit à cette même récompense qu′ils peuvent encore en se hâtant, etc. » C′est comme au théâtre quand on dit : «Â Les dernières places qui restent ne tarderont pas à être enlevées. Avis aux retardataires. » Raisonnement d′autant plus stupide que Norpois le refait tous les six mois, et dit périodiquement à la Roumanie : «Â L′heure est venue pour la Roumanie de savoir si elle veut ou non réaliser ses aspirations nationales. Qu′elle attende encore, il risque d′être trop tard. » Or, depuis deux ans qu′il le dit, non seulement le «Â trop tard » n′est pas encore venu, mais on ne cesse de grossir les offres qu′on fait à la Roumanie. De même il invite la France, etc., à intervenir en Grèce en tant que puissance protectrice parce que le traité qui liait la Grèce à la Serbie n′a pas été tenu. Or, de bonne foi, si la France n′était pas en guerre et ne souhaitait pas le concours ou la neutralité bienveillante de la Grèce, aurait-elle l′idée d′intervenir en tant que puissance protectrice, et le sentiment moral qui la pousse à se révolter parce que la Grèce n′a pas tenu ses engagements avec la Serbie ne se tait-il pas aussi dès qu′il s′agit de violation tout aussi flagrante de la Roumanie et de l′Italie qui, avec raison, je le crois, comme la Grèce aussi, n′ont pas rempli leurs devoirs, moins impératifs et étendus qu′on ne dit, d′alliés de l′Allemagne. La vérité c′est que les gens voient tout par leur journal, et comment pourraient-ils faire autrement puisqu′ils ne connaissent pas personnellement les gens ni les événements dont il s′agit ? Au temps de l′affaire qui passionnait si bizarrement à une époque dont il est convenu de dire que nous sommes séparés par des siècles, car les philosophes de la guerre ont accrédité que tout lien est rompu avec le passé, j′étais choqué de voir des gens de ma famille accorder toute leur estime à des anticléricaux, anciens communards que leur journal leur avait présentés comme antidreyfusards, et honnir un général bien né et catholique mais révisionniste. Je ne le suis pas moins de voir tous les Français exécrer l′Empereur François-Joseph qu′ils vénéraient, avec raison, je peux vous le dire, moi qui l′ai beaucoup connu et qu′il veut bien traiter en cousin. Ah ! je ne lui ai pas écrit depuis la guerre, ajouta-t-il comme avouant hardiment une faute qu′il savait très bien qu′on ne pouvait blâmer. Si, la première année, et une seule fois. Mais qu′est-ce que vous voulez, cela ne change rien à mon respect pour lui, mais j′ai ici beaucoup de jeunes parents qui se battent dans nos lignes et qui trouveraient, je le sais, fort mauvais que j′entretienne une correspondance suivie avec le chef d′une nation en guerre avec nous. Que voulez-vous ? me critique qui voudra, ajouta-t-il, comme s′exposant hardiment à mes reproches, je n′ai pas voulu qu′une lettre signée Charlus arrivât en ce moment à Vienne. La plus grande critique que j′adresserais au vieux souverain, c′est qu′un seigneur de son rang, chef d′une des maisons les plus anciennes et les plus illustres d′Europe, se soit laissé mener par ce petit hobereau, fort intelligent d′ailleurs, mais enfin par un simple parvenu comme Guillaume de Hohenzollern. Ce n′est pas une des anomalies les moins choquantes de cette guerre. » Et comme, dès qu′il se replaçait au point de vue nobiliaire, qui pour lui au fond dominait tout, M. de Charlus arrivait à d′extraordinaires enfantillages, il me dit du même ton qu′il m′eût parlé de la Marne ou de Verdun qu′il y avait des choses capitales et fort curieuses que ne devrait pas omettre celui qui écrirait l′histoire de cette guerre. «Â Ainsi, me dit-il, par exemple, tout le monde est si ignorant que personne n′a fait remarquer cette chose si marquante : le grand maître de l′ordre de Malte, qui est un pur boche, n′en continue pas moins de vivre à Rome où il jouit, en tant que grand maître de notre ordre, du privilège de l′exterritorialité. C′est intéressant », ajouta-t-il d′un air de me dire : «Â Vous voyez que vous n′avez pas perdu votre soirée en me rencontrant. » Je le remerciai et il prit l′air modeste de quelqu′un qui n′exige pas de salaire. «Â Qu′est-ce que j′étais donc en train de vous dire ? Ah ! oui, que les gens haî²³aient maintenant François-Joseph, d′après leur journal. Pour le roi Constantin de Grèce et le tzar de Bulgarie, le public a oscillé, à diverses reprises, entre l′aversion et la sympathie, parce qu′on disait tour à tour qu′ils se mettaient du côté de l′Entente ou de ce que Norpois appelle les Empires centraux. C′est comme quand il nous répète à tout moment que «Â l′heure de Venizelos va sonner ». Je ne doute pas que M. Venizelos soit un homme d′État plein de capacité, mais qui nous dit que les Grecs désirent tant que cela Venizelos ? Il voulait, nous dit-on, que la Grèce tînt ses engagements envers la Serbie. Encore faudrait-il savoir quels étaient ces engagements et s′ils étaient plus étendus que ceux que l′Italie et la Roumanie ont cru pouvoir violer. Nous avons de la façon dont la Grèce exécute ses traités et respecte sa constitution un souci que nous n′aurions certainement pas si ce n′était pas notre intérêt. Qu′il n′y ait pas eu la guerre, croyez-vous que les puissances «Â garantes » auraient même fait attention à la dissolution des Chambres ? Je vois simplement qu′on retire un à un ses appuis au Roi de Grèce pour pouvoir le jeter dehors ou l′enfermer le jour où il n′aura plus d′armée pour le défendre. Je vous disais que le public ne juge le Roi de Grèce et le Roi des Bulgares que d′après les journaux. Et comment pourraient-ils penser sur eux autrement que par le journal puisqu′ils ne les connaissent pas ? Moi je les ai vus énormément, j′ai beaucoup connu, quand il était diadoque, Constantin de Grèce, qui était une pure merveille. J′ai toujours pensé que l′Empereur Nicolas avait eu un énorme sentiment pour lui. En tout bien tout honneur, bien entendu. La princesse Christian en parlait ouvertement, mais c′est une gale. Quant au tzar des Bulgares, c′est une fine coquine, une vraie affiche, mais très intelligent, un homme remarquable. Il m′aime beaucoup. »
«Y ocurre una cosa rara -añadió monsieur de Charlus con aquella vocecita chillona que tomaba a veces-. A algunas personas que parecen muy felices todo el día, que toman excelentes cócteles, las oigo decir que no llegarán al final de la guerra, que el corazón no lo resistirá, que no pueden pensar en otra cosa, que se morirán de repente. Y lo más extraordinario es que así ocurre en efecto. ¡Es curioso! ¿Es cosa de alimentación, porque no ingieren más que cosas mal preparadas, o porque, por demostrar su abnegación, se entregan a unas tareas inútiles pero que destruyen el régimen que las conservaba? El caso es que observo un número sorprendente de esas extrañas muertes prematuras, prematuras al menos para el gusto del difunto. Ya no recuerdo de qué le estaba hablando. Sí, de que Norpois admiraba esta guerra. Pero ¡qué manera más rara de hablar de ella! En primer lugar, ¿se ha fijado usted en esa pululación de expresiones nuevas que, cuando acaban por gastarse a fuerza de emplearlas todos los días -pues verdaderamente Norpois es infatigable, creo que la muerte de mi tía Villeparisis le dio una segunda juventud-, son inmediatamente reemplazadas por otros lugares comunes? Recuerdo que antes se entretenía usted en apuntar esos modos de lenguaje que aparecían, se mantenían y luego desaparecían: “El que siembra vientos recoge tempestades”; “ladran, luego cabalgamos”; “dadme buena política y os daré buenas finanzas, decía el barón Louis”; “hay síntomas que sería exagerado tomar por lo trágico pero que conviene tomar en serio”; “trabajar para el rey de Prusia” (por cierto que ésta ha resucitado, lo que era inevitable). Bueno, pues ¡cuántas he visto morir desde entonces! Hemos tenido “el trapo de papel”, “los imperios de presa”, “la famosa Kultur que consiste en asesinar mujeres y niños indefensos”, “la victoria pertenece, como dicen los japoneses, al que sabe sufrir un cuarto de hora más que el otro”, “los germano-tureneses”, “la barbarie científica”, “si queremos ganar la guerra, según la fuerte expresión de Lloyd George”, en fin, incontables, y “la acometividad de las tropas”, y “el arrojo de las tropas”. Hasta a la sintaxis del excelente Norpois le ha infligido la guerra una alteración tan profunda como a la fabricación del pan o a la rapidez de los transportes. ¿Ha observado usted que ese excelente hombre, empeñado en proclamar sus deseos como una verdad a punto de realizarse, no se atreve, sin embargo, a emplear el futuro puro y simple, que correría el peligro de ser desmentido por los acontecimientos, y ha adoptado como signo de este tiempo el verbo saber?» Le confesé a monsieur de Charlus que no entendía bien qué quería decir. Debo consignar aquí que el duque de Guermantes no compartía en modo alguno el pesimismo de su hermano. Era, además, tan anglófilo como anglófobo era su hermano. Por último, tenía a monsieur Caillaux por un traidor que merecía mil veces el fusilamiento. Cuando su hermano le pedía pruebas de esta traición, monsieur de Guermantes contestaba que si no hubiera que condenar más que a los que firman un papel donde declaran «he traicionado», jamás se castigaría el delito de traición. Mas para el caso de no tener ocasión de volver sobre el asunto, diré también que, pasados dos años, el duque de Guermantes, animado por el más puro anticaillautismo, se encontró con un agregado militar inglés y su mujer, un matrimonio notablemente letrado con el que hizo amistad, como en tiempos del asunto Dreyfus con las tres damas encantadoras; que, desde el primer día, tuvo el estupor, hablando de Caillaux, cuya condena creía segura y el delito patente, de oír decir al matrimonio encantador: «Pero probablemente le absolverán, no hay nada contra él». Monsieur de Guermantes intentó alegar que monsieur de Norpois, en su declaración, dijo mirando a Caillaux aterrado: «Es usted el Giolitti de Francia, sí, señor Caillaux, es usted el Giolitti de Francia». Pero el matrimonio letrado y encantador sonrió, ridiculizó a monsieur de Norpois, citó pruebas de su chaladura y concluyó diciendo que había dicho aquello «ante monsieur Caillaux aterrado», decía Le Figaro, pero, en realidad, probablemente ante monsieur Caillaux burlón. Las opiniones del duque de Guermantes no tardaron en cambiar. Atribuir este cambio a la influencia de una inglesa no es tan extraordinario como podría parecer si se hubiera profetizado incluso en 1919, cuando los ingleses llamaban siempre a los alemanes los hunos y reclamaban una condena feroz contra los culpables. La opinión de aquel matrimonio también había cambiado y aprobaban cualquier decisión que pudiera contristar a Francia y ayudar a Alemania. Volviendo a monsieur de Charlus: «Pues sí -replicó cuando le dije que no le entendía-, pues sí: en los artículos de Norpois “saber”19 es el signo del.futuro, es decir, el signo de los deseos de Norpois y, por lo demás, de los deseos de todos nosotros -añadió quizá sin una completa sinceridad-. Ya comprenderá usted que si “saber” no fuera simple signo del futuro, se entendería en rigor que el sujeto de ese verbo pudiera ser un país. Por ejemplo, cada vez que Norpois dice: “América no sabría permanecer indiferente ante estas repetidas violaciones del derecho”, “la monarquía bicéfala no sabría dejar de arrepentirse”, es claro que tales frases expresan los deseos de Norpois (como los míos, como los de usted), pero, en fin, aquí el verbo puede conservar, a pesar de todo, su antiguo sentido, pues un París puede “saber”, América puede “saber”, la monarquía “bicéfala” puede “saber” (a pesar de la eterna “falta de psicología”). Pero la duda ya no es posible cuando Norpois escribe: “Esas devastaciones sistemáticas no sabrían persuadir a los neutrales”, “la región de los Lagos no sabría dejar de caer en muy breve plazo en manos de los Aliados”, “los resultados de estas elecciones neutrales no sabrían reflejar la opinión de la gran mayoría del país”. Y es claro que esas devastaciones, esas regiones y esos resultados de votos son cosas inanimadas que no pueden “saber”. Con esta fórmula, Norpois dirige simplemente a los neutrales la conminación de que salgan de la neutralidad (una conminación a la que lamento comprobar que no parecen obedecer) o a las regiones de los Lagos de que no pertenezcan a los boches -monsieur de Charlus ponía en pronunciar la palabra boche la misma clase de intrepidez que pusiera antaño en el trenecillo de Balbec en hablar de los hombres a quienes no les gustan las mujeres-. Además, ¿ha observado usted con qué ardides comienza siempre Norpois desde 1914 sus artículos dirigidos a los neutrales? Empieza por declarar que, naturalmente, Francia no tiene por qué inmiscuirse en la política de Italia (o de Rumania o de Bulgaria, etcétera). Que a esas potencias, y sólo a ellas, les conviene decidir, con toda independencia y sin consultar más que a su interés nacional, si deben o no deben salir de la neutralidad. Pero, aunque estas primeras declaraciones del artículo (lo que en otro tiempo se llamaría el exordio) son tan desinteresadas, la continuación suele serlo mucho menos. “Sin embargo -dice en sustancia Norpois a continuación-, está muy claro que sólo las naciones que se hayan puesto al lado del Derecho y de la justicia sacarán un beneficio material de la lucha. No se puede esperar que los Aliados recompensen, adjudicándoles territorios en los que se levanta desde siglos la queja de sus hermanos oprimidos, a los pueblos que, siguiendo la política del menor esfuerzo, no hayan puesto su espada al servicio de los Aliados.” Dado este primer paso hacia un consejo de intervención, nada detiene ya a monsieur Norpois, y no es sólo el principio, sino la época de la intervención sobre lo que da consejos cada vez menos disimulados. “Desde luego -dice haciéndose lo que él mismo llamaría ‘el buen apóstol′-, sólo a Italia y a Rumania incumbe decidir el momento oportuno y la forma en que les convendrá intervenir. Pero no pueden ignorar que tergiversando demasiado se exponen a dejar pasar el momento. Ya los cascos de la caballería rusa hacen estremecerse de indecible espanto a la Germania acorralada. Es de toda evidencia que los pueblos que no hayan hecho más que volar tras el carro de la victoria, cuya resplandeciente aurora se divisa ya, no tendrán en modo alguno derecho a la misma recompensa que pueden todavía, si se apresuran, etc.′′ Es como se dice en el teatro: “Quedan poquísimas entradas. ¡Aviso a los rezagados! ” Razonamiento tanto más estúpido cuanto que Norpois lo rehace cada seis meses, y dice periódicamente a Rumania: “Ha llegado la hora de que Rumania sepa si quiere o no realizar sus aspiraciones nacionales. A poco que espere, se expone a que sea demasiado tarde”. Y en los tres años que lleva diciéndolo no sólo no ha llegado todavía el “demasiado tarde”, sino que cada vez se van aumentando más las ofertas que se hacen a Rumania. De la misma manera invita a Francia, etc., a intervenir en Grecia como potencia protectora porque el tratado que unía a Grecia y Serbia no se ha cumplido. Y, de buena fe, si Francia no estuviera en guerra y no deseara la colaboración o la neutralidad benévola de Grecia, ¿se le ocurriría la idea de intervenir como potencia protectora, y el sentimiento moral que la impulsa a protestar porque Grecia no ha cumplido sus compromisos con Serbia no se calla también desde el momento en que se trata de la violación igualmente flagrante de Rumania y de Italia que, creo que con razón, como también Grecia, no han cumplido sus deberes, menos imperativos y menos amplios de lo que se dice, de aliados de Alemania? La verdad es que la gente lo ve todo a través de su periódico, ¿y cómo podría ser de otro modo si no conocen personalmente a las gentes ni los hechos de que se trata? En tiempos del Affaire, que tan curiosamente le apasionaba a usted, en una época de la que se ha convenido decir que nos separan siglos, pues los filósofos de la guerra han acreditado que se ha roto todo vínculo con el pasado, a mí me chocaba ver cómo personas de mi familia concedían toda su estimación a anticlericales antiguos comuneros que su periódico les había presentado como antidreyfusistas, y abominaban de un general de abolengo y católico, pero revisionista. No me extraña menos ver ahora a todos los franceses execrar al emperador Francisco José, al que veneraban, y con razón, se lo digo yo, que le he conocido mucho y que se digna tratarme como primo. ¡Ah!, no le he escrito desde la guerra -añadió como confesando valientemente una falta que sabía muy bien que nadie le iba a reprochar-. Sí, el primer año, y una sola vez. Pero qué quiere usted, eso no varía en nada mi respeto por él, tengo aquí muchos jóvenes parientes que se baten en nuestras líneas y a quienes les parecería muy mal, estoy seguro, que yo sostuviera una correspondencia seguida con el jefe de una nación en guerra con nosotros. Qué quiere usted, que me critique el que quiera -añadió como exponiéndose bravamente a mis reproches-; no he querido que llegara a Viena en este momento una carta con la firma de Charlus. La crítica más grave que yo dirigiría al viejo soberano es que un señor de su rango, jefe de una de las casas más antiguas y más ilustres de Europa, se haya dejado manejar por ese hidalgüelo, por lo demás muy inteligente, pero al fin y al cabo un simple advenedizo, que es Guillermo de Hohenzollern. No es ésta una de las anomalías menos chocantes de esta guerra». Y como, en cuanto se volvía a poner en el punto de vista nobiliario, que para él en el fondo lo dominaba todo, monsieur de Charlus llegaba a unos infantilismos inauditos, me dijo, con el mismo tono con que me hubiera hablado del Marne o de Verdun, que había cosas capitales y muy curiosas que no debería omitir el que escriba la historia de esta guerra. «Por ejemplo -me explicó-, todo el mundo es tan ignorante que nadie ha reparado en esta cosa tan importante: el gran maestre de la orden de Malta, que es un puro boche, sigue viviendo en Roma, donde, en su calidad de gran maestre de nuestra orden, goza del privilegio de extraterritorialidad. Es interesante -añadió como diciéndome: ya ve usted que no ha perdido el tiempo al encontrarme. Le di las gracias y adoptó el aire modesto de quien no exige remuneración-. ¿Qué es lo que le estaba diciendo? ¡Ah, sí!, que la gente odia ahora a Francisco José guiándose por su periódico. En cuanto al rey Constantino de Grecia y al zar de Bulgaria, el público ha oscilado, en diversas ocasiones, entre la aversión y la simpatía, porque se decía sucesivamente que se pondrían al lado de la Entente o de lo que Brichot llama los Imperios centrales. Es como cuando Brichot nos repite a cada momento que “va a llegar la hora de Venizelos”. Yo no dudo que Venizelos sea un hombre de Estado de gran capacidad, pero ¿quién nos dice que los griegos desean tanto a Venizelos? Nos dicen que éste quería que Grecia cumpliera sus compromisos con Serbia. Había que saber qué compromisos eran ésos y si iban más allá que los que Italia y Rumania se han creído en el derecho de violar. En cuanto ala manera como Grecia cumple sus tratados y respeta su Constitución, le damos una importancia que seguramente no le daríamos si no fuera nuestro interés. Si no fuera por la guerra, ¿cree usted que las potencias “garantizadoras” se preocuparían ni siquiera por la disolución de las cámaras? Lo único que yo veo es que se va retirando el apoyo al rey de Grecia para poder echarle o encerrarle el día en que ya no tenga ejército para defenderle. Le digo que el público juzga al rey de Grecia y al rey de los búlgaros únicamente por los periódicos. ¿Y cómo podrían pensar sobre ellos sino por los periódicos, puesto que no los conocen? Yo los he visto muchísimas veces, los he conocido mucho, cuando Constantino de Grecia, que era una pura maravilla, era diadoco. Siempre pensé que el emperador Nicolás le tenía un enorme afecto. En el buen sentido, naturalmente. La princesa Christian hablaba de esto abiertamente, pero es una mala pécora. En cuanto al zar de los búlgaros, es un granuja, una figura decorativa, pero muy inteligente, un hombre notable. Me quiere mucho.»
M. de Charlus, qui pouvait être si agréable, devenait odieux quand il abordait ces sujets. Il y apportait la satisfaction qui agace déjà chez un malade qui vous fait tout le temps valoir sa bonne santé. J′ai souvent pensé que, dans le tortillard de Balbec, les fidèles qui souhaitaient tant les aveux devant lesquels il se dérobait n′auraient peut-être pas pu supporter cette espèce d′ostentation d′une manie et, mal à l′aise, respirant mal comme dans une chambre de malade ou devant un morphinomane qui tirerait devant vous sa seringue, ce fussent eux qui eussent mis fin aux confidences qu′ils croyaient désirer. De plus, on était agacé d′entendre accuser tout le monde, et probablement bien souvent sans aucune espèce de preuve, par quelqu′un qui s′omettait lui-même de la catégorie spéciale à laquelle on savait pourtant qu′il appartenait et où il rangeait si volontiers les autres. Enfin, lui si intelligent, s′était fait à cet égard une petite philosophie étroite (à la base de laquelle il y avait peut-être un rien des curiosités que Swann trouvait dans «Â la vie » ) expliquant tout par ces causes spéciales et où, comme chaque fois qu′on verse dans son défaut, il était non seulement au-dessous de lui-même mais exceptionnellement satisfait de lui. C′est ainsi que lui si grave, si noble, eut le sourire le plus niais pour achever la phrase que voici : «Â Comme il y a de fortes présomptions du même genre que pour Ferdinand de Cobourg à l′égard de l′Empereur Guillaume, cela pourrait être la cause pour laquelle le tzar Ferdinand s′est mis du côté des «Â Empires de proie ». Dame, au fond, c′est très compréhensible, on est indulgent pour une sœur, on ne lui refuse rien. Je trouve que ce serait très joli comme explication de l′alliance de la Bulgarie avec l′Allemagne. » Et de cette explication stupide M. de Charlus rit longuement comme s′il l′avait vraiment trouvée très ingénieuse alors que, même si elle avait reposé sur des faits vrais, elle était aussi puérile que les réflexions que M. de Charlus faisait sur la guerre quand il la jugeait en tant que féodal ou que chevalier de Saint-Jean de Jérusalem. Il finit par une remarque juste : «Â Ce qui est étonnant, dit-il, c′est que ce public qui ne juge ainsi des hommes et des choses de la guerre que par les journaux est persuadé qu′il juge par lui-même. » En cela M. de Charlus avait raison. On m′a raconté qu′il fallait voir les moments de silence et d′hésitation qu′avait Mme de Forcheville, pareils à ceux qui sont nécessaires, non pas même seulement à l′énonciation, mais à la formation d′une opinion personnelle, avant de dire, sur le ton d′un sentiment intime : «Â Non, je ne crois pas qu′ils prendront Varsovie »Â ; «Â Je n′ai pas l′impression qu′on puisse passer un second hiver »Â ; «Â Ce que je ne voudrais pas, c′est une paix boiteuse »Â ; «Â Ce qui me fait peur, si vous voulez que je vous le dise, c′est la Chambre »Â ; «Â Si, j′estime tout de même qu′on pourrait percer. » Et pour dire cela Odette prenait un air mièvre qu′elle poussait à l′extrême quand elle disait : «Â Je ne dis pas que les armées allemandes ne se battent pas bien, mais il leur manque ce qu′on appelle le cran. » Pour prononcer «Â le cran » (et même simplement pour le «Â mordant » ) elle faisait avec sa main le geste de pétrissage et avec ses yeux le clignement des rapins employant un terme d′atelier. Son langage à elle était pourtant plus encore qu′autrefois la trace de son admiration pour les Anglais, qu′elle n′était plus obligée de se contenter d′appeler comme autrefois nos voisins d′outre-Manche, ou tout au plus nos amis les Anglais, mais nos loyaux alliés ! Inutile de dire qu′elle ne se faisait pas faute de citer à tout propos l′expression de «Â fair play » pour montrer les Anglais trouvant les Allemands des joueurs incorrects, et «Â ce qu′il faut c′est gagner la guerre », comme disent nos braves alliés. Tout au plus associait-elle assez maladroitement le nom de son gendre à tout ce qui touchait les soldats anglais et au plaisir qu′il trouvait à vivre dans l′intimité des Australiens aussi bien que des Écossais, des Néo-Zélandais et des Canadiens. «Â Mon gendre Saint-Loup connaît maintenant l′argot de tous les braves «Â tommies », il sait se faire entendre de ceux des plus lointains «Â dominions » et, aussi bien qu′avec le général commandant la base, fraternise avec le plus humble «Â private ».
Monsieur de Charlus, que podía ser tan agradable, resultaba odioso cuando abordaba estos temas. Ponía en ellos la satisfacción que nos molesta ya en un enfermo que nos habla siempre de su buena salud. Siempre pensé que, en el trenecillo de Balbec, los asiduos que tanto deseaban las confesiones ante las cuales él se escabullía, no hubieran podido soportar esta especie de ostentación de una manía e, incómodos, respirando mal como en un cuarto de enfermo o ante un morfinómano que sacara su jeringuilla delante de nosotros, habrían sido ellos quienes cortaran las confidencias que creían desear. Además, la gente estaba harta de oír acusar a todo el mundo, y probablemente muchas veces sin ninguna prueba, y oírselo a alguien que se excluía él mismo de la categoría especial a la que, sin embargo, era sabido que pertenecía y en la que tanto le gustaba colocar a los demás. Por último, monsieur de Charlus, tan inteligente, se había hecho a este respecto una pequeña filosofía estrecha (en la que había quizá un poquito de las curiosidades que Swann encontraba en «la vida») que lo explicaba todo por esas causas especiales y donde, como siempre que se va a parar al propio defecto, el barón estaba siempre no sólo por debajo de sí mismo, sino excepcionalmente satisfecho de sí mismo. Y él, tan grave, tan noble, dijo, con la sonrisa más tonta, la siguiente frase: «Como existen fuertes presunciones sobre el emperador Guillermo del mismo género que sobre Fernando de Coburgo, quizá es ésa la causa de que el zar Fernando se pusiera al lado de los “Imperios de presa”. Y en el fondo es muy comprensible, con una hermana se es siempre indulgente, no se le niega nada. Creo que sería ésta una bonita explicación de la alianza de Bulgaria con Alemania». Y monsieur de Charlus rió mucho tiempo esta estúpida explicación, como si le pareciera muy ingeniosa, cuando la verdad es que, aun cuando se basara en hechos ciertos, sería tan pueril como las reflexiones que el barón hacía sobre la guerra cuando la juzgaba como señor feudal o como caballero de San Juan de Jerusalén. Terminó con una observación más justa: «Lo raro es -dijo- que ese público que sólo juzga así de los hombres y de las cosas de la guerra por los periódicos está convencido de que juzga por sí mismo». En esto tenía razón monsieur de Charlus. Me contaron que había que ver los momentos de silencio y de duda que tenía madame de Forcheville, semejantes a los que requiere no ya el simple enunciado, sino la formación de una opinión personal, antes de decir, en el tono de un sentimiento íntimo: «No, no creo que tomen Varsovia»; «tengo la impresión de que no podrá pasar otro invierno»; «lo que yo no quisiera es una paz coja»; «si quiere que le diga la verdad, yo a quien temo es a la Cámara»; «sí, a pesar de todo creo que podremos romper el frente». Y Odette tomaba un airecillo en extremo amanerado para decir: «Yo no digo que las tropas alemanas no se batan bien, pero les falta lo que se llama temple». Para pronunciar esta palabra hacía con la mano el gesto de amasar y con los ojos ese guiño de los pintorcillos cuando emplean un término de taller. Y, sin embargo, su lenguaje era, más aún que antes, el poso de su admiración por los ingleses, a los que ya no tenía necesidad de contentarse con llamarles como antes «nuestros vecinos del otro lado de la Mancha» o a lo sumo «nuestros amigos los ingleses»; ahora les llamaba «nuestros leales aliados». Huelga decir que no dejaba de citar, viniera o no a cuento, la expresión de fair play, para indicar que los ingleses consideraban a los alemanes jugadores incorrectos, y «lo que hace falta es ganar la guerra, como dicen nuestros magníficos aliados». A lo sumo asociaba bastante torpemente el nombre de su yerno con todo lo que se refería a los soldados ingleses y al gusto que él sentía viviendo en la intimidad de los australianos, lo mismo que de los escoceses, de los neozelandeses y de los canadienses. «Mi yerno Saint- Loup conoce ahora el argot de todos los valientes tommies, sabe hacerse entender por los de los más lejanos dominions y lo mismo fraterniza con el general que manda la base que con el más humilde private.»
Que cette parenthèse sur Mme de Forcheville m′autorise, tandis que je descends les boulevards côte à côte avec M. de Charlus, à une autre plus longue encore, mais utile pour décrire cette époque, sur les rapports de Mme Verdurin avec Brichot. En effet, si le pauvre Brichot était, ainsi que Norpois, jugé sans indulgence par M. de Charlus (parce que celui-ci était à la fois très fin et plus ou moins inconsciemment germanophile), il était encore bien plus maltraité par les Verdurin. Sans doute ceux-ci étaient chauvins, ce qui eût dû les faire se plaire aux articles de Brichot, lesquels d′autre part n′étaient pas inférieurs à bien des écrits où se délectait Mme Verdurin. Mais d′abord on se rappelle peut-être que, déjà à la Raspelière, Brichot était devenu pour les Verdurin du grand homme qu′il leur avait paru être autrefois, sinon une tête de Turc comme Saniette, du moins l′objet de leurs railleries à peine déguisées. Du moins restait-il, à ce moment-là, un fidèle entre les fidèles, ce qui lui assurait une part des avantages prévus tacitement par les statuts à tous les membres fondateurs associés du petit groupe. Mais au fur et à mesure que, à la faveur de la guerre peut-être, ou par la rapide cristallisation d′une élégance si longtemps retardée, mais dont tous les éléments nécessaires et restés invisibles saturaient depuis longtemps le salon des Verdurin, celui-ci s′était ouvert à un monde nouveau et que les fidèles, appâts d′abord de ce monde nouveau, avaient fini par être de moins en moins invités, un phénomène parallèle se produisait pour Brichot. Malgré la Sorbonne, malgré l′Institut, sa notoriété n′avait pas jusqu′à la guerre dépassé les limites du salon Verdurin. Mais quand il se mit à écrire, presque quotidiennement, des articles parés de ce faux brillant qu′on l′a vu si souvent dépenser sans compter pour les fidèles, riches, d′autre part, d′une érudition fort réelle, et qu′en vrai sorbonien il ne cherchait pas à dissimuler de quelques formes plaisantes qu′il l′entourât, le «Â grand monde » fut littéralement ébloui. Pour une fois, d′ailleurs, il donnait sa faveur à quelqu′un qui était loin d′être une nullité et qui pouvait retenir l′attention par la fertilité de son intelligence et les ressources de sa mémoire. Et pendant que trois duchesses allaient passer la soirée chez Mme Verdurin, trois autres se disputaient l′honneur d′avoir chez elles à dîner le grand homme, lequel acceptait chez l′une, se sentant d′autant plus libre que Mme Verdurin, exaspérée du succès que ses articles rencontraient auprès du faubourg Saint-Germain, avait soin de ne jamais avoir Brichot chez elle quand il devait s′y trouver quelque personne brillante qu′il ne connaissait pas encore et qui se hâterait de l′attirer. Ce fut ainsi que le journalisme, dans lequel Brichot se contentait, en somme, de donner tardivement, avec honneur et en échange d′émoluments superbes, ce qu′il avait gaspillé toute sa vie gratis et incognito dans le salon des Verdurin (car ses articles ne lui coûtaient pas plus de peine, tant il était disert et savant, que ses causeries) eût conduit, et parut même un moment conduire Brichot à une gloire incontestée, s′il n′y avait pas eu Mme Verdurin. Certes, les articles de Brichot étaient loin d′être aussi remarquables que le croyaient les gens du monde. La vulgarité de l′homme apparaissait à tout instant sous le pédantisme du lettré. Et à côté d′images qui ne voulaient rien dire du tout (les Allemands ne pourront plus regarder en face la statue de Beethoven ; Schiller a dû frémir dans son tombeau ; l′encre qui avait paraphé la neutralité de la Belgique était à peine séchée ; Lénine parle, mais autant en emporte le vent de la steppe), c′étaient des trivialités telles que : «Â Vingt mille prisonniers, c′est un chiffre »Â ; «Â Notre commandement saura ouvrir l′œil et le bon »Â ; «Â Nous voulons vaincre, un point c′est tout. » Mais, mêlés à tout cela, tant de savoir, tant d′intelligence, de si justes raisonnements. Or, Mme Verdurin ne commençait jamais un article de Brichot sans la satisfaction préalable de penser qu′elle allait y trouver des choses ridicules, et le lisait avec l′attention la plus soutenue pour être certaine de ne les pas laisser échapper. Or, il était malheureusement certain qu′il y en avait quelques-unes. On n′attendait même pas de les avoir trouvées. La citation la plus heureuse d′un auteur vraiment peu connu, au moins dans l′œuvre à laquelle Brichot se reportait, était incriminée comme preuve du pédantisme le plus insoutenable et Mme Verdurin attendait avec impatience l′heure du dîner pour déchaîner les éclats de rire de ses convives. «Â Hé bien, qu′est-ce que vous avez dit du Brichot de ce soir ? J′ai pensé à vous en lisant la citation de Cuvier. Ma parole, je crois qu′il devient fou. — Je ne l′ai pas encore lu, disait un fidèle. — Comment, vous ne l′avez pas encore lu ? Mais vous ne savez pas les délices que vous vous refusez. C′est-à-dire que c′est d′un ridicule à mourir. » Et contente au fond que quelqu′un n′eût pas encore lu le Brichot pour avoir l′occasion d′en mettre elle-même en lumière les ridicules, Mme Verdurin disait au maître d′hôtel d′apporter le Temps et faisait elle-même la lecture à haute voix, en faisant sonner avec emphase les phrases les plus simples. Après le dîner, pendant toute la soirée ; cette campagne anti-brichotiste continuait, mais avec de fausses réserves. «Â Je ne le dis pas trop haut parce que j′ai peur que là-bas, disait-elle en montrant la comtesse Molé, on n′admire assez cela. Les gens du monde sont plus na qu′on ne croit. » Mme Molé, à qui on tâchait de faire entendre, en parlant assez fort, qu′on parlait d′elle, tout en s′efforçant de lui montrer par des baissements de voix, qu′on n′aurait pas voulu être entendu d′elle, reniait lâchement Brichot qu′elle égalait en réalité à Michelet. Elle donnait raison à Mme Verdurin, et pour terminer pourtant par quelque chose qui lui paraissait incontestable, disait : «Â Ce qu′on ne peut pas lui retirer, c′est que c′est bien écrit. — Vous trouvez ça bien écrit, vous ? disait Mme Verdurin, moi je trouve ça écrit comme par un cochon », audace qui faisait rire les gens du monde, d′autant plus que Mme Verdurin, effarouchée elle-même par le mot de cochon, l′avait prononcé en le chuchotant la main rabattue sur les lèvres. Sa rage contre Brichot croissait d′autant plus que celui-ci étalait naîµ¥ment la satisfaction de son succès, malgré les accès de mauvaise humeur que provoquait chez lui la censure, chaque fois que, comme il le disait avec son habitude d′employer les mots nouveaux pour montrer qu′il n′était pas trop universitaire, elle avait «Â caviardé » une partie de son article. Devant lui Mme Verdurin ne laissait pas trop voir, sauf par une maussaderie qui eût averti un homme plus perspicace, le peu de cas qu′elle faisait de ce qu′il écrivait. Elle lui reprocha seulement une fois d′écrire si souvent «Â je ». Et il avait, en effet, l′habitude de l′écrire continuellement, d′abord parce que, par habitude de professeur, il se servait constamment d′expressions comme «Â j′accorde que », «Â je veux bien que l′énorme développement des fronts nécessite », etc., mais surtout parce que, ancien antidreyfusard militant qui flairait la préparation germanique bien longtemps avant la guerre, il s′était trouvé écrire très souvent : «Â J′ai dénoncé dès 1897 »Â ; «Â j′ai signalé en 1901 »Â ; «Â j′ai averti dans ma petite brochure aujourd′hui rarissime (habent sua fata libelli) », et ensuite l′habitude lui était restée. Il rougit fortement de l′observation de Mme Verdurin, qui lui fut faite d′un ton aigre. «Â Vous avez raison, Madame, quelqu′un qui n′aimait pas plus les jésuites que M. Combes, encore qu′il n′ait pas eu de préface de notre doux maître en scepticisme délicieux, Anatole France, qui fut si je ne me trompe mon adversaireÂ… avant le Déluge, a dit que le moi est toujours haî²³able. » À partir de ce moment Brichot remplaça je par on, mais on n′empêchait pas le lecteur de voir que l′auteur parlait de lui et permit à l′auteur de ne plus cesser de parler de lui, de commenter la moindre de ses phrases, de faire un article sur une seule négation, toujours à l′abri de on. Par exemple, Brichot avait-il dit, fût-ce dans un autre article, que les armées allemandes avaient perdu de leur valeur, il commençait ainsi : «Â On ne camoufle pas ici la vérité. On a dit que les armées allemandes avaient perdu de leur valeur. On n′a pas dit qu′elles n′avaient plus une grande valeur. Encore moins écrira-t-on qu′elles n′ont plus aucune valeur. On ne dira pas non plus que le terrain gagné, s′il n′est pas, etc. » Bref, rien qu′à énoncer tout ce qu′il ne dirait pas, à rappeler tout ce qu′il avait dit il y avait quelques années, et ce que Clausewitz, Ovide, Apollonius de Tyane avaient dit il y avait plus ou moins de siècles, Brichot aurait pu constituer aisément la matière d′un fort volume. Il est à regretter qu′il n′en ait pas publié, car ces articles si nourris sont maintenant difficiles à retrouver. Le faubourg Saint-Germain, chapitré par Mme Verdurin, commença par rire de Brichot chez elle, mais continua, une fois sorti du petit clan, à admirer Brichot. Puis se moquer de lui devint une mode comme ç′avait été de l′admirer, et celles mêmes qu′il continuait d′intéresser en secret, dès le temps qu′elles lisaient son article, s′arrêtaient et riaient dès qu′elles n′étaient plus seules, pour ne pas avoir l′air moins fines que les autres. Jamais on ne parla tant de Brichot qu′à cette époque dans le petit clan, mais par dérision. On prenait comme critérium de l′intelligence de tout nouveau ce qu′il pensait des articles de Brichot ; s′il répondait mal la première fois, on ne se faisait pas faute de lui apprendre à quoi l′on reconnaît que les gens sont intelligents.
Creo que este paréntesis sobre madame de Forcheville, mientras bajo por los bulevares junto a monsieur de Charlus, me autoriza a otro más largo aún, pero útil para describir esta época, sobre las relaciones de madame Verdurin con Brichot. Pues si al pobre Brichot le trataba monsieur de Charlus con tan poca indulgencia (porque el barón era a la vez muy perspicaz y más o menos inconscientemente germanófilo), peor aún le trataban los Verdurin. Éstos eran, sin duda, patrioteros, por lo que les debían de gustar los artículos de Brichot, que, por otra parte, no eran inferiores a otros muchos con los que se deleitaba madame Verdurin. Mas, en primer lugar, acaso se recordará que, ya en la Raspelière, Brichot, que tan gran hombre pareciera en otro tiempo a los Verdurin, había pasado a ser, si no una cabeza de turco como Saniette, al menos el objeto de sus burlas apenas disimuladas. Por otra parte, seguía siendo en aquel momento un fiel entre los fieles, lo que le aseguraba una parte de las ventajas tácitamente asignadas por los estatutos a todos los miembros fundadores o asociados del pequeño grupo. Pero a medida que -acaso a favor de la guerra, o bien por la rápida cristalización de una elegancia tanto tiempo retardada pero todos cuyos elementos necesarios y que permanecieran invisibles saturaban desde hacía tiempo el salón de los Verdurin- se abría este salón a un mundo nuevo, mientras que a los fieles que antes sirvieran de cebo a este mundo nuevo se les invitaba cada vez menos, un fenómeno paralelo se producía con Brichot. A pesar de la Sorbona, a pesar del Instituto, su notoriedad no había rebasado, hasta la guerra, los límites del salón Verdurin. Pero cuando se puso a escribir casi diariamente aquellos artículos ornados de aquella falsa brillantez que tantas veces le vimos derrochar para los fieles, ricos, por otra parte, de una erudición muy real y que, como verdadero sorboniano, no intentaba disimular, aunque la rodeara de formas más o menos humorísticas, el «gran mundo» se quedó literalmente deslumbrado. Además, por una vez, otorgaba sus favores a alguien que estaba lejos de ser una nulidad y que podía llamar la atención por la fertilidad de su inteligencia y los recursos de su memoria. Y mientras tres duquesas iban a pasar la velada a casa de madame Verdurin, otras tres se disputaban el honor de tener a comer en su casa al gran hombre, el cual aceptaba la invitación de una de ellas, sintiéndose más libre porque madame Verdurin, exasperada por el éxito que los artículos de Brichot tenían en el Faubourg Saint-Germain se cuidaba de no invitar nunca a Brichot cuando iba a su casa alguna persona brillante que él no conocía aún y que se apresuraría a atraérsele. Y así fue como el periodismo (al que Brichot se limitaba, en suma, a dar tardíamente, con honor y a cambio de unos emolumentos soberbios, lo que había derrochado toda su vida gratis y de incógnito en el salón de los Verdurin, pues sus artículos no le costaban más trabajo que sus charlas, tan diserto y sabio era) habría conducido a Brichot, y aun pareció que le condujo, en cierto momento, a una gloria indiscutible... si no hubiera existido madame Verdurin. Desde luego, los artículos de Brichot estaban lejos de ser tan notables como creían las gentes del gran mundo. Bajo la pedantería del letrado asomaba en todo momento la vulgaridad del hombre. Y junto a unas imágenes que no querían decir absolutamente nada («los alemanes ya no podrán mirar de frente a la estatua de Beethoven; Schiller ha debido de estremecerse en su tumba; la tinta que rubricó la neutralidad de Bélgica estaba apenas seca; Lenin habla, pero el viento de la estepa se lleva sus palabras»), aparecían trivialidades como: «Veinte mil prisioneros es una cifra; nuestro mando sabrá abrir el ojo, el bueno; queremos vencer, ni más ni menos». Pero, mezclado con todo esto, ¡cuánto saber, cuánta inteligencia, cuántos razonamientos exactos! Pero madame Verdurin no empezaba nunca a leer un artículo de Brichot sin la previa satisfacción de pensar que iba a encontrar en él cosas ridículas, y lo leía con la atención más sostenida para estar segura de que no se le escaparan. Desgraciadamente, era cierto que había algunas. Y ni siquiera esperaba a encontrarlas. La cita más afortunada de un autor verdaderamente poco conocido, al menos en la obra a que Brichot se refería, se enarbolaba como prueba de la pedantería más indefendible, y madame Verdurin esperaba con impaciencia la hora de la comida para provocar las carcajadas de sus invitados. «Bueno, ¿qué dicen ustedes del Brichot de esta noche? Me he acordado de ustedes leyendo la cita de Cuvier. De veras creo que se está volviendo loco. -Yo no lo he leído todavía -decía Cottard. -¿De veras no lo ha leído todavía? Pues no sabe las delicias que se pierde. Le aseguro que es para morirse de risa.» Y, contenta en el fondo de que alguien no hubiera leído todavía el artículo de Brichot para tener ocasión de destacar ella misma los detalles ridículos, madame Verdurin le decía al mayordomo que trajera LeTemps, y leía en voz alta poniendo mucho énfasis en las frases más sencillas. Después de comer, durante toda la velada, seguía esta campaña antibrichotista, pero con falsas reservas. «No lo digo muy alto por miedo de que allí -decía señalando a la condesa Molése admire eso. La gente del gran mundo es más ingenua de lo que se cree.» Madame Molé, a quien querían hacerle notar, hablando fuerte, que hablaban de ella, al mismo tiempo que se esforzaban en indicarle, bajando la voz, que no querían que las entendiera, renegaba cobardemente de Brichot, al que, en realidad, comparaba con Michelet. Le daba la razón a madame Verdurin, y, para terminar, sin embargo, con algo que le parecía indiscutible, decía: «Lo que no se le puede negar es que está bien escrito. -¿Le parece a usted bien escrito? -decía madame Verdurin-. A mí me parece escrito por un cerdo», audacia que hacía reír a la gente del gran mundo, más aún porque madame Verdurin, como asustada ella misma por la palabra cerdo, la había pronunciado muy bajito, tapándose la boca con la mano. Su rabia contra Brichot iba en aumento porque éste ostentaba ingenuamente la satisfacción de su éxito, a pesar de los accesos de mal humor que le producía la censura, cada vez que, como él decía con su costumbre de emplear las palabras nuevas para demostrar que no era demasiado universitario, censuraba una parte de su artículo. Delante de él madame Verdurin no dejaba ver demasiado, salvo una cierta seriedad que un hombre más perspicaz no hubiera dejado de advertir, el poco caso que hacía de lo que escribía Chochotte. Sólo una vez le reprochó que escribiera tan a menudo «yo». Y, en efecto Brichot tenía la costumbre de escribirlo continuamente; en primer lugar, porque, por costumbre de profesor, empleaba continuamente expresiones como «yo concedo que», y hasta por decir «reconozco que», «afirmo que»: «Yo afirmo que el enorme desarrollo de los frentes exige, etc.». Pero, sobre todo, porque, antiguo antidreyfusista militante que olía la preparación germánica mucho antes de la guerra, escribía muy a menudo: «Yo denuncié desde 1897»; «yo señalé en 1901 »; «yo advertí en mi folletito hoy rarísimo (habent sua fata libelli)», y conservó la costumbre. Se sonrojó fuertemente con la observación de madame Verdurin, observación que le hizo en un tono agrio. «Tiene usted razón, señora. Alguien que no quería a los jesuitas más que los quería monsieur Combes, aunque no ha tenido prefacio de nuestro dulce maestro en escepticismo delicioso, Anatole France, que, si no me equivoco, fue adversario mío... antes del diluvio, dijo que el yo es siempre odioso.» A partir de este momento Brichot sustituyó el yo por el se, pero el se no impedía al lector ver que el autor hablaba de sí mismo y permitió al autor no dejar de hablar de sí mismo, de comentar la menor de sus frases, de hacer un artículo sobre una sola negación, siempre al abrigo de se. Por ejemplo, si Brichot decía, aunque fuera en otro artículo, que los alemanes habían perdido valor, comenzaba así: «No se disimula aquí la verdad. Se ha dicho que los ejércitos alemanes habían perdido valor. No se ha dicho que ya no tenían gran valor. Menos aún se escribirá que ya no tienen ningún valor. Tampoco se dirá que el terreno ganado, si no es, etc.». En fin, con sólo enunciar todo lo que él no diría, con recordar todo lo que había dicho años atrás, y lo que Clausewitz, Jomini, Ovidio, Apolonio de Tiana, etc., dijeron hace más o menos siglos, Brichot habría podido formar fácilmente la materia de un grueso volumen. Es de lamentar que no lo publicara, pues estos artículos tan nutridos son hoy difíciles de encontrar. El Faubourg Saint-Gelmain, advertido por madame Verdurin, comenzó por reírse de Brichot en su casa, pero, una vez fuera del pequeño clan, siguió admirando a Brichot. Después se puso de moda burlarse de él como estuvo de moda admirarle, y las mismas que seguían interesándose en secreto por él cuando leían sus artículos, se reían de ellos cuando ya no estaban solas, por no parecer menos listas que las otras. Jamás se habló tanto de Brichot como en esta época en el pequeño clan, pero por burla. Tomaban como criterio de la inteligencia de cualquier recién llegado lo que pensaba de los artículos de Brichot; si contestaba mal la primera vez, no se recataban de enseñarle en qué se conocía que las personas son inteligentes.
«Â Enfin, mon pauvre ami, continua M. de Charlus, tout cela est épouvantable et nous avons plus que d′ennuyeux articles à déplorer. On parle de vandalisme, de statues détruites. Mais est-ce que la destruction de tant de merveilleux jeunes gens, qui étaient des statues polychromes incomparables, n′est pas du vandalisme aussi ? Est-ce qu′une ville qui n′aura plus de beaux hommes ne sera pas comme une ville dont toute la statuaire aurait été brisée ? Quel plaisir puis-je avoir à aller dîner au restaurant quand j′y suis servi par de vieux bouffons moussus qui ressemblent au Père Didon, si ce n′est pas par des femmes en cornette qui me font croire que je suis entré au bouillon Duval. Parfaitement, mon cher, et je crois que j′ai le droit de parler ainsi parce que le Beau est tout de même le Beau dans une matière vivante. Le grand plaisir d′être servi par des êtres rachitiques, portant binocle, dont le cas d′exemption se lit sur le visage ! Contrairement à ce qui arrivait toujours jadis, si l′on veut reposer ses yeux sur quelqu′un de bien dans un restaurant, il ne faut plus regarder parmi les garçons qui servent mais parmi les clients qui consomment. Mais on pouvait revoir un servant, bien qu′ils changeassent souvent, mais allez donc savoir qui est et quand reviendra ce lieutenant anglais qui vient pour la première fois et sera peut-être tué demain. Quand Auguste de Pologne, comme raconte le charmant Morand, l′auteur délicieux de Clarisse, échangea un de ses régiments contre une collection de potiches chinoises, il fit à mon avis une mauvaise affaire. Pensez que tous ces grands valets de pied qui avaient deux mètres de haut et qui ornaient les escaliers monumentaux de nos plus belles amies ont tous été tués, engagés pour la plupart parce qu′on leur répétait que la guerre durerait deux mois. Ah ! ils ne savaient pas comme moi la force de l′Allemagne, la vertu de la race prussienne, dit-il en s′oubliant — et puis, remarquant qu′il avait trop laissé voir son point de vue — ce n′est pas tant l′Allemagne que je crains pour la France que la guerre elle-même. Les gens de l′arrière s′imaginent que la guerre est seulement un gigantesque match de boxe auquel ils assistent de loin, grâce aux journaux. Mais cela n′a aucun rapport. C′est une maladie qui quand elle semble conjurée sur un point reprend sur un autre. Aujourd′hui Noyon sera délivré, demain on n′aura plus ni pain ni chocolat, après-demain celui qui se croyait tranquille et accepterait au besoin une balle qu′il n′imagine pas s′affolera parce qu′il lira dans les journaux que sa classe est rappelée. Quant aux monuments, un chef-d′œuvre unique comme Reims par la qualité n′est pas tellement ce dont la disparition m′épouvante, c′est surtout de voir anéantis une telle quantité d′ensembles qui rendaient le moindre village de France instructif et charmant. » Je pensai aussitôt à Combray et qu′autrefois j′aurais cru me diminuer aux yeux de Mme de Guermantes en avouant la petite situation que ma famille occupait à Combray. Je me demandai si elle n′avait pas été révélée aux Guermantes et à M. de Charlus, soit par Legrandin, ou Swann, ou Saint-Loup, ou Morel. Mais cette prétérition même était moins pénible pour moi que des explications rétrospectives. Je souhaitai seulement que M. de Charlus ne parlât pas de Combray. «Â Je ne veux pas dire de mal des Américains, Monsieur, continua-t-il, il paraît qu′ils sont inépuisablement généreux, et comme il n′y a pas eu de chef d′orchestre dans cette guerre, que chacun est entré dans la danse longtemps après l′autre, et que les Américains ont commencé quand nous étions quasiment finis, ils peuvent avoir une ardeur que quatre ans de guerre ont pu calmer chez nous. Même avant la guerre ils aimaient notre pays, notre art, ils payaient fort cher nos chefs-d′œuvre. Beaucoup sont chez eux maintenant. Mais précisément cet art déraciné, comme dirait M. Barrès, est tout le contraire de ce qui faisait l′agrément délicieux de la France. Le château expliquait l′église qui, elle-même, parce qu′elle avait été un lieu de pèlerinage, expliquait la chanson de geste. Je n′ai pas à surfaire l′illustration de mes origines et de mes alliances, et d′ailleurs ce n′est pas de cela qu′il s′agit. Mais dernièrement j′ai eu à régler une question d′intérêts, et, malgré un certain refroidissement qu′il y a entre le ménage et moi, à aller faire une visite à ma nièce Saint-Loup qui habite à Combray. Combray n′était qu′une toute petite ville comme il y en a tant. Mais nos ancêtres étaient représentés en donateurs dans certains vitraux, dans d′autres étaient inscrites nos armoiries. Nous y avions notre chapelle, nos tombeaux. Cette église a été détruite par les Français et par les Anglais parce qu′elle servait d′observatoire aux Allemands. Tout ce mélange d′histoire survivante et d′art, qui était la France, se détruit, et ce n′est pas fini. Et, bien entendu, je n′ai pas le ridicule de comparer, pour des raisons de famille, la destruction de l′église de Combray à celle de la cathédrale de Reims, qui était comme le miracle d′une cathédrale gothique retrouvant naturellement la pureté de la statuaire antique, ou de celle d′Amiens. Je ne sais si le bras levé de Saint Firmin est aujourd′hui brisé. Dans ce cas la plus haute affirmation de la foi et de l′énergie a disparu de ce monde. — Son symbole, Monsieur, lui répondis-je. Et j′adore autant que vous certains symboles. Mais il serait absurde de sacrifier au symbole la réalité qu′il symbolise. Les cathédrales doivent être adorées jusqu′au jour où, pour les préserver, il faudrait renier les vérités qu′elles enseignent. Le bras levé de Saint Firmin dans un geste de commandement presque militaire disait : Que nous soyons brisés si l′honneur l′exige. Ne sacrifiez pas des hommes à des pierres dont la beauté vient justement d′avoir un moment fixé des vérités humaines. — Je comprends ce que vous voulez dire, me répondit M. de Charlus, et M. Barrès, qui nous a fait, hélas, trop faire de pèlerinages à la statue de Strasbourg et au tombeau de M. Déroulède, a été touchant et gracieux quand il a écrit que la cathédrale de Reims elle-même nous était moins chère que la vie de nos fantassins. Assertion qui rend assez ridicule la colère de nos journaux contre le général allemand qui commandait là-bas et qui disait que la cathédrale de Reims lui était moins précieuse que celle d′un soldat allemand. C′est, du reste, ce qui est exaspérant et navrant, c′est que chaque pays dit la même chose. Les raisons pour lesquelles les associations industrielles de l′Allemagne déclarent la possession de Belfort indispensable à préserver leur nation contre nos idées de revanche sont les mêmes que celles de Barrès exigeant Mayence pour nous protéger contre les velléités d′invasion des Boches. Pourquoi la restitution de l′Alsace-Lorraine a-t-elle paru à la France un motif insuffisant pour faire la guerre, un motif suffisant pour la continuer, pour la redéclarer à nouveau chaque année ? Vous avez l′air de croire que la victoire est désormais promise à la France, je le souhaite de tout mon cœur, vous n′en doutez pas, mais enfin, depuis qu′à tort ou à raison les Alliés se croient sûrs de vaincre (pour ma part je serais naturellement enchanté de cette solution, mais je vois surtout beaucoup de victoires sur le papier, de victoires à la Pyrrhus, avec un coût qui ne nous est pas dit) et que les Boches ne se croient plus sûrs de vaincre, on voit l′Allemagne chercher à hâter la paix, la France à prolonger la guerre, la France qui est la France juste et a raison de faire entendre des paroles de justice, mais est aussi la douce France et devrait faire entendre des paroles de pitié, fût-ce seulement pour ses propres enfants et pour qu′à chaque printemps les fleurs qui renaîtront aient autre chose à éclairer que des tombes. Soyez franc, mon cher ami, vous-même m′aviez fait une théorie sur les choses qui n′existent que grâce à une création perpétuellement recommencée. La création du monde n′a pas eu lieu une fois pour toutes, me disiez-vous, elle a nécessairement lieu tous les jours. Hé bien, si vous êtes de bonne foi, vous ne pouvez pas excepter la guerre de cette théorie. Notre excellent Norpois a beau écrire — en sortant un des accessoires de rhétorique qui lui sont aussi chers que «Â l′aube de la victoire » et le «Â Général Hiver »Â : — «Â Maintenant que l′Allemagne a voulu la guerre », «Â Les dés en sont jetés », la vérité c′est que chaque matin on déclare à nouveau la guerre. Donc celui qui veut la continuer est aussi coupable que celui qui l′a commencée, plus peut-être car ce premier n′en prévoyait peut-être pas toutes les horreurs. Or rien ne dit qu′une guerre aussi prolongée, même si elle doit avoir une issue victorieuse, ne soit pas sans péril. Il est difficile de parler de choses qui n′ont point de précédent et des répercussions sur l′organisme d′une opération qu′on tente pour la première fois. Généralement, il est vrai, ces nouveautés dont on s′alarme se passent fort bien. Les républicains les plus sages pensaient qu′il était fou de faire la séparation de l′Église. Elle a passé comme une lettre à la poste. Dreyfus a été réhabilité, Picquart ministre de la guerre, sans qu′on crie ouf. Pourtant que ne peut-on pas craindre d′un surmenage pareil à celui d′une guerre ininterrompue pendant plusieurs années ! Que feront les hommes au retour ? seront-ils las ? la fatigue les aura-t-elle rompus ou affolés ? Tout cela pourrait mal tourner, sinon pour la France, au moins pour le gouvernement, peut-être même pour la forme du gouvernement. Vous m′avez fait lire autrefois l′admirable Aimée de Coigny de Maurras. Je serais fort surpris que quelque Aimée de Coigny n′attendît pas du développement de la guerre que fait la République ce qu′en 1812 Aimée de Coigny attendit de la guerre que faisait l′Empire. Si l′Aimée actuelle existe, ses espérances se réaliseront-elles ? Je ne le désire pas. Pour en revenir à la guerre elle-même, le premier qui l′a commencée est-il l′empereur Guillaume ? J′en doute fort. Et si c′est lui, qu′a-t-il fait autre chose que Napoléon par exemple, chose que moi je trouve abominable mais que je m′étonne de voir inspirer tant d′horreurs aux thuriféraires de Napoléon, aux gens qui, le jour de la déclaration de guerre, se sont écriés comme le général X. : «Â J′attendais ce jour-là depuis quarante ans. C′est le plus beau jour de ma vie. » Dieu sait si personne a protesté avec plus de force que moi quand on a fait dans la société une place disproportionnée aux nationalistes, aux militaires, quand tout ami des arts était accusé de s′occuper de choses funestes à la patrie, toute civilisation qui n′était pas belliqueuse étant délétère. C′est à peine si un homme du monde authentique comptait auprès d′un général. Une folle faillit me présenter à M. Syveton. Vous me direz que ce que je m′efforçais de maintenir n′était que les règles mondaines. Mais, malgré leur frivolité apparente, elles eussent peut-être empêché bien des excès. J′ai toujours honoré ceux qui défendent la grammaire, ou la logique. On se rend compte cinquante ans après qu′ils ont conjuré de grands périls. Or nos nationalistes sont les plus germanophobes, les plus jusqu′auboutistes des hommesÂ… Mais après quinze ans leur philosophie a changé entièrement. En fait, ils poussent bien à la continuation de la guerre. Mais ce n′est que pour exterminer une race belliqueuse et par amour de la paix. Car une civilisation guerrière, ce qu′ils trouvaient si beau il y a quinze ans, leur fait horreur ; non seulement ils reprochent à la Prusse d′avoir fait prédominer chez elle l′élément militaire, mais en tout temps ils pensent que les civilisations militaires furent destructrices de tout ce qu′ils trouvent maintenant précieux, non seulement les arts, mais même la galanterie. Il suffit qu′un de leurs critiques se soit converti au nationalisme pour qu′il soit devenu du même coup un ami de la paixÂ… Il est persuadé que, dans toutes les civilisations guerrières, la femme avait un rôle humilié et bas. On n′ose lui répondre que les «Â Dames » des chevaliers au moyen âge et la Béatrice de Dante étaient peut-être placées sur un trône aussi élevé que les héroî¥s de M. Becque. Je m′attends un de ces jours à me voir placé à table après un révolutionnaire russe ou simplement après un de nos généraux faisant la guerre par horreur de la guerre et pour punir un peuple de cultiver un idéal qu′eux-mêmes jugeaient le seul tonifiant il y a quinze ans. Le malheureux Tzar était encore honoré il y a quelques mois parce qu′il avait réuni la conférence de La Haye. Mais maintenant qu′on salue la Russie libre, on oublie le titre qui permettait de la glorifier. Ainsi tourne la Roue du Monde. Et pourtant l′Allemagne emploie tellement les mêmes expressions que la France que c′est à croire qu′elle la cite, elle ne se lasse pas de dire qu′elle «Â lutte pour l′existence ». Quand je lis : «Â nous luttons contre un ennemi implacable et cruel jusqu′à ce que nous ayons obtenu une paix qui nous garantisse l′avenir de toute agression et pour que le sang de nos braves soldats n′ait pas coulé en vain », ou bien : «Â qui n′est pas pour nous est contre nous », je ne sais pas si cette phrase est de l′Empereur Guillaume ou de M. Poincaré, car ils l′ont, à quelques variantes près, prononcée vingt fois l′un et l′autre, bien qu′à vrai dire je doive confesser que l′Empereur ait été en ce cas l′imitateur du Président de la République. La France n′aurait peut-être pas tenu tant à prolonger la guerre si elle était restée faible, mais surtout l′Allemagne n′aurait peut-être pas été si pressée de la finir si elle n′avait pas cessé d′être forte. D′être aussi forte, car forte, vous verrez qu′elle l′est encore. » Il avait pris l′habitude de crier très fort en parlant, par nervosité, par recherche d′issue pour des impressions dont il fallait — n′ayant jamais cultivé aucun art — qu′il se débarrassât, comme un aviateur de ses bombes, fût-ce en plein champ, là où ses paroles n′atteignaient personne, et surtout dans le monde où elles tombaient au hasard et où il était écouté par snobisme, de confiance et, tant il tyrannisait les auditeurs, on peut dire de force et même par crainte. Sur les boulevards cette harangue était de plus une marque de mépris à l′égard des passants pour qui il ne baissait pas plus la voix qu′il n′eût dévié son chemin. Mais elle y détonnait, y étonnait et surtout rendait intelligibles à des gens qui se retournaient des propos qui eussent pu nous faire prendre pour des défaitistes. Je le fis remarquer à M. de Charlus sans réussir qu′à exciter son hilarité. «Â Avouez que ce serait bien drôle, dit-il. Après tout, ajouta-t-il, on ne sait jamais, chacun de nous risque chaque soir d′être le fait divers du lendemain.
-En fin, pobre amigo mío, todo eso es espantoso y tenemos que lamentar algo más que artículos aburridos. Se habla de vandalismo, de estatuas destruidas. Pero ¿acaso la destrucción de tantos maravillosos jóvenes, que eran incomparables estatuas polícromas, no es también vandalismo? ¿Acaso una ciudad que no tendrá ya hombres hermosos no será como una ciudad en la que hubieran destruido toda su estatuaria? ¿Qué gusto puedo tener yo en ir a comer al restaurante si me sirven unos viejos bufones apolillados que se parecen al padre Didon, o unas mujeres con toca que me hacen creer que he entrado en el Bouillon Duval? Claro, querido, y creo que tengo derecho a hablar así porque, después de todo, la Belleza es la Belleza en una materia viva. ¡Gran placer ser servido por unos seres raquíticos, con lentes, que se les lee en la cara el caso de exención! Al contrario de lo que ocurría siempre antes, si en un restaurante se quiere posar la vista en alguien que esté bien, no hay que mirar a los camareros que sirven, sino a los clientes que consumen. Pero se podía volver a ver un sirviente, aunque cambiasen a menudo, ahora que vaya usted a saber quién es, cuándo volverá ese teniente inglés que viene quizá por primera vez y que quizá le matarán mañana. Cuando Augusto de Polonia, como cuenta el encantador Morand, el delicioso autor de Clarisse, cambió uno de sus regimientos por una colección de cerámica china, hizo a mi parecer un mal negocio. Piense usted que todos aquellos lacayos que medían dos metros de estatura y que ornamentaban las escaleras monumentales de nuestras más bellas amigas han sido muertos, voluntarios en su mayoría porque les repetían que la guerra iba a durar dos meses. ¡Ah!, no conocían como yo la fuerza de Alemania, la virtud de la raza prusiana -dijo dejándose llevar de su inclinación. Después, dándose cuenta de que había dejado traslucir demasiado su punto de vista-: Más que Alemania, lo que yo temo para Francia es la guerra misma. La gente de la retaguardia se imagina que la guerra es solamente un gigantesco match de boxeo, al que asisten de lejos por los periódicos. Pero esto no tiene ninguna relación. Es una enfermedad que, cuando parece conjurada en un punto, reaparece en otro. Hoy quedará liberado Noyon, mañana no tendremos ni pan ni chocolate, pasado mañana el que se creía muy tranquilo y aceptaría, llegado el caso, una bala que no imagina enloquecerá al leer en los periódicos que llaman a su quinta. En cuanto a los monumentos, una obra maestra única como Reims no es su desaparición lo que más me espanta, es, sobre todo, la destrucción de tal cantidad de conjuntos vivos que hacían instructivo y encantador el último pueblo de Francia. Pensé en seguida en Combray, pero en otro tiempo creí rebajarme a los ojos de madame de Guermantes confesando la modesta posición que mi familia ocupaba en Combray. Me pregunté si no se la revelarían a los Guermantes monsieur de Charlus, o Legrandin, o Swann, o Saint-Loup, o Morel. Pero esta misma preterición era menos penosa para mí que unas explicaciones retrospectivas. Lo único que deseaba era que monsieur de Charlus no hablara de Combray. -No quiero decir nada malo de los americanos -continuó-; parece ser que son inagotablemente generosos, y como en esta guerra no ha habido director de orquesta, como cada cual ha entrado en la danza mucho tiempo después del otro y los americanos empezaron cuando estábamos casi liquidados, pueden tener un ardor que cuatro años de guerra han apagado en nosotros. Incluso antes de la guerra amaban a nuestro país, nuestro arte, pagaban muy caras nuestras obras maestras. Muchas están hoy en su país. Pero precisamente este arte desarraigado, como diría monsieur Barrès, es todo lo contrario de lo que constituía el delicioso atractivo de Francia. El castillo explicaba la iglesia, que a su vez, porque la iglesia había sido un lugar de peregrinación, explicaba la canción de gesta. No tengo por qué hablar ahora de mis orígenes y de mis alianzas, y por lo demás no se trata de esto. Pero recientemente, por una cuestión de intereses, y a pesar de cierta frialdad que hay entre el matrimonio y yo, tuve que ir a hacer una visita a mi sobrina Saint-Loup, que vive en Combray. Combray no era más que una pequeña ciudad como hay tantas. Pero nuestros antepasados estaban representados como donantes en ciertas vidrieras, y en otras estaban inscritas nuestras armas. Teníamos allí nuestra capilla, nuestras tumbas. Esa iglesia fue destruida por los franceses y por los ingleses porque servía de observatorio a los alemanes. Toda esa mezcla de historia superviviente y de arte que era Francia se destruye, y la cosa no ha terminado todavía. Claro que no voy a cometer la ridiculez de comparar, por razones de familia, la destrucción de la iglesia de Combray con la de la catedral de Reims, que era como el milagro de una catedral gótica que recreara naturalmente la pureza de la estatuaria antigua, o con la de Amiens. No sé si a estas horas habrán roto el brazo levantado de San Fermín. En ese caso ha desaparecido de este mundo la más alta afirmación de la fe y de la energía. -Su símbolo, señor -le contesté-. Y yo adoro tanto como usted ciertos símbolos. Pero sería absurdo sacrificar al símbolo la realidad que simboliza. Las catedrales deben ser adoradas hasta el día en que, para preservarlas, haya que renegar de las verdades que enseñan. El brazo levantado de San Fermín en un gesto de mando casi militar decía: Seamos destruidos si el honor lo exige. No sacrifiquéis hombres a unas piedras cuya belleza procede precisamente de haber fijado un día verdades humanas. -Comprendo lo que quiere decirme -me replicó monsieur de Charlus-, y monsieur Barrès, que nos ha hecho hacer, desgraciadamente, tantas peregrinaciones a la estatua de Estrasburgo y a la tumba de monsieur Déroulède, ha estado emocionante y gracioso cuando escribió que la misma catedral de Reims era menos importante que la vida de nuestros infantes. Aserto este que hace bastante ridícula la ira de nuestros periódicos contra el general alemán que mandaba allí y que decía que la catedral de Reims valía menos para él que la vida de uno de sus soldados. Por lo demás, lo que es exasperante y desolador es que cada país dice lo mismo. Las razones en las que se fundan las asociaciones industriales de Alemania para declarar la posesión de Belfort indispensable para preservar su nación contra nuestras ideas de desquite son las mismas que las de Barrès al exigir Maguncia para protegernos contra las veleidades de invasión de los boches. ¿Por qué la restitución de Alsacia-Lorena le pareció a Francia un motivo insuficiente para hacer la guerra, un motivo suficiente para continuarla, para declararla de nuevo cada año? Usted parece creer que la victoria está ya segura para Francia; yo lo deseo de todo corazón, no lo dude. Pero, en fin, desde que los aliados, con razón o sin ella, se creen seguros de vencer (naturalmente, yo estaría encantado de esta solución, pero veo, sobre todo, muchas victorias en el papel, victorias pírricas, con un costo que no nos dicen) y los boches no se creen ya seguros de vencer, vemos a los alemanes tratando de acelerar la paz, a Francia prolongando la guerra, esa Francia que es la Francia justa y tiene razón para hacer oír palabras de justicia, pero que es también la dulce Francia y debería hacer oír palabras de piedad, aunque sólo fuera por sus propios hijos y porque las flores que renazcan cada primavera iluminen otra cosa que no sean tumbas. Sea franco, querido amigo, usted mismo me hizo una teoría sobre las cosas que sólo existen gracias a una creación perpetuamente recomenzada. La creación del mundo no se hizo de una vez para siempre, me decía usted; se hace necesariamente cada día. Pues bien, si usted es de buena fe, no puede exceptuar de esta teoría la guerra. Por más que nuestro excelente Norpois escriba (sacando uno de esos accesorios de retórica que tan caros le son, «el alba de la victoria» y «el General Invierno»): «Ahora que Alemania ha querido la guerra, la suerte está echada», la verdad es que cada mañana se declara de nuevo la guerra. Luego el que quiere continuarla es tan culpable como el que la empezó, quizá más, pues el primero quizá no preveía todos sus horrores. Y nada nos dice que una guerra tan prolongada, aunque su resultado sea victorioso, carezca de peligro. Es difícil hablar de cosas que no tienen precedente y de las repercusiones sobre el organismo de una operación que se intenta por primera vez. Cierto que, generalmente, las novedades que nos alarman se pasan muy bien. Los republicanos más prudentes pensaban que era una locura la separación de la Iglesia. Ha pasado sin dificultad. Dreyfus, rehabilitado; Picquart, ministro de la Guerra, sin que nadie se llame a escándalo. Pero ¡qué no puede temerse de una fatiga como la de una guerra ininterrumpida durante varios años! ¿Qué harán los hombres a la vuelta? ¿No les habrá enloquecido o destrozado la fatiga? Todo eso podría resultar mal, si no para Francia, al menos para el gobierno, puede que hasta para la forma de gobierno. Usted me dio a leer en otro tiempo el admirable libro Aimée deCoigny, de Maurras. Me extrañaría mucho que alguna Aimée de Coigny no esperara del desarrollo de la guerra que hace la República lo que en 1812 esperó Aimée de Coigny de la guerra que hacía el Imperio. Si existe la Aimée actual, ¿se realizarán sus esperanzas? Yo no lo deseo. Volviendo a la guerra misma, el primero que la empezó ¿es el emperador Guillermo? Lo dudo mucho. Y silo es, qué otra cosa ha hecho que Napoleón, por ejemplo, cosa que a mí me parece abominable, pero que me asombra que inspire tanto horror a los turiferarios de Napoleón, a los que el día de la declaración de guerra exclamaron como el general Pau: «Esperaba este día desde hace cuarenta años. Es el más hermoso de mi vida». Dios sabe que nadie protestó con más energía que yo cuando se dio en la sociedad un lugar desproporcionado a los nacionalistas, a los militares, cuando todo amigo de las artes era acusado de ocuparse de cosas funestas ala patria, cuando toda civilización no belicosa era deletérea. Un hombre del auténtico gran mundo apenas contaba al lado de un general. Una loca estuvo a punto de presentarme a monsieur Syveton. Me dirá usted que lo que yo me esforzaba por mantener no eran más que las reglas mundanas. Pero estas reglas, a pesar de su aparente frivolidad, quizá hubieran impedido muchos excesos. Yo he honrado siempre a los que defienden la gramática o la lógica. Pasados cincuenta años, la gente se da cuenta de que ha conjurado grandes peligros. Nuestros nacionalistas son los más germanófobos, los más intransigentes de los hombres. Pero al cabo de quince años su filosofía ha cambiado por completo. En realidad, propugnan la continuación de la guerra. Pero no es más que por exterminar una raza belicosa y por amor a la paz. Pues una civilización guerrera, que hace quince años les parecía tan hermosa, ahora les horroriza; no sólo reprochan a Prusia haber hecho predominar en ella el elemento militar, sino que en todo tiempo piensan quedas civilizaciones militares fueron destructoras de todo lo que ahora les parece tan valioso, no sólo las artes, sino hasta la galantería. Basta que uno de sus críticos se convierta al nacionalismo para que resulte, sin más, un amigo de la paz. Está convencido de que en todas las civilizaciones guerreras la mujer tenía un papel humillado y bajo. No se atreven a contestarle que las «damas» de los caballeros de la Edad Media y la Beatriz de Dante estaban quizá en un trono tan elevado como las heroínas de monsieur Becque. Yo espero encontrarme un día de éstos sentado a la mesa después de un revolucionario ruso o simplemente después de uno de nuestros generales que hacen la guerra por odio a la guerra y para castigar a un pueblo por cultivar un ideal que, hace quince años, ellos mismos consideraban el único tonificante. Hace unos meses todavía se honraba al infortunado zar porque reunió la conferencia de La Haya. Pero ahora que se saluda a la Rusia libre se olvida el título que permitía glorificarle. Así gira la rueda del mundo. Y, sin embargo, Alemania emplea las mismas expresiones que Francia hasta tal punto que parece que la cita; no se cansa de decir que «lucha por la existencia». Cuando leo: «Luchamos contra un enemigo implacable y cruel hasta obtener una paz que nos garantice en el futuro contra toda agresión y para que la sangre de nuestros bravos soldados no haya corrido en vano», o bien: «Quien no está con nosotros está contra nosotros», no sé si esta frase es del emperador Guillermo o de monsieur Poincaré, pues, con algunas variantes, uno y otro la han pronunciado veinte veces, si bien debo confesar que, en este caso, ha sido el emperador quien ha imitado al presidente de la República. Si Francia no hubiera seguido siendo débil, quizá no habría tenido tanto empeño en prolongar la guerra, pero, sobre todo, Alemania no habría tenido acaso tanta prisa por terminarla si no hubiera dejado de ser fuerte. De ser tan fuerte, pues fuerte ya verá usted que lo es todavía. Monsieur de Charlus había tomado la costumbre de hablar muy alto, por nerviosismo, por buscar salidas para unas impresiones de las que -no habiendo cultivado ningún artetenía que desprenderse, como un aviador de sus bombas, aunque fuera en pleno campo, allí donde sus palabras no llegaban a nadie, y sobre todo en el mundo donde caían también al azar y donde le escuchaban por snobismo, porque creían en él, y, hasta tal punto tiranizaba al auditorio, puede decirse que por fuerza y hasta por miedo. En los bulevares esta arenga era, además, una prueba de desprecio por los transeúntes, que no le hacían bajar la voz, como no le hacían desviar su camino. Pero llamaba la atención, sorprendía, y sobre todo hacía inteligibles a unas personas que volvían la cabeza aquellas palabras que podían hacernos detener por derrotistas. Se lo dije a monsieur de Charlus sin otro resultado que el de provocar su hilaridad. -Reconocerá usted que sería gracioso -dijo-. Después de todo -añadió-, quién sabe, cualquiera de nosotros está expuesto cada noche a salir en los sucesos del día siguiente.
En somme, pourquoi ne serais-je pas fusillé dans les fossés de Vincennes ? La même chose est bien arrivée à mon grand-oncle le duc d′Enghien. La soif du sang noble affole une certaine populace qui en cela se montre plus raffinée que les lions. Vous savez que pour ces animaux il suffirait pour qu′ils se jetassent sur elle que Mme Verdurin eût une écorchure sur son nez. Sur ce que dans ma jeunesse on eût appelé son pif ! » Et il se mit à rire à gorge déployée comme si nous avions été seuls dans un salon. Par moments, voyant des individus assez louches extraits de l′ombre par le passage de M. de Charlus se conglomérer à quelque distance de lui, je me demandais si je lui serais plus agréable en le laissant seul ou en ne le quittant pas. Tel celui qui a rencontré un vieillard sujet à de fréquentes crises épileptiformes et qui voit, par l′incohérence de la démarche, l′imminence probable d′un accès se demande si sa compagnie est plutôt désirée comme celle d′un soutien, ou redoutée comme celle d′un témoin à qui on voudrait cacher la crise et dont la présence seule peut-être, quand le calme absolu réussirait à l′écarter, suffira à la hâter. Mais la possibilité de l′événement duquel on ne sait si l′on doit s′écarter ou non est révélée, chez le malade, par les circuits qu′il fait comme un homme ivre. Tandis que pour M. de Charlus les diverses positions divergentes, signe d′un incident possible dont je n′étais pas bien sûr s′il souhaitait ou redoutait que ma présence l′empêchât de se produire, étaient, par une ingénieuse mise en scène, occupées non par le baron lui-même, qui marchait fort droit, mais par tout un cercle de figurants. Tout de même, je crois qu′il préférait éviter la rencontre, car il m′entraîna dans une rue de traverse, plus obscure que le boulevard et où celui-ci ne cessait de déverser des soldats de toute arme et de toute nation, influx juvénile, compensateur et consolant, pour M. de Charlus, de ce reflux de tous les hommes à la frontière qui avait fait frénétiquement le vide dans Paris aux premiers temps de la mobilisation. M. de Charlus ne cessait pas d′admirer les brillants uniformes qui passaient devant nous et qui faisaient de Paris une ville aussi cosmopolite qu′un port, aussi irréelle qu′un décor de peintre qui n′a dressé quelques architectures que pour avoir un prétexte à grouper les costumes les plus variés et les plus chatoyants. Il gardait tout son respect et toute son affection à de grandes dames accusées de défaitisme, comme jadis à celles qui avaient été accusées de dreyfusisme. Il regrettait seulement qu′en s′abaissant à faire de la politique elles eussent donné prise «Â aux polémiques des journalistes ». Pour lui, à leur égard, rien n′était changé. Car sa frivolité était si systématique, que la naissance unie à la beauté et à d′autres prestiges était la chose durable — et la guerre, comme l′affaire Dreyfus, des modes vulgaires et fugitives. Eût-on fusillé la duchesse de Guermantes pour essai de paix séparée avec l′Autriche qu′il l′eût considérée comme toujours aussi noble et pas plus dégradée que ne nous apparaît aujourd′hui Marie-Antoinette d′avoir été condamnée à la décapitation. En parlant à ce moment-là, M. de Charlus, noble comme une espèce de Saint-Vallier ou de Saint-Mégrin, était droit, rigide, solennel, parlait gravement, ne faisait pour un moment aucune des manières où se révèlent ceux de sa sorte. Et pourtant, pourquoi ne peut-il y en avoir aucun dont la voix soit jamais absolument juste ?Â… Même en ce moment où elle approchait le plus du grave, elle était fausse encore et aurait eu besoin de l′accordeur. D′ailleurs, M. de Charlus ne savait littéralement où donner de la tête et il la levait souvent avec le regret de ne pas avoir une jumelle qui, d′ailleurs, ne lui eût pas servi à grand′chose, car en plus grand nombre que d′habitude, à cause du raid de zeppelins de l′avant-veille qui avait réveillé la vigilance des pouvoirs publics, il y avait des militaires jusque dans le ciel. Les aéroplanes que j′avais vus quelques heures plus tôt faire, comme des insectes, des taches brunes sur le soir bleu passaient maintenant dans la nuit qu′approfondissait encore l′extinction partielle des réverbères comme de lumineux brûlots. La plus grande impression de beauté que nous faisaient éprouver ces étoiles humaines et filantes était peut-être surtout de faire regarder le ciel vers lequel on lève peu les yeux d′habitude dans ce Paris dont, en 1914, j′avais vu la beauté presque sans défense attendre la menace de l′ennemi qui se rapprochait. Il y avait certes, maintenant comme alors, la splendeur antique inchangée d′une lune cruellement, mystérieusement sereine, qui versait aux monuments encore intacts l′inutile beauté de sa lumière, mais comme en 1914, et plus qu′en 1914, il y avait aussi autre chose, des lumières différentes et des feux intermittents, que soit de ces aéroplanes, soit des projecteurs de la Tour Eiffel on savait dirigés par une volonté intelligente, par une vigilance amie qui donnait ce même genre d′émotion, inspirait cette même sorte de reconnaissance et de calme que j′avais éprouvés dans la chambre de Saint-Loup, dans la cellule de ce cloître militaire où s′exerçaient, avant qu′ils consommassent un jour, sans une hésitation, en pleine jeunesse, leur sacrifice, tant de cœurs fervents et disciplinés.
En fin, ¿por qué no me van a fusilar a mí en los fosos de Vincennes? Lo mismo le ocurrió a mi tío abuelo el duque de Enghien. La sed de sangre noble enloquece a cierto populacho, que en esto se muestra más refinado que los leones. Ya sabe usted que a estos animales les bastaría, para echarse sobre ella, que madame Verdurin tuviera un arañazo en las narices. En lo que, en mi juventud, llamaríamos sus napias. Y se echó a reír a carcajadas como si estuviéramos solos en un salón. A veces, viendo a unos individuos bastante sospechosos que al paso de monsieur de Charlus salían de la sombra y se concentraban a cierta distancia de él, pensaba yo si le sería más agradable dejándole solo o no dejándole, como ocurre cuando encontramos a un viejo propenso a frecuentes ataques epileptiformes y, al ver por la incoherencia del paso la inminencia probable de un ataque, nos preguntamos si nuestra compañía es deseada como un apoyo o más bien temida como un testigo al que se quisiera ocultar la crisis y cuya sola presencia bastará quizá para apresurarla, mientras que quizá la calma absoluta lograra conjurarla. Pero la posibilidad del acontecimiento del que no sabemos si debemos apartarnos o no, se revela en el enfermo por las vueltas que da como un hombre borracho, mientras que, en monsieur de Charlus, estas diversas posiciones divergentes, señal de un posible incidente en el que no estaba bien seguro si el barón deseaba o temía que mi presencia le impidiera producirse, las ocupaba, como por un ingenioso truco de teatro, no el barón mismo, que seguía hacia delante muy derecho, sino todo un círculo de comparsas. De todos modos, creo que prefería evitar el encuentro, pues me llevó a una calle transversal, más oscura que el bulevar, y en la que, sin embargo, no dejaba éste de verter, a menos que afluyeran hacia él, soldados de todas las armas y de todas las naciones, aflujo juvenil, compensador y consolador para monsieur de Charlus, de aquel reflujo de todos los hombres en la frontera que, neumáticamente, hizo el vacío en París en los primeros tiempos de la movilización. Monsieur de Charlus no cesaba de admirar los brillantes uniformes que pasaban ante nosotros y que hacían de París una ciudad tan cosmopolita como un puerto, tan irreal como un decorado de pintor que sólo ha levantado unas arquitecturas como un pretexto para agrupar los trajes más variados y más esplendorosos. Conservaba todo su respeto y todo su afecto a ciertas grandes damas acusadas de derrotismo, como en otro tiempo a las que fueron acusadas de dreyfusismo. Sólo lamentaba que, al rebajarse a hacer política, hubieran dado lugar «a las polémicas de los periodistas». Para él nada había cambiado en relación con ellas. Pues su frivolidad era tan sistemática que el linaje, unido a la belleza y a otros prestigios, era lo duradero, mientras que la guerra, como el asunto Dreyfus, eran modas vulgares y pasajeras. Así fusilaran a la duquesa de Guermantes por intento de paz separada con Austria, él la consideraría siempre tan noble y no más degradada que como vemos hoy a María Antonieta por haber sido condenada a la guillotina. En aquel momento, monsieur de Charlus, noble como una especie de Saint-Vallier o de Saint-Mégrin, iba erguido, rígido, solemne, hablaba gravemente, no se le notaba, por un momento, ninguna de esas maneras que denuncian a los de su gremio. Y, sin embargo, ¿por qué no puede haber ninguno que tenga alguna vez una voz absolutamente normal? Hasta cuando se aproximaba al tono más grave, la suya era desafinada, necesitada de un afinador. Por otra parte, monsieur de Charlus no sabía literalmente qué hacer, y levantaba a menudo la cabeza con el pesar de no tener unos prismáticos, que por lo demás no le hubieran servido de mucho, pues, por causa de los zepelines de la víspera, que habían alertado la vigilancia de los poderes públicos, había militares en mayor número que de costumbre, los había hasta en el cielo. Los aeroplanos que, unas horas antes, viera yo poner en el cielo azul unas manchas oscuras como insectos, pasaban ahora como luminosos brulotes en la noche, más profunda aún por la extinción parcial de los reverberos. La mayor impresión de belleza que nos hacían sentir aquellas estrellas humanas y fugaces era quizá sobre todo hacer mirar al cielo, hacia el cual levantamos poco los ojos habitualmente. En aquel París cuya belleza había visto yo, en 1914, amenazada y casi sin defensa, por el enemigo que se acercaba, había ciertamente, ahora como entonces, el mismo esplendor antiguo de una luna cruelmente, misteriosamente serena, que derramaba en los monumentos todavía intactos la inútil belleza de su luz; pero como en 1914, y más que en 1914, había también otra cosa, luces diferentes, resplandores intermitentes que, fueran de los aeroplanos, fueran de los reflectores de la torre Eiffel, sabíamos dirigidos por una voluntad inteligente, por una vigilancia amiga que producía aquella misma clase de emoción, que inspiraba aquella misma especie de gratitud y de calma que yo había experimentado en el cuarto de Saint-Loup, en la celda de aquel claustro militar donde tantos corazones fervientes y disciplinados ejercitaban antes de que se consumase un día, sin la menor vacilación, en plena juventud, su sacrificio.
Après le raid de l′avant-veille, où le ciel avait été plus mouvementé que la terre, il s′était calmé comme la mer après une tempête. Mais comme la mer après une tempête il n′avait pas encore repris son apaisement absolu. Des aéroplanes montaient encore comme des fusées rejoindre les étoiles et des projecteurs promenaient lentement, dans le ciel sectionné, comme une pâle poussière d′astres, d′errantes voies lactées. Cependant les aéroplanes venaient s′insérer au milieu des constellations et on aurait pu se croire dans un autre hémisphère en effet, en voyant ces «Â étoiles nouvelles ». M. de Charlus me dit son admiration pour ces aviateurs, et comme il ne pouvait pas plus s′empêcher de donner libre cours à sa germanophilie qu′à ses autres penchants tout en niant l′une comme les autres : «Â D′ailleurs j′ajoute que j′admire autant les Allemands qui montent dans des gothas. Et sur des zeppelins, pensez le courage qu′il faut. Mais ce sont des héros tout simplement. Qu′est-ce que ça peut faire que ce soit sur des civils qu′ils lancent leurs bombes puisque ces batteries tirent sur eux ? Est-ce que vous avez peur des gothas et du canon ? » J′avouai que non et peut-être je me trompais. Sans doute ma paresse m′ayant donné l′habitude, pour mon travail, de le remettre jour par jour au lendemain, je me figurais qu′il pouvait en être de même pour la mort. Comment aurait-on peur d′un canon dont on est persuadé qu′il ne vous frappera pas ce jour-là ? D′ailleurs formées isolément, ces idées de bombes lancées, de mort possible n′ajoutèrent pour moi rien de tragique à l′image que je me faisais du passage des aéronefs allemands jusqu′à ce que j′eusse vu de l′un d′eux ballotté, segmenté à mes regards par les flots de brume d′un ciel agité, d′un aéroplane que, bien que je le susse meurtrier, je n′imaginais que stellaire et céleste, j′eusse vu un soir le geste de la bombe lancée vers nous. Car la réalité originale d′un danger n′est perçue que de cette chose nouvelle, irréductible à ce qu′on sait déjà, qui s′appelle une impression et qui est souvent, comme ce fut le cas là, résumée par une ligne, une ligne qui découvrait une intention, une ligne où il y avait la puissance latente d′un accomplissement qui la déformait, tandis que sur le pont de la Concorde, autour de l′aéroplane menaçant et tragique, et comme si s′étaient reflétées dans les nuages les fontaines des Champs-Élysées, de la place de la Concorde et des Tuileries, les jets d′eau lumineux des projecteurs s′infléchissaient dans le ciel, lignes pleines d′intentions aussi, d′intentions prévoyantes et protectrices, d′hommes puissants et sages auxquels, comme la nuit au quartier de Doncières, j′étais reconnaissant que leur force daignât prendre, avec cette précision si belle, la peine de veiller sur nous.
Después de la incursión de la antevíspera, en la que el cielo estuvo más agitado que la tierra, se calmó como el mar después de una tempestad. Mas, como el mar después de una tempestad, no había recobrado aún su calma absoluta. Todavía ascendían aeroplanos como cohetes a reunirse con las estrellas, y los reflectores paseaban lentamente, en el cielo parcelado como un pálido polvo de astros, de errantes vías lácteas. Pero los aeroplanos iban a insertarse en medio de las constelaciones, y al ver aquellas «estrellas nuevas» hubiéramos podido creernos efectivamente en otro hemisferio. Monsieur de Charlus me dijo su admiración por aquellos aviadores, y como no podía menos de dar libre curso a su germanofilia lo mismo que a sus otras inclinaciones, a la vez que las negaba, explicaba: -De todos modos, debo añadir que admiro lo mismo a los alemanes que suben en sus gothas. Y en los zepelines, ¡qué valor hace falta! Son unos héroes, simplemente unos héroes. ¿Qué importa que tiren sobre civiles, puesto que las baterías tiran contra ellos? ¿Le dan a usted miedo los gothas y el cañón? Le dije que no, y quizá me equivocaba. Como la pereza me había acostumbrado a ir aplazando mi trabajo para el día siguiente, me figuraba que podía ocurrir lo mismo con la muerte. ¿Cómo se va a tener miedo de un cañón cuando se está convencido de que ese día no nos alcanzará? Por otra parte, vistas aisladamente aquellas ideas de bombas lanzadas, de muerte posible, no añadían para mí nada trágico a la imagen que yo me formaba del paso de las aeronaves alemanas, hasta que una de ellas, sacudida, segmentada a mis ojos por las oleadas de bruma de un cielo agitado, de un aeroplano que, aunque le sabía mortífero, lo imaginaba sólo estelar y celeste, viera una noche el gesto de la bomba lanzada hacia nosotros. Pues la realidad originaria de un peligro se percibe únicamente en esa cosa nueva, irreductible a lo que ya sabemos, que se llama una impresión y que muchas veces, como en este caso, se resume en una línea, una línea que describía una intención, una línea en la que había el poder latente de una realización que la deformaba, mientras que en el puente de la Concordia, en torno al aeroplano amenazador y acorralado, y como si se reflejaran en las nubes las fuentes de los Champs-Elysées, de la plaza de la Concordia y de las Tullerías, los surtidores luminosos de los proyectores se doblaban en el cielo, líneas plenas de intenciones también, de intenciones previsoras y protectoras, de hombres poderosos y sabios a los que, como una noche en el cuartel de Doncières, estaba yo agradecido de que su fuerza se dignara tomarse el trabajo, con aquella precisión tan bella, de velar por nosotros.
La nuit était aussi belle qu′en 1914, comme Paris était aussi menacé. Le clair de lune semblait comme un doux magnésium continu permettant de prendre une dernière fois des images nocturnes de ces beaux ensembles comme la place Vendôme, la place de la Concorde, auxquels l′effroi que j′avais des obus qui allaient peut-être les détruire donnait, par contraste, dans leur beauté encore intacte, une sorte de plénitude, comme si elles se tendaient en avant, offrant aux coups leurs architectures sans défense. «Â Vous n′avez pas peur, répéta M. de Charlus. Les Parisiens ne se rendent pas compte. On me dit que Mme Verdurin donne des réunions tous les jours. Je ne le sais que par les on-dit, moi je ne sais absolument rien d′eux, j′ai entièrement rompu », ajouta-t-il en baissant non seulement les yeux comme si avait passé un télégraphiste, mais aussi la tête, les épaules, et en levant le bras avec le geste qui signifie sinon «Â je m′en lave les mains », du moins «Â je ne peux rien vous dire » (bien que je ne lui demandasse rien). «Â Je sais que Morel y va toujours beaucoup », me dit-il (c′était la première fois qu′il m′en reparlait). «Â On prétend qu′il regrette beaucoup le passé, qu′il désire se rapprocher de moi », ajouta-t-il, faisant preuve à la fois de cette même crédulité d′homme du faubourg qui dit : «Â On dit beaucoup que la France cause plus que jamais avec l′Allemagne et que les pourparlers sont même engagés » et de l′amoureux que les pires rebuffades n′ont pas persuadé. «Â En tout cas, s′il le veut il n′a qu′à le dire, je suis plus vieux que lui, ce n′est pas à moi à faire les premiers pas. » Et sans doute il était bien inutile de le dire tant c′était évident. Mais, de plus, ce n′était même pas sincère, et c′est pour cela qu′on était si gêné pour M. de Charlus, car on sentait qu′en disant que ce n′était pas à lui de faire les premiers pas, il en faisait au contraire un et attendait que j′offrisse de me charger du rapprochement. Certes, je connaissais cette naîµ¥ ou feinte crédulité des gens qui aiment quelqu′un, ou simplement ne sont pas reçus chez quelqu′un, et imputent à ce quelqu′un un désir qu′il n′a pourtant pas manifesté, malgré des sollicitations fastidieuses.
La noche era tan hermosa como en 1914, y París estaba tan amenazado como entonces. La luna parecía como un suave magnesio continuo que permitía tomar, por última vez, unas imágenes nocturnas de aquellos bellos conjuntos como la plaza Vendôme, la plaza de la Concordia, a los que el miedo que yo tenía de los obuses que acaso iban a destruirlos daba por contraste, en su belleza todavía intacta, una especie de plenitud, y como si se tendieran hacia adelante, ofreciendo a los golpes sus arquitecturas indefensas. -¿No tiene usted miedo? -repitió monsieur de Charlus-. Los parisienses no se dan cuenta. Me dicen que madame Verdurin da reuniones todos los días. Sólo lo sé porque lo dicen, yo no sé absolutamente nada de ellos, he roto por completo -añadió bajando no solamente los ojos como si pasara un telegrafista, sino también la cabeza, los hombros, y levantando el brazo con el gesto que significa, si no «yo me lavo las manos», al menos «no puedo decirle nada» (aunque yo nada le preguntaba)-. Ya sé que Morel sigue yendo mucho a esa casa -me dijo, y fue la primera vez que volvió a hablarme de él-. Dicen que añora mucho el pasado, que desea reconciliarse conmigo -añadió, demostrando a la vez la misma credulidad del hombre del Faubourg que dice: «Se habla mucho de que Francia está tratando más que nunca con Alemania y hasta de que se han iniciado ya las negociaciones» y del enamorado que no se da por vencido ni por los mayores sofiones-. En todo caso, si lo desea, no tiene más que decirlo, yo soy más viejo que él, no me toca a mí dar el primer paso. Y, desde luego, no necesitaba decirlo, tan evidente era. Pero, además, ni siquiera era sincero, y por eso se sentía uno tan violento por monsieur de Charlus, pues se notaba que al decir que no le tocaba a él dar el primer paso, lo que hacía era darlo, esperando que yo me ofreciese a encargarme de la reconciliación. Yo conocía, por supuesto, esta credulidad, inocente o fingida, de las personas enamoradas de alguien o que, simplemente, no son recibidas en casa de alguien, y atribuyen a ese alguien un deseo que, sin embargo, no ha manifestado, a pesar de fastidiosas solicitaciones.
Malheureusement, dès le lendemain, disons-le tout de suite, M. de Charlus se trouva dans la rue face à face avec Morel ; celui-ci, pour exciter sa jalousie, le prit par le bras, lui raconta des histoires plus ou moins vraies et quand M. de Charlus éperdu, ayant besoin que Morel restât cette soirée auprès de lui, le supplia de ne pas aller ailleurs, l′autre, apercevant un camarade, dit adieu à M. de Charlus qui, de colère, espérant que cette menace que, bien entendu, il semblait ne devoir exécuter jamais, ferait rester Morel, lui dit : «Â Prends garde, je me vengerai », et Morel, riant, partit en tapotant sur le cou et en enlaçant par la taille son camarade étonné.
Â…
À l′accent soudain tremblant avec lequel M. de Charlus avait, en me parlant de Morel, scandé ses paroles, au regard trouble qui vacillait au fond de ses yeux, j′eus l′impression qu′il y avait autre chose qu′une banale insistance. Je ne me trompais pas et je dirai tout de suite les deux faits qui me le prouvèrent rétrospectivement (j′anticipe de beaucoup d′années pour le second de ces faits, postérieur à la mort de M. de Charlus. Or elle ne devait se produire que bien plus tard, et nous aurons l′occasion de le revoir plusieurs fois, bien différent de ce que nous l′avons connu, et en particulier la dernière fois, à une époque où il avait entièrement oublié Morel). Quant au premier de ces faits, il se produisit deux ans seulement après le soir où je descendais ainsi les boulevards avec M. de Charlus. Donc environ deux ans après cette soirée, je rencontrai Morel. Je pensai aussitôt à M. de Charlus, au plaisir qu′il aurait à revoir le violoniste, et j′insistai auprès de lui pour qu′il allât le voir, fût-ce une fois. «Â Il a été bon pour vous, dis-je à Morel. Il est déjà vieux, il peut mourir, il faut liquider les vieilles querelles et effacer les traces de la brouille. » Morel parut entièrement de mon avis quant à un apaisement désirable, mais il n′en refusa pas moins catégoriquement de faire même une seule visite à M. de Charlus. «Â Vous avez tort, lui dis-je. Est-ce par entêtement, par paresse, par méchanceté, par amour-propre mal placé, par vertu (soyez sûr qu′elle ne sera pas attaquée), par coquetterie ? » Alors le violoniste, tordant son visage pour un aveu qui lui coûtait sans doute extrêmement, me répondit en frissonnant : «Â Non, ce n′est pour rien de tout cela, la vertu je m′en fous ; la méchanceté, au contraire je commence à le plaindre ; ce n′est pas par coquetterie, elle serait inutile ; ce n′est pas par paresse, il y a des journées entières où je reste à me tourner les pouces, non, ce n′est à cause de rien de tout cela ; c′est, ne le dites jamais à personne et je suis fou de vous le dire, c′est, c′estÂ… c′estÂ… par peur ! » Il se mit à trembler de tous ses membres. Je lui avouai que je ne le comprenais pas. «Â Non, ne me demandez pas, n′en parlons plus, vous ne le connaissez pas comme moi, je peux dire que vous ne le connaissez pas du tout. — Mais quel tort peut-il vous faire ? il cherchera, d′ailleurs, d′autant moins à vous en faire qu′il n′y aura plus de rancune entre vous. Et puis, au fond, vous savez qu′il est très bon. — Parbleu si, je le sais qu′il est bon ! Et la délicatesse et la droiture. Mais laissez-moi, ne m′en parlez plus, je vous en supplie, c′est honteux à dire, j′ai peur ! » Le second fait date d′après la mort de M. de Charlus. On m′apporta quelques souvenirs qu′il m′avait laissés et une lettre à triple enveloppe, écrite au moins dix ans avant sa mort. Mais il avait été gravement malade, avait pris ses dispositions, puis s′était rétabli avant de tomber plus tard dans l′état où nous le verrons le jour d′une matinée chez la princesse de Guermantes — et la lettre, restée dans un coffre avec les objets qu′il léguait à quelques amis, était restée là sept ans, sept ans pendant lesquels il avait entièrement oublié Morel. La lettre, tracée d′une écriture fine et ferme, était ainsi conçue : «Â Mon cher ami, les voies de la Providence sont inconnues. Parfois c′est du défaut d′un être médiocre qu′elle use pour empêcher de faillir la suréminence d′un juste. Vous connaissez Morel, d′où il est sorti, à quel faîte j′ai voulu l′élever, autant dire à mon niveau. Vous savez qu′il a préféré retourner non pas à la poussière et à la cendre d′où tout homme, c′est-à-dire le véritable phœnix, peut renaître, mais à la boue où rampe la vipère. Il s′est laissé choir, ce qui m′a préservé de déchoir. Vous savez que mes armes contiennent la devise même de Notre-Seigneur : «Â Inculcabis super leonem et aspidem » avec un homme représenté comme ayant à la plante de ses pieds, comme support héraldique, un lion et un serpent. Or si j′ai pu fouler ainsi le propre lion que je suis, c′est grâce au serpent et à sa prudence, qu′on appelle trop légèrement parfois un défaut, car la profonde sagesse de l′Évangile en fait une vertu, au moins une vertu pour les autres. Notre serpent aux sifflements jadis harmonieusement modulés, quand il avait un charmeur — fort charmé, du reste — n′était pas seulement musical et reptile, il avait jusqu′à la lâcheté cette vertu que je tiens maintenant pour divine, la Prudence. C′est cette divine prudence qui l′a fait résister aux appels que je lui ai fait transmettre de revenir me voir, et je n′aurai de paix en ce monde et d′espoir de pardon dans l′autre que si je vous en fais l′aveu. C′est lui qui a été en cela l′instrument de la Sagesse divine, car, je l′avais résolu, il ne serait pas sorti de chez moi vivant. Il fallait que l′un de nous deux disparût. J′étais décidé à le tuer. Dieu lui a conseillé la prudence pour me préserver d′un crime. Je ne doute pas que l′intercession de l′Archange Michel, mon saint patron, n′ait joué là un grand rôle et je le prie de me pardonner de l′avoir tant négligé pendant plusieurs années et d′avoir si mal répondu aux innombrables bontés qu′il m′a témoignées, tout spécialement dans ma lutte contre le mal. Je dois à ce serviteur, je le dis dans la plénitude de ma foi et de mon intelligence, que le Père céleste ait inspiré à Morel de ne pas venir. Aussi, c′est moi maintenant qui me meurs. Votre fidèlement dévoué, Semper idem, P. G. Charlus. » Alors je compris la peur de Morel ; certes il y avait dans cette lettre bien de l′orgueil et de la littérature. Mais l′aveu était vrai. Et Morel savait mieux que moi que le «Â côté presque fou » que Mme de Guermantes trouvait chez son beau-frère ne se bornait pas, comme je l′avais cru jusque-là, à ces dehors momentanés de rage superficielle et inopérante.
Mas por el acento súbitamente trémulo con que monsieur de Charlus tartamudeó estas palabras, por la mirada turbia que vacilaba en el fondo de sus ojos, tuve la impresión de que allí había otra cosa que una simple insistencia. No me equivocaba, y contaré en seguida los dos hechos que me lo demostraron retrospectivamente (me anticipo en muchos años al segundo de estos hechos, posterior a la muerte de monsieur de Charlus, muerte que no se produjo hasta mucho después, y tendremos ocasión de volver a verle varias veces muy diferente de como le hemos conocido, y sobre todo la última vez, en una época en que había olvidado por completo a Morel). En cuanto al primero de estos hechos, se produjo sólo dos o tres años después de la noche en que yo bajé por los bulevares con monsieur de Charlus. En fin, a los dos años de aquella noche encontré a Morel. Pensé en seguida en monsieur de Charlus, en la alegría que le daría volver a ver al violinista, e insistí para que fuera a verle, aunque sólo fuese una vez. -Ha sido bueno con usted -le dije-, ya es viejo, puede morir, hay que olvidar las viejas querellas y borrar las huellas de la riña. -Morel pareció enteramente de mi opinión en cuanto a que la reconciliación era deseable, pero se negó categóricamente a hacer ni una sola visita a monsieur de Charlus-. Hace usted mal -le dije-. ¿Es por testarudez, por pereza, por maldad, por amor propio mal entendido, por virtud (tenga la seguridad de que no será atacada), por coquetería? Entonces el violinista, contrayendo la cara para una confesión que seguramente le costaba mucho, me contestó temblando: -No, no es nada de todo eso; la virtud me tiene sin cuidado; ¿por maldad?, al contrario, empiezo a tenerle lástima; tampoco por coquetería, setía inútil; ni por pereza, me paso días enteros sin nada que hacer. No, no es por nada de eso; es, no se lo diga nunca a nadie y soy un loco por decírselo: es, es... es... ¡por miedo! -y se echó a temblar con todos sus miembros. Le dije que no le entendía-. No, no me pregunte, no hablemos más, usted no le conoce como yo, puedo decir que no le conoce en absoluto. -Pero ¿qué daño puede hacerle? Y menos cuando ya no habrá rencor entre ustedes. Y, además, usted sabe que en el fondo es muy bueno. -¡Diablo, ya lo creo que lo sé! Y la delicadeza y la rectitud misma. Pero déjeme, no me hable más de eso, se lo ruego, da vergüenza decirlo: ¡tengo miedo! El segundo hecho ocurrió después de la muerte de monsieur de Charlus. Me trajeron unos recuerdos que me dejó y una carta con triple sobre, escrita lo menos diez años antes de su muerte. Pero había estado gravemente enfermo, había tomado sus disposiciones, luego se restableció antes de caer más tarde en el estado en que le veremos el día de una fiesta en casa de la princesa de Guermantes. Y la carta, que estaba en una caja fuerte con los objetos que legaba a algunos amigos, había permanecido allí siete años, siete años durante los cuales olvidó enteramente a Morel. La carta, escrita con una letra fina y firme, decía así: «Mi querido amigo: Los caminos de la providencia son desconocidos. A veces se vale del defecto de un ser mediocre para impedir que caiga la supereminencia de un justo. Usted conoce a Morel, de dónde salió, a qué cima quise yo elevarle, es decir, a mi nivel. Usted sabe que él prefirió volver no al polvo y a la ceniza de donde cualquier hombre, es decir, el verdadero fénix puede renacer, sino al fango donde se arrastra la víbora. Se dejó caer, lo que me preservó a mí de descender. Usted sabe que en mis armas figura la misma divisa de nuestro Señor: Inculcabis super leonem et aspidem, con un hombre que tiene bajo sus pies, como soporte heráldico, un león y una sierpe. Ahora bien, si yo pude pisotear así al propio león que soy yo, fue gracias a la serpiente y a su prudencia, a la que hace un momento llamé, ligeramente, un defecto, pues la profunda sabiduría del Evangelio hace de ella una virtud, al menos una virtud para los demás. Nuestra serpiente de los silbidos en otro tiempo armoniosamente modulados, cuando había un encantador - muy encantado por lo demás-, no era sólo musical y reptilesca: llegaba hasta la cobardía esa virtud que hoy tengo por divina, la Prudencia. Fue esa divina prudencia la que le hizo resistir a las invitaciones que le envié para que volviera a verme, y no tendré yo paz en este mundo ni esperanza de perdón en el otro si no se lo confieso a usted. En esto fue él el instrumento de la Sabiduría divina, pues yo estaba decidido, no saldría vivo de mi casa. Uno de los dos tenía que desaparecer. Estaba resuelto a matarle. Dios le aconsejó la prudencia para librarme de un crimen. Estoy seguro de que la intercesión del Arcángel Miguel, mi santo patrono, desempeñó en esto un gran papel y le suplicó que me perdone por haberle abandonado tanto durante muchos años y haber respondido tan mal a las innúmeras bondades que me ha demostrado, muy especialmente en mi lucha contra el mal. Debo a este Siervo de Dios, lo digo en la plenitud de mi fe y de mi inteligencia, que el Padre celestial inspirara a Morel que no viniera. Y ahora soy yo el que me muero. Su devoto amigo, Semper idem, P. G. Charlus» Entonces comprendí el miedo de Morel; cierto que en esta carta había mucho de orgullo y de literatura. Pero la confesión era verdadera. Y Morel sabía mejor que yo que el «ribete casi de loco» que madame de Guermantes encontraba en su cuñado no se limitaba, como yo había creído hasta entonces, a aquellas momentáneas exteriorizaciones de rabia superficial e inoperante.
Mais il faut revenir en arrière. Je descends les boulevards à côté de M. de Charlus, lequel vient de me prendre comme vague intermédiaire pour des ouvertures de paix entre lui et Morel. Voyant que je ne lui répondais pas, il continua ainsi : «Â Je ne sais pas, du reste, pourquoi il ne joue pas, on ne fait plus de musique sous prétexte que c′est la guerre, mais on danse, on dîne en ville. Les fêtes remplissent ce qui sera peut-être, si les Allemands avancent encore, les derniers jours de notre Pompéi. Pour peu que la lave de quelque Vésuve allemand (leurs pièces de marine ne sont pas moins terribles qu′un volcan) vienne les surprendre à leur toilette et éternise leur geste en l′interrompant, les enfants s′instruiront plus tard en regardant dans les livres de classes illustrés Mme Molé qui allait mettre une dernière couche de fard avant d′aller dîner chez une belle-sœur, ou Sosthène de Guermantes finissant de peindre ses faux sourcils ; ce sera matière à cours pour les Brichot de l′avenir ; la frivolité d′une époque quand dix siècles ont passé sur elle est digne de la plus grave érudition, surtout si elle a été conservée intacte par une éruption volcanique ou des matières analogues à la lave projetées par bombardement. Quels documents pour l′histoire future, quand les gaz asphyxiants analogues à ceux qu′émettait le Vésuve et des écroulements comme ceux qui ensevelirent Pompéi garderont intactes toutes les dernières imprudentes qui n′ont pas fait encore filer pour Bayonne leurs tableaux et leurs statues. D′ailleurs, n′est-ce pas déjà, depuis un an, Pompéi par fragments, chaque soir, que ces gens se sauvant dans les caves, non pas pour en rapporter quelque vieille bouteille de Mouton Rothschild ou de Saint-Émilion, mais pour cacher avec eux ce qu′ils ont de plus précieux, comme les prêtres d′Herculanum surpris par la mort au moment où ils emportaient les vases sacrés. C′est toujours l′attachement à l′objet qui amène la mort du possesseur. Paris, lui, ne fut pas, comme Herculanum, fondé par Hercule. Mais que de ressemblances s′imposent ! et cette lucidité qui nous est donnée n′est pas que de notre époque, chacune l′a possédée. Si je pense que nous pouvons avoir demain le sort des villes du Vésuve, celles-ci sentaient qu′elles étaient menacées du sort des villes maudites de la Bible. On a retrouvé sur les murs d′une des maisons de Pompéi cette inscription révélatrice : «Â Sodoma, Gomora. » Je ne sais si ce fut ce nom de Sodome et les idées qu′il éveilla en lui, soit celle du bombardement, qui firent que M. de Charlus leva un instant les yeux au ciel, mais il les ramena bientôt sur la terre. «Â J′admire tous les héros de cette guerre, dit-il. Tenez, mon cher, les soldats anglais que j′ai un peu légèrement considérés au début de la guerre comme de simples joueurs de football assez présomptueux pour se mesurer avec des professionnels — et quels professionnels ! — hé bien, rien qu′esthétiquement ce sont des athlètes de la Grèce, vous entendez bien, de la Grèce, mon cher, ce sont les jeunes gens de Platon, ou plutôt des Spartiates. J′ai un ami qui est allé à Rouen où ils ont leur camp, il a vu des merveilles, de pures merveilles dont on n′a pas idée. Ce n′est plus Rouen, c′est une autre ville. Évidemment il y a aussi l′ancien Rouen, avec les Saints émaciés de la cathédrale. Bien entendu, c′est beau aussi, mais c′est autre chose. Et nos poilus ! je ne peux pas vous dire quelle saveur je trouve en nos poilus, aux petits Parigots, tenez, comme celui qui passe là, avec son air dessalé, sa mine éveillée et drôle. Il m′arrive souvent de les arrêter, de faire un brin de causette avec eux, quelle finesse, quel bon sens ! et les gars de province, comme ils sont amusants et gentils avec leur roulement d′r et leur jargon patoiseur !Â… Moi, j′ai toujours beaucoup vécu à la campagne, couché dans les fermes, je sais leur parler, mais notre admiration pour les Français ne doit pas nous faire déprécier nos ennemis, ce serait nous diminuer nous-mêmes. Et vous ne savez pas quel soldat est le soldat allemand, vous ne l′avez pas vu comme moi défiler au pas de parade, au pas de l′oie, «Â unter den Linden ». En revenant à l′idéal de virilité qu′il m′avait esquissé à Balbec et qui avec le temps avait pris chez lui une forme philosophique, usant, d′ailleurs, de raisonnements absurdes, qui par moments, même quand il venait d′être supérieur, laissaient voir la trame trop mince du simple homme du monde, bien qu′homme du monde intelligent : «Â Voyez-vous, me dit-il, le superbe gaillard qu′est le soldat boche est un être fort, sain, ne pensant qu′à la grandeur de son pays, «Â Deutschland über alles », ce qui n′est pas si bête, et tandis qu′ils se préparaient virilement, nous nous sommes abîmés dans le dilettantisme. » Ce mot signifiait probablement pour M. de Charlus quelque chose d′analogue à la littérature, car aussitôt se rappelant sans doute que j′aimais les lettres et avais eu un moment l′intention de m′y adonner, il me tapa sur l′épaule (profitant du geste pour s′y appuyer jusqu′à me faire aussi mal qu′autrefois, quand je faisais mon service militaire, le recul contre l′omoplate du «Â 76 » ), il me dit comme pour adoucir le reproche : «Â Oui, nous nous sommes abîmés dans le dilettantisme, nous tous, vous aussi, rappelez-vous, vous pouvez faire comme moi votre mea culpa, nous avons été trop dilettantes. » Par surprise du reproche, manque d′esprit de repartie, déférence envers mon interlocuteur et attendrissement pour son amicale bonté, je répondis comme si, ainsi qu′il m′y invitait, j′avais aussi à me frapper la poitrine, ce qui était parfaitement stupide car je n′avais pas l′ombre de dilettantisme à me reprocher. «Â Allons, me dit-il, je vous quitte (le groupe qui l′avait escorté de loin ayant fini par nous abandonner). Je m′en vais me coucher comme un très vieux Monsieur, d′autant plus qu′il paraît que la guerre a changé toutes nos habitudes, un de ces aphorismes qu′affectionne Norpois. » Je savais, du reste, qu′en rentrant chez lui M. de Charlus ne cessait pas pour cela d′être au milieu des soldats, car il avait transformé son hôtel en hôpital militaire, cédant du reste, je le crois, aux besoins bien moins de son imagination que de son bon cœur.
Pero hay que volver atrás. Bajo por los bulevares con monsieur de Charlus, que acaba de tomarme como una especie de intermediario para negociaciones de paz entre él y Morel. Al ver que no contesto: «Además, no sé por qué no toca; con el pretexto de la guerra, ya no se hace música, pero se baila, se come fuera de casa, las mujeres inventan la “Ambrine” para la piel. Las fiestas cumplen lo que, si los alemanes siguen avanzando, será quizá los últimos días de nuestra Pompeya. Y esto será lo que le salve de la frivolidad. A poco que la lava de algún Vesubio alemán (sus cañones de marina no son menos terribles que un volcán) venga a sorprenderlas en su toilette y eternice su gesto interrumpiéndolo, los niños se instruirán pasado el tiempo mirando en los libros de clase ilustrados a madame Molé disponiéndose a ponerse una última capa de pintura antes de ir a comer a casa de una cuñada, o a Sosthène de Guermantes acabando de pintarse sus cejas falsas; será tema de clase para los futuros Brichot; pasados diez siglos sobre la frivolidad de una época, llega a ser materia de la más grave erudición, sobre todo si la ha conservado intacta una erupción volcánica o unas materias análogas a la lava proyectadas por bombardeo. ¡Qué documentos para la historia futura cuando unos gases asfixiantes análogos a los que emitía el Vesubio y unos derrumbamientos como los que enterraron Pompeya conserven intactas todas las últimas imprudentes que todavía no han mandado para Bayonne sus cuadros y sus estatuas! Por otra parte, ¿no es ya, desde hace un año, cada noche, una Pompeya en fragmentos esas gentes que se refugian en los sótanos, y no para llevarse de ellos alguna vieja botella de Mouton Rothschild o de Saint-Emilion, sino para esconder con ellos lo más valioso que poseen, como los sacerdotes de Herculano sorprendidos por la muerte en el momento en que llevaban los vasos sagrados? Es siempre el apego al objeto lo que determina la muerte del poseedor. París no fue fundado, como Herculano, por Hércules. Pero ¡cuántas semejanzas resaltan! Y esta lucidez que nos es dada no es sólo de nuestra época, todas la han tenido. Así como yo pienso que podemos sufrir mañana la suerte de las ciudades del Vesubio, éstas pensaban que las amenazaba la suerte de las ciudades malditas de la Biblia. En una casa de Pompeya se encontró esta reveladora inscripción: Sodoma, Gomorra». No sé si fue este nombre de Sodoma y las ideas que despertó en él, o si fue la palabra «bombardeo», lo que hizo que monsieur de Charlus levantara un momento los ojos al cielo, pero en seguida los bajó de nuevo. -Yo admiro a todos los héroes de esta guerra -dijo-. Mire, querido amigo, los soldados ingleses, a los que al principio de la guerra consideraba yo, con cierta ligereza, unos simples jugadores de fútbol lo bastante presuntuosos como para medirse con los profesionales -¡y qué profesionales! -, ya ve usted, nada más que estéticamente son ni más ni menos que unos atletas de Grecia, tal como se lo digo, de Grecia, querido amigo, son los mancebos de Platón, o más bien espartanos. Tengo un amigo que estuvo en Ruán, donde tienen su campamento, y ha visto maravillas, verdaderas maravillas de las que no tenemos ni idea. Ya no es Ruán, es otra ciudad. Claro es que existe también el antiguo Ruán con los santos demacrados de la catedral. También esto es bello, desde luego, pero es otra cosa. ¡Y nuestros poilus! No sé decirle el sabor que yo encuentro a nuestros poilus, a los pequeños parigots, mire, como ese que pasa, con su aire tan despabilado y tan gracioso. A veces los paro, entablo una pizca de conversación con ellos, ¡qué gracia, qué buen sentido! Y los provincianos, ¡qué divertidos, qué simpáticos, con su r arrastrada y su jerga de pueblo! Yo he vivido siempre mucho en el campo, he dormido en las casas de labranza, sé hablarles, pero nuestra admiración por los franceses no debe hacernos menospreciar a nuestros enemigos, sería rebajarnos nosotros mismos. Y no sabe usted qué soldado es el soldado alemán, no le ha visto como yo desfilar a paso de revista, al paso de la oca, unter den Linden. -Y volviendo al ideal de virilidad que me esbozara en Balbec y que con el tiempo había tomado en él una forma más filosófica, empleando, por otra parte, razonamientos absurdos, que a veces, hasta cuando acababa de mostrar su superioridad, dejaba ver la trama demasiado endeble del simple hombre del gran mundo, aunque hombre del gran mundo inteligente, añadió-: Mire, ese soberbio mocetón que es el soldado boche es un ser fuerte, sano, que no piensa más que en la grandeza de su país: Deutschland über alles, lo que no está tan mal, mientras que nosotros, mientras ellos se preparaban virilmente, nos hemos hundido en el diletantismo. -Esta palabra significaba probablemente para monsieur de Charlus algo así como literatura, pues en seguida, sin duda recordando que yo era aficionado a las letras y tuve en cierto momento la intención de dedicarme a ellas, me dio un golpecito en el hombro (aprovechando el ademán para apoyarse en mí, hasta hacerme tanto daño como en otro tiempo, cuando yo estaba haciendo el servicio militar, el retroceso del «76» contra el omóplato), me dijo para suavizar el reproche-: Sí, nos hemos hundido en el diletantismo, todos, usted también, recuérdelo, usted también puede decir como yo su mea culpa, hemos sido demasiado diletantes. -Por sorpresa ante el reproche, por falta de rapidez para la respuesta, por deferencia hacia mi interlocutor, por reacción afectuosa ante su amistosa bondad, le contesté como si, en efecto, yo también tuviera que darme golpes de pecho, siguiendo su invitación, lo que era perfectamente estúpido, pues yo no tenía ni sombra de diletantismo que reprocharme-. Bueno -me dijo-, le dejo -el grupo al que había escoltado de lejos había acabado por abandonarnos-, me voy a la cama como un señor muy viejo, teniendo en cuenta, además, que la guerra ha cambiado, por lo visto, todas nuestras costumbres, uno de esos aforismos idiotas que tanto le gustan a Norpois. Yo sabía que monsieur de Charlus, al volver a casa, no dejaba por eso de estar en medio de soldados, pues había transformado su hotel en hospital militar, cediendo, por otra parte, así lo creo, mucho más que a las necesidades de su imaginación, alas de su buen corazón.
Il faisait une nuit transparente et sans un souffle. J′imaginais que la Seine coulant entre ses ponts circulaires, faits de leur plateau et de son reflet, devait ressembler au Bosphore. Et symbole soit de cette invasion que prédisait le défaitisme de M. de Charlus, soit de la coopération de nos frères musulmans avec les armées de la France, la lune étroite et recourbée comme un sequin semblait mettre le ciel parisien sous le signe oriental du croissant. Pour un instant encore il resta en arrêt devant un Sénégalais en me disant adieu et en me serrant la main à me la broyer, ce qui est une particularité allemande chez les gens qui sentent comme le baron, et en continuant pendant quelque temps à me la malaxer, eût dit jadis Cottard, comme si M. de Charlus avait voulu rendre à mes articulations une souplesse qu′elles n′avaient point perdue. Chez certains aveugles, le toucher supplée dans une certaine mesure à la vue. Je ne sais trop de quel sens il prenait la place ici. Il croyait peut-être seulement me serrer la main comme il crut sans doute ne faire que voir le Sénégalais qui passait dans l′ombre et ne daigna pas s′apercevoir qu′il était admiré. Mais, dans ces deux cas, le baron se trompait, il péchait par excès de contact et de regards. «Â Est-ce que tout l′Orient de Decamps, de Fromentin, d′Ingres, de Delacroix n′est pas là dedans ? me dit-il, encore immobilisé par le passage du Sénégalais. Vous savez, moi, je ne m′intéresse jamais aux choses et aux êtres qu′en peintre, en philosophe. D′ailleurs je suis trop vieux. Mais quel malheur, pour compléter le tableau, que l′un de nous deux ne soit pas une odalisque. » Ce ne fut pas l′Orient de Decamps, ni même de Delacroix qui commença de hanter mon imagination quand le baron m′eut quitté, mais le vieil Orient de ces Mille et une Nuits que j′avais tant aimées, et, me perdant peu à peu dans le lacis de ces rues noires, je pensais au calife Haroun Al Raschid en quête d′aventures dans les quartiers perdus de Bagdad. D′autre part, la chaleur du temps et de la marche m′avait donné soif, mais depuis longtemps tous les bars étaient fermés, et à cause de la pénurie d′essence les rares taxis que je rencontrais, conduits par des Levantins ou des Nègres, ne prenaient même pas la peine de répondre à mes signes. Le seul endroit où j′aurais pu me faire servir à boire et reprendre des forces pour rentrer chez moi eût été un hôtel. Mais dans la rue assez éloignée du centre où j′étais parvenu, tous, depuis que sur Paris les gothas lançaient leurs bombes, avaient fermé. Il en était de même de presque toutes les boutiques de commerçants, lesquels, faute d′employés ou eux-mêmes pris de peur, avaient fui à la campagne et laissé sur la porte un avertissement habituel écrit à la main et annonçant leur réouverture pour une époque éloignée et, d′ailleurs, problématique. Les autres établissements qui avaient pu survivre encore annonçaient de la même manière qu′ils n′ouvraient que deux fois par semaine. On sentait que la misère, l′abandon, la peur habitaient tout ce quartier. Je n′en fus que plus surpris de voir qu′entre ces maisons délaissées il y en avait une où la vie au contraire semblait avoir vaincu l′effroi, la faillite, et entretenait l′activité et la richesse. Derrière les volets clos de chaque fenêtre la lumière, tamisée à cause des ordonnances de police, décelait pourtant un insouci complet de l′économie. Et à tout instant la porte s′ouvrait pour laisser entrer ou sortir quelque visiteur nouveau. C′était un hôtel par qui la jalousie de tous les commerçants voisins (à cause de l′argent que ses propriétaires devaient gagner) devait être excitée ; et ma curiosité le fut aussi quand je vis sortir rapidement, à une quinzaine de mètres de moi, c′est-à-dire trop loin pour que dans l′obscurité profonde je pusse le reconnaître, un officier.
Hacía una noche transparente, sin un soplo de brisa; yo me figuraba que el Sena, corriendo entre sus puentes circulares, formados por su estructura y por su reflejo, debía de parecer el Bósforo. Y la luna, símbolo quizá de aquella invasión que predecía el derrotismo de monsieur de Charlus, o bien de la cooperación de nuestros hermanos musulmanes con el Ejército de Francia, aquella luna delgada y curva como un cequí, parecía poner el cielo parisiense bajo el signo oriental de la media luna. Sin embargo, por un momento aún, monsieur de Charlus, al despedirse, me apretó la mano hasta aplastármela, lo que es una particularidad alemana en las personas que sienten como el barón, y siguió unos instantes amasándomela, diría Cottard, como si monsieur de Charlus quisiera dar a mis articulaciones una agilidad que no habían perdido. En ciertos ciegos el tacto suple, hasta cierto punto, a la vista. En este caso, no sé muy bien qué sentido sustituía. Quizá pensaba que no hacía más que estrecharme la mano, como seguramente creía que no hacía más que ver a un senegalés que pasaba en la sombra y no se dignó darse cuenta de que era admirado. Pero en ambos casos el barón se equivocaba, pecaba por exceso de contacto y de mirada. -¿No está ahí todo el Oriente de Decamps, de Fromentin, de Ingres, de Delacroix? -me dijo, inmovilizado todavía por el paso del senegalés-. Sabrá usted que a mí las cosas y las personas no me interesan nunca más que como pintor, como filósofo. Además, soy muy viejo. Pero ¡qué lástima que, para completar el cuadro, no sea uno de nosotros dos una odalisca! Cuando el barón me dejó, lo que se me quedó en la imaginación no fue el Oriente de Decamps ni siquiera de Delacroix, sino el viejo Oriente de Las mil y una noches que tanto me habían gustado, y, perdiéndome poco a poco en el laberinto de aquellas calles negras, pensaba en el califa Harun Al Rashid en busca de aventuras por los barrios perdidos de Bagdad. Por otra parte, el calor del tiempo y de la marcha me dio sed, pero desde hacía tiempo todos los bares estaba cerrados, y, por la penuria de gasolina, los pocos taxis que encontraba, conducidos por levantinos o por negros, ni siquiera se tomaban el trabajo de contestar a mis señas. El único sitio donde hubiera podido hacer que me sirvieran una bebida y recuperar fuerzas para volver a casa habría sido un hotel. Pero en la calle a que había llegado, bastante lejos del centro, todos los hoteles estaban cerrados desde que los gothas lanzaban sus bombas sobre París. Lo mismo ocurría en casi todas las tiendas, cuyos dueños, por falta de empleados o por miedo, habían huido al campo dejando en la puerta un aviso habitual escrito a mano y anunciando la reapertura para una época lejana y, por lo demás, problemática. Los otros establecimientos que habían podido sobrevivir anunciaban de la misma manera que no abrían más que dos veces por semana. Se notaba que la miseria, el abandono, el miedo habitaban todo aquel barrio. Por eso me sorprendió más ver que entre aquellas casas abandonadas había una donde la vida parecía haber vencido al miedo, a la quiebra, manteniendo la actividad y la riqueza. Detrás de los postigos cerrados de cada ventana, la luz, tamizada, obedeciendo las órdenes de la policía, revelaba, sin embargo, una completa despreocupación de la economía. Y a cada momento se abría la puerta para dejar entrar o salir a algún visitante. Era un hotel que (por el dinero que sus propietarios debían de ganar) provocaría, sin duda, la envidia de todos los comerciantes vecinos; también provocó mi curiosidad cuando, a unos quince metros de mí, es decir, demasiado lejos para que pudiera distinguirle en la profunda oscuridad, vi salir rápidamente a un militar.
CHAPITRE III
Matinee chez la Princesse de Guermantes
Capítulo 3
La nouvelle maison de santé dans laquelle je me retirai alors ne me guérit pas plus que la première ; et un long temps s′écoula avant que je la quittasse. Durant le trajet en chemin de fer que je fis pour rentrer à Paris, la pensée de mon absence de dons littéraires, que j′avais cru découvrir jadis du côté de Guermantes, que j′avais reconnue avec plus de tristesse encore dans mes promenades quotidiennes avec Gilberte, avant de rentrer dîner, fort avant dans la nuit, à Tansonville, et qu′à la veille de quitter cette propriété j′avais à peu près identifiée, en lisant quelques pages du journal des Goncourt, à la vanité, au mensonge de la littérature, cette pensée, moins douloureuse peut-être, plus morne encore, si je lui donnais comme objet non ma propre infirmité à moi particulière, mais l′inexistence de l′idéal auquel j′avais cru, cette pensée qui ne m′était pas depuis bien longtemps revenue à l′esprit me frappa de nouveau et avec une force plus lamentable que jamais. C′était, je me le rappelle, à un arrêt du train en pleine campagne. Le soleil éclairait jusqu′à la moitié de leur tronc une ligne d′arbres qui suivait la voie du chemin de fer. « Arbres, pensai-je, vous n′avez plus rien à me dire, mon cœur refroidi ne vous entend plus. Je suis pourtant ici en pleine nature, eh bien, c′est avec froideur, avec ennui que mes yeux constatent la ligne qui sépare votre front lumineux de votre tronc d′ombre. Si jamais j′ai pu me croire poète, je sais maintenant que je ne le suis pas. Peut-être dans la nouvelle partie de ma vie desséchée qui s′ouvre, les hommes pourraient-ils m′inspirer ce que ne me dit plus la nature. Mais les années où j′aurais peut-être été capable de la chanter ne reviendront jamais. » Mais en me donnant cette consolation d′une observation humaine possible venant prendre la place d′une inspiration impossible, je savais que je cherchais seulement à me donner une consolation, et que je savais moi-même sans valeur. Si j′avais vraiment une âme d′artiste, quel plaisir n′éprouverais-je pas devant ce rideau d′arbres éclairé par le soleil couchant, devant ces petites fleurs du talus qui se haussaient presque jusqu′au marchepied du wagon, dont je pouvais compter les pétales et dont je me garderais bien de décrire la couleur comme feraient tant de bons lettrés, car peut-on espérer transmettre au lecteur un plaisir qu′on n′a pas ressenti ? Un peu plus tard, j′avais vu avec la même indifférence les lentilles d′or et d′orange dont le même soleil couchant criblait les fenêtres d′une maison ; et enfin, comme l′heure avait avancé, j′avais vu une autre maison qui semblait construite en une substance d′un rose assez étrange. Mais j′avais fait ces diverses constatations avec la même absolue indifférence que si, me promenant dans un jardin avec une dame, j′avais vu une feuille de verre et un peu plus loin un objet d′une matière analogue à l′albâtre dont la couleur inaccoutumée ne m′aurait pas tiré du plus languissant ennui et que si, par politesse pour la dame, pour dire quelque chose et pour montrer que j′avais remarqué cette couleur, j′avais désigné en passant le verre coloré et le morceau de stuc. De la même manière, par acquit de conscience, je me signalais à moi-même, comme à quelqu′un qui m′eût accompagné et qui eût été capable d′en tirer plus de plaisir que moi, les reflets du feu dans les vitres et la transparence rose de la maison. Mais le compagnon à qui j′avais fait constater ces effets curieux était d′une nature sans doute moins enthousiaste que beaucoup de gens bien disposés, qu′une telle vue ravit, car il avait pris connaissance de ces couleurs sans aucune espèce d′allégresse.
El nuevo sanatorio al que yo me retiré no me curó más que el primero; y pasaron muchos años antes de dejarle. Durante el trayecto que hice en tren para volver por fin a París, la idea de mi falta de dotes literarias que antaño creí descubrir en el camino de Guermantes, que reconocí con más tristeza aún en uno de mis paseos cotidianos con Gilberta antes de volver a comer, muy entrada la noche, a Tansonville, y que la víspera de marcharme de aquella casa identifiqué más o menos, leyendo unas páginas del diario de los Goncourt, con la vanidad, con la mentira de la literatura, aquella idea, quizá menos dolorosa, más triste aún si yo la ponía, no en mi propia incapacidad, sino en la inexistencia del ideal en que había creído, aquella idea, que desde hacía tiempo no me había vuelto a la mente, me asaltó de nuevo con una fuerza más lamentable que nunca. Recuerdo que fue en una parada del tren en pleno campo. El sol iluminaba casi hasta la mitad del tronco una fila de árboles que seguían la vía del ferrocarril. «Árboles -pensé-, ya no tenéis nada que decirme, ya mi corazón, enfriado, no os oye. Sin embargo, estoy aquí en plena naturaleza, y mis ojos ven con frialdad, con indiferencia, la línea que separa vuestra frente luminosa de vuestro tronco en sombra. Si alguna vez pude creerme poeta, ahora sé que no lo soy. Acaso en la nueva parte de mi vida, tan árida, que ahora empieza, los hombres podrán inspirarme lo que ya la naturaleza no me dice. Mas los años en que quizá hubiera sido capaz de cantarla no volverán ya.» Pero, al ofrecerme este consuelo de una posible observación humana que viniera a ocupar el lugar de una inspiración imposible, sabía que no hacía más que eso, ofrecerme un consuelo, un consuelo que yo mismo sabía sin valor. Si tuviera de verdad un alma de artista, ¿qué placer no sentiría ante aquella cortina de árboles iluminada por el sol poniente, ante aquellas florecillas del talud que ascienden casi hasta el estribo del vagón, aquellas florecillas cuyos pétalos podría yo contar y cuyo color me libraré muy bien de describir como lo harían tantos buenos literatos, pues cómo se puede transmitir al lector un goce que no se ha sentido? Poco después vi con la misma indiferencia los puntitos oro y naranja con que el sol acribillaba las ventanas de una casa, y, por último, ya avanzada la hora, vi otra casa que parecía construida con una sustancia de un rosa bastante extraño. Pero hice estas diversas observaciones con la misma absoluta indiferencia que si, paseando en un jardín con una dama, viera una lámina de vidrio y un poco más lejos una materia parecida al alabastro cuyo color no acostumbrado no me hubiera sacado del más lánguido aburrimiento, pero como si, por cortesía hacia la dama, por decir algo y también por demostrar que había notado el color, señalara al pasar el cristal polícromo y el trozo de estuco. De la misma manera, por cumplir, sin convicción, me señalé a mí mismo como a alguien que me acompañara y que fuera capaz de disfrutar de la cosa más que yo, los reflejos de fuego en los cristales y la transparencia rosada de la casa. Pero el compañero a quien hice observar aquellos efectos curiosos era sin duda de una naturaleza menos entusiasta que muchas personas bien dispuestas a quienes tal visión entusiasmara, pues reparó en aquellos colores sin ninguna clase de entusiasmo.
Ma longue absence de Paris n′avait pas empêché d′anciens amis à continuer, comme mon nom restait sur leurs listes, à m′envoyer fidèlement des invitations, et quand j′en trouvai, en rentrant — avec une pour un goûter donné par la Berma en l′honneur de sa fille et de son gendre — une autre pour une matinée qui devait avoir lieu le lendemain chez le prince de Guermantes, les tristes réflexions que j′avais faites dans le train ne furent pas un des moindres motifs qui me conseillèrent de m′y rendre. Ce n′était vraiment pas la peine de me priver de mener la vie de l′homme du monde, m′étais-je dit, puisque le fameux « travail » auquel depuis si longtemps j′espère chaque jour me mettre le lendemain, je ne suis pas ou plus fait pour lui, et que peut-être même il ne correspond à aucune réalité. À vrai dire, cette raison était toute négative et ôtait simplement leur valeur à celles qui auraient pu me détourner de ce concert mondain. Mais celle qui m′y fit aller fut ce nom de Guermantes, depuis assez longtemps sorti de mon esprit pour que, lu sur la carte d′invitation, il réveillât un rayon de mon attention, allât prélever au fond de ma mémoire une coupe de leur passé, accompagné de toutes les images de forêt domaniale ou de hautes fleurs qui l′escortaient alors, et pour qu′il reprît pour moi le charme et la signification que je lui trouvais à Combray quand passant, avant de rentrer, dans la rue de l′Oiseau, je voyais du dehors, comme une laque obscure, le vitrail de Gilbert le Mauvais, sire de Guermantes. Pour un moment les Guermantes m′avaient semblé de nouveau entièrement différents des gens du monde, incomparables avec eux, avec tout être vivant, fût-il souverain ; ils me réapparaissaient comme des êtres issus de la fécondation de cet air aigre et vertueux de cette sombre ville de Combray où s′était passée mon enfance et du passé qu′on y apercevait dans la petite rue, à la hauteur du vitrail. J′avais eu envie d′aller chez les Guermantes comme si cela avait dû me rapprocher de mon enfance et des profondeurs de ma mémoire où je l′apercevais. Et j′avais continué à relire l′invitation jusqu′au moment où, révoltées, les lettres qui composaient ce nom si familier et si mystérieux, comme celui même de Combray, eussent repris leur indépendance et eussent dessiné devant mes yeux fatigués comme un nom que je ne connaissais pas.
Mi larga ausencia de París no había impedido que antiguos amigos siguieran enviándome fielmente invitaciones, porque mi nombre seguía en sus listas, y cuando, al volver a casa, encontré, junto con una para una merienda dada por la Berma en honor de su hija y de su yerno, otra para una fiesta que se iba a celebrar al día siguiente en casa del príncipe de Guermantes, las tristes reflexiones que había hecho en el tren fueron uno de los motivos, y no de los menores, que me aconsejaron asistir a una y a otra reunión. No vale la pena privarme de hacer la vida de hombre de mundo -pensé-, puesto que no sirvo, o no sirvo ya, para el famoso «trabajo» al que desde hace tanto tiempo me propongo dedicarme al día siguiente, un trabajo que, por lo demás, quizá no corresponde siquiera a ninguna realidad. La verdad es que esta razón era enteramente negativa y quitaba simplemente valor a las que hubieran podido apartarme de aquel concierto mundano. Pero la que me hizo ir fue aquel nombre de Guermantes, fuera de mi espíritu desde hacía el suficiente tiempo para que, leído en la tarjeta de invitación, recobrara para mí el encanto y el significado que le encontraba en Combray cuando, al pasar por la Rue de l′Oiseau para volver a casa, veía desde fuera como un lago oscuro la vidriera de Gilberto el Malo, señor de Guermantes. Por un momento los Guermantes me parecieron de nuevo enteramente distintos de las personas del gran mundo, incomparables con ellas, con cualquier ser viviente, así fuera un soberano; seres nacidos de la fecundación de ese aire agrio y ventoso de aquella ciudad de Combray donde transcurrió mi infancia y del pasado que se percibía en la callejuela, a la altura de la vidriera. Sentí el deseo de ir a casa de los Guermantes como si esto hubiera de acercarme a mi infancia y a unas profundidades de mi memoria donde la percibía. Y seguí releyendo la invitación hasta el momento en que, sublevadas las letras que componían aquel nombre tan familiar y tan misterioso como el del mismo Combray, recobraron su independencia y dibujaron ante mis ojos fatigados como un nombre que yo no conocía,
Maman allant justement à un petit thé chez Mme Sazerat, je n′eus aucun scrupule à me rendre à la matinée de la princesse de Guermantes.
Â…
Je pris une voiture pour y aller, car le prince de Guermantes n′habitait plus son ancien hôtel mais un magnifique qu′il s′était fait construire avenue du Bois. C′est un des torts des gens du monde de ne pas comprendre que s′ils veulent que nous croyions en eux il faudrait d′abord qu′ils y crussent eux-mêmes, ou au moins qu′ils respectassent les éléments essentiels de notre croyance. Au temps où je croyais, même si je savais le contraire, que les Guermantes habitaient tel palais en vertu d′un droit héréditaire, pénétrer dans le palais du sorcier ou de la fée, faire s′ouvrir devant moi les portes qui ne cèdent pas tant qu′on n′a pas prononcé la formule magique, me semblait aussi malaisé que d′obtenir un entretien du sorcier ou de la fée eux-mêmes. Rien ne m′était plus facile que de me faire croire à moi-même que le vieux domestique engagé de la veille ou fourni par Potel et Chabot était fils, petit-fils, descendant de ceux qui servaient la famille bien avant la Révolution, et j′avais une bonne volonté infinie à appeler portrait d′ancêtre le portrait qui avait été acheté le mois précédent chez Bernheim jeune. Mais un charme ne se transvase pas, les souvenirs ne peuvent se diviser, et du prince de Guermantes, maintenant qu′il avait percé lui-même à jour les illusions de ma croyance en étant allé habiter avenue du Bois, il ne restait plus grand′chose. Les plafonds que j′avais craint de voir s′écrouler quand on avait annoncé mon nom et sous lesquels eût flotté encore pour moi beaucoup du charme et des craintes de jadis couvraient les soirées d′une Américaine sans intérêt pour moi. Naturellement, les choses n′ont pas en elles-mêmes de pouvoir, et puisque c′est nous qui le leur confions, quelque jeune collégien bourgeois devait en ce moment avoir devant l′hôtel de l′avenue du Bois les mêmes sentiments que moi jadis devant l′ancien hôtel du prince de Guermantes. C′était qu′il était encore à l′âge des croyances, mais je l′avais dépassé, et j′avais perdu ce privilège, comme après la première jeunesse on perd le pouvoir qu′ont les enfants de dissocier en fractions digérables le lait qu′ils ingèrent, ce qui force les adultes à prendre, pour plus de prudence, le lait par petites quantités, tandis que les enfants peuvent le téter indéfiniment sans reprendre haleine. Du moins, le changement de résidence du prince de Guermantes eut cela de bon pour moi que la voiture qui était venue me chercher pour me conduire et dans laquelle je faisais ces réflexions dut traverser les rues qui vont vers les Champs-Élysées. Elles étaient fort mal pavées à cette époque, mais, dès le moment où j′y entrai, je n′en fus pas moins détaché de mes pensées par une sensation d′une extrême douceur ; on eût dit que tout d′un coup la voiture roulait plus facilement, plus doucement, sans bruit, comme quand les grilles d′un parc s′étant ouvertes on glisse sur les allées couvertes d′un sable fin ou de feuilles mortes ; matériellement il n′en était rien, mais je sentais tout à coup la suppression des obstacles extérieurs comme s′il n′y avait plus eu pour moi d′effort d′adaptation ou d′attention, tels que nous en faisons, même sans nous en rendre compte, devant les choses nouvelles ; les rues par lesquelles je passais en ce moment étaient celles, oubliées depuis si longtemps, que je prenais jadis avec Françoise pour aller aux Champs-Élysées. Le sol de lui-même savait où il devait aller ; sa résistance était vaincue. Et comme un aviateur qui a jusque-là péniblement roulé à terre, « décolle » brusquement, je m′élevais lentement vers les hauteurs silencieuses du souvenir. Dans Paris, ces rues-là se détacheront toujours pour moi en une autre matière que les autres. Quand j′arrivai au coin de la rue Royale, où était jadis le marchand en plein vent des photographies aimées de Françoise, il me sembla que la voiture, entraînée par des centaines de tours anciens, ne pourrait pas faire autrement que de tourner d′elle-même. Je ne traversais pas les mêmes rues que les promeneurs qui étaient dehors ce jour-là, mais un passé glissant, triste et doux. Il était, d′ailleurs, fait de tant de passés différents qu′il m′était difficile de reconnaître la cause de ma mélancolie, si elle était due à ces marches au-devant de Gilberte et dans la crainte qu′elle ne vînt pas, à la proximité d′une certaine maison où on m′avait dit qu′Albertine était allée avec Andrée, à la signification philosophique que semble prendre un chemin qu′on a suivi mille fois avec une passion qui ne dure plus et qui n′a pas porté de fruit, comme celui où, après le déjeuner, je faisais des courses si hâtives, si fiévreuses, pour regarder, toutes fraîches encore de colle, l′affiche de Phèdre et celle du Domino noir. Arrivé aux Champs-Élysées, comme je n′étais pas très désireux d′entendre tout le concert qui était donné chez les Guermantes, je fis arrêter la voiture et j′allais m′apprêter à descendre pour faire quelques pas à pied quand je fus frappé par le spectacle d′une voiture qui était en train de s′arrêter aussi. Un homme, les yeux fixes, la taille voûtée, était plutôt posé qu′assis dans le fond, et faisait pour se tenir droit les efforts qu′aurait faits un enfant à qui on aurait recommandé d′être sage. Mais son chapeau de paille laissait voir une forêt indomptée de cheveux entièrement blancs, et une barbe blanche, comme celle que la neige fait aux statues des fleuves dans les jardins publics, coulait de son menton. C′était, à côté de Jupien qui se multipliait pour lui, M. de Charlus convalescent d′une attaque d′apoplexie que j′avais ignorée (on m′avait seulement dit qu′il avait perdu la vue ; or il ne s′était agi que de troubles passagers, car il voyait de nouveau très clair) et qui, à moins que jusque-là il se fût teint et qu′on lui eût interdit de continuer à en prendre la fatigue, avait plutôt, comme en une sorte de précipité chimique, rendu visible et brillant tout le métal dont étaient saturées et que lançaient comme autant de geysers les mèches maintenant de pur argent de sa chevelure et de sa barbe, cependant qu′elle avait imposé au vieux prince déchu la majesté shakespearienne d′un roi Lear. Les yeux n′étaient pas restés en dehors de cette convulsion totale, de cette altération métallurgique de la tête. Mais, par un phénomène inverse, ils avaient perdu tout leur éclat. Mais le plus émouvant est qu′on sentait que cet éclat perdu était la fierté morale, et que par là la vie physique et même intellectuelle de M. de Charlus survivait à l′orgueil aristocratique, qu′on avait pu croire un moment faire corps avec elles. Ainsi à ce moment, se rendant sans doute aussi chez le prince de Guermantes, passa en Victoria Mme de Sainte-Euverte, que le baron jadis ne trouvait pas assez chic pour lui. Jupien, qui prenait soin de lui comme d′un enfant, lui souffla à l′oreille que c′était une personne de connaissance, Mme de Sainte-Euverte. Et aussitôt, avec une peine infinie et toute l′application d′un malade qui veut se montrer capable de tous les mouvements qui lui sont encore difficiles, M. de Charlus se découvrit, s′inclina, et salua Mme de Sainte-Euverte avec le même respect que si elle avait été la reine de France. Peut-être y avait-il dans la difficulté même que M. de Charlus avait à faire un tel salut une raison pour lui de le faire, sachant qu′il toucherait davantage par un acte qui, douloureux pour un malade, devenait doublement méritoire de la part de celui qui le faisait et flatteur pour celle à qui il s′adressait, les malades exagérant la politesse, comme les rois. Peut-être aussi y avait-il encore dans les mouvements du baron cette incoordination consécutive aux troubles de la moelle et du cerveau, et ses gestes dépassaient-ils l′intention qu′il avait. Pour moi, j′y vis plutôt une sorte de douceur quasi physique, de détachement des réalités de la vie, si frappants chez ceux que la mort a déjà fait entrer dans son ombre. La mise à nu des gisements argentés de la chevelure décelait un changement moins profond que cette inconsciente humilité mondaine qui intervertissait tous les rapports sociaux, humiliait devant Mme de Sainte-Euverte, eût humilié — en montrant ce qu′il a de fragile — devant la dernière des Américaines (qui eût pu enfin s′offrir la politesse jusque-là inaccessible pour elle du baron) le snobisme qui semblait le plus fier. Car le baron vivait toujours, pensait toujours ; son intelligence n′était pas atteinte. Et plus que n′eût fait tel chœur de Sophocle sur l′orgueil abaissé d′œdipe, plus que la mort même, et toute oraison funèbre sur la mort, le salut empressé et humble du baron à Mme de Sainte-Euverte proclamait ce qu′a de périssable l′amour des grandeurs de la terre et tout l′orgueil humain.
Cogí un coche para ir a casa del príncipe de Guermantes, que ya no vivía en su antiguo hotel, sino en uno magnífico que había construido en la avenida del Bois. Uno de los errores de la gente del gran mundo es no comprender que, si quieren que creamos en ellos, tendrían que empezar por creer ellos mismos, o al menos que respetar los elementos esenciales de nuestra creencia. En la época en que yo creía, aunque supiese lo contrario, que los Guermantes vivían en tal palacio por un derecho hereditario, penetrar en el palacio del hechicero o del hada, hacer que se abrieran ante mí las puertas que no ceden mientras no se pronuncie la fórmula mágica, me parecía tan difícil como conseguir que me recibieran el hechicero o el hada en persona. Nada más fácil que hacerme creer a mí mismo que el viejo criado tomado la víspera o proporcionado por Potel y Chabot era hijo, nieto, descendiente de los que servían a la familia mucho antes de la Revolución, y yo tenía una infinita buena voluntad para llamar retrato de antepasado al que había sido comprado el mes anterior en casa de Bernheim el joven. Pero un encantamiento no se transvasa, los recuerdos no se pueden dividir, y del príncipe de Guermantes, ahora que él mismo había desvelado las ilusiones de mi creencia yendo a vivir a la avenida del Bois, ya no quedaba nada. Los techos que creyera ver derrumbarse al anunciarse mi nombre, y bajo los cuales flotaría aún para mí gran parte del encanto y de los miedos de otro tiempo, cubrían las fiestas de una americana sin interés para mí. Naturalmente, las cosas no tienen poder en sí mismas y, como somos nosotros quienes se lo conferimos, algún joven colegial burgués debía de tener en aquel momento ante el hotel de la Avenue du Bois los mismos sentimientos que yo tuve en otro tiempo ante el antiguo hotel del príncipe de Guermantes. Es que él estaba todavía en la edad de las creencias, pero ahora yo la había rebasado ya y había perdido aquel privilegio, como se pierde después de la primera juventud el poder que tienen los niños de disociar en fracciones digestibles la leche que ingieren, lo que obliga a los adultos a tomar la leche, por prudencia, en pequeñas cantidades, mientras que los niños pueden mamarla indefinidamente sin tomar aliento. Al menos el cambio de residencia del príncipe de Guermantes tenía para mí la novedad de que el coche que vino a buscarme para llevarme y en el que hacía yo estas reflexiones tuvo que atravesar las calles que van hacia los Champs-Elysées. Estaban muy mal pavimentadas en aquel momento, pero, nada más entrar en ellas, me liberó de mis pensamientos esa sensación de suma dulzura que se experimenta cuando, de pronto, el coche empieza a rodar más fácilmente, más suavemente, sin ruido, como cuando, al abrirse las verjas de un parque, nos deslizamos por unas avenidas cubiertas de una arena fina o de hojas muertas; materialmente no ocurría nada de esto, pero sentí de pronto la supresión de los obstáculos exteriores porque ya no había para mí el esfuerzo de adaptación o de atención que hacemos, incluso sin darnos cuenta, ante las cosas nuevas: las calles por las que pasaba en aquel momento eran las calles, olvidadas desde hacía tanto tiempo, que antaño seguía yo con Francisca para ir a los Champs-Elysées. El suelo sabía por sí mismo a dónde tenía que ir; su resistencia estaba vencida y, como un aviador que, rodando penosamente en tierra, despega bruscamente, me iba elevando despacio hacia las silenciosas alturas del recuerdo. En París, esas calles se destacarán siempre para mí en una materia distinta de las demás. Cuando llegué a la esquina de la Rue Royale, donde estaba en otro tiempo el vendedor de aquellas fotos que tanto le gustaban a Francisca, me pareció que el coche, arrastrado por centenares de antiguas vueltas, no podría hacer otra cosa que girar por sí mismo. No atravesaba yo las mismas calles que los transeúntes que pasaban aquel día, sino un pasado deslizante, triste y dulce. Por otra parte, se componía de tantos pasados diferentes que me era difícil reconocer la causa de mi melancolía, si se debía a aquellas marchas al encuentro de Gilberta y con el temor de que no llegara, o a la proximidad de cierta casa a la que me habían dicho que había ido Albertina con Andrea, o al significado de vanidad filosófica que parece tomar un camino mil veces seguido con una pasión que ya no existe y que no ha dado fruto, como aquel en que, después de almorzar, recorría yo tan presuroso, tan febril, para ir a mirar, fresco aún el engrudo, el cartel de Fedra y el de El dominó negro. Al llegar a los Champs-Elysées, como no estaba muy deseoso de oír todo el concierto que daban en casa de los Guermantes, mandé parar el coche y me disponía a apearme para caminar un poco a pie cuando me sorprendió el espectáculo de un coche que iba a parar también. Un hombre, fijos los ojos, encorvado el cuerpo, estaba posado, más que sentado, en el fondo del carruaje y hacía por mantenerse erguido los esfuerzos que habría hecho un niño a quien recomendaran que fuera bueno. Pero su sombrero de paja dejaba ver una selva indomable de pelo enteramente blanco; una barba blanca, como la que pone la nieve en las estatuas de los ríos en los jardines públicos, corría de su barbilla. Era, junto a Jupien, que se desvivía por él, monsieur de Charlus, convaleciente de un ataque de apoplejía que yo había ignorado (sólo me habían dicho que había perdido la vista, pero se trataba únicamente de trastornos pasajeros, pues veía de nuevo muy claro) y que, a menos que hasta entonces se hubiera teñido y que ahora le prohibieran seguir fatigándose, había más bien hecho visible y brillante, como una especie de precipitado químico, todo el metal que lanzaban y de que estaban saturados, como géiseres, los mechones, ahora de pura plata, de su cabellera y de su barba, que había impuesto al viejo príncipe destronado la majestad shakespeariana de un rey Lear. No quedaban los ojos excluidos de aquella convulsión total, de aquella alteración metalúrgica de la cabeza, mas, por un fenómeno inverso, habían perdido todo su resplandor. Pero lo más conmovedor era que se notaba que aquel resplandor perdido era el orgullo moral y que, en consecuencia, la vida física y hasta intelectual de monsieur de Charlus sobrevivía al orgullo aristocrático que, por un momento, se pudo creer que era consustancial con ellas. Así, en aquel momento, yendo sin duda también a casa del príncipe de Guermantes, pasó en victoria madame de Saint- Euverte, a la que el barón no encontraba bastante elegante para él. Jupien, que le cuidaba como a un niño, le susurró al oído que era una persona conocida suya, madame de Saint- Euverte. E inmediatamente monsieur de Charlus, con un esfuerzo enorme, pero con todo el empeño de un enfermo que quiere mostrarse capaz de todos los movimientos todavía difíciles para él, se descubrió, se inclinó y saludó a madame de Saint-Euverte con el mismo respeto que si fuera la reina de Francia. Acaso en la dificultad misma que tenía monsieur de Charlus para tal saludo había una razón para él de hacerlo, sabiendo que impresionaría más con un acto que, doloroso para un enfermo, resultaba doblemente meritorio por parte de quien lo hacía y halagüeño para la persona a quien se dirigía, pues los enfermos, como los reyes, exageran la cortesía. Acaso también había, además, en los movimientos del barón esa falta de coordinación subsiguiente a los trastornos de la médula y del cerebro, y los gestos rebasaban la intención. Por mi parte vi en aquello más bien una especie de dulzura casi física, de desprendimiento de las realidades de la vida, tan visibles en aquellos a quienes la muerte ha hecho ya entrar en su sombra. El hecho de descubrir los yacimientos argentados de la cabellera revelaba un cambio menos profundo que aquella inconsciente humildad mundana que trastrocaba todas las relaciones sociales, que humillaba ante madame de Saint-Euverte, que hubiera humillado ante la última de las americanas (quien hubiera podido al fin recibir la cortés atención de monsieur de Charlus, hasta entonces inasequible para ella) el snobismo que parecía más altivo. El barón seguía viviendo, seguía pensando; la enfermedad no le había llegado a la inteligencia. Y el saludo atento y humilde del barón a madame de Saint-Euverte proclamaba, más que lo hubiera proclamado un coro de Sófocles sobre el orgullo humillado de Edipo, más que la muerte misma y toda oración fúnebre sobre la muerte, lo que tiene de frágil y de perecedero el amor a las grandezas de la tierra y todo el orgullo humano.
M. de Charlus, qui jusque-là n′eût pas consenti à dîner avec Mme de Sainte-Euverte, la saluait maintenant jusqu′à terre.
Monsieur de Charlus, que hasta entonces no hubiera consentido en comer con madame de Saint- Euverte, la saludaba ahora hasta el suelo.
Il saluait peut-être par ignorance du rang de la personne qu′il saluait (les articles du code social pouvant être emportés par une attaque comme toute autre partie de la mémoire), peut-être par une incoordination qui transposait dans le plan de l′humilité apparente l′incertitude — sans cela hautaine qu′il aurait eue — de l′identité de la dame qui passait. Il la salua enfin avec cette politesse des enfants venant timidement dire bonjour aux grandes personnes, sur l′appel de leur mère. Et un enfant, c′est, sans la fierté qu′ils ont, ce qu′il était devenu.
Â…
Recevoir l′hommage de M. de Charlus, pour Mme de Sainte-Euverte c′était tout le snobisme, comme ç′avait été tout le snobisme du baron de le lui refuser. Or cette nature inaccessible et précieuse qu′il avait réussi à faire croire à Mme de Sainte-Euverte être essentielle à lui-même, M. de Charlus l′anéantit d′un seul coup par la timidité appliquée, le zèle peureux avec lequel il ôta son chapeau, d′où les torrents de sa chevelure d′argent ruisselèrent tout le temps qu′il laissa sa tête découverte par déférence, avec l′éloquence d′un Bossuet.
Para ella, recibir el homenaje de monsieur de Charlus era todo el snobismo, como negárselo había sido todo el snobismo del barón. Y aquella naturaleza inaccesible y preciosa que había hecho creer a una madame de Saunt- Euverte que era consustancial con él, monsieur de Charlus la destruyó de golpe con la timidez atenta, el celo temeroso con que se quitó el sombrero de donde surgieron los torrentes de su cabellera de plata, todo el tiempo que dejó, por deferencia, la cabeza descubierta, con la elocuencia de un Bossuet.
Quand Jupien eut aidé le baron à descendre et que j′eus salué celui-ci, il me parla très vite, d′une voix si imperceptible que je ne pus distinguer ce qu′il me disait, ce qui lui arracha, quand pour la troisième fois je le fis répéter, un geste d′impatience qui m′étonna par l′impassibilité qu′avait d′abord montrée le visage et qui était due sans doute à un reste de paralysie. Mais quand je fus arrivé à comprendre ces paroles sussurrées, je m′aperçus que le malade gardait absolument intacte son intelligence. Il y avait, d′ailleurs, deux M. de Charlus, sans compter les autres. Des deux, l′intellectuel passait son temps à se plaindre qu′il allait à l′aphasie, qu′il prononçait constamment un mot, une lettre pour une autre. Mais dès qu′en effet il lui arrivait de le faire, l′autre M. de Charlus, le subconscient, lequel voulait autant faire envie que l′autre pitié, arrêtait immédiatement, comme un chef d′orchestre dont les musiciens pataugent, la phrase commencée, et avec une ingéniosité infinie attachait ce qui venait ensuite au mot dit en réalité pour un autre, mais qu′il semblait avoir choisi. Même sa mémoire était intacte ; il mettait, du reste, une coquetterie, qui n′allait pas sans la fatigue d′une application des plus ardues, à faire sortir tel souvenir ancien, peu important, se rapportant à moi et qui me montrerait qu′il avait gardé ou recouvré toute sa netteté d′esprit. Sans bouger la tête ni les yeux, ni varier d′une seule inflexion son débit, il me dit, par exemple : « Voici un poteau où il y a une affiche pareille à celle devant laquelle j′étais la première fois que je vous vis à Avranches, non, je me trompe, à Balbec. » Et c′était, en effet, une réclame pour le même produit. J′avais à peine, au début, distingué ce qu′il disait, de même qu′on commence par ne voir goutte dans une chambre dont tous les rideaux sont clos. Mais, comme des yeux dans la pénombre, mes oreilles s′habituèrent bientôt à ce pianissimo. Je crois aussi qu′il s′était graduellement renforcé pendant que le baron parlait, soit que la faiblesse de sa voix provînt en partie d′une appréhension nerveuse qui se dissipait quand, distrait par un tiers, il ne pensait plus à elle ; soit qu′au contraire cette faiblesse correspondît à son état véritable et que la force momentanée avec laquelle il parlait dans la conversation fût provoquée par une excitation factice, passagère et plutôt funeste, qui faisait dire aux étrangers : « Il est déjà mieux, il ne faut pas qu′il pense à son mal », mais augmentait au contraire celui-ci qui ne tardait pas à reprendre. Quoi qu′il en soit, le baron à ce moment (et même en tenant compte de mon adaptation) jetait ses paroles plus fort, comme la marée, les jours de mauvais temps, ses petites vagues tordues. Et ce qui lui restait de sa récente attaque faisait entendre au fond de ses paroles comme un bruit de cailloux roulés. D′ailleurs, continuant à me parler du passé, sans doute pour bien me montrer qu′il n′avait pas perdu la mémoire, il l′évoquait d′une façon funèbre, mais sans tristesse. Il ne cessait d′énumérer tous les gens de sa famille ou de son monde qui n′étaient plus, moins, semblait-il, avec la tristesse qu′ils ne fussent plus en vie qu′avec la satisfaction de leur survivre. Il semblait en rappelant leur trépas prendre mieux conscience de son retour vers la santé. C′est avec une dureté presque triomphale qu′il répétait sur un ton uniforme, légèrement bégayant et aux sourdes résonances sépulcrales :
Cuando Jupien hubo ayudado al barón a apearse y yo saludé a éste, me habló muy de prisa, con una voz tan imperceptible que no supe distinguir lo que me decía, y esto le arrancó, cuando le hice repetir por tercera vez, un gesto de impaciencia que me sorprendió por la impasibilidad de su cara hasta entonces, debida, sin duda, a un resto de parálisis. Pero cuando por fin me acostumbré a aquel pianissimo de las palabras susurradas, me di cuenta de que el enfermo conservaba su inteligencia perfectamente intacta. Había dos monsieur de Charlus sin contar otros. De los dos, el intelectual pasaba el tiempo quejándose de que estaba al borde de la afasia, de que constantemente pronunciaba una palabra, una letra por otra. Pero cuando esto le ocurría en efecto, el otro monsieur de Charlus, el subconsciente, tan inclinado a causar envidia como el otro a causar piedad y que tenía coqueterías que el primero desdeñaba, cortaba inmediatamente la frase comenzada, como un director de una orquesta cuyos músicos se atascan, y con gran habilidad enlazaba lo que luego venía con la palabra dicha en realidad por otra, pero que parecía haber elegido él. También su memoria estaba intacta, y en ello ponía el barón una coquetería que no dejaba de costarle la fatiga de un esfuerzo muy arduo por alumbrar un recuerdo antiguo, poco importante, relacionado conmigo y que me demostraba que él había conservado o recuperado toda la lucidez de su mente. Sin mover la cabeza ni los ojos, sin variar su decir con una sola inflexión, me dijo, por ejemplo: «En ese poste hay un cartel parecido al que yo estaba mirando la primera vez que le vi a usted en Avranches... no, me equivoco, en Balbec». Y era, en efecto, un anuncio del mismo producto. Al principio, yo apenas entendía lo que decía el barón, de la misma manera que no vemos ni gota al entrar en una habitación con todas las cortinas echadas. Pero en seguida mis oídos se habituaron a aquel pianissimo como los ojos a la penumbra. Creo también que el pianissimo se fue reforzando gradualmente mientras el barón hablaba, bien porque la debilidad de su voz proviniera en parte de una aprensión nerviosa que se disipaba cuando, distraído por un tercero, ya no pensaba en ella, bien porque la debilidad correspondiera, por el contrario, a su verdadero estado y la fuerza momentánea con que hablaba en la conversación fuera provocada por una excitación ficticia, pasajera y más bien funesta, que hacía decir a los extraños: «Ya está mejor, lo que hace falta es que no piense en su mal», pero, por el contrario, aumentaba este mal, que no tardaba en manifestarse nuevamente. Como quiera que sea, el barón (y aun teniendo en cuenta mi adaptación) lanzaba sus palabras con más fuerza, como lanza la marea, los días de mal tiempo, sus pequeñas olas tortuosas. Y lo que le quedaba de su reciente ataque hacía oír en el fondo de sus palabras como un ruido de cantos rodados. Por lo demás, seguía hablándome del pasado, seguramente por demostrarme bien que no había perdido la memoria, y lo evocaba de una manera fúnebre, pero sin tristeza. Enumeraba continuamente a todas las personas de su familia o de su mundo que ya no existían, al parecer más con la satisfacción de sobrevivirlas que con la tristeza de que ya no vivieran. Recordando a aquellos muertos parecía darse mejor cuenta de su propio retorno a la salud. Repetía con una dureza casi triunfal, en un tono uniforme, ligeramente tartamudeante y con sordas resonancias sepulcrales:
« Hannibal de Bréauté, mort ! Antoine de Mouchy, mort ! Charles Swann, mort ! Adalbert de Montmorency, mort ! Baron de Talleyrand, mort ! Sosthène de Doudeauville, mort ! »
«¡Aníbal de Bréauté, muerto! ¡Antonio de Mouchy, muerto! ¡Carlos Swann, muerto! ¡Adalberto de Montmorency, muerto! ¡Boson de Talleyrand, muerto! ¡Sosthène de Doudeauville, muerto! »
Et chaque fois, ce mot « mort » semblait tomber sur ces défunts comme une pelletée de terre plus lourde, lancée par un fossoyeur qui tenait à les river plus profondément à la tombe.
Y cada vez esta palabra «muerto» parecía caer sobre aquellos difuntos como una paletada de tierra más pesada, lanzada por un sepulturero empeñado en hundirlos más profundamente en la tierra.
La duchesse de Létourville, qui n′allait pas à la matinée de la princesse de Guermantes, parce qu′elle venait d′être longtemps malade, passa à ce moment à pied à côté de nous, et apercevant le baron, dont elle ignorait la récente attaque, s′arrêta pour lui dire bonjour. Mais la maladie qu′elle venait d′avoir faisait qu′elle ne comprenait pas mieux, mais supportait plus impatiemment, avec une mauvaise humeur nerveuse où il y avait peut-être beaucoup de pitié, la maladie des autres. Entendant le baron prononcer difficilement et à faux certains mots, lui voyant bouger difficilement le bras, elle jeta les yeux tour à tour sur Jupien et sur moi comme pour nous demander l′explication d′un phénomène aussi choquant. Comme nous ne lui dîmes rien, ce fut à M. de Charlus lui-même qu′elle adressa un long regard plein de tristesse mais aussi de reproches. Elle avait l′air de lui faire grief d′être avec elle, dehors, dans une attitude aussi peu usuelle que s′il fût sorti sans cravate ou sans souliers. À une nouvelle faute de prononciation que commit le baron, la douleur et l′indignation de la duchesse augmentant ensemble, elle dit au baron : « Palamède ! » sur le ton interrogatif et exaspéré des gens trop nerveux qui ne peuvent supporter d′attendre une minute et, si on les fait entrer tout de suite en s′excusant d′achever sa toilette, vous disent amèrement, non pour s′excuser mais pour s′accuser : « Mais alors, je vous dérange ! », comme si c′était un crime de la part de celui qu′on dérange. Finalement, elle nous quitta d′un air de plus en plus navré en disant au baron : « Vous feriez mieux de rentrer. »
En aquel momento pasó a pie junto a nosotros la duquesa de Létourville, que no iba a la fiesta de la princesa de Guermantes porque acababa de estar mucho tiempo enferma, y al ver al barón, cuyo reciente ataque ignoraba, se detuvo a saludarle. Pero la enfermedad que acababa de sufrir no produjo el efecto de comprender mejor, sino de soportar más impacientemente, con un mal humor nervioso en el que quizá entraba mucha compasión, la enfermedad de los demás. Al oír al barón pronunciar difícilmente y desafinando ciertas palabras, al verle mover torpemente el brazo, nos miró sucesivamente a Jupien y a mí como pidiéndonos la explicación de un fenómeno tan chocante. Como no le dijimos nada dirigió al propio monsieur de Charlus una larga mirada llena de tristeza, pero también de reproches. Parecía acusarle de comportarse con ella en la calle en un actitud tan poco usual como si hubiera salido sin corbata o sin zapatos. Ante una nueva falta de pronunciación de monsieur de Charlus, aumentaron a la par el dolor y la indignación de la duquesa, y dijo al barón: «¡Palamède! », en el tono interrogativo y exasperado de las personas demasiado nerviosas que no pueden soportar esperar un minuto y, si les hacen entrar en seguida disculpándose de estar acabando de arreglarse, dicen amargamente, y no a modo de excusa, sino de acusación: «¡De modo que le molesto! » como si fuera un delito por parte de aquel a quien se molesta. Y acabó por dejarnos con un gesto cada vez más desolado diciendo al barón: «Haría usted mejor envolverse a casa».
M. de Charlus demanda à s′asseoir sur un fauteuil pour se reposer pendant que Jupien et moi ferions quelques pas et tira péniblement de sa poche un livre qui me sembla être un livre de prières. Je n′étais pas fâché de pouvoir apprendre par Jupien bien des détails sur l′état de santé du baron. « Je suis content de causer avec vous, Monsieur, me dit Jupien, mais nous n′irons pas plus loin que le rond-point. Dieu merci, le baron va bien maintenant, mais je n′ose pas le laisser longtemps seul, il est toujours le même, il a trop bon cœur, il donnerait tout ce qu′il a aux autres, et puis ce n′est pas tout, il est resté coureur comme un jeune homme et je suis obligé d′ouvrir les yeux. — D′autant plus qu′il a retrouvé les siens, répondis-je ; on m′avait beaucoup attristé en me disant qu′il avait perdu la vue. — Sa paralysie s′était, en effet, portée là, il ne voyait absolument plus. Pensez que, pendant la cure qui lui a fait, du reste, tant de bien, il est resté plusieurs mois sans voir plus qu′un aveugle de naissance. — Cela devait au moins rendre inutile toute une partie de votre surveillance ? — Pas le moins du monde, à peine arrivé dans un hôtel, il me demandait comment était telle personne de service. Je l′assurais qu′il n′y avait que des horreurs. Mais il sentait bien que cela ne pouvait pas être universel, que je devais quelquefois mentir. Voyez-vous, ce petit polisson ! Et puis il avait une espèce de flair, d′après la voix peut-être, je ne sais pas. Alors il s′arrangeait pour m′envoyer faire d′urgence des courses. Un jour — vous m′excuserez de vous dire cela, mais vous êtes venu une fois par hasard dans le Temple de l′Impudeur, je n′ai rien à vous cacher (d′ailleurs, il avait toujours une satisfaction assez peu sympathique à faire étalage des secrets qu′il détenait) — je rentrais d′une de ces courses soi-disant pressées, d′autant plus vite que je me figurais bien qu′elle avait été arrangée à dessein, quand, au moment où j′approchais de la chambre du baron, j′entendis une voix qui disait : « Quoi ? — Comment, répondit le baron, c′était donc la première fois ? » J′entrai sans frapper, et quelle ne fut pas ma frayeur. Le baron, trompé par la voix qui était, en effet, plus forte qu′elle n′est d′habitude à cet âge-là (et à cette époque-là le baron était complètement aveugle), était, lui qui aimait plutôt autrefois les personnes mûres, avec un enfant qui n′avait pas dix ans. »
El barón pidió sentarse en un sillón para descansar mientras Jupien y yo andábamos unos pasos y sacó penosamente del bolsillo un libro que me pareció un libro de oraciones. Me complació enterarme por Jupien de muchos detalles sobre el estado de salud del barón. -Me alegro mucho de hablar con usted -me dijo Jupien-, pero no pasaremos del Rond- Point. A Dios gracias, ahora el barón está bien, pero no me atrevo a dejarle mucho tiempo solo, es el mismo de siempre, tiene demasiado buen corazón, daría a los demás todo lo que tiene; pero no es esto sólo, sigue siendo tan perdulario como un mozo, y tengo que abrir mucho los ojos. -Sobre todo, porque él ha vuelto a abrir los suyos -contesté-; me dio mucha pena enterarme de que había perdido la vista. -Pues sí, la parálisis le afectó a esa parte; no veía absolutamente nada. Piense que, durante la cura, que, por otra parte, le ha hecho tanto bien, estuvo varios meses sin ver más de lo que ve un ciego de nacimiento. -Por lo menos, eso le evitaría a usted toda una parte de su vigilancia. -Nada de eso: apenas llegaba a un hotel me preguntaba cómo era esta o la otra persona del servicio. Yo le aseguraba que no había más que mamarrachos. Pero él se daba cuenta de que no podía ser así, tan general, de que algunas veces debía de mentirle. ¡Mírele, el muy granuja! Y, además, tenía una especie de olfato, puede que por la voz, yo qué sé. Entonces se las arreglaba para mandarme a algún recado urgente. Un día -perdone que le diga esto, pero usted estuvo una vez por casualidad en el Templo del Impudor, y no tengo nada que ocultarle (además, Jupien tenía siempre una satisfacción bastante poco simpática en exhibir secretos que él detentaba)-; un día, al volver de uno de aquellos recados supuestamente urgentes, y volvía más de prisa porque me figuraba que el recado era un amaño, y al acercarme al cuarto del barón, oí una voz que decía: «¿Qué?» «Pero - replicó el barón- ¿es que era la primera vez?» Entré sin llamar y cuál no sería mi susto. El barón, engañado por la voz, más fuerte de lo que suele ser a esa edad (en aquella época el barón estaba completamente ciego), estaba, él, al que antes le gustaban las personas maduras, con un niño que no tenía diez años.
On m′a raconté qu′à cette époque-là il était en proie presque chaque jour à des crises de dépression mentale, caractérisée non pas précisément par de la divagation, mais par la confession à haute voix — devant des tiers dont il oubliait la présence ou la sévérité — d′opinions qu′il avait l′habitude de cacher, sa germanophilie par exemple. Ainsi, longtemps après la fin de la guerre, il gémissait de la défaite des Allemands, parmi lesquels il se comptait, et disait orgueilleusement : « Et pourtant il ne se peut pas que nous ne prenions pas notre revanche, car nous avons prouvé que c′est nous qui étions capables de la plus grande résistance, et qui avions la meilleure organisation. » Ou bien ses confidences prenaient un autre ton, et il s′écriait rageusement : « Que Lord X ou le prince de X ne viennent pas redire ce qu′ils disaient hier, car je me suis tenu à quatre pour ne pas leur répondre : « Vous savez bien que vous en êtes au moins autant que moi. » Inutile d′ajouter que, quand M. de Charlus faisait ainsi, dans les moments où, comme on dit, il n′était pas très « présent », des aveux germanophiles ou autres, les personnes de l′entourage qui se trouvaient là, que ce fût Jupien ou la duchesse de Guermantes, avaient l′habitude d′interrompre les paroles imprudentes et d′en donner, pour les tiers moins intimes et plus indiscrets, une interprétation forcée mais honorable. « Mais mon Dieu ! s′écria Jupien, j′avais bien raison de vouloir que nous ne nous éloignions pas, le voilà qui a trouvé déjà le moyen d′entrer en conversation avec un garçon jardinier. Adieu, Monsieur, il vaut mieux que je vous quitte et que je ne laisse pas un instant seul mon malade qui n′est plus qu′un grand enfant. »
Me han contado que en aquella época sufría casi diariamente crisis de depresión mental, caracterizada no positivamente por la divagación, sino por la confesión en voz alta, ante personas cuya presencia o cuya severidad olvidaba, de opiniones que acostumbraba a ocultar: por ejemplo, su germanofilia. Si mucho tiempo después de la guerra se lamentaba de la derrota de los alemanes, entre los que se incluía, y decía orgullosamente: «No es posible que no nos tomemos nuestro desquite, pues hemos demostrado que éramos nosotros los más capaces de mayor resistencia y que tenemos la mejor organización». O bien sus confidencias tomaban otro tono y exclamaba con rabia: «Que no vengan lord X o el príncipe de ... a decirnos de nuevo lo que decían ayer, pues he tenido que contenerme mucho para no contestarles: Bien saben ustedes que lo son por lo menos tanto como yo». Inútil añadir que cuando monsieur de Charlus hacía confesiones germanófilas o de otro tipo, en los momentos en que, como suele decirse, no estaba muy «presente», las personas que le rodeaban, ya fuesen Jupien o la duquesa de Guermantes, tenían la costumbre de interrumpir las palabras imprudentes y de dar para terceros menos íntimos y más indiscretos una interpretación forzada pero honorable. -¡Santo Dios! -exclamó Jupien-, razón tenía yo en no querer que nos alejáramos: ya se las arregló para entrar en conversación con un jardinero. Adiós, señor, es mejor que me despida y que no deje solo ni un momento a mi enfermo, que ya no es más que un niño grande.
Â…
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Je descendis de nouveau de voiture un peu avant d′arriver chez la princesse de Guermantes et je recommençai à penser à cette lassitude et à cet ennui avec lesquels j′avais essayé, la veille, de noter la ligne qui, dans une des campagnes réputées les plus belles de France, séparait sur les arbres l′ombre de la lumière. Certes, les conclusions intellectuelles que j′en avais tirées n′affectaient pas aujourd′hui aussi cruellement ma sensibilité. Elles restaient les mêmes. Mais comme chaque fois que je me trouvais arraché à mes habitudes, sorti à une autre heure, dans un lieu nouveau, j′éprouvais un vif plaisir.
Volví a apearme del coche un poco antes de llegar a casa de la princesa de Guermantes, y de nuevo me puse a pensar en aquella lasitud y en aquel hastío con que, la vispera, intentara notar la línea que, en uno de los campos reputados como los más famosos de Francia, separaba en los árboles la sombra de la luz. Desde luego, las conclusiones intelectuales que sacaba no afectaban hoy tan cruelmente a mi sensibilidad. Seguían siendo las mismas, pero, como siempre que me encontraba fuera de mis costumbres, salir a otra hora, a un lugar nuevo, me producía un vivo placer.
Ce plaisir me semblait aujourd′hui un plaisir purement frivole, celui d′aller à une matinée chez Mme de Guermantes. Mais puisque je savais maintenant que je ne pouvais rien atteindre de plus que des plaisirs frivoles, à quoi bon me les refuser ? Je me redisais que je n′avais éprouvé en essayant cette description rien de cet enthousiasme qui n′est pas le seul mais qui est un premier critérium du talent. J′essayais maintenant de tirer de ma mémoire d′autres « instantanés », notamment des instantanés qu′elle avait pris à Venise, mais rien que ce mot me la rendait ennuyeuse comme une exposition de photographies, et je ne me sentais pas plus de goût, plus de talent, pour décrire maintenant ce que j′avais vu autrefois qu′hier ce que j′observais d′un œil minutieux et morne, au moment même. Dans un instant tant d′amis que je n′avais pas vus depuis si longtemps allaient sans doute me demander de ne plus m′isoler ainsi, de leur consacrer mes journées. Je n′aurais aucune raison de le leur refuser, puisque j′avais maintenant la preuve que je n′étais plus bon à rien, que la littérature ne pouvait plus me causer aucune joie, soit par ma faute, étant trop peu doué, soit par la sienne, si elle était, en effet, moins chargée de réalité que je n′avais cru.
Este placer me parecía hoy puramente frívolo, el de ir a una fiesta en casa de madame de Guermantes. Pero puesto que ahora sabía que ya no podía esperar más que placeres frívolos, ¿por qué privarme de ellos? Volvía a pensar que, al intentar aquella descripción, no sentí nada de ese entusiasmo que no es la única señal, pero sí la primera del talento. Ahora intentaba sacar de mi memoria otras «instantáneas», especialmente instantáneas que había tomado en Venecia, pero nada más que esta palabra me la hacía aburrida como una exposición de fotografías, y ya no me sentía con gusto ni con talento para describir lo que vi en otro tiempo, como tampoco la víspera para describir lo que observaba con ojos minuciosos y graves en el momento mismo. Dentro de un instante, muchos amigos a los que no había visto desde hacía mucho tiempo iban seguramente a pedirme que no me aislara así, que les dedicara mis días. No tenía ninguna razón para negárselo, puesto que ahora tenía la prueba de que ya no servía para nada, de que la literatura no podía ya darme ningún gozo, fuera por culpa mía, por mis escasas dotes, fuera por la suya, si es que había en ella menos realidad de lo que yo había creído.
Quand je pensais à ce que Bergotte m′avait dit : « Vous êtes malade, mais on ne peut vous plaindre car vous avez les joies de l′esprit », je voyais combien il s′était trompé sur moi. Comme il y avait peu de joie dans cette lucidité stérile ! J′ajoute même que si quelquefois j′avais peut-être des plaisirs — non de l′intelligence — je les dépensais toujours pour une femme différente ; de sorte que le Destin, m′eût-il accordé cent ans de vie de plus, et sans infirmités, n′eût fait qu′ajouter des rallonges successives à une existence toute en longueur, dont on ne voyait même pas l′intérêt qu′elle se prolongeât davantage, à plus forte raison longtemps encore.
Cuando pensaba en lo que Bergotte me dijo: «Está usted enfermo, pero no hay que compadecerle: tiene los goces de la inteligencia», ¡cómo se equivocaba sobre mí! ¡Qué escasa satisfacción había en aquella lucidez estéril! Y aun añado que si alguna vez tenía yo quizá satisfacciones (no de la inteligencia), las gastaba siempre por una mujer diferente; de suerte que, aunque el Destino me hubiera concedido cien años más de vida, y sin enfermedades, no haría más que añadir prolongaciones sucesivas a una existencia simplemente longitudinal sin que se viese siquiera el interés de que se prolongara más, y con mayor razón durante mucho tiempo.
Quant aux « joies de l′intelligence », pouvais-je ainsi appeler ces froides constatations que mon œil clairvoyant ou mon raisonnement juste relevaient sans aucun plaisir et qui restaient infécondes. Mais c′est quelquefois au moment où tout nous semble perdu que l′avertissement arrive qui peut nous sauver : on a frappé à toutes les portes qui ne donnent sur rien, et la seule par où on peut entrer et qu′on aurait cherchée en vain pendant cent ans, on y heurte sans le savoir et elle s′ouvre.
En cuanto a los «goces de la inteligencia», ¿podía yo llamar así a aquellas frías observaciones que mis ojos clarividentes o mi razonamiento exacto destacaban sin ningún placer y que permanecían infecundas? Pero a veces, en el momento en que todo nos parece perdido, llega la señal que puede salvarnos; hemos llamado a todas las puertas que no dan a ningún sitio, y la única por la que podemos entrar y que habríamos buscado en vano durante cien años, tropezamos con ella sin saberlo y se nos abre.
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En roulant les tristes pensées que je disais il y a un instant j′étais entré dans la cour de l′hôtel de Guermantes, et dans ma distraction je n′avais pas vu une voiture qui s′avançait ; au cri du wattman je n′eus que le temps de me ranger vivement de côté, et je reculai assez pour buter malgré moi contre des pavés assez mal équarris derrière lesquels était une remise. Mais au moment où, me remettant d′aplomb, je posai mon pied sur un pavé qui était un peu moins élevé que le précédent, tout mon découragement s′évanouit devant la même félicité qu′à diverses époques de ma vie m′avaient donnée la vue d′arbres que j′avais cru reconnaître dans une promenade en voiture autour de Balbec, la vue des clochers de Martinville, la saveur d′une madeleine trempée dans une infusion, tant d′autres sensations dont j′ai parlé et que les dernières œuvres de Vinteuil m′avaient paru synthétiser. Comme au moment où je goûtais la madeleine, toute inquiétude sur l′avenir, tout doute intellectuel étaient dissipés. Ceux qui m′assaillaient tout à l′heure au sujet de la réalité de mes dons littéraires, et même de la réalité de la littérature, se trouvaient levés comme par enchantement. Cette fois je me promettais bien de ne pas me résigner à ignorer pourquoi, sans que j′eusse fait aucun raisonnement nouveau, trouvé aucun argument décisif, les difficultés, insolubles tout à l′heure, avaient perdu toute importance, comme je l′avais fait le jour où j′avais goûté d′une madeleine trempée dans une infusion. La félicité que je venais d′éprouver était bien, en effet, la même que celle que j′avais éprouvée en mangeant la madeleine et dont j′avais alors ajourné de rechercher les causes profondes. La différence, purement matérielle, était dans les images évoquées. Un azur profond enivrait mes yeux, des impressions de fraîcheur, d′éblouissante lumière tournoyaient près de moi et, dans mon désir de les saisir, sans oser plus bouger que quand je goûtais la saveur de la madeleine en tâchant de faire parvenir jusqu′à moi ce qu′elle me rappelait, je restais, quitte à faire rire la foule innombrable des wattmen, à tituber comme j′avais fait tout à l′heure, un pied sur le pavé plus élevé, l′autre pied sur le pavé le plus bas. Chaque fois que je refaisais, rien que matériellement, ce même pas, il me restait inutile ; mais si je réussissais, oubliant la matinée Guermantes, à retrouver ce que j′avais senti en posant ainsi mes pieds, de nouveau la vision éblouissante et indistincte me frôlait comme si elle m′avait dit : « Saisis-moi au passage si tu en as la force et tâche à résoudre l′énigme du bonheur que je te propose. » Et presque tout de suite, je le reconnus, c′était Venise, dont mes efforts pour la décrire et les prétendus instantanés pris par ma mémoire ne m′avaient jamais rien dit et que la sensation que j′avais ressentie jadis sur deux dalles inégales du baptistère de Saint-Marc m′avait rendue avec toutes les autres sensations jointes ce jour-là à cette sensation-là, et qui étaient restées dans l′attente, à leur rang, d′où un brusque hasard les avait impérieusement fait sortir, dans la série des jours oubliés. De même le goût de la petite madeleine m′avait rappelé Combray. Mais pourquoi les images de Combray et de Venise m′avaient-elles, à l′un et à l′autre moment, donné une joie pareille à une certitude et suffisante sans autres preuves à me rendre la mort indifférente ? Tout en me le demandant et en étant résolu aujourd′hui à trouver la réponse, j′entrai dans l′hôtel de Guermantes, parce que nous faisons toujours passer avant la besogne intérieure que nous avons à faire le rôle apparent que nous jouons et qui, ce jour-là, était celui d′un invité. Mais arrivé au premier étage, un maître d′hôtel me demanda d′entrer un instant dans un petit salon-bibliothèque attenant au buffet, jusqu′à ce que le morceau qu′on jouait fût achevé, la princesse ayant défendu qu′on ouvrît les portes pendant son exécution. Or, à ce moment même, un second avertissement vint renforcer celui que m′avaient donné les pavés inégaux et m′exhorter à persévérer dans ma tâche. Un domestique, en effet, venait, dans ses efforts infructueux pour ne pas faire de bruit, de cogner une cuiller contre une assiette. Le même genre de félicité que m′avaient donné les dalles inégales m′envahit ; les sensations étaient de grande chaleur encore, mais toutes différentes, mêlées d′une odeur de fumée apaisée par la fraîche odeur d′un cadre forestier ; et je reconnus que ce qui me paraissait si agréable était la même rangée d′arbres que j′avais trouvée ennuyeuse à observer et à décrire, et devant laquelle, débouchant la canette de bière que j′avais dans le wagon, je venais de croire un instant, dans une sorte d′étourdissement, que je me trouvais, tant le bruit identique de la cuiller contre l′assiette m′avait donné, avant que j′eusse eu le temps de me ressaisir, l′illusion du bruit du marteau d′un employé qui avait arrangé quelque chose à une roue de train pendant que nous étions arrêtés devant ce petit bois. Alors on eût dit que les signes qui devaient, ce jour-là, me tirer de mon découragement et me rendre la foi dans les lettres avaient à cœur de se multiplier, car un maître d′hôtel depuis longtemps au service du prince de Guermantes m′ayant reconnu, et m′ayant apporté dans la bibliothèque où j′étais, pour m′éviter d′aller au buffet, un choix de petits fours, un verre d′orangeade, je m′essuyai la bouche avec la serviette qu′il m′avait donnée ; mais aussitôt, comme le personnage des Mille et une Nuits qui, sans le savoir, accomplit précisément le rite qui fait apparaître, visible pour lui seul, un docile génie prêt à le transporter au loin, une nouvelle vision d′azur passa devant mes yeux ; mais il était pur et salin, il se gonfla en mamelles bleuâtres ; l′impression fut si forte que le moment que je vivais me sembla être le moment actuel, plus hébété que le jour où je me demandais si j′allais vraiment être accueilli par la princesse de Guermantes ou si tout n′allait pas s′effondrer, je croyais que le domestique venait d′ouvrir la fenêtre sur la plage et que tout m′invitait à descendre me promener le long de la digue à marée haute ; la serviette que j′avais prise pour m′essuyer la bouche avait précisément le genre de raideur et d′empesé de celle avec laquelle j′avais eu tant de peine à me sécher devant la fenêtre, le premier jour de mon arrivée à Balbec, et maintenant, devant cette bibliothèque de l′hôtel de Guermantes, elle déployait, réparti dans ses plis et dans ses cassures, le plumage d′un océan vert et bleu comme la queue d′un paon. Et je ne jouissais pas que de ces couleurs, mais de tout un instant de ma vie qui les soulevait, qui avait été sans doute aspiration vers elles, dont quelque sentiment de fatigue ou de tristesse m′avait peut-être empêché de jouir à Balbec, et qui maintenant, débarrassé de ce qu′il y a d′imparfait dans la perception extérieure, pur et désincarné, me gonflait d′allégresse. Le morceau qu′on jouait pouvait finir d′un moment à l′autre et je pouvais être obligé d′entrer au salon. Aussi je m′efforçais de tâcher de voir clair le plus vite possible dans la nature des plaisirs identiques que je venais, par trois fois en quelques minutes, de ressentir, et ensuite de dégager l′enseignement que je devais en tirer. Sur l′extrême différence qu′il y a entre l′impression vraie que nous avons eue d′une chose et l′impression factice que nous nous en donnons quand volontairement nous essayons de nous la représenter, je ne m′arrêtais pas ; me rappelant trop avec quelle indifférence relative Swann avait pu parler autrefois des jours où il était aimé, parce que sous cette phrase il voyait autre chose qu′eux, et de la douleur subite que lui avait causée la petite phrase de Vinteuil en lui rendant ces jours eux-mêmes tels qu′il les avait jadis sentis, je comprenais trop que ce que la sensation des dalles inégales, la raideur de la serviette, le goût de la madeleine avaient réveillé en moi, n′avait aucun rapport avec ce que je cherchais souvent à me rappeler de Venise, de Balbec, de Combray, à l′aide d′une mémoire uniforme ; et je comprenais que la vie pût être jugée médiocre, bien qu′à certains moments elle parût si belle, parce que dans le premier cas c′est sur tout autre chose qu′elle-même, sur des images qui ne gardent rien d′elle qu′on la juge et qu′on la déprécie. Tout au plus notais-je accessoirement que la différence qu′il y a entre chacune des impressions réelles — différences qui expliquent qu′une peinture uniforme de la vie ne puisse être ressemblante — tenait probablement à cette cause : que la moindre parole que nous avons dite à une époque de notre vie, le geste le plus insignifiant que nous avons fait était entouré, portait sur lui le reflet des choses qui logiquement ne tenaient pas à lui, en ont été séparées par l′intelligence, qui n′avait rien à faire d′elles pour les besoins du raisonnement, mais au milieu desquelles — ici reflet rose du soir sur le mur fleuri d′un restaurant champêtre, sensation de faim, désir des femmes, plaisir du luxe ; là volutes bleues de la mer matinale enveloppant des phrases musicales qui en émergent partiellement comme les épaules des ondines — le geste, l′acte le plus simple reste enfermé comme dans mille vases clos dont chacun serait rempli de choses d′une couleur, d′une odeur, d′une température absolument différentes ; sans compter que ces vases, disposés sur toute la hauteur de nos années pendant lesquelles nous n′avons cessé de changer, fût-ce seulement de rêve et de pensée, sont situés à des altitudes bien diverses, et nous donnent la sensation d′atmosphères singulièrement variées. Il est vrai que, ces changements, nous les avons accomplis insensiblement ; mais entre le souvenir qui nous revient brusquement et notre état actuel, de même qu′entre deux souvenirs d′années, de lieux, d′heures différentes, la distance est telle que cela suffirait, en dehors même d′une originalité spécifique, à les rendre incomparables les uns aux autres. Oui, si le souvenir, grâce à l′oubli, n′a pu contracter aucun lien, jeter aucun chaînon entre lui et la minute présente, s′il est resté à sa place, à sa date, s′il a gardé ses distances, son isolement dans le creux d′une vallée ou à la pointe d′un sommet ; il nous fait tout à coup respirer un air nouveau, précisément parce que c′est un air qu′on a respiré autrefois, cet air plus pur que les poètes ont vainement essayé de faire régner dans le Paradis et qui ne pourrait donner cette sensation profonde de renouvellement que s′il avait été respiré déjà, car les vrais paradis sont les paradis qu′on a perdus. Et, au passage, je remarquais qu′il y aurait dans l′œuvre d′art que je me sentais prêt déjà, sans m′y être consciemment résolu, à entreprendre, de grandes difficultés. Car j′en devrais exécuter les parties successives dans une matière en quelque sorte différente. Elle serait bien différente, celle qui conviendrait aux souvenirs de matins au bord de la mer, de celle d′après-midi à Venise, une matière distincte, nouvelle, d′une transparence, d′une sonorité spéciale, compacte, fraîchissante et rose, et différente encore si je voulais décrire les soirs de Rivebelle où, dans la salle à manger ouverte sur le jardin, la chaleur commençait à se décomposer, à retomber, à se déposer, où une dernière lueur éclairait encore les roses sur les murs du restaurant tandis que les dernières aquarelles du jour étaient encore visibles au ciel. Je glissais rapidement sur tout cela, plus impérieusement sollicité que j′étais de chercher la cause de cette félicité, du caractère de certitude avec lequel elle s′imposait, recherche ajournée autrefois. Or, cette cause, je la devinais en comparant entre elles ces diverses impressions bienheureuses et qui avaient entre elles ceci de commun que je les éprouvais à la fois dans le moment actuel et dans un moment éloigné où le bruit de la cuiller sur l′assiette, l′inégalité des dalles, le goût de la madeleine allaient jusqu′à faire empiéter le passé sur le présent, à me faire hésiter à savoir dans lequel des deux je me trouvais ; au vrai, l′être qui alors goûtait en moi cette impression la goûtait en ce qu′elle avait de commun dans un jour ancien et maintenant, dans ce qu′elle avait d′extra-temporel, un être qui n′apparaissait que quand, par une de ces identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il pût vivre, jouir de l′essence des choses, c′est-à-dire en dehors du temps. Cela expliquait que mes inquiétudes au sujet de ma mort eussent cessé au moment où j′avais reconnu, inconsciemment, le goût de la petite madeleine, puisqu′à ce moment-là l′être que j′avais été était un être extra-temporel, par conséquent insoucieux des vicissitudes de l′avenir. Cet être-là n′était jamais venu à moi, ne s′était jamais manifesté qu′en dehors de l′action, de la jouissance immédiate, chaque fois que le miracle d′une analogie m′avait fait échapper au présent. Seul il avait le pouvoir de me faire retrouver les jours anciens, le Temps Perdu, devant quoi les efforts de ma mémoire et de mon intelligence échouaient toujours.
Rumiando los tristes pensamientos que decía hace un momento, entré en el patio del hotel de Guermantes, y en mi distracción no pude ver un coche que avanzaba; el grito del wattman sólo me dio tiempo para apartarme bruscamente, y retrocedí lo bastante para chocar sin querer contra el pavimento bastante desigual tras el cual estaba la cochera. Pero en el momento en que, rehaciéndome, puse el pie en una losa un poco menos alta que la anterior, todo mi desaliento se esfumó ante la misma felicidad que, en diversas épocas de mi vida, me dio la vista de los árboles que creí reconocer en un paseo en coche alrededor de Balbec, la vista de los campanarios de Martinville, el sabor de una magdalena mojada en una infusión, tantas otras sensaciones de las que he hablado y que las últimas obras de Vinteuil me parecieron sintetizar. Igual que en el momento en que saboreaba la magdalena, desaparecieron toda inquietud sobre el porvenir, toda duda intelectual. Las que me asaltaran un momento antes sobre la realidad de mis dotes literarias y hasta sobre la realidad de la literatura se disiparon como por encanto. Sin haber hecho ningún razonamiento nuevo, sin haber encontrado ningún argumento decisivo, las dificultades, insolubles un momento antes, perdieron toda importancia. Pero esta vez estaba completamente decidido a no resignarme a ignorar por qué, como lo hice el día que saboreé una magdalena mojada en una infusión. La felicidad que acababa de sentir era, en efecto, la misma que la que sintiera comiendo la magdalena y cuyas causas profundas dejé de buscar entonces. La diferencia, puramente material, radicaba en las imágenes evocadas; un azur profundo me embriagaba los ojos, unas impresiones de frescor, de luz deslumbradora, giraban junto a mí y, en mi deseo de apresarlas, sin atreverme a moverme, como cuando saboreaba la magdalena intentando captar de nuevo lo que me recordaba, seguía titubeando, a riesgo de hacer reír a la innumerable multitud de los wattmen, como hacía un momento, un pie sobre la losa más alta, otro sobre la losa más baja. Cada vez que daba sólo materialmente este mismo paso, resultaba inútil; pero si, olvidando la fiesta de Guermantes, lograba revivir lo que había sentido al posar así los pies, de nuevo me rozaba la visión deslumbrante e indistinta, como diciéndome: «Cógeme al paso si eres capaz de ello y procura resolver el enigma de felicidad que te propongo». Y casi inmediatamente la reconocí: era Venecia, de la que nada me habían dicho nunca mis esfuerzos por describirla y las supuestas instantáneas tomadas por mi memoria, y ahora me la devolvía la sensación experimentada tiempo atrás en dos losas desiguales del bautisterio de San Marcos, con todas las demás sensaciones unidas aquel día a esta sensación y que habían permanecido en la espera, en su lugar, en la serie de los días olvidados, de donde las hizo salir imperiosamente un brusco azar. De la misma manera el sabor de la pequeña magdalena me recordó Combray. Mas ¿por qué, en uno y en otro momento, las imágenes de Combray y de Venecia me dieron un goce parecido a una certidumbre y suficiente, sin más pruebas, para que la muerte no me importara? Mientras me lo preguntaba, resuelto hoy a encontrar la respuesta, entré en el hotel de Guermantes, porque a la tarea interior que tenemos que desempeñar anteponemos siempre el papel aparente que desempeñamos y que, aquel día, era el de un invitado. Mas al llegar al primer piso, un mayordomo me pidió que entrara un momento en un saloncitobiblioteca contiguo al buffet, hasta que terminara la pieza que estaban tocando, pues la princesa había prohibido que abrieran las puertas mientras durara. Y en aquel mismo momento una segunda advertencia vino a reforzar la que me habían hecho las dos losas desiguales y a exhortarme a perseverar en mi tarea. Un criado, en su infructuoso esfuerzo por no hacer ruido, acababa de hacer chocar una cuchara contra un plato. Me invadió la misma clase de felicidad que me habían dado las losas desiguales; las sensaciones eran todavía muy calurosas, pero muy diferentes: mezcla de un olor a humo, neutralizado por el fresco olor de un marco forestal, y reconocí que lo que me parecía tan agradable era la misma fila de árboles que tan aburrida me pareció de observar y de describir, y ante la cual, destapando la botella de cerveza que tenía en el vagón, acababa de creer por un momento, en una especie de mareo, que me encontraba: hasta tal punto el ruido idéntico de la cuchara contra el plato me dio, antes de volver en mí, la ilusión del ruido del martillo de un empleado que estaba arreglando algo en una rueda del tren mientras estábamos detenidos ante aquel bosquecillo. Y dijérase que los signos que aquel día iban a sacarme de mi desánimo y a devolverme la fe en las letras se empeñaban en multiplicarse, pues un mayordomo que llevaba mucho tiempo al servicio del príncipe de Guermantes me reconoció y me llevó a la biblioteca donde estaba, y para que no tuviera que ir al buffet, un surtido de pastas, un vaso de naranjada, y me limpié la boca con la servilleta que me dio, pero en seguida, como el personaje de Las mil y una noches que, sin saberlo, realizaba precisamente el rito que hacía aparecer, visible para él solo, un dócil genio dispuesto a transportarle lejos, pasó ante mis ojos una nueva visión de azur; pero era un azur puro y salino, y se infló en unos senos azulencos; la impresión fue tan fuerte que el momento que vivía me pareció el momento actual; más alelado que el día en que me preguntaba si de verdad me iba a recibir la princesa de Guermantes o si se iba a hundir todo, creía que el criado acababa de abrir la ventana a la playa y que todo me invitaba a bajar a pasearme por el malecón en la marea alta; la servilleta que había cogido para limpiarme la boca tenía precisamente esa tiesura almidonada de aquella con que tanto me costó secarme delante de la ventana el primer día de mi llegada a Belbec, y ahora, ante esta biblioteca del hotel de Guermantes, desplegaba, repartido en sus bordes y en sus dobleces, el plumaje de un océano verde y azul como la cola de un pavo real. Y yo gozaba no sólo de aquellos colores, sino de todo un instante de mi vida que los revelaba, que había sido sin duda aspiración hacia ellos, de los que quizá algún sentimiento de fatiga o de tristeza me impidió gozar en Balbec, y que ahora, libre de lo que hay de imperfecto, puro e inmaterial en la percepción exterior, me llenaba de alegría. Lo que estaban tocando podía terminar de un momento a otro y yo podía verme obligado a entrar en el salón. Por eso me esforcé por ver lo más claro posible en la naturaleza de los goces idénticos que por tres veces en unos minutos acababa de sentir, y luego por dilucidar la enseñanza que de aquello debía sacar. No me paré a pensar en la gran diferencia que existe entre la verdadera impresión que hemos tenido de una cosa y la impresión ficticia que nos damos cuando intentamos voluntariamente representárnosla. Recordando demasiado la relativa indiferencia con que Swann podía hablar en otro tiempo de los días en que había sido amado, porque bajo estas palabras veía otra cosa que no eran ellos, y el súbito dolor que le causó la pequeña frase de Vinteuil evocándole aquellos mismos días tales como antaño los sintiera, me daba demasiada cuenta de que lo que la sensación de las losas desiguales, la rigidez de la servilleta, el sabor de la magdalena despertaron en mí no tenía ninguna relación con lo que yo procuraba muchas veces recordar de Venecia, de Balbec, de Combray, con ayuda de una memoria uniforme; y comprendía que la vida pudiera parecer mediocre, aunque en ciertos momentos pareciera tan bella, porque en el primer caso se la juzga y se la desprecia por otra cosa distinta de ella misma, en imágenes que no conservan nada de ella. A lo sumo notaba accesoriamente que la diferencia que existe entre cada una de las impresiones reales - diferencias que explican que una pintura uniforme de la vida no pueda ser parecidadepende probablemente de que la menor palabra que hemos dicho en una época de nuestra vida, el gesto más insignificante que hemos hecho iba acompañado, llevaba en él el reflejo de cosas que, lógicamente, no eran suyas, que fueron separadas de él por la inteligencia que no tenía nada que hacer con ellas para las necesidades del razonamiento, pero en medio de las cuales -aquí reflejo rosa de la tarde sobre la pared florida de un restaurante campestre, sensación de hambre, deseo de mujeres, placer de lujo; allí volutas azules del mar mañanero envolviendo unas frases musicales que emergen parcialmente de él como los hombros de las ondinas- el gesto, el acto más sencillo permanece clausurado como en mil vasos cerrados cada uno de los cuales estuviera lleno de cosas de un calor, de un olor, de una temperatura absolutamente diferentes; sin contar que estos vasos, dispuestos en toda la altura de nuestros años en los que no hemos dejado de cambiar, aunque sólo sea de sueño y de pensamiento, están situados en alturas muy diversas y nos dan la sensación de atmósferas muy variadas. Verdad es que estos cambios los hemos realizado insensiblemente; pero entre el recuerdo que nos vuelve bruscamente y nuestro estado actual, lo mismo que entre dos recuerdos de años, de lugares, de horas distintas, la distancia es tan grande que bastaría, aun prescindiendo de una originalidad específica, para hacerlos incomparables unos con otros. Sí, si el recuerdo, gracias al olvido, no ha podido contraer ningún lazo, echar ningún eslabón entre él y el minuto presente; si ha permanecido en su lugar, en su fecha; si ha guardado las distancias, el aislamiento en el seno de un valle o en la punta de un monte, nos hace respirar de pronto un aire nuevo, precisamente porque es un aire que respiramos en otro tiempo, ese aire más puro que los poetas han intentado en vano hacer reinar en el paraíso y que sólo podría dar esa sensación profunda de renovación si lo hubiéramos respirado ya, pues los verdaderos paraísos son los paraísos que hemos perdido. Y de paso observaba que en esto, en la obra de arte que ya me sentía dispuesto a emprender, sin haberme decidido conscientemente a ello, habría grandes dificultades. Pues tendría que realizar sus partes sucesivas en una materia muy diferente de la que convendría a los recuerdos de mañanas a la orilla del mar o de tardes en Venecia, si quería pintar aquellas tardes de Rivebelle, donde, en el comedor que daba al jardín, el calor empezaba a descomponerse, a caer, a remitir, donde un último resplandor iluminaba todavía las rosas sobre las paredes del restaurante mientras aún se veían en el cielo las últimas acuarelas del día -en una materia distinta, nueva, de una transparencia, de una sonoridad especiales, compacta, refrescante y rosada. Pasaba yo con rapidez sobre todo esto, más imperiosamente atraído por buscar la causa de aquella felicidad, del carácter de certidumbre con que se imponía, búsqueda aplazada en otro tiempo. Y esta causa la adivinaba comparando aquellas diversas impresiones dichosas y que tenían de común entre ellas el que yo las sentía a la vez en el momento actual y en un momento lejano, hasta casi confundir el pasado con el presente, hasta hacerme dudar en cuál de los dos me encontraba; en realidad, el ser que entonces gustaba en mí aquella impresión la gustaba en lo que tenía de común en un día antiguo y ahora, en lo que tenía de extratemporal, un ser que sólo aparecía cuando, por una de esas identidades entre el presente y el pasado, podía encontrarse en el único medio donde pudiera vivir, gozar de la esencia de las cosas, es decir, fuera del tiempo. Esto explicaba que mis inquietudes sobre mi muerte hubieran cesado en el momento en que reconocí inconscientemente el sabor de la pequeña magdalena, porque en aquel momento el ser que yo había sido era un ser extratemporal, despreocupado por lo tanto de las vicisitudes del futuro. Aquel ser no había venido nunca a mí, no se había manifestado jamás sino fuera de la acción, del goce inmediato, cada vez que el milagro de una analogía me había hecho evadirme del presente. Sólo él tenía el poder de hacerme recobrar los días antiguos, el tiempo perdido, ante lo cual los esfuerzos de mi memoria y de mi inteligencia fracasaban siempre.
Et peut-être, si tout à l′heure je trouvais que Bergotte avait jadis dit faux en parlant des joies de la vie spirituelle, c′était parce que j′appelais vie spirituelle, à ce moment-là, des raisonnements logiques qui étaient sans rapport avec elle, avec ce qui existait en moi à ce moment — exactement comme j′avais pu trouver le monde et la vie ennuyeux parce que je les jugeais d′après des souvenirs sans vérité, alors que j′avais un tel appétit de vivre, maintenant que venait de renaître en moi, à trois reprises, un véritable moment du passé.
Y si un momento antes me parecía que Bergotte había mentido al hablar de los goces de la vida espiritual era porque, en aquel momento, yo llamaba «vida espiritual» a unos razonamientos lógicos que no tenían relación con ella, con lo que existía en mí en aquel momento -exactamente como habían podido parecerme aburridos el mundo y la vida porque los juzgaba por recuerdos sin verdad, mientras que ahora tenía tal apetito de vivir que acababa de hacer renacer en mí, por tres veces, un verdadero momento del pasado.
Rien qu′un moment du passé ? Beaucoup plus, peut-être ; quelque chose qui, commun à la fois au passé et au présent, est beaucoup plus essentiel qu′eux deux.
¿Nada más que un momento del pasado? Acaso mucho más; algo que, común a la vez al pasado y al presente, es mucho más esencial que los dos.
Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m′avait déçu parce que, au moment où je la percevais, mon imagination, qui était mon seul organe pour jouir de la beauté, ne pouvait s′appliquer à elle, en vertu de la loi inévitable qui veut qu′on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l′effet de cette dure loi s′était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation — bruit de la fourchette et du marteau, même inégalité de pavés — à la fois dans le passé, ce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent où l′ébranlement effectif de mes sens par le bruit, le contact avait ajouté aux rêves de l′imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l′idée d′existence et, grâce à ce subterfuge, avait permis à mon être d′obtenir, d′isoler, d′immobiliser — la durée d′un éclair — ce qu′il n′appréhende jamais : un peu de temps à l′état pur. L′être qui était rené en moi quand, avec un tel frémissement de bonheur, j′avais entendu le bruit commun à la fois à la cuiller qui touche l′assiette et au marteau qui frappe sur la roue, à l′inégalité pour les pas des pavés de la cour Guermantes et du baptistère de Saint-Marc, cet être-là ne se nourrit que de l′essence des choses, en elles seulement il trouve sa subsistance, ses délices. Il languit dans l′observation du présent où les sens ne peuvent la lui apporter, dans la considération d′un passé que l′intelligence lui dessèche, dans l′attente d′un avenir que la volonté construit avec des fragments du présent et du passé auxquels elle retire encore de leur réalité, ne conservant d′eux que ce qui convient à la fin utilitaire, étroitement humaine, qu′elle leur assigne. Mais qu′un bruit déjà entendu, qu′une odeur respirée jadis, le soient de nouveau, à la fois dans le présent et dans le passé, réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits, aussitôt l′essence permanente et habituellement cachée des choses se trouve libérée et notre vrai moi qui, parfois depuis longtemps, semblait mort, mais ne l′était pas autrement, s′éveille, s′anime en recevant la céleste nourriture qui lui est apportée. Une minute affranchie de l′ordre du temps a recréé en nous pour la sentir l′homme affranchi de l′ordre du temps. Et celui-là on comprend qu′il soit confiant dans sa joie, même si le simple goût d′une madeleine ne semble pas contenir logiquement les raisons de cette joie, on comprend que le mot de « mort » n′ait pas de sens pour lui ; situé hors du temps, que pourrait-il craindre de l′avenir ? Mais ce trompe-l′œil qui mettait près de moi un moment du passé, incompatible avec le présent, ce trompe-l′œil ne durait pas. Certes, on peut prolonger les spectacles de la mémoire volontaire, qui n′engage pas plus de forces de nous-même que feuilleter un livre d′images. Ainsi jadis, par exemple, le jour où je devais aller pour la première fois chez la princesse de Guermantes, de la cour ensoleillée de notre maison de Paris j′avais paresseusement regardé, à mon choix, tantôt la place de l′Église à Combray, ou la plage de Balbec, comme j′aurais illustré le jour qu′il faisait en feuilletant un cahier d′aquarelles prises dans les divers lieux où j′avais été et où, avec un plaisir égoî²´e de collectionneur, je m′étais dit, en cataloguant ainsi les illustrations de ma mémoire : « J′ai tout de même vu de belles choses dans ma vie. » Alors ma mémoire affirmait sans doute la différence des sensations, mais elle ne faisait que combiner entre eux des éléments homogènes. Il n′en avait plus été de même dans les trois souvenirs que je venais d′avoir et où, au lieu de me faire une idée plus flatteuse de mon moi, j′avais, au contraire, presque douté de la réalité actuelle de ce moi. De même que le jour où j′avais trempé la madeleine dans l′infusion chaude, au sein de l′endroit où je me trouvais (que cet endroit fût, comme ce jour-là, ma chambre de Paris, ou, comme aujourd′hui en ce moment, la bibliothèque du prince de Guermantes, un peu avant la cour de son hôtel), il y avait eu en moi, irradiant d′une petite zone autour de moi, une sensation (goût de la madeleine trempée, bruit métallique, sensation de pas inégaux) qui était commune à cet endroit (où je me trouvais) et aussi à un autre endroit (chambre de ma tante Léonie, wagon de chemin de fer, baptistère de Saint-Marc). Au moment où je raisonnais ainsi, le bruit strident d′une conduite d′eau, tout à fait pareil à ces longs cris que parfois l′été les navires de plaisance faisaient entendre le soir au large de Balbec, me fit éprouver (comme me l′avait déjà fait une fois à Paris, dans un grand restaurant, la vue d′une luxueuse salle à manger à demi vide, estivale et chaude) bien plus qu′une sensation simplement analogue à celle que j′avais à la fin de l′après-midi, à Balbec, quand, toutes les tables étant déjà couvertes de leur nappe et de leur argenterie, les vastes baies vitrées restant ouvertes tout en grand sur la digue, sans un seul intervalle, un seul « plein » de verre ou de pierre, tandis que le soleil descendait lentement sur la mer où commençaient à errer les navires, je n′avais, pour rejoindre Albertine et ses amies qui se promenaient sur la digue, qu′à enjamber le cadre de bois à peine plus haut que ma cheville, dans la charnière duquel on avait fait pour l′aération de l′hôtel glisser toutes ensemble les vitres qui se continuaient. Ce n′était d′ailleurs pas seulement un écho, un double d′une sensation passée que venait de me faire éprouver le bruit de la conduite d′eau, mais cette sensation elle-même. Dans ce cas-là comme dans tous les précédents, la sensation commune avait cherché à recréer autour d′elle le lieu ancien, cependant que le lieu actuel qui en tenait la place s′opposait de toute la résistance de sa masse à cette immigration dans un hôtel de Paris d′une plage normande ou d′un talus d′une voie de chemin de fer. La salle à manger marine de Balbec, avec son linge damassé préparé comme des nappes d′autel pour recevoir le coucher du soleil, avait cherché à ébranler la solidité de l′hôtel de Guermantes, d′en forcer les portes et avait fait vaciller un instant les canapés autour de moi, comme elle avait fait un autre jour pour les tables d′un restaurant de Paris. Toujours, dans ces résurrections-là, le lieu lointain engendré autour de la sensation commune s′était accouplé un instant comme un lutteur au lieu actuel. Toujours le lieu actuel avait été vainqueur ; toujours c′était le vaincu qui m′avait paru le plus beau, si bien que j′étais resté en extase sur le pavé inégal comme devant la tasse de thé, cherchant à maintenir aux moments où ils apparaissaient, à faire réapparaître dès qu′ils m′avaient échappé, ce Combray, cette Venise, ce Balbec envahissants et refoulés qui s′élevaient pour m′abandonner ensuite au sein de ces lieux nouveaux, mais perméables pour le passé. Et si le lieu actuel n′avait pas été aussitôt vainqueur, je crois que j′aurais perdu connaissance ; car ces résurrections du passé, dans la seconde qu′elles durent, sont si totales qu′elles n′obligent pas seulement nos yeux à cesser de voir la chambre qui est près d′eux pour regarder la voie bordée d′arbres ou la marée montante. Elles forcent nos narines à respirer l′air de lieux pourtant si lointains, notre volonté à choisir entre les divers projets qu′ils nous proposent, notre personne tout entière à se croire entourée par eux, ou du moins à trébucher entre eux et les lieux présents, dans l′étourdissement d′une incertitude pareille à celle qu′on éprouve parfois devant une vision ineffable, au moment de s′endormir.
En el transcurso de mi vida, la realidad me decepcionó muchas veces porque, en el momento de percibirla, mi imaginación, que era mi único órgano para gozar de la belleza, no podía aplicarse a ella, en virtud de la ley inevitable que dispone que sólo se pueda imaginar lo que está ausente. Y he aquí que, de pronto, el efecto de esta dura ley quedaba neutralizado, suspendido, por un expediente maravilloso de la naturaleza, que hizo espejear una sensación -ruido del tenedor y del martillo, igual titulo de libro, etc.- a la vez en el pasado, lo que permitía a mi imaginación saborearla, y en el presente, donde la sacudida efectiva de mi sentido por el ruido, el contacto de la servilleta, etc., añadió a los sueños de la imaginación aquello de que habitualmente carecen: la idea de existencia, y, en virtud de este subterfugio, permitió a mi ser lograr, aislar, inmovilizar -el instante de un relámpago- lo que no apresa jamás: un poco de tiempo en estado puro. El ser que renació en mí cuando, con tal estremecimiento de felicidad, percibí el ruido común a la vez a la cuchara que choca con el plato y al martillo que golpea la rueda, a la desigualdad de las losas del patio de Guermantes y del bautisterio de San Marcos, etcétera, ese ser se nutre sólo de la esencia de las cosas, sólo en ella encuentra su subsistencia, sus delicias, languidece en la observación del presente donde los sentidos no pueden llevarla, en la consideración de un pasado que la inteligencia le deseca, en la espera de un futuro que la voluntad construye con fragmentos del presente y del pasado a los que quita además parte de su realidad no conservando de ellos más que lo que conviene al fin utilitario, estrechamente humano, que les asigna. Pero si un ruido, un olor, ya oído o respirado antes, se oye o se respira de nuevo, a la vez en el presente y en el pasado reales sin ser actuales, ideales sin ser abstractos, en seguida se encuentra liberada la esencia permanente y habitualmente oculta de las cosas, y nuestro verdadero yo, que, a veces desde mucho tiempo atrás, parecía muerto pero no lo estaba del todo, se despierta, se anima al recibir el celestial alimento que le aportan. Un minuto liberado del orden del tiempo ha recreado en nosotros, para sentirlo, al hombre, liberado del orden del tiempo. Y se comprende que este hombre sea confiado en su alegría, aunque el simple sabor de una magdalena no parezca contener lógicamente las razones de esa alegría; se comprende que la palabra «muerte» no tenga sentido para él; situado fuera del tiempo, ¿qué podría temer del futuro? Pero este falso efecto que me acercaba un momento del pasado incompatible con el presente, este falso efecto no duraba. Por supuesto, se pueden prolongar los espectáculos de la memoria voluntaria que no nos exige más fuerzas que la de hojear un libro de estampas. Así, en otro tiempo, por ejemplo el día en que tenía que ir por primera vez a casa de la princesa de Guermantes, desde el patio soleado de nuestra casa de París miraba yo perezosamente, a elección mía, ya la plaza de la iglesia de Combray, o ya la playa de Balbec, como hubiera yo ilustrado el día que hacía hojeando un cuaderno de acuarelas tomadas en los diversos lugares donde había estado; y, con un egoísta placer de coleccionista, me dije catalogando así las ilustraciones de mi memoria: «La verdad es que he visto cosas bellas en mi vida». Entonces mi memoria afirmaba seguramente la diferencia de las sensaciones; pero no hacía más que combinar entre ellas unos elementos homogéneos. No ocurrió lo mismo en los tres recuerdos que acababa de tener y en los que, en vez de hacerme una idea más halagüeña de mi yo, casi, por el contrario, dudé de la realidad actual de este yo. De la misma manera que el día que mojé la magdalena en la infusión caliente, en el lugar donde me encontraba, fuera, como aquel día, mi cuarto de París, o, como hoy, en este momento, la biblioteca del príncipe de Guermantes, un poco antes el patio de su hotel, había en mí, irradiando a una pequeña zona en torno mío, una sensación (sabor de la magdalena mojada, ruido metálico, sensación del paso) que era común al lugar donde me encontraba y también a otro lugar (habitación de mi tía Octavia, vagón del tren, bautisterio de San Marcos). Y en el momento en que razonaba así, el ruido estridente de una cañería, muy parecido a esos largos alaridos que a veces, en el verano, emiten los barcos de recreo por la noche en la costa de Balbec, me hizo experimentar (como una vez en París, en un gran restaurante, la vista de un lujoso comedor medio vacío, estival y caluroso) mucho más que una sensación simplemente análoga a la que recibí al final de la tarde en Balbec, cuando, ya cubiertas las mesas con el mantel y los cubiertos, abiertos de par en par los amplios ventanales que daban al malecón, sin un solo intervalo, un solo «macizo» de vidrio o de piedra, mientras el sol descendía lentamente sobre el mar, donde comenzaban a pitar los navíos para reunirme con Albertina y sus amigas que paseaban por el malecón no tenía más que saltar el marco de madera, apenas más alto que mi tobillo, sobre cuya bisagra, para la ventilación del hotel, habían corrido hasta superponerlos todos los cristales que se hallaban a continuación uno de otro. Pero en esta sensación no entraba el recuerdo doloroso de haber amado a Albertina. Sólo de los muertos se tiene un recuerdo doloroso. Ahora bien, los muertos se destruyen rápidamente, y en torno a sus tumbas sólo queda la belleza de la naturaleza, el silencio, la pureza del aire. Por otra parte, el ruido de la cañería del agua no me hizo experimentar únicamente un eco, un doble de una sensación pasada, sino la sensación misma. En este caso, como en todos los anteriores, la sensación común procura recrear en torno a ella el lugar antiguo, mientras que el lugar actual que ocupaba su sitio se oponía con toda la resistencia de su masa a aquella inmigración en un hotel de París de una playa normanda o de un talud de una vía de ferrocarril. El comedor marino de Balbec, con su mantelería adamascada preparada como manteles de altar para recibir la puesta del sol, procuró alterar la solidez del hotel de Guermantes, forzar sus puertas, e hizo vacilar por un momento los canapés en torno mío, como en otro tiempo hizo vacilar las mesas del restaurante de París. En estas resurrecciones, el lugar lejano engendrado en torno a la sensación común se acopló siempre por un momento, como un luchador, al lugar actual. Y siempre el lugar actual quedó vencedor; siempre el vencido me pareció el más bello; tan bello que me quedaba en éxtasis sobre la losa desigual como ante la taza de té, procurando retener en los momentos en que aparecía, hacer que reapareciera cuando se me escapaba, aquel Combray, aquella Venecia, aquel Balbec invasores y rechazados que se elevaban para abandonarme en seguida en el seno de los lugares nuevos, pero permeables para el pasado. Y si el lugar actual no venciera en seguida, creo que perdería el conocimiento; pues esas resurrecciones del pasado, en el segundo que duran, son tan totales que no sólo obligan a nuestros ojos a dejar de ver la estancia que tienen cerca para mirar la vía bordeada de árboles o la marea ascendente: obligan a nuestras narices a respirar el aire de lugares sin embargo lejanos, a nuestra voluntad a elegir entre los diversos proyectos que nos proponen, a toda nuestra persona a creerse rodeada por ellos, o al menos a tropezar entre ellos y los lugares presentes, en el aturdimiento de una incertidumbre parecida a la que a veces experimentamos ante una visión inefable en el momento de dormirnos.
De sorte que ce que l′être par trois et quatre fois ressuscité en moi venait de goûter, c′était peut-être bien des fragments d′existence soustraits au temps, mais cette contemplation, quoique d′éternité, était fugitive. Et pourtant je sentais que le plaisir qu′elle m′avait donné à de rares intervalles dans ma vie était le seul qui fût fécond et véritable. Le signe de l′irréalité des autres ne se montre-t-il pas assez, soit dans leur impossibilité à nous satisfaire, comme, par exemple, les plaisirs mondains qui causent tout au plus le malaise provoqué par l′ingestion d′une nourriture abjecte, ou celui de l′amitié qui est une simulation puisque, pour quelques raisons morales qu′il le fasse, l′artiste qui renonce à une heure de travail pour une heure de causerie avec un ami sait qu′il sacrifie une réalité pour quelque chose qui n′existe pas (les amis n′étant des amis que dans cette douce folie que nous avons au cours de la vie, à laquelle nous nous prêtons, mais que du fond de notre intelligence nous savons l′erreur d′un fou qui croirait que les meubles vivent et causerait avec eux), soit dans la tristesse qui suit leur satisfaction, comme celle que j′avais eue, le jour où j′avais été présenté à Albertine, de m′être donné un mal pourtant bien petit afin d′obtenir une chose — connaître cette jeune fille — qui ne me semblait petite que parce que je l′avais obtenue. Même un plaisir plus profond, comme celui que j′aurais pu éprouver quand j′aimais Albertine, n′était en réalité perçu qu′inversement par l′angoisse que j′avais quand elle n′était pas là, car quand j′étais sûr qu′elle allait arriver, comme le jour où elle était revenue du Trocadéro, je n′avais pas cru éprouver plus qu′un vague ennui, tandis que je m′exaltais de plus en plus au fur et à mesure que j′approfondissais le bruit du couteau ou le goût de l′infusion, avec une joie croissante pour moi qui avais fait entrer dans ma chambre la chambre de ma tante Léonie et, à sa suite, tout Combray et ses deux côtés. Aussi, cette contemplation de l′essence des choses, j′étais maintenant décidé à m′attacher à elle, à la fixer, mais comment ? par quel moyen ? Sans doute, au moment où la raideur de la serviette m′avait rendu Balbec et pendant un instant avait caressé mon imagination, non pas seulement de la vue de la mer telle qu′elle était ce matin-là, mais de l′odeur de la chambre, de la vitesse du vent, du désir de déjeuner, de l′incertitude entre les diverses promenades, tout cela attaché à la sensation du large, comme les ailes des roues à aubes dans leur course vertigineuse ; sans doute, au moment où l′inégalité des deux pavés avait prolongé les images desséchées et nues que j′avais de Venise et de Saint-Marc dans tous les sens et toutes les dimensions, de toutes les sensations que j′y avais éprouvées, raccordant la place à l′église, l′embarcadère à la place, le canal à l′embarcadère, et à tout ce que les yeux voient du monde de désirs qui n′est réellement vu que de l′esprit, j′avais été tenté, sinon, à cause de la saison, d′aller me promener sur les eaux pour moi surtout printanières de Venise, du moins de retourner à Balbec. Mais je ne m′arrêtai pas un instant à cette pensée ; non seulement je savais que les pays n′étaient pas tels que leur nom me les peignait, et qui avait été le leur quand je me les représentais. Il n′y avait plus guère que dans mes rêves, en dormant, qu′un lieu s′étendait devant moi, fait de la pure matière entièrement distincte des choses communes qu′on voit, qu′on touche. Mais même en ce qui concernait ces images d′un autre genre encore, celles du souvenir, je savais que la beauté de Balbec, je ne l′avais pas trouvée quand j′y étais allé, et celle même qu′il m′avait laissée, celle du souvenir, ce n′était plus celle que j′avais retrouvée à mon second séjour. J′avais trop expérimenté l′impossibilité d′atteindre dans la réalité ce qui était au fond de moi-même. Ce n′était pas plus sur la place Saint-Marc que ce n′avait été à mon second voyage à Balbec, ou à mon retour à Tansonville, pour voir Gilberte, que je retrouverais le Temps Perdu, et le voyage que ne faisait que me proposer une fois de plus l′illusion que ces impressions anciennes existaient hors de moi-même, au coin d′une certaine place, ne pouvait être le moyen que je cherchais. Je ne voulais pas me laisser leurrer une fois de plus, car il s′agissait pour moi de savoir enfin s′il était vraiment possible d′atteindre ce que, toujours déçu comme je l′avais été en présence des lieux et des êtres, j′avais (bien qu′une fois la pièce pour concert de Vinteuil eût semblé me dire le contraire) cru irréalisable. Je n′allais donc pas tenter une expérience de plus dans la voie que je savais depuis longtemps ne mener à rien. Des impressions telles que celles que je cherchais à fixer ne pouvaient que s′évanouir au contact d′une jouissance directe qui a été impuissante à les faire naître. La seule manière de les goûter davantage c′était de tâcher de les connaître plus complètement là où elles se trouvaient, c′est-à-dire en moi-même, de les rendre claires jusque dans leurs profondeurs. Je n′avais pu connaître le plaisir à Balbec, pas plus que celui de vivre avec Albertine, lequel ne m′avait été perceptible qu′après coup. Et si je faisais la récapitulation des déceptions de ma vie, en tant que vécue, qui me faisaient croire que sa réalité devait résider ailleurs qu′en l′action et ne rapprochait pas d′une manière purement fortuite, et en suivant les vicissitudes de mon existence, des désappointements différents, je sentais bien que la déception du voyage, la déception de l′amour n′étaient pas des déceptions différentes, mais l′aspect varié que prend, selon le fait auquel il s′applique, l′impuissance que nous avons à nous réaliser dans la jouissance matérielle, dans l′action effective. Et repensant à cette joie extra-temporelle causée, soit par le bruit de la cuiller, soit par le goût de la madeleine, je me disais : « Était-ce cela ce bonheur proposé par la petite phrase de la sonate à Swann qui s′était trompé en l′assimilant au plaisir de l′amour et n′avait pas su le trouver dans la création artistique ; ce bonheur que m′avait fait pressentir comme plus supra-terrestre encore que n′avait fait la petite phrase de la sonate l′appel rouge et mystérieux de ce septuor que Swann n′avait pu connaître, étant mort, comme tant d′autres, avant que la vérité faite pour eux eût été révélée. D′ailleurs, elle n′eût pu lui servir, car cette phrase pouvait bien symboliser un appel, mais non créer des forces et faire de Swann l′écrivain qu′il n′était pas. Cependant, je m′avisai au bout d′un moment et après avoir pensé à ces résurrections de la mémoire que, d′une autre façon, des impressions obscures avaient quelquefois, et déjà à Combray, du côté de Guermantes, sollicité ma pensée, à la façon de ces réminiscences, mais qui cachaient non une sensation d′autrefois, mais une vérité nouvelle, une image précieuse que je cherchais à découvrir par des efforts du même genre que ceux qu′on fait pour se rappeler quelque chose, comme si nos plus belles idées étaient comme des airs de musique qui nous reviendraient sans que nous les eussions jamais entendus, et que nous nous efforcerions d′écouter, de transcrire. Je me souvins avec plaisir, parce que cela me montrait que j′étais déjà le même alors et que cela recouvrait un trait fondamental de ma nature, avec tristesse aussi en pensant que depuis lors je n′avais jamais progressé, que déjà à Combray je fixais avec attention devant mon esprit quelque image qui m′avait forcé à la regarder, un nuage, un triangle, un clocher, une fleur, un caillou, en sentant qu′il y avait peut-être sous ces signes quelque chose de tout autre que je devais tâcher de découvrir, une pensée qu′ils traduisaient à la façon de ces caractères hiéroglyphes qu′on croirait représenter seulement des objets matériels. Sans doute, ce déchiffrage était difficile, mais seul il donnait quelque vérité à lire. Car les vérités que l′intelligence saisit directement à claire-voie dans le monde de la pleine lumière ont quelque chose de moins profond, de moins nécessaire que celles que la vie nous a malgré nous communiquées en une impression, matérielle parce qu′elle est entrée par nos sens, mais dont nous pouvons dégager l′esprit. En somme, dans ce cas comme dans l′autre, qu′il s′agisse d′impressions comme celles que m′avait données la vue des clochers de Martinville, ou de réminiscences comme celle de l′inégalité des deux marches ou le goût de la madeleine, il fallait tâcher d′interpréter les sensations comme les signes d′autant de lois et d′idées, en essayant de penser, c′est-à-dire de faire sortir de la pénombre ce que j′avais senti, de le convertir en un équivalent spirituel. Or, ce moyen qui me paraissait le seul, qu′était-ce autre chose que faire une œuvre d′art ? Et déjà les conséquences se pressaient dans mon esprit ; car qu′il s′agît de réminiscences dans le genre du bruit de la fourchette ou du goût de la madeleine, ou de ces vérités écrites à l′aide de figures dont j′essayais de chercher le sens dans ma tête, où, clochers, herbes folles, elles composaient un grimoire compliqué et fleuri, leur premier caractère était que je n′étais pas libre de les choisir, qu′elles m′étaient données telles quelles. Et je sentais que ce devait être la griffe de leur authenticité. Je n′avais pas été chercher les deux pavés de la cour où j′avais buté. Mais justement la façon fortuite, inévitable, dont la sensation avait été rencontrée contrôlait la vérité d′un passé qu′elle ressuscitait, des images qu′elle déclenchait, puisque nous sentons son effort pour remonter vers la lumière, que nous sentons la joie du réel retrouvé. Elle est le contrôle de la vérité de tout le tableau fait d′impressions contemporaines, qu′elle ramène à sa suite avec cette infaillible proportion de lumière et d′ombre, de relief et d′omission, de souvenir et d′oubli, que la mémoire ou l′observation conscientes ignoreront toujours.
De suerte que lo que el ser tres o cuatro veces resucitado en mí acababa de gustar era quizá fragmentos de existencia sustraídos al tiempo, pero esta contemplación, aunque de eternidad, era fugitiva. Y, sin embargo, sentía que el goce que, con raros intervalos, me había producido en mi vida, era el único fecundo y verdadero. ¿Acaso la señal de la irrealidad de los demás no es bastante visible, sea por su imposibilidad para satisfacernos, como, por ejemplo, los placeres mundanos que causan a lo sumo el malestar provocado por la ingestión de un alimento abyecto, o la amistad, que es una simulación porque el artista que renuncia a una hora de trabajo por una hora de charla con un amigo sabe que, cualesquiera que sean las razones morales por que lo hace, sacrifica una realidad por una cosa que no existe (pues los amigos sólo son amigos en esa dulce locura que tenemos en el transcurso de la vida, a la que nos prestamos, pero que, en el fondo de nuestra inteligencia, sabemos que es el error de un loco que creyera que los muebles viven y hablara con ellos), sea por la tristeza que sigue a su satisfacción, como la que sentí, el día en que me presentaron a Albertina, por haber hecho un esfuerzo, aunque bien pequeño, para lograr una cosa -conocer a aquella muchacha- que me pareció pequeña sólo porque la había logrado? Incluso un placer más profundo, como el que hubiera podido sentir cuando amaba a Albertina, no lo percibía en realidad sino por inversión, por la angustia que sentía cuando ella no estaba allí, pues cuando tenía la seguridad de que iba a llegar, como el día en que volvió del Trocadero, no creía sentir más que un vago fastidio, mientras que me iba exaltando cada vez más a medida que profundizaba, con una alegría creciente para mí, el ruido del cuchillo o el gusto de la infusión que hizo entrar en mi habitación la habitación de mi tía Leoncia, y detrás todo Combray, y sus dos lados. Por eso ahora estaba decidido a entregarme a esa contemplación de la esencia de las cosas, a fijarla, pero ¿cómo?, ¿por qué medio? Seguramente, cuando la rigidez de la servilleta me devolvió Balbec, acarició por un momento mi imaginación no sólo con la vista del mar tal como estaba aquella mañana, sino con el olor de la habitación, la velocidad del viento, con el deseo de almorzar, la incertidumbre entre los diversos paseos, todo ello unido a la sensación de la servilleta como las mil alas de los ángeles -seguramente, en el momento en que la desigualdad de las dos losas prolongó las imágenes secas y entecas que tenía de Venecia y de San Marcos, en todos los sentidos y en todas las dimensiones, con todas las sensaciones que había sentido, recordando la plaza de la iglesia, el embarcadero en la plaza, el canal en el embarcadero, y, en todo lo que los ojos ven, el mundo de deseo que sólo el espíritu ve-, estuve tentado, si no, por causa de la estación, a ir a pasear por las aguas para mí sobre todo primaverales de Venecia, al menos a volver a Balbec. Pero no me detuve ni un momento en esta idea. No sólo sabía que los países no eran como su nombre me los pintaba, y sólo apenas, en mis sueños, durmiendo, se extendía ante mí un lugar hecho de pura materia enteramente distinta de las cosas corrientes que vemos, que tocamos, y que había sido su materia cuando yo me los representaba; sino que, también en lo referente a estas imágenes de otro género, las del recuerdo, sabía yo que la belleza de Balbec no la había encontrado cuando estaba allí y que la misma belleza que me había dejado no era ya la que encontré en mi segunda estancia. Había experimentado demasiado la imposibilidad de encontrar en la realidad lo que estaba en el fondo de mí mismo, que el tiempo perdido no lo volvería a encontrar en la plaza de San Marcos, como no lo encontré en mi segundo viaje a Balbec o en mi retorno a Tansonville para ver a Gilberta, y que el viaje, que no hacía sino ofrecerme una vez más la ilusión de que aquellas impresiones antiguas existían fuera de mí mismo, en la esquina de cierta plaza, no podía ser el medio que yo buscaba. Y no quería dejarme engañar una vez más, pues se trataba para mí de saber por fin si era verdaderamente posible lograr lo que, siempre desilusionado como lo estuve en presencia de los lugares y de los seres, había creído irrealizable (por más que una vez la pieza para concierto de Vinteuil pareciera decirme lo contrario). No iba a intentar una experiencia más en la vía que, desde hacía tiempo, sabía yo que no iba a ninguna parte. Impresiones como las que yo intentaba fijar tenían forzosamente que desvanecerse en contacto con un goce directo que ha sido impotente para hacerlas nacer. La única manera de gustarlas más era procurar conocerlas mejor, allí donde se encontraran, es decir, en mí mismo, esclarecerlas hasta en sus profundidades. No pude conocer el placer de Balbec, como no pude conocer el de vivir con Albertina, que sólo a posteriori me fue perceptible. Y la recapitulación que hacía de las decepciones de mi vida, de mi vida vivida, y que me hacían creer que su realidad debía de residir fuera de la acción, no se relacionaba de una manera puramente fortuita y según las circunstancias de mi existencia con otras decepciones diferentes. Bien advertía yo que la decepción del viaje, la decepción del amor, no eran decepciones disparejas, sino el aspecto variado que adopta, según el hecho a que se aplica, nuestra impotencia para realizarnos en el goce material, en la acción efectiva. Y volviendo a pensar en aquella alegría extratemporal causada, bien por el sonido de la cuchara, bien por el sabor de la magdalena, me decía: «¿Era aquello, aquella felicidad suscitada por la pequeña frase de la sonata a Swann que se engañó asimilándolo al goce del amor y no supo encontrarlo en la creación artística, aquella felicidad que me hizo presentir como más supraterrestre aún que lo hizo la pequeña frase de la sonata la llamada roja y misteriosa de aquel septuor que Swann no pudo conocer, porque murió, como tantos otros, antes de que fuera revelada la verdad hecha para ellos? Por otra parte, no habría podido servirle, pues esta frase podía muy bien simbolizar una llamada, mas no crear unas fuerzas y hacer de Swann el escritor que Swann no era.» Sin embargo, al cabo de un momento, después de pensar en esas resurrecciones de la memoria, me di cuenta de que, de una u otra manera, y ya en Combray, en el camino de Guermantes, ciertas impresiones oscuras solicitaron a veces mi pensamiento a la manera de esas reminiscencias, pero que ocultaban no una sensación de otro tiempo, sino una verdad nueva, una imagen preciosa que yo intentaba descubrir con esfuerzos del mismo género que los que se hacen para recordar algo, como si nuestras más bellas ideas fueran así como aires de música que nos volvieran sin haberlos oído nunca y nos esforzáramos por escucharlos, por transcribirlos. Recordé con gusto, porque esto me demostraba que yo era ya el mismo entonces y que aquello cubría un rasgo fundamental de mi naturaleza, con tristeza también pensando que desde entonces no había progresado nada, que ya en Combray fijaba con atención en mi mente alguna imagen que me había obligado a mirarla, una nube, un triángulo. un campanario, una flor, una piedra, sintiendo que acaso había bajo aquellas señales algo muy diferente que yo debía procurar descubrir, una idea que traducían a la manera de esos caracteres jeroglíficos que creeríamos que representan solamente objetos materiales. Desde luego, era difícil descifrarlo, pero sólo descifrándolo podríamos leer en él alguna verdad. Pues las verdades que la inteligencia capta directamente con toda claridad en el mundo de la luz plena tienen algo de menos profundo, de menos necesario que las que la vida nos ha comunicado sin buscarlo nosotros en una impresión, material porque nos ha entrado por los sentidos, pero en la que podemos encontrar el espíritu. En suma, tanto en un caso como en otro, trátese de impresiones como la que me produjo ver los campanarios de Martinville, o de reminiscencias como la de la desigualdad de las dos losas o el sabor de la magdalena, había que procurar interpretar las sensaciones como los signos de tantas leyes y de tantas ideas, intentar pensar, es decir, hacer salir de la penumbra lo que había sentido, convertirlo en un equivalente espiritual. Ahora bien, este medio que me parecía el único, ¿qué otra cosa es que hacer una obra de arte? Y ya las consecuencias se atropellaban en mi mente; pues tratárase de reminiscencias del género del ruido del tenedor o del gusto de la magdalena, o de aquellas verdades escritas con ayuda de figuras cuyo sentido intentaba yo buscar en mi cabeza, donde campanarios, malezas, componían un jeroglífico complicado y florido, y su primer carácter era que yo no podía elegirlas a mi antojo, que me eran dadas tales como estaban. Y me daba cuenta de que esto debía de ser la señal de su autenticidad. Yo no había ido a buscar las dos losas desiguales del patio donde tropecé. Pero precisamente la manera fortuita, inevitable, en que había vuelto a encontrar esta sensación, certificaba la verdad del pasado que resucitaba, de las imágenes que desencadenaba, puesto que sentimos su esfuerzo por emerger hacia la luz, sentimos la alegría de la realidad recobrada. Certifica también la verdad de todo el cuadro, hecho de impresiones contemporáneas, que lleva tras sí con esa infalible proporción de luz y de sombra, de relieve y de omisión, de recuerdo y de olvido que la memoria o la observación conscientes ignorarán siempre.
Le livre intérieur de ces signes inconnus (de signes en relief, semblait-il, que mon attention explorant mon inconscient allait chercher, heurtait, contournait, comme un plongeur qui sonde), pour sa lecture personne ne pouvait m′aider d′aucune règle, cette lecture consistant en un acte de création où nul ne peut nous suppléer, ni même collaborer avec nous. Aussi combien se détournent de l′écrire, que de tâches n′assume-t-on pas pour éviter celle-là. Chaque événement, que ce fût l′affaire Dreyfus, que ce fût la guerre, avait fourni d′autres excuses aux écrivains pour ne pas déchiffrer ce livre-là ; ils voulaient assurer le triomphe du droit, refaire l′unité morale de la nation, n′avaient pas le temps de penser à la littérature. Mais ce n′étaient que des excuses parce qu′ils n′avaient pas ou plus de génie, c′est-à-dire d′instinct. Car l′instinct dicte le devoir et l′intelligence fournit les prétextes pour l′éluder. Seulement les excuses ne figurent point dans l′art, les intentions n′y sont pas comptées, à tout moment l′artiste doit écouter son instinct, ce qui fait que l′art est ce qu′il y a de plus réel, la plus austère école de la vie, et le vrai Jugement dernier. Ce livre, le plus pénible de tous à déchiffrer, est aussi le seul que nous ait dicté la réalité, le seul dont « l′impression » ait été faite en nous par la réalité même. De quelque idée laissée en nous par la vie qu′il s′agisse, sa figure matérielle, trace de l′impression qu′elle nous a faite, est encore le gage de sa vérité nécessaire. Les idées formées par l′intelligence pure n′ont qu′une vérité logique, une vérité possible, leur élection est arbitraire. Le livre aux caractères figurés, non tracés par nous, est notre seul livre. Non que les idées que nous formons ne puissent être justes logiquement, mais nous ne savons pas si elles sont vraies. Seule l′impression, si chétive qu′en semble la matière, si invraisemblable la trace, est un critérium de vérité et à cause de cela mérite seule d′être appréhendée par l′esprit, car elle est seule capable, s′il sait en dégager cette vérité, de l′amener à une plus grande perfection et de lui donner une pure joie. L′impression est pour l′écrivain ce qu′est l′expérimentation pour le savant, avec cette différence que chez le savant le travail de l′intelligence précède et chez l′écrivain vient après. Ce que nous n′avons pas eu à déchiffrer, à éclaircir par notre effort personnel, ce qui était clair avant nous, n′est pas à nous. Ne vient de nous-même que ce que nous tirons de l′obscurité qui est en nous et que ne connaissent pas les autres.
En cuanto al libro interior de signos desconocidos (al parecer de signos en relieve, que mi atención, explorando mi inconsciente, iba a buscar, chocaba con ellos, los contorneaba, como un buzo), para cuya lectura nadie podía ayudarme con regla alguna, esta lectura consistía en un acto de creación en el que nadie puede sustituirnos ni siquiera colaborar con nosotros. Por eso, ¡cuántos renuncian a escribirlo! ¡Cuántas tareas se asumen por renunciar a ésa! Cada acontecimiento, fuera el asunto Dreyfus o fuera la guerra, proporcionó a los escritores otras disculpas para no descifrar aquel libro; querían asegurar el triunfo del Derecho, rehacer la unidad moral de la nación, no tenían tiempo de pensar en la literatura. Pero no eran más que disculpas, porque no tenían, o no tenían ya, talento, es decir, instinto. Pues el instinto dicta el deber y la inteligencia proporciona los pretextos para eludirlo. Pero las excusas no figuran en el arte, pues en el arte no cuentan las intenciones: el artista tiene que escuchar en todo momento a su instinto, por lo que el arte es lo más real que existe, la escuela más austera de la vida y el verdadero juicio Final. Ese libro, el más penoso de todos de descifrar, es también el único dictado por la realidad, el único cuya «impresión» la ha hecho en nosotros la realidad misma. Cualquiera que sea la idea dejada en nosotros por la vida, su figura material, huella de la impresión que nos ha hecho, es también la prueba de su verdad necesaria. Las ideas formadas por la inteligencia pura no tienen más que una verdad lógica, una verdad posible, su elección es arbitraria. El libro de caracteres figurados, no trazados por nosotros, es nuestro único libro. No porque las ideas que formamos no puedan ser justas lógicamente, sino porque no sabemos si son verdaderas. Solamente la impresión, por mísera que parezca su materia, por inconsistente que sea su huella, es un criterio de verdad, y por eso sólo ella merece ser aprehendida por la mente, pues sólo ella es capaz, si la mente sabe captar esa verdad, de llevarla a una mayor perfección y de darle una pura alegría. La impresión es para el escritor lo que la experimentación para el sabio, con la diferencia de que en el sabio el trabajo de la inteligencia precede y el del escritor viene después. Lo que no hemos tenido que descifrar, que dilucidar con nuestro esfuerzo personal, lo que estaba claro antes de nosotros, no es nuestro. Sólo viene de nosotros mismos lo que nosotros sacamos de la oscuridad que está en nosotros y que los demás no conocen.
Et comme l′art recompose exactement la vie, autour de ces vérités qu′on a atteintes en soi-même flotte une atmosphère de poésie, la douceur d′un mystère qui n′est que la pénombre que nous avons traversée. Un rayon oblique du couchant me rappelle instantanément un temps auquel je n′avais jamais repensé et où dans ma petite enfance, comme ma tante Léonie avait une fièvre que le Dr Percepied avait craint typho, on m′avait fait habiter une semaine la petite chambre qu′Eulalie avait sur la place de l′Église, et où il n′y avait qu′une sparterie par terre et à la fenêtre un rideau de percale, bourdonnant toujours d′un soleil auquel je n′étais pas habitué. Et en voyant comme le souvenir de cette petite chambre d′ancienne domestique ajoutait tout d′un coup à ma vie passée une longue étendue si différente du reste et si délicieuse, je pensai par contraste au néant d′impressions qu′avaient apporté dans ma vie les fêtes les plus somptueuses dans les hôtels les plus princiers. La seule chose un peu triste dans cette chambre d′Eulalie était qu′on y entendait le soir, à cause de la proximité du viaduc, les hululements des trains. Mais comme je savais que ces beuglements émanaient de machines réglées, ils ne m′épouvantaient pas comme auraient pu faire, à une époque de la préhistoire, les cris poussés par un mammouth voisin dans sa promenade libre et désordonnée.
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Ainsi j′étais déjà arrivé à cette conclusion que nous ne sommes nullement libres devant l′œuvre d′art, que nous ne la faisons pas à notre gré, mais que, préexistant à nous, nous devons, à la fois parce qu′elle est nécessaire et cachée, et comme nous ferions pour une loi de la nature, la découvrir. Mais cette découverte que l′art pouvait nous faire faire n′était-elle pas, au fond, celle de ce qui devrait nous être le plus précieux, et de ce qui nous reste d′habitude à jamais inconnu, notre vraie vie, la réalité telle que nous l′avons sentie et qui diffère tellement de ce que nous croyons, que nous sommes emplis d′un tel bonheur quand le hasard nous en apporte le souvenir véritable. Je m′en assurais par la fausseté même de l′art prétendu réaliste et qui ne serait pas si mensonger si nous n′avions pris dans la vie l′habitude de donner à ce que nous sentons une expression qui en diffère tellement, et que nous prenons, au bout de peu de temps, pour la réalité même. Je sentais que je n′aurais pas à m′embarrasser des diverses théories littéraires qui m′avaient un moment troublé — notamment celles que la critique avait développées au moment de l′affaire Dreyfus et avait reprises pendant la guerre, et qui tendaient à « faire sortir l′artiste de sa tour d′ivoire », à traiter de sujets non frivoles ni sentimentaux, à peindre de grands mouvements ouvriers, et à défaut de foules, à tout le moins non plus d′insignifiants oisifs — « J′avoue que la peinture de ces inutiles m′indiffère assez », disait Bloch — mais de nobles intellectuels ou des héros. D′ailleurs, même avant de discuter leur contenu logique, ces théories me paraissaient dénoter chez ceux qui les soutenaient une preuve d′infériorité, comme un enfant vraiment bien élevé, qui entend des gens chez qui on l′a envoyé déjeuner dire : « Nous avouons tout, nous sommes francs », sent que cela dénote une qualité morale inférieure à la bonne action pure et simple, qui ne dit rien. L′art véritable n′a que faire de tant de proclamations et s′accomplit dans le silence. D′ailleurs, ceux qui théorisaient ainsi employaient des expressions toutes faites qui ressemblaient singulièrement à celles d′imbéciles qu′ils flétrissaient. Et peut-être est-ce plutôt à la qualité du langage qu′au genre d′esthétique qu′on peut juger du degré auquel a été porté le travail intellectuel et moral. Mais, inversement, cette qualité du langage
Yo había llegado, pues, a la conclusión de que no somos en modo alguno libres ante la obra de arte, de que no la hacemos a nuestra guisa, sino que, preexistente en nosotros, tenemos que descubrirla, a la vez porque es necesaria y oculta, y como lo haríamos tratándose de una ley de la naturaleza. Pero este descubrimiento que el arte podía obligarnos a hacer ¿no era, en el fondo, el que más precioso debería sernos, y que generalmente nos es desconocido para siempre, nuestra verdadera vida, la realidad tal como la hemos sentido y que difiere tanto de lo que creemos que tan felices nos sentimos cuando un azar nos trae el recuerdo verdadero? Yo me cercioraba de ello por la falsedad misma del arte supuestamente realista y que no sería tan falso si no hubiéramos tomado en la vida la costumbre de dar a lo que sentimos una expresión que tanto difiere de ello y que, al cabo de poco tiempo, tomamos por la realidad misma. Me daba cuenta de que no tendría que cargar con las diversas teorías literarias que por un momento me perturbaron - concretamente con las que la crítica desarrolló en el momento del asunto Dreyfus y resucitó durante la guerra, teorías que tendían a «hacer salir al artista de su torre de marfil», y a tratar de temas no frívolos ni sentimentales, sino pintar grandes movimientos obreros y, a falta de multitudes, por lo menos no de insignificantes ociosos («confieso que la pintura de esos inútiles me es bastante indiferente», decía Bloch), sino de nobles intelectuales o de héroes-. Por otra parte, aun antes de discutir su contenido lógico, aquellas teorías me parecían denotar en los que las sostenían una prueba de inferioridad, como un niño verdaderamente bien educado que oye decir a las personas a cuya casa le han mandado a almorzar: «Nosotros lo contamos todo, somos francos», siente que esto denota una cualidad moral inferior a la buena acción pura y simple, que no dice nada. El verdadero arte no tiene nada que hacer en tantas proclamas y se realiza en el silencio. Por otra parte, los que así teorizaban empleaban frases hechas que se parecían singularmente a las de los imbéciles que ellos criticaban. Y acaso es más bien la calidad del lenguaje que el género de estética lo que permite juzgar el grado a que ha llegado el trabajo intelectual y moral. Mas, a la inversa, esta calidad del lenguaje
(et même, pour étudier les lois du caractère, on le peut aussi bien en prenant un sujet sérieux ou frivole, comme un prosecteur peut aussi bien étudier celles de l′anatomie sur le corps d′un imbécile que sur celui d′un homme de talent : les grandes lois morales, aussi bien que celles de la circulation du sang ou de l′élimination rénale, diffèrent peu selon la valeur intellectuelle des individus)
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dont croient pouvoir se passer les théoriciens, ceux qui admirent les théoriciens croient facilement qu′elle ne prouve pas une grande valeur intellectuelle, valeur qu′ils ont besoin, pour la discerner, de voir exprimer directement et qu′ils n′induisent pas de la beauté d′une image. D′où la grossière tentation pour l′écrivain d′écrire des œuvres intellectuelles. Grande indélicatesse. Une œuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix. Encore cette dernière ne fait-elle qu′exprimer une valeur qu′au contraire en littérature le raisonnement logique diminue. On raisonne, c′est-à-dire on vagabonde, chaque fois qu′on n′a pas la force de s′astreindre à faire passer une impression par tous les états successifs qui aboutiront à sa fixation, à l′expression de sa réalité.
de la que los teóricos creen que pueden prescindir, los que admiran a los teóricos creen fácilmente que no demuestra un gran valor intelectual, valor que ellos, para discernirlo, necesitan ver expresado directamente y que no deducen de la belleza de una imagen. De aquí la grosera tentación para el escritor de escribir obras intelectuales. Gran indelicadeza. Una obra en la que hay teorías es como un objeto en el que se deja la marca del precio. Se razona, es decir, se divaga, cada vez que no se tiene el valor de limitarse a hacer pasar una impresión por todos los estados sucesivos que acabarán en su fijación, en su expresión.
La réalité à exprimer résidait, je le comprenais maintenant, non dans l′apparence du sujet, mais dans le degré de pénétration de cette impression à une profondeur où cette apparence importait peu, comme le symbolisaient ce bruit de cuiller sur une assiette, cette raideur empesée de la serviette, qui m′avaient été plus précieux pour mon renouvellement spirituel que tant de conversations humanitaires, patriotiques, internationalistes. Plus de style, avais-je entendu dire alors, plus de littérature, de la vie. On peut penser combien même les simples théories de M. de Norpois « contre les joueurs de flûtes » avaient refleuri depuis la guerre. Car tous ceux qui, n′ayant pas le sens artistique, c′est-à-dire la soumission à la réalité intérieure, peuvent être pourvus de la faculté de raisonner à perte de vue sur l′art, pour peu qu′ils soient par surcroît diplomates ou financiers, mêlés aux « réalités » du temps présent, croient volontiers que la littérature est un jeu de l′esprit destiné à être éliminé de plus en plus dans l′avenir. Quelques-uns voulaient que le roman fût une sorte de défilé cinématographique des choses. Cette conception était absurde. Rien ne s′éloigne plus de ce que nous avons perçu en réalité qu′une telle vue cinématographique. Justement, comme, en entrant dans cette bibliothèque, je m′étais souvenu de ce que les Goncourt disent des belles éditions originales qu′elle contient, je m′étais promis de les regarder tant que j′étais enfermé ici. Et tout en poursuivant mon raisonnement, je tirais un à un, sans trop y faire attention du reste, les précieux volumes, quand, au moment où j′ouvrais distraitement l′un d′eux : François le Champi de George Sand, je me sentis désagréablement frappé comme par quelque impression trop en désaccord avec mes pensées actuelles, jusqu′au moment où, avec une émotion qui alla jusqu′à me faire pleurer, je reconnus combien cette impression était d′accord avec elles. Tel, à l′instant que dans la chambre mortuaire les employés des pompes funèbres se préparent à descendre la bière, le fils d′un homme qui a rendu des services à la patrie serrant la main aux derniers amis qui défilent, si tout à coup retentit sous les fenêtres une fanfare, se révolte, croyant à quelque moquerie dont on insulte son chagrin, puis lui, qui est resté maître de soi jusque-là, ne peut plus retenir ses larmes, lorsqu′il vient à comprendre que ce qu′il entend c′est la musique d′un régiment qui s′associe à son deuil et rend honneur à la dépouille de son père. Tel, je venais de reconnaître la douloureuse impression que j′avais éprouvée, en lisant le titre d′un livre dans la bibliothèque du prince de Guermantes, titre qui m′avait donné l′idée que la littérature nous offrait vraiment ce monde du mystère que je ne trouvais plus en elle. Et pourtant ce n′était pas un livre bien extraordinaire, c′était François le Champi, mais ce nom-là, comme le nom des Guermantes, n′était pas pour moi comme ceux que j′avais connus depuis. Le souvenir de ce qui m′avait semblé inexplicable dans le sujet de François le Champi, tandis que maman me lisait le livre de George Sand, était réveillé par ce titre, aussi bien que le nom de Guermantes (quand je n′avais pas vu les Guermantes depuis longtemps) contenait pour moi tant de féodalité — comme François le Champi l′essence du roman — et se substituait pour un instant à l′idée fort commune de ce que sont les romans berrichons de George Sand. Dans un dîner, quand la pensée reste toujours à la surface, j′aurais pu sans doute parler de François le Champi et des Guermantes sans que ni l′un ni l′autre fussent ceux de Combray. Mais quand j′étais seul, comme en ce moment, c′est à une profondeur plus grande que j′avais plongé. À ce moment-là l′idée que telle personne dont j′avais fait la connaissance dans le monde était la cousine de Mme de Guermantes, c′est-à-dire d′un personnage de lanterne magique, me semblait incompréhensible, et tout autant que les plus beaux livres que j′avais lus fussent — je ne dis pas même supérieurs, ce qu′ils étaient pourtant — mais égaux à cet extraordinaire François le Champi. C′était une impression d′enfance bien ancienne, où mes souvenirs d′enfance et de famille étaient tendrement mêlés et que je n′avais pas reconnue tout de suite. Je m′étais au premier instant demandé avec colère quel était l′étranger qui venait me faire mal, et l′étranger c′était moi-même, c′était l′enfant que j′étais alors, que le livre venait de susciter en moi, car de moi ne connaissant que cet enfant, c′est cet enfant que le livre avait appelé tout de suite, ne voulant être regardé que par ses yeux, aimé que par son cœur et ne parler qu′à lui. Aussi ce livre que ma mère m′avait lu haut à Combray, presque jusqu′au matin, avait-il gardé pour moi tout le charme de cette nuit-là. Certes, la « plume » de George Sand, pour prendre une expression de Brichot qui aimait tant dire qu′un livre était écrit d′une plume alerte, ne me semblait pas du tout, comme elle avait paru si longtemps à ma mère avant qu′elle modelât lentement ses goûts littéraires sur les miens, une plume magique. Mais c′était une plume que, sans le vouloir, j′avais électrisée comme s′amusent souvent à faire les collégiens, et voici que mille riens de Combray, et que je n′apercevais plus depuis longtemps, sautaient légèrement d′eux-mêmes et venaient à la queue leu leu se suspendre au bec aimanté, en une chaîne interminable et tremblante de souvenirs. Certains esprits qui aiment le mystère veulent croire que les objets conservent quelque chose des yeux qui les regardèrent, que les monuments et les tableaux ne nous apparaissent que sous le voile sensible que leur ont tissé l′amour et la contemplation de tant d′adorateurs pendant des siècles. Cette chimère deviendrait vraie s′ils la transposaient dans le domaine de la seule réalité pour chacun, dans le domaine de sa propre sensibilité.
La realidad que se trataba de expresar residía, ahora lo comprendo, no en la apariencia del tema, sino en una profundidad en la que esta apariencia importaba poco, como lo simbolizaban aquel ruido de una cuchara contra un plato, aquella rigidez almidonada de la servilleta, que me fueron más valiosos para mi renovación espiritual que tantas conversaciones humanitarias, patrióticas, internacionalistas y metafísicas. «¡Nada de estilo - había oído yo decir entonces-, nada de literatura, vida! » Se puede imaginar cómo reflorecieron desde la guerra hasta las simples teorías de monsieur de Norpois contra los «flautistas». Pues todos los que no tienen el sentido artístico, es decir la sumisión a la realidad interior, pueden estar provistos de la facultad de razonar sobre el arte hasta el infinito. A poco que sean, además, diplomáticos o financieros, a poco metidos que estén en las «realidades» del tiempo presente, creen fácilmente que la literatura es un juego del espíritu destinado a ser eliminado cada vez más en el futuro. Algunos pretendían que la novela fuera una especie de desfile cinematográfico de las cosas. Esto era absurdo. Nada más lejos de lo que hemos percibido en realidad que semejante vista cinematográfica. Precisamente, como al entrar en aquella biblioteca recordé lo que los Goncourt dicen de las bellas ediciones originales que contiene, me propuse mirarlas mientras permanecía encerrado allí. Y, sin dejar de seguir mi razonamiento, iba sacando uno a uno, por lo demás sin prestarles gran atención, los preciosos volúmenes, cuando, al abrir distraídamente uno de ellos, François le Champi, de George Sand, sentí una desagradable impresión por algo que estaba en desacuerdo con mis pensamientos de aquel momento, hasta que, con una emoción que casi me hizo llorar, me di cuenta de hasta qué punto aquella impresión estaba de acuerdo con ellos. Mientras, en la cámara mortuoria, los empleados de pompas fúnebres se preparan a bajar el ataúd y el hijo de un hombre que ha prestado servicios a la patria estrecha la mano a los últimos amigos que desfilan; si, de repente, suena una marcha bajo sus ventanas, se irrita creyendo que una burla ha herido su pena; pero este hijo, que hasta entonces se ha dominado, no puede ya contener las lágrimas, pues acaba de comprender que lo que está oyendo es la música de un regimiento que se asocia a su duelo y rinde honores a los restos de su padre. Asimismo acababa yo de reconocer cómo concordaba con mis pensamientos la dolorosa impresión que sentí al ver aquel título de un libro en la biblioteca del príncipe de Guermantes; título que me dio la idea de que la literatura nos ofrecía verdaderamente ese mundo de misterio que yo no encontraba ya en ella. Sin embargo, no era un libro muy extraordinario, era François leChampi. Pero este nombre, como el nombre de los Guermantes, no era para mí como lo que conocí después. El recuerdo de lo que me pareció inexplicable en el tema de François le Champi cuando mamá me leía el libro de George Sand, lo despertó aquel título (de la misma manera que el nombre de Guermantes, cuando yo llevaba mucho tiempo sin ver a los Guermantes, contenía para mí tanto feudalismo -como François leChampi la esencia de la novela-), y sustituía por un momento la idea muy común de lo que son las novelas del Berry de George Sand. En una comida, cuando el pensamiento permanece siempre en la superficie, yo habría podido seguramente hablar de François leChampi y de los Guermantes sin que ni uno ni otros fueran los de Combray. Pero cuando estaba solo, como ahora, me encontraba sumergido a mayor profundidad. En aquel momento, la idea de que una persona a la que había conocido en sociedad era prima de madame de Guermantes, es decir, de un personaje de linterna mágica, me parecía incomprensible, y lo mismo que los bellos libros que había leído fuesen, no digo siquiera superiores -que sí lo eran-, sino iguales a este extraordinario François le Champi. Era una impresión muy antigua, a la que se mezclaban tiernamente mis recuerdos de infancia y de familia y que no había reconocido en seguida. En el primer momento me pregunté con rabia quién era el extraño que venía a hacerme daño. Ese extraño era yo mismo, era el niño que yo era entonces, que el libro acababa de suscitar en mí, pues, como no conocía de mí sino aquel niño, a aquel niño evocó en seguida el libro, sin querer ser mirado más que por sus ojos, sin querer ser amado más que por su corazón, sin querer hablar a nadie más que a él. Aquel libro que mi madre me leyera en voz alta en Combray casi hasta la mañana había conservado, pues, para mí todo el encanto de aquella noche. Claro es que la «pluma» de George Sand, para emplear una expresión de Brichot, a quien tanto le gustaba decir que un libro estaba escrito «con una pluma ágil», no me parecía en absoluto, como durante tanto tiempo le pareció a mi madre antes de amoldar sus gustos literarios a los míos, una pluma mágica. Pero era una pluma que, sin quererlo, electricé como suelen entretenerse en hacerlo los colegiales, y mil naderías de Combray que yo había dejado de ver desde hacía tiempo saltaban ahora ligeramente por sí mismas y venían a suspenderse una tras otra de la aguja imantada, en una cadena interminable y trémula de recuerdos. Ciertos espíritus amigos del misterio quieren creer que los objetos conservan algo de los ojos que los miraron, que los monumentos y los cuadros los vemos únicamente bajo el velo sensible que les han tejido durante siglos el amor y la contemplación de tantos adoradores. Esta quimera resultaría cierta si la transpusieran al plano de la única realidad de cada uno, al plano de su propia sensibilidad.
Oui, en ce sens-là, en ce sens-là seulement ; mais il est bien plus grand, une chose que nous avons regardée autrefois, si nous la revoyons, nous rapporte, avec le regard que nous y avons posé, toutes les images qui le remplissaient alors. C′est que les choses — un livre sous sa couverture rouge comme les autres — sitôt qu′elles sont perçues par nous, deviennent en nous quelque chose d′immatériel, de même nature que toutes nos préoccupations ou nos sensations de ce temps-là, et se mêlent indissolublement à elles. Tel nom lu dans un livre autrefois, contient entre ses syllabes le vent rapide et le soleil brillant qu′il faisait quand nous le lisions. Dans la moindre sensation apportée par le plus humble aliment, l′odeur du café au lait, nous retrouvons cette vague espérance d′un beau temps qui, si souvent, nous sourit, quand la journée était encore intacte et pleine, dans l′incertitude du ciel matinal ; une heure est un vase rempli de parfum, de sons, de moments, d′humeurs variées, de climats. De sorte que la littérature qui se contente de « décrire les choses », d′en donner seulement un misérable relevé de lignes et de surfaces, est celle qui, tout en s′appelant réaliste, est la plus éloignée de la réalité, celle qui nous appauvrit et nous attriste le plus, car elle coupe brusquement toute communication de notre moi présent avec le passé, dont les choses gardaient l′essence, et l′avenir, où elles nous incitent à le goûter de nouveau. C′est elle que l′art digne de ce nom doit exprimer, et, s′il y échoue, on peut encore tirer de son impuissance un enseignement (tandis qu′on n′en tire aucun des réussites du réalisme), à savoir que cette essence est en partie subjective et incommunicable.
Si, en este sentido, sólo en este sentido (pero es mucho más grande), una cosa que hemos mirado en otro tiempo, si volvemos a verla, nos devuelve, con la mirada que pusimos en ella, todas las imágenes que entonces la llenaban. Y es que las cosas -un libro bajo su cubierta roja, como los demás-, en cuanto las percibimos pasan a ser en nosotros algo inmaterial, de la misma naturaleza que todas nuestras preocupaciones o nuestras sensaciones de aquel tiempo, y se mezclan indisolublemente con ellas. Un nombre leído antaño en un libro contiene entre sus sílabas el viento rápido y el sol brillante que hacía cuando lo leíamos. De suerte que la literatura que se limita a «describir las cosas», a dar solamente una mísera visión de líneas y de superficies es la que, llamándose realista, está más lejos de la realidad, la que más nos empobrece y nos entristece, pues corta bruscamente toda comunicación de nuestro yo presente con el pasado, cuyas cosas conservaban la esencia, y el futuro, en el que nos incitan a gustarla de nuevo. Es esa esencia lo que el arte digno de este nombre debe expresar, y, si fracasa en el propósito, todavía se puede sacar de su impotencia una enseñanza (mientras que de los éxitos del realismo no se puede sacar ninguna): que esa esencia es en parte subjetiva e incomunicable.
Bien plus, une chose que nous vîmes à une certaine époque, un livre que nous lûmes ne restent pas unis à jamais seulement à ce qu′il y avait autour de nous ; il le reste aussi fidèlement à ce que nous étions alors, il ne peut plus être repassé que par la sensibilité, par la personne que nous étions alors ; si je reprends, même par la pensée, dans la bibliothèque, François le Champi, immédiatement en moi un enfant se lève qui prend ma place, qui seul a le droit de lire ce titre : François le Champi, et qui le lit comme il le lut alors, avec la même impression du temps qu′il faisait dans le jardin, les mêmes rêves qu′il formait alors sur les pays et sur la vie, la même angoisse du lendemain. Que je revoie une chose d′un autre temps, c′est un autre jeune homme qui se lèvera. Et ma personne d′aujourd′hui n′est qu′une carrière abandonnée, qui croit que tout ce qu′elle contient est pareil et monotone, mais d′où chaque souvenir, comme un sculpteur de Grèce, tire des statues innombrables. Je dis chaque chose que nous revoyons, car les livres se comportant en cela comme ces choses, la manière dont leur dos s′ouvrait, le grain du papier peut avoir gardé en lui un souvenir aussi vif de la façon dont j′imaginais alors Venise et du désir que j′avais d′y aller que les phrases mêmes des livres. Plus vif même, car celles-ci gênent parfois, comme ces photographies d′un être devant lesquelles on se le rappelle moins bien qu′en se contentant de penser à lui. Certes, pour bien des livres de mon enfance, et, hélas, pour certains livres de Bergotte lui-même, quand un soir de fatigue il m′arrivait de les prendre, ce n′était pourtant que comme j′aurais pris un train dans l′espoir de me reposer par la vision de choses différentes et en respirant l′atmosphère d′autrefois. Mais il arrive que cette évocation recherchée se trouve entravée, au contraire, par la lecture prolongée du livre. Il en est un de Bergotte (qui dans la bibliothèque du prince portait une dédicace d′une flagornerie et d′une platitude extrêmes), lu jadis en entier un jour d′hiver où je ne pouvais voir Gilberte, et où je ne peux réussir à retrouver les pages que j′aimais tant. Certains mots me feraient croire que ce sont elles, mais c′est impossible. Où serait donc la beauté que je leur trouvais ? Mais du volume lui-même la neige qui couvrait les Champs-Élysées le jour où je le lus n′a pas été enlevée. Je la vois toujours. Et c′est pour cela que si j′avais été tenté d′être bibliophile, comme l′était le prince de Guermantes, je ne l′aurais été que d′une façon, mais de façon particulière, comme celle qui recherche cette beauté indépendante de la valeur propre d′un livre et qui lui vient pour les amateurs de connaître les bibliothèques par où il a passé, de savoir qu′il fut donné à l′occasion de tel événement, par tel souverain à tel homme célèbre, de l′avoir suivi, de vente en vente, à travers sa vie ; cette beauté, historique en quelque sorte, d′un livre ne serait pas perdue pour moi. Mais c′est plus volontiers de l′histoire de ma propre vie, c′est-à-dire non pas en simple curieux, que je la dégagerais ; et ce serait souvent non pas à l′exemplaire matériel que je l′attacherais, mais à l′ouvrage, comme à ce François le Champi contemplé pour la première fois dans ma petite chambre de Combray, pendant la nuit peut-être la plus douce et la plus triste de ma vie — où j′avais, hélas (dans un temps où me paraissaient bien inaccessibles les mystérieux Guermantes), obtenu de mes parents une première abdication d′où je pouvais faire dater le déclin de ma santé et de mon vouloir, mon renoncement chaque jour aggravé à une tâche difficile — et retrouvé aujourd′hui dans la bibliothèque des Guermantes, précisément par le jour le plus beau, et dont s′éclairaient soudain non seulement les tâtonnements anciens de ma pensée, mais même le but de ma vie et peut-être de l′art. Pour les exemplaires eux-mêmes des livres, j′eusse été, d′ailleurs, capable de m′y intéresser, dans une acception vivante. La première édition d′un ouvrage m′eût été plus précieuse que les autres, mais j′aurais entendu par elle l′édition où je le lus pour la première fois. Je rechercherais les éditions originales, je veux dire celles où j′eus de ce livre une impression originale. Car les impressions suivantes ne le sont plus. Je collectionnerais pour les romans les reliures d′autrefois, celles du temps où je lus mes premiers romans et qui entendaient tant de fois papa me dire : « Tiens-toi droit. » Comme la robe où nous vîmes pour la première fois une femme, elles m′aideraient à retrouver l′amour que j′avais alors, la beauté sur laquelle j′ai superposé tant d′images, de moins en moins aimées, pour pouvoir retrouver la première, moi qui ne suis pas le moi qui l′ai vu et qui dois céder la place au moi que j′étais alors afin qu′il appelle la chose qu′il connut et que mon moi d′aujourd′hui ne connaît point.
Más aún, una cosa que vimos en cierta época, un libro que leímos, no sólo permanece unido para siempre a lo que había en torno nuestro; queda también fielmente unido a lo que nosotros éramos entonces, y ya no puede ser releído sino por la sensibilidad, por la persona que entonces éramos; si yo vuelvo a coger en la biblioteca, aunque sólo sea con el pensamiento, François le Champi, inmediatamente se levanta en mí un niño que ocupa mi lugar, que sólo él tiene derecho a leer ese título: François le Champi, y que lo lee como lo leyó entonces, con la misma impresión del tiempo que hacía en el jardín, con los mismos sueños que formaba entonces sobre los países y sobre la vida, con la misma angustia del futuro. Si vuelvo a ver una cosa de otro tiempo, surge un joven. Y mi persona de hoy no es más que una cantera abandonada, que cree que todo lo que contiene es igual y monótono, pero de donde cada recuerdo saca, como un escultor de Grecia, innumerables estatuas. Yo digo: cada cosa que volvemos a ver; pues los libros se comportan en esto como esas cosas: la manera de abrirse el lomo, la textura del papel puede haber conservado en sí un recuerdo tan vivo de la manera con que yo imaginaba entonces Venecia y del deseo que tenía de ir a ella como las frases mismas de los libros. Hasta más vivo, pues estas frases molestan a veces, como esas fotografías de una persona ante las cuales no la recordamos tan bien como cuando nos limitamos a pensar en ella. Claro que, tratándose de muchos libros de mi infancia, y, desgraciadamente, de ciertos libros del propio Bergotte, cuando, en una noche de cansancio, se me ocurre cogerlos, lo hago como si cogiera un tren con la esperanza de descansar viendo cosas diferentes y respirando la atmósfera de antaño. Pero ocurre que esa evocación buscada resulta al contrario entorpecida por la lectura prolongada del libro. Hay uno de Bergotte (que en la biblioteca del príncipe llevaba una dedicatoria de una adulación y de una vulgaridad lamentables), leído antaño un día de invierno en el que yo no podía ver a Gilberta, en el que hoy no puedo encontrar las frases que tanto me gustaban. Ciertas palabras me harían creer que son aquellas frases, pero es imposible. ¿Dónde estaría, si lo fueran, la belleza que yo les encontraba? Pero en el tomo mismo sigo viendo la nieve que cubría los Champs-Elysées el día en que lo leí. Y por eso, si se me hubiera ocurrido ser bibliófilo, como lo era el príncipe de Guermantes, lo habría sido solamente de una manera especial, sin por eso desdeñar esa belleza independiente del valor propio de un libro y que a los aficionados les viene de conocer las bibliotecas por las que el libro ha pasado, de saber que fue donado, con ocasión de cierto acontecimiento, por tal soberano o por tal hombre célebre, de haberlo seguido de venta en venta a través de su vida; esta belleza de un libro, histórica en cierto modo, no sería perdida para mí. Pero me inclino más a encontrarla en la historia de mi propia vida, es decir, no como simple curioso; y la pondría, generalmente, no en el ejemplar material, sino en la obra, como en aquel François le Champi, contemplado por primera vez en mi cuartito de Combray, durante la noche, quizá la más dulce y la más triste de mi vida, en que (en un tiempo en que me parecían tan inaccesibles los misteriosos Guermantes) obtuve, ¡ay!, de mis padres una primera abdicación en la que podía fechar el comienzo del descenso de mi salud y de mi voluntad, mi renunciamiento, agravado cada día, a una tarea difícil, y hoy vuelto a encontrar en la biblioteca de los Guermantes precisamente, el día más bello y en el que se alumbraban de pronto no sólo los antiguos tanteos de mi pensamiento, sino hasta la finalidad de mi vida y acaso del arte. En cuanto a los ejemplares mismos de los libros, hubieran podido, por lo demás, interesarme, en una acepción viva. La primera edición de una obra hubiera sido para mí más valiosa que las demás, pero entendiendo por primera edición aquella en que la leí por primera vez. Buscaría las ediciones originales, quiero decir aquellas en que recibí de ese libro una impresión original. Pues las impresiones siguientes no lo son. Coleccionaría de las novelas las encuadernaciones de antaño, las del tiempo en que leí mis primeras novelas y que tantas veces oían a papá decirme: «Tente derecho». Como el vestido con que vimos la primera vez a una mujer, me ayudarían a encontrar de nuevo el amor que tenía entonces, la belleza a la que superpuse tantas imágenes cada vez menos amadas, para poder recobrar la primera, yo que no soy el yo que la vio y que debo ceder el sitio al yo que era entonces si ese yo evoca la cosa que conoció y que mi yo de hoy no conoce.
La bibliothèque que je composerais ainsi serait même d′une valeur plus grande encore, car les livres que je lus jadis à Combray, à Venise, enrichis maintenant par ma mémoire de vastes enluminures représentant l′église Saint-Hilaire, la gondole amarrée au pied de Saint-Georges le Majeur sur le Grand Canal incrusté de scintillants saphirs, seraient devenus dignes de ces « livres à images », bibles historiées, que l′amateur n′ouvre jamais pour lire le texte mais pour s′enchanter une fois de plus des couleurs qu′y a ajoutées quelque émule de Fouquet et qui font tout le prix de l′ouvrage. Et pourtant, même n′ouvrir ces livres lus autrefois que pour regarder les images qui ne les ornaient pas alors me semblerait encore si dangereux que, même en ce sens, le seul que je pusse comprendre, je ne serais pas tenté d′être bibliophile. Je sais trop combien ces images laissées par l′esprit sont aisément effacées par l′esprit. Aux anciennes il en substitue de nouvelles qui n′ont plus le même pouvoir de résurrection. Et si j′avais encore le François le Champi que maman sortit un soir du paquet de livres que ma grand′mère devait me donner pour ma fête, je ne le regarderais jamais ; j′aurais trop peur d′y insérer peu à peu de mes impressions d′aujourd′hui couvrant complètement celles d′autrefois, j′aurais trop peur de le voir devenir à ce point une chose du présent que, quand je lui demanderais de susciter une fois encore l′enfant qui déchiffra son titre dans la petite chambre de Combray, l′enfant, ne reconnaissant pas son accent, ne répondît plus à son appel et restât pour toujours enterré dans l′oubli.
La biblioteca que formaría así sería, además, de un valor mayor aún; pues los libros que antaño leí en Combray, en Venecia, enriquecidos ahora por mi memoria por grandes iluminaciones representando la iglesia de San Hilario, la góndola amarrada al pie de San Jorge el Mayor en el Gran Canal esmaltado de centelleantes zafiros, resultarían dignos de esos «libros de estampas», de esas biblias ilustradas, de esos libros de horas que el coleccionista no abre nunca para leer el texto, sino para extasiarse una vez más con los colores que le ha puesto algún émulo de Foucquet y que constituyen todo el valor de la obra. Y, sin embargo, incluso no abrir esos libros leídos en otro tiempo más que para mirar las imágenes que entonces no los adornaban, me parecería también tan peligroso que ni siquiera en este sentido, el único que yo puedo comprender, me sentiría inclinado a ser bibliófilo. Sé demasiado bien cómo esas imágenes dejadas por el espíritu son fácilmente borradas por el espíritu. Las antiguas son sustituidas por otras nuevas que ya no tienen el mismo poder de resurrección. Y si yo tuviera todavía el François le Champi que mamá sacó un día del paquete de libros que mi abuela iba a regalarme por mi cumpleaños, no lo miraría nunca: tendría demasiado miedo de ir insertando poco a poco en él mis impresiones de hoy, de que se fuera convirtiendo en una cosa del presente hasta el punto de que, cuando yo le pidiera que suscitase una vez más al niño que descifró su título en el cuartito de Combray, el niño, no reconociendo su acento, no respondiera ya a su llamada y permaneciera para siempre enterrado en el olvido.
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L′idée d′un art populaire comme d′un art patriotique, si même elle n′avait pas été dangereuse, me semblait ridicule. S′il s′agissait de le rendre accessible au peuple, on sacrifiait les raffinements de la forme « bons pour des oisifs » ; or, j′avais assez fréquenté de gens du monde pour savoir que ce sont eux les véritables illettrés, et non les ouvriers électriciens. À cet égard, un art, populaire par la forme, eût été destiné plutôt aux membres du Jockey qu′à ceux de la Confédération générale du travail ; quant aux sujets, les romans populaires enivrent autant les gens du peuple que les enfants ces livres qui sont écrits pour eux. On cherche à se dépayser en lisant, et les ouvriers sont aussi curieux des princes que les princes des ouvriers. Dès le début de la guerre, M. Barrès avait dit que l′artiste (en l′espèce le Titien) doit avant tout servir la gloire de sa patrie. Mais il ne peut la servir qu′en étant artiste, c′est-à-dire qu′à condition, au moment où il étudie les lois de l′Art, institue ses expériences et fait ses découvertes, aussi délicates que celles de la Science, de ne pas penser à autre chose — fût-ce à la patrie — qu′à la vérité qui est devant lui. N′imitons pas les révolutionnaires qui par « civisme » méprisaient, s′ils ne les détruisaient pas, les œuvres de Watteau et de La Tour, peintres qui honoraient davantage la France que tous ceux de la Révolution. L′anatomie n′est peut-être pas ce que choisirait un cœur tendre, si l′on avait le choix. Ce n′est pas la bonté de son cœur vertueux, laquelle était fort grande, qui a fait écrire à Choderlos de Laclos les Liaisons Dangereuses, ni son goût pour la bourgeoisie, petite ou grande, qui a fait choisir à Flaubert comme sujets ceux de Madame Bovary et de l′Éducation Sentimentale. Certains disaient que l′art d′une époque de hâte serait bref, comme ceux qui prédisaient avant la guerre qu′elle serait courte. Le chemin de fer devait aussi tuer la contemplation, il était vain de regretter le temps des diligences, mais l′automobile remplit leur fonction et arrête à nouveau les touristes vers les églises abandonnées.
La idea de un arte popular, como la idea de un arte patriótico, aun cuando no fuera peligrosa, me parecía ridícula. Si se trataba de hacerlo asequible al pueblo sacrificando los refinamientos de la forma, «buenos para ociosos», yo había tratado a las personas del gran mundo lo bastante para saber que son ellos los verdaderos iletrados y no los obreros electricistas. A este respecto, un arte popular por la forma estaría destinado a los miembros del Jockey más bien que a los de la Confederación General del Trabajo; en cuanto a los temas, las novelas populares aburren tanto a la gente del pueblo como a los niños esos libros escritos para ellos. Al leer se intenta salir del propio ambiente, y a los obreros les inspiran tanta curiosidad los príncipes como a los príncipes los obreros. Monsieur Barrès dijo al principio de la guerra que el artista (Tiziano en aquel caso) debe, ante todo, servir a la gloria de su patria. Pero sólo puede servirla siendo artista, es decir, con la condición de que, en el momento en que estudia esas leyes, en que instituye esas experiencias y hace esos descubrimientos tan delicados como los de la ciencia, no piense en otra cosa -ni siquiera en la patria- que en la verdad que está ante él. No imitemos a los revolucionarios que por «civismo» despreciaban, si no las destruían, las obras de Watteau y de La Tour, pintores que honran más a Francia que todos los de la Revolución. No es quizá la anatomía lo que elegiría un corazón tierno, si se pudiera elegir. No fue la bondad de su corazón virtuoso, bondad que era muy grande, lo que hizo escribir a Choderlos de Lacios Les liaisons dangereuses, ni su inclinación a la burguesía, pequeña o grande, lo que hizo elegir a Flaubert como temas los de Madame Bovary y de L′éducationsentimentale. Algunos decían que el arte de una época de prisa sería breve, como los que predecían antes de la guerra que ésta sería corta. De análoga manera, el ferrocarril mataría la contemplación, era inútil añorar el tiempo de las diligencias, pero el automóvil cumple su función y lleva de nuevo a los turistas hacia las iglesias abandonadas.
Une image offerte par la vie nous apporte en réalité, à ce moment-là, des sensations multiples et différentes. La vue, par exemple, de la couverture d′un livre déjà lu a tissé dans les caractères de son titre les rayons de lune d′une lointaine nuit d′été. Le goût du café au lait matinal nous apporte cette vague espérance d′un beau temps qui jadis si souvent, pendant que nous le buvions dans un bol de porcelaine blanche, crémeuse et plissée, qui semblait du lait durci, se mit à nous sourire dans la claire incertitude du petit jour. Une heure n′est pas qu′une heure, c′est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats. Ce que nous appelons la réalité est un certain rapport entre ces sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément — rapport que supprime une simple vision cinématographique, laquelle s′éloigne par là d′autant plus du vrai qu′elle prétend se borner à lui — rapport unique que l′écrivain doit retrouver pour en enchaîner à jamais dans sa phrase les deux termes différents. On peut faire se succéder indéfiniment dans une description les objets qui figuraient dans le lieu décrit, la vérité ne commencera qu′au moment où l′écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l′art à celui qu′est le rapport unique de la loi causale dans le monde de la science, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d′un beau style, ou même, ainsi que la vie, quand, en rapprochant une qualité commune à deux sensations, il dégagera leur essence en les réunissant l′une et l′autre, pour les soustraire aux contingences du temps, dans une métaphore, et les enchaînera par le lien indescriptible d′une alliance de mots. La nature elle-même, à ce point de vue, ne m′avait-elle pas mis sur la voie de l′art, n′était-elle pas commencement d′art, elle qui souvent ne m′avait permis de connaître la beauté d′une chose que longtemps après, dans une autre, midi à Combray que dans le bruit de ses cloches, les matinées de Doncières que dans les hoquets de notre calorifère à eau ? Le rapport peut être peu intéressant, les objets médiocres, le style mauvais, mais tant qu′il n′y a pas eu cela il n′y a rien eu. La littérature qui se contente de « décrire les choses », de donner un misérable relevé de leurs lignes et de leur surface, est, malgré sa prétention réaliste, la plus éloignée de la réalité, celle qui nous appauvrit et nous attriste le plus, ne parlât-elle que de gloire et de grandeurs, car elle coupe brusquement toute communication de notre moi présent avec le passé, dont les choses gardent l′essence, et l′avenir, où elles nous incitent à le goûter encore. Mais il y avait plus. Si la réalité était cette espèce de déchet de l′expérience, à peu près identique pour chacun, parce que, quand nous disons : un mauvais temps, une guerre, une station de voitures, un restaurant éclairé, un jardin en fleurs, tout le monde sait ce que nous voulons dire ; si la réalité était cela, sans doute une sorte de film cinématographique de ces choses suffirait et le « style », la « littérature » qui s′écarteraient de leur simple donnée seraient un hors-d′œuvre artificiel. Mais était-ce bien cela la réalité ?
Una imagen ofrecida por la vida nos traía en realidad, en ese momento, sensaciones múltiples y diferentes. Por ejemplo, la vista de la cubierta de un libro ya leído ha tejido en los caracteres de su título los rayos de luna de una lejana noche de verano. El gusto del café con leche matinal nos trae esa vaga esperanza de un buen tiempo que tantas veces nos sonriera antaño, en la clara incertidumbre del amanecer, mientras lo tomábamos en un tazón de porcelana blanca, cremosa y plisada que parecía leche endurecida, cuando el día estaba aún intacto y entero. Una hora no es sólo una hora, es un vaso lleno de perfumes, de sonidos, de proyectos y de climas. Lo que llamamos la realidad es cierta relación entre esas sensaciones y esos recuerdos que nos circundan simultáneamente - relación que suprime una simple visión cinematográfica, la cual se aleja así de lo verdadero cuanto más pretende aferrarse a ello-, relación única que el escritor debe encontrar para encadenar para siempre en su frase los dos términos diferentes. Se puede hacer que se sucedan indefinidamente en una descripción los objetos que figuraban en el lugar descrito, pero la verdad sólo empezará en el momento en que el escritor tome dos objetos diferentes, establezca su relación, análoga en el mundo del arte a la que es la relación única de la ley causal en el mundo de la ciencia, y los encierre en los anillos necesarios de un bello estilo; incluso, como la vida, cuando, adscribiendo una calidad común a dos sensaciones, aísle su esencia común reuniendo una y otra, para sustraerlas a las contingencias del tiempo, en una metáfora. ¿No me había puesto la naturaleza misma, en este aspecto, en la vía del arte? ¿No era ella misma comienzo de arte, ella que, muchas veces, sólo me había permitido conocer la belleza de una cosa en otra, el mediodía en Combray en el son de sus campanas, las mañanas de Doncières sólo en el hipo de nuestro calorífero de agua? Puede que la relación sea poco interesante, mediocres los objetos, malo el estilo, pero mientras no hay esto no hay nada. Pero había más. Si la realidad era esa especie de desecho de la experiencia, más o menos idéntico para cada uno, porque cuando decimos: un tiempo malo, una guerra, una estación de carruajes, un restaurante iluminado, un jardín florido, todo el mundo sabe lo que queremos decir; si la realidad fuera esto, seguramente bastaría una especie de film cinematográfico de esas cosas y el «estilo», la «literatura» que se apartaban de sus simples datos serían un hors-d′oeuvre artificial. Pero ¿de verdad sería esto la realidad?
Si j′essayais de me rendre compte de ce qui se passe, en effet, en nous au moment où une chose nous fait une certaine impression, soit que, comme ce jour où, en passant sur le pont de la Vivonne, l′ombre d′un nuage sur l′eau m′eût fait crier « zut alors ! » en sautant de joie ; soit qu′écoutant une phrase de Bergotte tout ce que j′eusse vu de mon impression c′est ceci qui ne lui convenait pas spécialement : « C′est admirable » ; soit qu′irrité d′un mauvais procédé, Bloch prononçât ces mots qui ne convenaient pas du tout à une aventure si vulgaire : « Qu′on agisse ainsi, je trouve cela même fantastique » ; soit quand, flatté d′être bien reçu chez les Guermantes, et d′ailleurs un peu grisé par leurs vins, je n′aie pu m′empêcher de dire à mi-voix, seul, en les quittant : « Ce sont tout de même des êtres exquis avec qui il serait doux de passer la vie », je m′apercevais que, pour exprimer ces impressions, pour écrire ce livre essentiel, le seul livre vrai, un grand écrivain n′a pas, dans le sens courant, à l′inventer puisqu′il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire. Le devoir et la tâche d′un écrivain sont ceux d′un traducteur.
Si yo intentaba entender lo que ocurre realmente cuando una cosa nos produce cierta impresión -sea como aquel día en que, al pasar por el puente del Vivonne, la sombra de una nube sobre el agua me hizo gritar: «¡Vaya por Dios! », saltando de alegría; sea que al escuchar una frase de Bergotte sólo viera de mi impresión esto, que no le corresponde especialmente: «Es admirable»; sea que Bloch, irritado por un mal proceder, pronunciara estas palabras que no correspondían en absoluto a una aventura tan vulgar: «Después de todo, ese modo de obrar me parece fffantástico»; sea que yo, halagado por ser bien recibido en casa de los Guermantes y, además, un poco ebrio por sus vinos, no pudiera menos de decir a media voz, solo, al dejarlos: «La verdad es que son unas personas exquisitas con las que sería delicioso pasar la vida»-, me daba cuenta de que ese libro esencial, el único libro verdadero, un gran escritor no tiene que inventarlo en el sentido corriente, porque existe ya en cada uno de nosotros, no tiene más que traducirlo. El deber y el trabajo de un escritor son el deber y el trabajo de un traductor.
Or si, quand il s′agit du langage inexact de l′amour-propre par exemple, le redressement de l′oblique discours intérieur (qui va s′éloignant de plus en plus de l′impression première et cérébrale) jusqu′à ce qu′il se confonde avec la droite qui aurait dû partir de l′impression, si ce redressement est chose malaisée contre quoi boude notre paresse, il est d′autres cas, celui où il s′agit de l′amour, par exemple, où ce même redressement devient douloureux. Toutes nos feintes indifférences, toute notre indignation contre ses mensonges si naturels, si semblables à ceux que nous pratiquons nous-mêmes, en un mot tout ce que nous n′avons cessé, chaque fois que nous étions malheureux ou trahis, non seulement de dire à l′être aimé, mais même, en attendant de le voir, de nous dire sans fin à nous-mêmes, quelquefois à haute voix, dans le silence de notre chambre troublé par quelques : « non, vraiment, de tels procédés sont intolérables » et « j′ai voulu te recevoir une dernière fois et ne nierai pas que cela me fasse de la peine », ramener tout cela à la vérité ressentie dont cela s′était tant écarté, c′est abolir tout ce à quoi nous tenions le plus, ce qui, seul à seul avec nous-mêmes, dans des projets fiévreux de lettres et de démarches, fut notre entretien passionné avec nous-mêmes.
Ahora bien, así como cuando se trata del lenguaje inexacto del amor propio, por ejemplo, enderezar el oblicuo discurso interior (que se va alejando cada vez más de la impresión primera y central) hasta que se confunde con la recta que debió partir de la impresión, este enderezamiento resulta cosa ardua a la que se resiste nuestra pereza, hay otros casos, por ejemplo cuando se trata del amor, en que ese mismo enderezamiento resulta doloroso. Todas nuestras fingidas indiferencias, toda nuestra indignación contra sus mentiras tan naturales, tan semejantes a las que nosotros mismos practicamos, en una palabra, todo lo que, cada vez que nos sentimos desgraciados o traicionados, no dejamos no sólo de decir al ser amado, sino incluso, mientras llegamos a verle, de decirnos inacabablemente a nosotros mismos, a veces en alta voz en el silencio de nuestra habitación turbado por algunos: «No, la verdad es que esos procedimientos son intolerables», y: «He querido recibirte por última vez y no negaré que me da pena»; volver, en fin, todo esto a la verdad sentida de la que tanto se había apartado, es abolir todo aquello que más nos interesaba, lo que, a solas con nosotros mismos, en esos proyectos febriles de letras y de gestiones, ha constituido nuestra conversación apasionada con nosotros mismos.
Même dans les joies artistiques, qu′on recherche pourtant en vue de l′impression qu′elles donnent, nous nous arrangeons le plus vite possible à laisser de côté comme inexprimable ce qui est précisément cette impression même, et à nous attacher à ce qui nous permet d′en éprouver le plaisir sans le connaître, jusqu′au fond et de croire le communiquer à d′autres amateurs avec qui la conversation sera possible, parce que nous leur parlerons d′une chose qui est la même pour eux et pour nous, la racine personnelle de notre propre impression étant supprimée. Dans les moments mêmes où nous sommes les spectateurs les plus désintéressés de la nature, de la société, de l′amour, de l′art lui-même, comme toute impression est double, à demi engainée dans l′objet, prolongée en nous-mêmes par une autre moitié que seuls nous pourrions connaître, nous nous empressons de négliger celle-là, c′est-à-dire la seule à laquelle nous devrions nous attacher, et nous ne tenons compte que de l′autre moitié qui, ne pouvant pas être approfondie parce qu′elle est extérieure, ne sera cause pour nous d′aucune fatigue : le petit sillon qu′une phrase musicale ou la vue d′une église a creusé en nous, nous trouvons trop difficile de tâcher de l′apercevoir. Mais nous rejouons la symphonie, nous retournons voir l′église jusqu′à ce que — dans cette fuite loin de notre propre vie que nous n′avons pas le courage de regarder, et qui s′appelle l′érudition — nous les connaissions aussi bien, de la même manière, que le plus savant amateur de musique ou d′archéologie. Aussi combien s′en tiennent là qui n′extraient rien de leur impression, vieillissent inutiles et insatisfaits, comme des célibataires de l′art. Ils ont les chagrins qu′ont les vierges et les paresseux, et que la fécondité dans le travail guérirait. Ils sont plus exaltés à propos des œuvres d′art que les véritables artistes, car leur exaltation n′étant pas pour eux l′objet d′un dur labeur d′approfondissement, elle se répand au dehors, échauffe leurs conversations, empourpre leur visage ; ils croient accomplir un acte en hurlant à se casser la voix : « Bravo, bravo » après l′exécution d′une œuvre qu′ils aiment. Mais ces manifestations ne les forcent pas à éclaircir la nature de leur amour, ils ne la connaissent pas. Cependant celui-ci, inutilisé, reflue même sur leurs conversations les plus calmes, leur fait faire de grands gestes, des grimaces, des hochements de tête quand ils parlent d′art. « J′ai été à un concert où on jouait une musique qui, je vous avouerai, ne m′emballait pas. On commence alors le quatuor. Ah ! mais, nom d′une pipe ! ça change (la figure de l′amateur à ce moment-là exprime une inquiétude anxieuse comme s′il pensait : « Mais je vois des étincelles, ça sent le roussi, il y a le feu » ). Tonnerre de Dieu, ce que j′entends là c′est exaspérant, c′est mal écrit, mais c′est épastrouillant, ce n′est pas l′œuvre de tout le monde. » Encore, si risibles que soient ces amateurs, ils ne sont pas tout à fait à dédaigner. Ils sont les premiers essais de la nature qui veut créer l′artiste, aussi informes, aussi peu viables que ces premiers animaux qui précédèrent les espèces actuelles et qui n′étaient pas constitués pour durer. Ces amateurs velléitaires et stériles doivent nous toucher comme ces premiers appareils qui ne purent quitter la terre mais où résidait, non encore le moyen secret et qui restait à découvrir, mais le désir du vol. « Et, mon vieux, ajoute l′amateur en vous prenant par le bras, moi c′est la huitième fois que je l′entends, et je vous jure bien que ce n′est pas la dernière. » Et, en effet, comme ils n′assimilent pas ce qui dans l′art est vraiment nourricier, ils ont tout le temps besoin de joies artistiques, en proie à une boulimie qui ne les rassasie jamais. Ils vont donc applaudir longtemps de suite la même œuvre, croyant, de plus, que leur présence réalise un devoir, un acte, comme d′autres personnes la leur à une séance d′un Conseil d′administration, à un enterrement. Puis viennent des œuvres autres, même opposées, que ce soit en littérature, en peinture ou en musique. Car la faculté de lancer des idées, des systèmes, et surtout de se les assimiler, a toujours été beaucoup plus fréquente, même chez ceux qui produisent, que le véritable goût, mais prend une extension plus considérable depuis que les revues, les journaux littéraires se sont multipliés (et avec eux les vocations factices d′écrivains et d′artistes). Ainsi la meilleure partie de la jeunesse, la plus intelligente, la plus intéressée, n′aimait-elle plus que les œuvres ayant une haute portée morale et sociologique, même religieuse. Elle s′imaginait que c′était là le critérium de la valeur d′une œuvre, renouvelant ainsi l′erreur des David, des Chenavard, des Brunetière, etc. On préférait à Bergotte, dont les plus jolies phrases avaient exigé en réalité un bien plus profond repli sur soi-même, des écrivains qui semblaient plus profonds simplement parce qu′ils écrivaient moins bien. La complication de son écriture n′était faite que pour des gens du monde, disaient des démocrates, qui faisaient ainsi aux gens du monde un honneur immérité. Mais dès que l′intelligence raisonneuse veut se mettre à juger des œuvres d′art, il n′y a plus rien de fixe, de certain : on peut démontrer tout ce qu′on veut. Alors que la réalité du talent est un bien, une acquisition universelle, dont on doit avant tout constater la présence sous les modes apparentes de la pensée et du style, c′est sur ces dernières que la critique s′arrête pour classer les auteurs. Elle sacre prophète à cause de son ton péremptoire, de son mépris affiché pour l′école qui l′a précédé, un écrivain qui n′apporte nul message nouveau. Cette constante aberration de la critique est telle qu′un écrivain devrait presque préférer être jugé par le grand public (si celui-ci n′était incapable de se rendre compte même de ce qu′un artiste a tenté dans un ordre de recherches qui lui est inconnu). Car il y a plus d′analogie entre la vie instinctive du public et le talent d′un grand écrivain, qui n′est qu′un instinct religieusement écouté au milieu du silence, imposé à tout le reste, un instinct perfectionné et compris, qu′avec le verbiage superficiel et les critères changeants des juges attitrés. Leur logomachie se renouvelle de dix ans en dix ans (car le kaléidoscope n′est pas composé seulement par les groupes mondains, mais par les idées sociales, politiques, religieuses qui prennent une ampleur momentanée grâce à leur réfraction dans les masses étendues, mais restent limitées malgré cela à la courte vie des idées dont la nouveauté n′a pu séduire que des esprits peu exigeants en fait de preuves). Ainsi s′étaient succédé les partis et les écoles, faisant se prendre à eux toujours les mêmes esprits, hommes d′une intelligence relative, toujours voués aux engouements dont s′abstiennent des esprits plus scrupuleux et plus difficiles en fait de preuves. Malheureusement, justement parce que les autres ne sont que de demi-esprits, ils ont besoin de se compléter dans l′action, ils agissent ainsi plus que les esprits supérieurs, attirent à eux la foule et créent autour d′eux non seulement les réputations surfaites et les dédains injustifiés mais les guerres civiles et les guerres extérieures, dont un peu de critique point royaliste sur soi-même devrait préserver. Et quant à la jouissance que donne à un esprit parfaitement juste, à un cœur vraiment vivant, la belle pensée d′un maître, elle est sans doute entièrement saine, mais, si précieux que soient les hommes qui la goûtent vraiment (combien y en a-t-il en vingt ans), elle les réduit tout de même à n′être que la pleine conscience d′un autre. Qu′un homme ait tout fait pour être aimé d′une femme qui n′eût pu que le rendre malheureux, mais n′ait même pas réussi, malgré ses efforts redoublés pendant des années, à obtenir un rendez-vous de cette femme, au lieu de chercher à exprimer ses souffrances et le péril auquel il a échappé, il relit sans cesse, en mettant sous elle « un million de mots » et les souvenirs les plus émouvants de sa propre vie, cette pensée de La Bruyère : « Les hommes souvent veulent aimer et ne sauraient y réussir, ils cherchent leur défaite sans pouvoir la rencontrer, et, si j′ose ainsi parler, ils sont contraints de demeurer libres. » Que ce soit ce sens ou non qu′ait eu cette pensée pour celui qui l′écrivit (pour qu′elle l′eût, et ce serait plus beau, il faudrait « être aimés » au lieu d′« aimer » ), il est certain qu′en lui ce lettré sensible la vivifie, la gonfle de signification jusqu′à la faire éclater, il ne peut la redire qu′en débordant de joie tant il la trouve vraie et belle, mais il n′y a malgré tout rien ajouté, et il reste seulement la pensée de La Bruyère.
Incluso en los goces artísticos, que se buscan, sin embargo, por la impresión que producen, nos las arreglamos lo más pronto posible para prescindir, por inexpresable, de lo que es precisamente esa impresión misma y para dedicarnos a lo que nos permite sentir el goce sin conocerlo hasta el fondo y creer comunicarlo a otros gustadores con quienes será posible la conversación, porque les hablaremos de una cosa que es la misma para ellos y para nosotros, ya que se ha suprimido la raíz personal de nuestra propia impresión. En los momentos mismos en que somos los espectadores más desinteresados de la naturaleza, de la sociedad, del amor, del arte mismo, como toda impresión es doble, medio envainada en el objeto, prolongada en nosotros mismos por otra mitad que sólo nosotros podríamos conocer, nos apresuramos a prescindir de ésta, es decir, de la única a la que debiéramos ser fieles, y sólo tenemos en cuenta la otra mitad, que, no pudiendo profundizar en ella, porque es exterior, no nos producirá ninguna fatiga: el pequeño surco que la vista de un majuelo o de una iglesia abrió en nosotros nos parece demasiado difícil intentar percibirlo. Pero volvemos a tocar la sinfonía, tornamos a ver la iglesia hasta que - en esa huida lejos de nuestra propia vida a la que no tenemos el valor de mirar, y que se llama erudición- las conocemos tan bien, de la misma manera que el sabio entendido en música o en arqueología. ¡Y cuántos se quedan en esto, cuántos que no extraen nada de su impresión envejecen inútiles e insatisfechos, como solterones del Arte! Tienen la insatisfacción que sufren los vírgenes y los perezosos, y que la infecundidad o el trabajo curarían. Son más exaltados en cuanto alas obras de arte que los verdaderos artistas, pues como su exaltación no es para ellos objeto de una dura labor de profundización, se expande exteriormente, enardece sus conversaciones, enrojece su rostro; creen realizar un acto vociferando hasta quedarse afónicos: «Bravo, bravo», después de la ejecución de una obra que les gusta. Pero estas manifestaciones no les mueven a dilucidar la naturaleza de su amor, no la conocen. Sin embargo, este amor, inutilizado, refluye hasta en sus conversaciones más sosegadas, les hace hacer grandes gestos, muecas, movimientos de cabeza cuando hablan de arte. «He estado en un concierto donde tocaban una. Confesaré que esto no me entusiasmaba. Se empieza el quatuor. ¡Ah!, pero, ¡caramba!, esto es otra cosa (en este momento la cara del aficionado expresa una inquietud ansiosa, como si pensara: “Pero veo chispas, huele a quemado, hay fuego”). Demonio, lo que estoy oyendo es exasperante, está mal escrito, le deja a uno patidifuso, no lo hace cualquiera.» Y, por risibles que sean, no son del todo desdeñables. Son los primeros ensayos de la naturaleza que quiere crear al artista, unos ensayos tan informes, tan poco viables como aquellos primeros animales que precedieron a las especies actuales y que no estaban hechos para durar. Esos aficionados versátiles y estériles deben de conmovernos como aquellos primeros aparatos que no pudieron despegar del suelo pero en los que residía, todavía no el medio secreto y que estaba por descubrir, pero sí el deseo del vuelo. «Y, amiguito -añade el aficionado cogiéndonos por el brazo-, es la octava vez que lo oigo y le juro que no será la última.» Y, en efecto, como no asimilan lo que en el arte es verdaderamente nutritivo, adolecidos de una bulimia insaciable, necesitan constantemente goces artísticos. Van, pues, a aplaudir mucho tiempo seguido la misma obra, creyendo además que su presencia cumple un deber, un acto, como otras personas creen que lo cumple la suya en una sesión de consejo de administración, en un entierro. Después vienen otras obras distintas y aun opuestas, sea en literatura, en pintura o en música. Pues la facultad de lanzar ideas, sistemas y, sobre todo, de asimilarlos ha sido siempre mucho más frecuente, aun en los que producen, que el verdadero gusto, pero adquiere una extensión más considerable desde que se han multiplicado las revistas, los periódicos literarios (y con ellos las falsas vocaciones de escritores y de artistas). Por eso, a la mayor parte de la juventud, a la más inteligente, a la más desinteresada, no le interesa más que las obras que tienen un alto alcance moral y sociológico, hasta religioso. Imaginan que ése es el criterio del valor de una obra, renovando así el error de los David, de los Chenavard, de los Brunetière, etc. A Bergotte, cuyas más bonitas frases exigían en realidad un repliegue sobre sí mismo mucho más profundo, se preferían otros escritores que parecían más profundos simplemente porque escribían menos bien. La complicación de su escritura era sólo para gente del gran mundo, decían unos demócratas que hacían así a la gente del gran mundo un honor inmerecido. Pero cuando la inteligencia razonadora quiere meterse a juzgar obras de arte, ya no hay nada seguro, nada cierto: se puede demostrar todo lo que se quiera. Cuando la realidad del talento es un bien, una adquisición universal, cuya presencia se debe comprobar ante todo bajo las modas aparentes del pensamiento y del estilo, en éstas se fija la crítica para clasificar a los autores. Consagra como profeta por su tono perentorio, por el desprecio que ostenta por la escuela que le ha precedido, a un escritor que no aporta ningún mensaje nuevo. Esta constante aberración de la crítica es tal que un escritor debería casi preferir ser juzgado por el gran público (si éste no fuera incapaz de darse cuenta ni siquiera de lo que un artista ha intentado en un orden de investigaciones que le es desconocido). Pues hay más analogía entre la vida instintiva del público y el talento de un gran escritor, que no es más que un instinto religiosamente escuchado en medio del silencio impuesto a todo lo demás, un instinto perfeccionado y comprendido, que con la palabrería superficial y los criterios cambiantes de los jueces oficiales. Su logomaquia se renueva cada diez años (pues el caleidoscopio no lo componen solamente los grupos mundanos, sino las ideas sociales, políticas, religiosas, que toman una amplitud momentánea gracias a su refracción en extensas masas, pero, a pesar de esto, permanecen en la corta vida de las ideas cuya novedad no ha podido seducir más que a unas mentes poco exigentes en cuestión de pruebas). Así se habían sucedido los partidos y las escuelas, adhiriéndose siempre a ellos los mismos cerebros, hombres de una inteligencia relativa, siempre inclinados a los entusiasmos de los que se abstienen otras mentes más escrupulosas y más difíciles en cuestión de pruebas. Desgraciadamente, y por lo mismo que los otros no son más que semiinteligencias, necesitan completarse en la acción y por eso actúan más que las mentes superiores, atraen a la multitud y crean en torno suyo no sólo las famas desorbitadas y los desdenes injustificados, sino las guerras civiles y las guerras exteriores, que un poco de autocrítica port-royalista debería evitar. Y en cuanto al goce que a una mente perfectamente justa, a un corazón verdaderamente vivo da el bello pensamiento de un maestro, es sin duda un goce enteramente sano, pero, por valiosos que sean los hombres que lo sienten verdaderamente (¿cuántos hay en veinte años?), los reduce de todos modos a no ser más que la plena conciencia de otro. Si un hombre ha hecho todo lo posible porque le ame una mujer que le hubiera hecho inevitablemente desgraciado, y, a pesar de sus esfuerzos insistentes durante años, no ha logrado obtener una cita de esa mujer, en lugar de procurar expresar sus sufrimientos y el peligro del que se ha librado, relee constantemente, poniendo en él «un millón de palabras» y los recuerdos más emocionantes de su propia vida, este pensamiento de La Bruyère: «Con frecuencia los hombres quieren amar y no lo consiguen, buscan su derrota y no pueden lograrla, y, si se me permite decirlo así, se ven obligados a seguir siendo libres». Sea o no éste el sentido que tuvo este pensamiento para quien lo escribió (para que lo tuviera, y sería más bello, debería decir «ser amados» en lugar de «amar»), lo cierto es que en él este literato sensible lo vivifica, lo llena de significado hasta hacerlo estallar, no puede repetirlo sin rebosar alegría: tan verdadero y bello le parece, pero a pesar de todo no le ha añadido nada y sigue siendo solamente el pensamiento de La Bruyère.
Comment la littérature de notations aurait-elle une valeur quelconque, puisque c′est sous de petites choses comme celles qu′elle note que la réalité est contenue (la grandeur dans le bruit lointain d′un aéroplane, dans la ligne du clocher de Saint-Hilaire, le passé dans la saveur d′une madeleine, etc.) et qu′elles sont sans signification par elles-mêmes si on ne l′en dégage pas ?
¿Qué valor puede tener la literatura de notas, si la realidad está contenida en pequeñas cosas como las que anota (la grandeza en el ruido remoto de un aeroplano, en el perfil del campanario de San Hilario, el pasado en el sabor de una magdalena, etc.) y carecen de significado por sí mismas si no lo deducimos de ellas?
Peu à peu conservée par la mémoire, c′est la chaîne de toutes les impressions inexactes, où ne reste rien de ce que nous avons réellement éprouvé, qui constitue pour nous notre pensée, notre vie, la réalité, et c′est ce mensonge-là que ne ferait que reproduire un art soi-disant « vécu », simple comme la vie, sans beauté, double emploi si ennuyeux et si vain de ce que nos yeux voient et de ce que notre intelligence constate, qu′on se demande où celui qui s′y livre trouve l′étincelle joyeuse et motrice, capable de le mettre en train et de le faire avancer dans sa besogne. La grandeur de l′art véritable, au contraire, de celui que M. de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c′était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d′épaisseur et d′imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans l′avoir connue, et qui est tout simplement notre vie, la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie, par conséquent, réellement vécue, cette vie qui, en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l′artiste. Mais ils ne la voient pas, parce qu′ils ne cherchent pas à l′éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d′innombrables clichés qui restent inutiles parce que l′intelligence ne les a pas « développés ». Ressaisir notre vie ; et aussi la vie des autres ; car le style, pour l′écrivain aussi bien que pour le peintre, est une question non de technique, mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la différence qualitative qu′il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s′il n′y avait pas l′art, resterait le secret éternel de chacun. Par l′art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n′est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu′il peut y avoir dans la lune. Grâce à l′art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu′il y a d′artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l′infini, et qui bien des siècles après qu′est éteint le foyer dont ils émanaient, qu′il s′appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient leur rayon spécial.
Lo que constituía para nosotros nuestro pensamiento, nuestra vida, la realidad, es la cadena de todas esas expresiones inexactas, conservada por la memoria, donde, poco a poco, no va quedando nada de lo que realmente hemos sentido, y esa mentira no haría más que reproducir un arte que llaman «vivido», simple como la vida, sin belleza, doble empleo tan aburrido y tan vano de lo que nuestros ojos ven y de lo que nuestra inteligencia comprueba que nos preguntamos dónde encuentra el que se entrega a ello la chispa gozosa y motriz, capaz de ponerle en movimiento y de hacerle adelantar en su tarea. En cambio, la grandeza del arte verdadero, del que monsieur de Norpois hubiera llamado un juego de dilettante, estaba en volver a encontrar, en captar de nuevo, en hacernos conocer esa realidad lejos de la cual vivimos, de la que nos apartamos cada vez más a medida que va tomando más espesor y más impermeabilidad el conocimiento convencional con que sustituimos esa realidad que es muy posible que muramos sin haberla conocido, y que es ni más ni menos que nuestra vida. La verdadera vida, la vida al fin descubierta y dilucidada, la única vida, por lo tanto, realmente vivida es la literatura; esa vida que, en cierto sentido, habita a cada instante en todos los hombres tanto como en el artista. Pero no la ven, porque no intentan esclarecerla. Y por eso su pasado está lleno de innumerables clichés que permanecen inútiles porque la inteligencia no los ha «desarrollado». Nuestra vida es también la vida de los demás; pues, para el escritor, el estilo es como el color para el pintor, una cuestión no de técnica, sino de visión. Es la revelación, que sería imposible por medios directos y conscientes, de la diferencia cualitativa que hay en la manera como se nos presenta el mundo, diferencia que, si no existiera el arte, sería el secreto eterno de cada uno. Sólo mediante el arte podemos salir de nosotros mismos, saber lo que ve otro de ese universo que no es el mismo que el nuestro, y cuyos paisajes nos serían tan desconocidos como los que pueda haber en la luna. Gracias al arte, en vez de ver un solo mundo, el nuestro, lo vemos multiplicarse, y tenemos a nuestra disposición tantos mundos como artistas originales hay, unos mundos más diferentes unos de otros que los que giran en el infinito y, muchos siglos después de haberse apagado la lumbre de que procedía, llamárase Rembrandt o Ver Meer, nos envía aún su rayo especial.
Ce travail de l′artiste, de chercher à apercevoir sous de la matière, sous de l′expérience, sous des mots quelque chose de différent, c′est exactement le travail inverse de celui que, à chaque minute, quand nous vivons détourné de nous-même, l′amour-propre, la passion, l′intelligence et l′habitude aussi accomplissent en nous, quand elles amassent au-dessus de nos impressions vraies, pour nous les cacher maintenant, les nomenclatures, les buts pratiques que nous appelons faussement la vie. En somme, cet art si compliqué est justement le seul art vivant. Seul il exprime pour les autres et nous fait voir à nous-même notre propre vie, cette vie qui ne peut pas s′« observer », dont les apparences qu′on observe ont besoin d′être traduites, et souvent lues à rebours, et péniblement déchiffrées. Ce travail qu′avaient fait notre amour-propre, notre passion, notre esprit d′imitation, notre intelligence abstraite, nos habitudes, c′est ce travail que l′art défera, c′est la marche en sens contraire, le retour aux profondeurs, où ce qui a existé réellement gît inconnu de nous qu′il nous fera suivre. Et sans doute c′était une grande tentation que de recréer la vraie vie, de rajeunir les impressions. Mais il y fallait du courage de tout genre et même sentimental. Car c′était avant tout abroger ses plus chères illusions, cesser de croire à l′objectivité de ce qu′on a élaboré soi-même, et au lieu de se bercer une centième fois de ces mots « elle était bien gentille », lire au travers : « j′avais du plaisir à l′embrasser ». Certes, ce que j′avais éprouvé dans ces heures d′amour, tous les hommes l′éprouvent aussi. On éprouve, mais ce qu′on a éprouvé est pareil à certains clichés qui ne montrent que du noir tant qu′on ne les a pas mis près d′une lampe, et qu′eux aussi il faut regarder à l′envers : on ne sait pas ce que c′est tant qu′on ne l′a pas approché de l′intelligence. Alors seulement quand elle l′a éclairé, quand elle l′a intellectualisé, on distingue, et avec quelle peine, la figure de ce qu′on a senti. Mais je me rendais compte aussi que cette souffrance, que j′avais connue d′abord avec Gilberte, que notre amour n′appartienne pas à l′être qui l′inspire, est salutaire accessoirement comme moyen. (Car si peu que notre vie doive durer, ce n′est que pendant que nous souffrons que nos pensées, en quelque sorte agitées de mouvements perpétuels et changeants, font monter comme dans une tempête, à un niveau d′où nous pouvons les voir, toute cette immensité réglée par des lois, sur laquelle, postés à une fenêtre mal placée, nous n′avons pas vue, car le calme du bonheur la laisse unie et à un niveau trop bas ; peut-être seulement pour quelques grands génies ce mouvement existe-t-il constamment sans qu′il y ait besoin pour eux des agitations de la douleur ; encore n′est-il pas certain, quand nous contemplons l′ample et régulier développement de leurs œuvres joyeuses, que nous ne soyons trop portés à supposer d′après la joie de l′œuvre celle de la vie, qui a peut-être été au contraire constamment douloureuse.) Mais principalement parce que si notre amour n′est pas seulement d′une Gilberte, ce qui nous fit tant souffrir ce n′est pas parce qu′il est aussi l′amour d′une Albertine, mais parce qu′il est une portion de notre âme plus durable que les moi divers qui meurent successivement en nous et qui voudraient égoî²´ement le retenir, portion de notre âme qui doit, quelque mal, d′ailleurs utile, que cela nous fasse, se détacher des êtres pour que nous en comprenions, et pour en restituer la généralité et donner cet amour, la compréhension de cet amour, à tous, à l′esprit universel et non à telle puis à telle, en lesquelles tel puis tel de ceux que nous avons été successivement voudraient se fondre.
Ese trabajo del artista, ese trabajo de intentar ver bajo la materia, bajo la experiencia, bajo las palabras, algo diferente, es exactamente el trabajo inverso del que cada minuto, cuando vivimos apartados de nosotros mismos, el amor propio, la pasión, la inteligencia y también la costumbre, realizan en nosotros cuando amontonan encima de nuestras impresiones verdaderas, para ocultárnoslas enteramente, las nomenclaturas, los fines prácticos que llamamos falsamente la vida. En suma, ese arte tan complicado es precisamente el único arte vivo. Sólo él expresa para los demás y nos hace ver a nosotros mismos nuestra propia vida, esa vida que no se puede «observar», esa vida cuyas apariencias que se observan requieren ser traducidas y muchas veces leídas al revés y penosamente descifradas. Ese trabajo que hizo nuestro amor propio, nuestra pasión, nuestro espíritu de imitación, nuestra inteligencia abstracta, nuestros hábitos, es el trabajo que el arte deshará, es la marcha que nos hará seguir, en sentido contrario, el retorno a las profundidades donde yace, desconocido por nosotros, lo que realmente ha existido. Y era sin duda una gran tentación recrear la verdadera vida, rejuvenecer las impresiones. Pero hacía falta valor de todo género, hasta sentimental. Pues era, ante todo, renunciar a las más caras ilusiones, dejar de creer en la objetividad de lo que uno mismo ha elaborado, y, en lugar de recrearse por centésima vez en esas palabras: «Era muy simpática», leer al través: «Me gustaba mucho besarla». Cierto que lo que yo sentí en aquellas horas de amor lo sienten también todos los hombres. Se siente, pero lo que se ha sentido es como ciertos clichés en los que, mientras no se les acerca a una lámpara, no se ve más que negro, y que también hay que mirar al revés: no se sabe lo que es mientras no se acerca a la inteligencia. Sólo entonces, cuando la inteligencia la ilumina, cuando la intelectualiza, se distingue, y con cuánto trabajo, la figura de lo que se ha sentido. Pero también me daba cuenta de que ese sufrimiento de que nuestro amor no corresponda al ser que lo inspira -sufrimiento que yo conocí primero con Gilberta- es saludable, accesoriamente como medio (pues, a poco que haya de durar nuestra vida, sólo mientras sufrimos nuestros pensamientos, en cierto modo agitados por movimientos perpetuos y cambiantes, hacen subir, como una tempestad, a un nivel desde donde podemos verla, toda esa inmensidad regida por leyes que, asomados a una ventana mal situada, no hemos visto, pues la calma de la felicidad la deja llana y en un nivel demasiado bajo; quizá sólo para los grandes genios existe constantemente ese movimiento sin necesidad, para ellos, de las agitaciones del dolor, y ni siquiera es seguro que, cuando contemplamos el amplio y regular desarrollo de sus obras gozosas, no nos inclinemos demasiado a suponer, por el gozo de la obra, el gozo de la vida, que quizá ha sido, por el contrario, constantemente dolorosa), pero principalmente porque, si nuestro amor no es solamente el amor a una Gilberta (lo que tanto nos hace sufrir), no porque sea también el amor a una Albertina, sino porque es una porción de nuestra alma, más duradera que los diversos yos que mueren sucesivamente en nosotros y que, egoístamente, quisieran retenerlo, y que, por mucho mal que nos cause (un mal inútil por lo demás), debe separarse de los seres para restituir su generalidad y dar ese amor, la comprensión de ese amor, a todos, al espíritu universal y no a ésta y después a aquélla en las que quisieran fundirse éste y aquél de los que sucesivamente hemos sido.
Il me fallait donc rendre leur sens aux moindres signes qui m′entouraient (Guermantes, Albertine, Gilberte, Saint-Loup, Balbec, etc.) et auxquels l′habitude l′avait fait perdre pour moi. Nous devons savoir que lorsque nous aurons atteint la réalité, pour l′exprimer, pour la conserver, nous devrons écarter ce qui est différent d′elle et ce que ne cesse de nous apporter la vitesse acquise de l′habitude. Plus que tout j′écarterais donc ces paroles que les lèvres plutôt que l′esprit choisissent, ces paroles pleines d′humour, comme on dit dans la conversation, et qu′après une longue conversation avec les autres on continue à s′adresser facticement et qui nous remplissent l′esprit de mensonges, ces paroles toutes physiques qu′accompagne chez l′écrivain qui s′abaisse à les transcrire le petit sourire, la petite grimace qui altère à tout moment, par exemple, la phrase parlée d′un Sainte-Beuve, tandis que les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l′obscurité et du silence. Et comme l′art recompose exactement la vie, autour des vérités qu′on a atteintes en soi-même flottera toujours une atmosphère de poésie, la douceur d′un mystère qui n′est que le vestige de la pénombre que nous avons dû traverser, l′indication, marquée exactement comme par un altimètre, de la profondeur d′une œuvre. (Car cette profondeur n′est pas inhérente à certains sujets, comme le croient des romanciers matérialistement spiritualistes puisqu′ils ne peuvent pas descendre au delà du monde des apparences et dont toutes les nobles intentions, pareilles à ces vertueuses tirades habituelles chez certaines personnes incapables du plus petit effort de bonté, ne doivent pas nous empêcher de remarquer qu′ils n′ont même pas eu la force d′esprit de se débarrasser de toutes les banalités de forme acquises par l′imitation.)
Tenía que restituir su sentido a los menores signos que me rodeaban (Guermantes, Albertina, Gilberta, Saint-Loup, Balbec, etc.), el sentido que la costumbre les había hecho perder para mí. Y cuando hayamos llegado a la realidad, para expresarla, para conservarla, apartaremos lo que es diferente de ella y que la velocidad adquirida del hábito no deja de traernos. Yo apartaría más que nada esas palabras que los labios, más que el espíritu, eligen, esas palabras llenas de humor, como se dice en la conversación, y que después de una larga conversación con los demás seguimos dirigiéndonos ficticiamente a nosotros mismos y nos llenan el pensamiento de mentiras, esas palabras sólo físicas que, en el escritor que se rebaja a transcribirlas, van unidas a la sonrisita, a la pequeña mueca que altera a cada momento, por ejemplo, la frase hablada de un Sainte- Beuve, mientras que los verdaderos libros deben ser hijos no de la plena luz y de la charla, sino de la oscuridad y del silencio. Y como el arte reconstruye exactamente la vida, en torno a unas verdades halladas en sí mismo flotará siempre una atmósfera de poesía, la dulzura de un misterio que no es más que el vestigio de la penumbra que hemos tenido que atravesar, la indicación, marcada exactamente como por un altímetro, de la profundidad de una obra. (Pues esta profundidad no es inherente a ciertos temas, como creen unos novelistas materialistamente espiritualistas porque no pueden descender más allá del mundo de las apariencias y cuyas nobles intenciones, semejantes a esas virtuosas tiradas habituales en ciertas personas incapaces del más pequeño acto de bondad, no deben impedirnos observar que ni siquiera han tenido la fuerza de espíritu de desprenderse de todas las superficialidades de forma adquiridas por imitación.)
Quant aux vérités que l′intelligence — même des plus hauts esprits — cueille à claire-voie, devant elle, en pleine lumière, leur valeur peut être très grande ; mais elles ont des contours plus secs et sont planes, n′ont pas de profondeur parce qu′il n′y a pas eu de profondeurs à franchir pour les atteindre, parce qu′elles n′ont pas été recréées. Souvent des écrivains au fond de qui n′apparaissent plus ces vérités mystérieuses n′écrivent plus, à partir d′un certain âge, qu′avec leur intelligence qui a pris de plus en plus de force ; les livres de leur âge mûr ont, à cause de cela, plus de force que ceux de leur jeunesse, mais ils n′ont plus le même velours.
En cuanto a las verdades que la inteligencia -hasta de los más esclarecidos cerebrosrecoge delante de sus narices, en plena luz, su valor puede ser muy grande; pero tienen unos contornos muy secos y son planas, carecen de profundidad porque, para llegar a ellas, no ha habido que franquear profundidades, porque no han sido recreadas. Muchas veces algunos escritores, en el fondo de los cuales no aparecen ya esas verdades misteriosas, a partir de cierta edad no escriben más que con su inteligencia, que ha adquirido cada vez más fuerza; debido a esto, los libros de su edad madura tienen más fuerza que los de su juventud, pero no tienen ya el mismo aterciopelado.
Je sentais pourtant que ces vérités que l′intelligence dégage directement de la réalité ne sont pas à dédaigner entièrement, car elles pourraient enchâsser d′une manière moins pure, mais encore pénétrée d′esprit, ces impressions que nous apporte hors du temps l′essence commune aux sensations du passé et du présent, mais qui, plus précieuses, sont aussi trop rares pour que l′œuvre d′art puisse être composée seulement avec elles. Capables d′être utilisées pour cela, je sentais se presser en moi une foule de vérités relatives aux passions, aux caractères, aux mœurs. Chaque personne qui nous fait souffrir peut être rattachée par nous à une divinité dont elle n′est qu′un reflet fragmentaire et le dernier degré, divinité dont la contemplation en tant qu′idée nous donne aussitôt de la joie au lieu de la peine que nous avions. Tout l′art de vivre, c′est de ne nous servir des personnes qui nous font souffrir que comme d′un degré permettant d′accéder à sa forme divine et de peupler ainsi journellement notre vie de divinités. La perception de ces vérités me causait de la joie ; pourtant il me semblait me rappeler que plus d′une d′entre elles, je l′avais découverte dans la souffrance, d′autres dans de bien médiocres plaisirs. Alors, moins éclatante sans doute que celle qui m′avait fait apercevoir que l′œuvre d′art était le seul moyen de retrouver le Temps perdu, une nouvelle lumière se fit en moi. Et je compris que tous ces matériaux de l′œuvre littéraire, c′était ma vie passée ; je compris qu′ils étaient venus à moi, dans les plaisirs frivoles, dans la paresse, dans la tendresse, dans la douleur emmagasinée par moi, sans que je devinasse plus leur destination, leur survivance même, que la graine mettant en réserve tous les aliments qui nourriront la plante. Comme la graine, je pourrais mourir quand la plante se serait développée, et je me trouvais avoir vécu pour elle sans le savoir, sans que jamais ma vie me parût devoir entrer jamais en contact avec ces livres que j′aurais voulu écrire et pour lesquels, quand je me mettais autrefois à ma table, je ne trouvais pas de sujet. Ainsi toute ma vie jusqu′à ce jour aurait pu et n′aurait pas pu être résumée sous ce titre : Une vocation.
Sin embargo, yo notaba que esas verdades que la inteligencia saca directamente de la realidad no son del todo desdeñables pues podrían encajar en una materia menos pura pero todavía penetrada de espíritu, esas impresiones que nos trae fuera del tiempo la esencia común a las sensaciones del pasado y del presente, pero que, más preciosas, son también demasiado raras para poder componer sólo con días la obra de arte. Yo sentía aglomerarse en mí, capaces de ser utilizadas para esto, multitud de verdades relativas a las pasiones, a los caracteres, a las costumbres. Su percepción me causaba alegría, pero me parecía recordar que, más de una, la había descubierto en el dolor, otras en goces muy mediocres. Entonces surgió en mí una nueva luz, menos resplandeciente sin duda que la que me había hecho percibir que la obra de arte era el único medio de recobrar el Tiempo perdido. Y comprendí que todos esos materiales de la obra literaria eran mi vida pasada; comprendí que vinieron a mí, en los placeres frívolos, en la pereza, en la ternura, en el dolor, almacenados por mí, sin que yo adivinase su destino, ni su supervivencia, como no adivina el grano poniendo en reserva los alimentos que nutrirán a la planta. Lo mismo que el grano, podría yo morir cuando la planta se desarrollara, y resultaba que había vivido para ella sin saberlo, sin que me pareciera que mi vida debía entrar nunca en contacto con los libros que yo hubiera querido escribir y para los cuales, cuando en otro tiempo me sentaba a la mesa, no encontraba tema. De suerte que, hasta aquel día, toda mi vida habría podido y no hubiera podido resumirse en este título: Una vocación. No habría podido resumirse así porque la literatura no había desempeñado papel alguno en mi vida. Habría podido resumirse así porque esta vida, los recuerdos de sus tristezas, de sus goces formaban una reserva semejante a ese albumen que se aloja en el óvulo de las plantas y del que éste saca su alimento para transformarse en grano, en ese tiempo en que todavía se ignora que se desarrolla el embrión de una planta, el cual es, sin embargo, lugar de fenómenos químicos y respiratorios secretos pero muy activos. Mi vida estaba así en relación con lo que traería su maduración.
Elle ne l′aurait pas pu en ce sens que la littérature n′avait joué aucun rôle dans ma vie. Elle l′aurait pu en ce que cette vie, les souvenirs de ses tristesses, de ses joies, formaient une réserve pareille à cet albumen qui est logé dans l′ovule des plantes et dans lequel celui-ci puise sa nourriture pour se transformer en graine, en ce temps où on ignore encore que l′embryon d′une plante se développe, lequel est pourtant le lieu de phénomènes chimiques et respiratoires secrets mais très actifs. Ainsi ma vie était-elle en rapport avec ce qui amènerait sa maturation. Et ceux qui se nourriraient ensuite d′elle ignoreraient ce qui aurait été fait pour leur nourriture, comme ignorent ceux qui mangent les graines alimentaires que les riches substances qu′elles contiennent ont d′abord nourri la graine et permis sa maturation.
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En cette matière, les mêmes comparaisons, qui sont fausses si on part d′elles, peuvent être vraies si on y aboutit. Le littérateur envie le peintre, il aimerait prendre des croquis, des notes, il est perdu s′il le fait. Mais quand il écrit, il n′est pas un geste de ses personnages, un tic, un accent, qui n′ait été apporté à son inspiration par sa mémoire ; il n′est pas un nom de personnage inventé sous lequel il ne puisse mettre soixante noms de personnages vus, dont l′un a posé pour la grimace, l′autre pour le monocle, tel pour la colère, tel pour le mouvement avantageux du bras, etc. Et alors l′écrivain se rend compte que si son rêve d′être un peintre n′était pas réalisable d′une manière consciente et volontaire, il se trouve pourtant avoir été réalisé et que l′écrivain lui aussi a fait son carnet de croquis sans le savoirÂ… Car, mû par l′instinct qui était en lui, l′écrivain, bien avant qu′il crût le devenir un jour, omettait régulièrement de regarder tant de choses que les autres remarquent, ce qui le faisait accuser par les autres de distraction et par lui-même de ne savoir ni écouter ni voir, mais pendant ce temps-là il dictait à ses yeux et à ses oreilles de retenir à jamais ce qui semblait aux autres des riens puérils, l′accent avec lequel avait été dite une phrase, et l′air de figure et le mouvement d′épaules qu′avait fait à un certain moment telle personne dont il ne sait peut-être rien d′autre, il y a de cela bien des années, et cela parce que, cet accent, il l′avait déjà entendu, ou sentait qu′il pourrait le réentendre, que c′était quelque chose de renouvelable, de durable ; c′est le sentiment du général qui, dans l′écrivain futur, choisit lui-même ce qui est général et pourra entrer dans l′œuvre d′art. Car il n′a écouté les autres que quand, si bêtes ou si fous qu′ils fussent, répétant comme des perroquets ce que disent les gens de caractère semblable, ils s′étaient faits par là même les oiseaux prophètes, les porte-paroles d′une loi psychologique. Il ne se souvient que du général. Par de tels accents, par de tels jeux de physionomie, par de tels mouvements d′épaules, eussent-ils été vus dans sa plus lointaine enfance, la vie des autres est représentée en lui et, quand plus tard il écrira, elle lui servira à recréer la réalité, soit en composant un mouvement d′épaules commun à beaucoup, vrai comme s′il était noté sur le cahier d′un anatomiste, mais gravé ici pour exprimer une vérité psychologique, soit en emmanchant sur ce mouvement d′épaules un mouvement de cou fait par un autre, chacun ayant donné son instant de pose.
En esta materia, las mismas comparaciones, que son falsas si se parte de ellas, pueden ser verdaderas si se llega a ellas. El literato envidia al pintor, le gustaría tomar croquis, notas, y si lo hace está perdido. Pero cuando escribe, no hay gesto de sus personajes, no hay tic, no hay acento que la memoria no le traiga a la inspiración; no hay nombre de personaje inventado bajo el cual no pueda poner sesenta nombres de personajes vistos, uno de los cuales ha servido de modelo para la mueca, otro para el monóculo, éste para la cólera, aquél para el movimiento elegante del brazo, etc. Y entonces el escritor se da cuenta de que si su sueño de ser un pintor no era realizable de manera consciente y voluntaria, resulta, sin embargo, que se ha realizado y que el escritor ha hecho, también él sin saberlo, su cuaderno de croquis. Pues, movido por el instinto que llevaba en sí, el escritor, mucho antes de que creyera llegar a serlo un día, omitía regularmente mirar tantas cosas que los demás observaban, por lo que los demás le acusaban de distracción y él mismo se acusaba de no saber ni escuchar ni ver, pero durante ese tiempo ordenaba a sus ojos y a sus oídos retener para siempre lo que a los demás les parecía naderías pueriles, el acento con que, hace ya muchos años, fue dicha una frase y la expresión de semblante y el movimiento de hombros que hizo en cierto momento una persona de la que quizá no sabe nada más, y ello porque aquel acento lo había oído ya, o sentía que podría volver a oírlo, que era algo repetible, duradero; es el sentimiento de lo general lo que, en el escritor futuro, elige él mismo lo que es general y podrá entrar en la obra de arte. Pues sólo ha escuchado a los demás cuando, por tontos o por locos que sean, al repetir como loros lo que dicen personas de carácter semejante, se han constituido así en pájaros profetas, en portavoces de una ley psicológica. Sólo recuerda lo general. La vida de los demás estaba representada en él por determinados acentos, por determinados gestos fisonómicos, aunque los hubiera visto en la más lejana infancia, y cuando, pasado el tiempo, se pusiera a escribir, compondría por un movimiento de hombros común a muchos, verdadero como si estuviera dibujado en el cuaderno de un anatomista, pero aquí para expresar una verdad psicológica y acoplando sobre sus hombros un movimiento de cuello hecho por otro habiendo aportado así cada uno su momento de pose.
Il n′est pas certain que, pour créer une œuvre littéraire, l′imagination et la sensibilité ne soient pas des qualités interchangeables et que la seconde ne puisse sans grand inconvénient être substituée à la première, comme des gens dont l′estomac est incapable de digérer chargent de cette fonction leur intestin. Un homme né sensible et qui n′aurait pas d′imagination pourrait malgré cela écrire des romans admirables. La souffrance que les autres lui causeraient, ses efforts pour la prévenir, les conflits qu′elle et la seconde personne cruelle créeraient, tout cela, interprété par l′intelligence, pourrait faire la matière d′un livre non seulement aussi beau que s′il était imaginé, inventé, mais encore aussi extérieur à la rêverie de l′auteur s′il avait été livré à lui-même et heureux, aussi surprenant pour lui-même, aussi accidentel qu′un caprice fortuit de l′imagination.
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Les êtres les plus bêtes par leurs gestes, leurs propos, leurs sentiments involontairement exprimés, manifestent des lois qu′ils ne perçoivent pas, mais que l′artiste surprend en eux. À cause de ce genre d′observations, le vulgaire croit l′écrivain méchant, et il le croit à tort, car dans un ridicule l′artiste voit une belle généralité, il ne l′impute pas plus à grief à la personne observée que le chirurgien ne la mésestimerait d′être affectée d′un trouble assez fréquent de la circulation ; aussi se moque-t-il moins que personne des ridicules. Malheureusement il est plus malheureux qu′il n′est méchant quand il s′agit de ses propres passions ; tout en en connaissant aussi bien la généralité, il s′affranchit moins aisément des souffrances personnelles qu′elles causent. Sans doute, quand un insolent nous insulte, nous aurions mieux aimé qu′il nous louât, et surtout, quand une femme que nous adorons nous trahit, que ne donnerions-nous pas pour qu′il en fût autrement. Mais le ressentiment de l′affront, les douleurs de l′abandon auront alors été les terres que nous n′aurions jamais connues, et dont la découverte, si pénible qu′elle soit à l′homme, devient précieuse pour l′artiste. Aussi les méchants et les ingrats, malgré lui, malgré eux, figurent dans son œuvre. Le pamphlétaire associe involontairement à sa gloire la canaille qu′il a flétrie. On peut reconnaître dans toute œuvre d′art ceux que l′artiste a le plus haî± et, hélas, même celles qu′il a le plus aimées. Elles-mêmes n′ont fait que poser pour l′écrivain dans le moment même où, bien contre son gré, elles le faisaient le plus souffrir. Quand j′aimais Albertine, je m′étais bien rendu compte qu′elle ne m′aimait pas et j′avais été obligé de me résigner à ce qu′elle me fît seulement connaître ce que c′est qu′éprouver de la souffrance, de l′amour, et même, au commencement, du bonheur. Et quand nous cherchons à extraire la généralité de notre chagrin, à en écrire, nous sommes un peu consolés, peut-être pour une autre raison encore que toutes celles que je donne ici, et qui est que penser d′une façon générale, qu′écrire, est pour l′écrivain une fonction saine et nécessaire dont l′accomplissement rend heureux, comme pour les hommes physiques l′exercice, la sueur et le bain. À vrai dire, contre cela je me révoltais un peu. J′avais beau croire que la vérité suprême de la vie est dans l′art, j′avais beau, d′autre part, n′être pas plus capable de l′effort de souvenir qu′il m′eût fallu pour aimer encore Albertine que pour pleurer encore ma grand′mère, je me demandais si tout de même une œuvre d′art dont elles ne seraient pas conscientes serait pour elles, pour le destin de ces pauvres mortes, un accomplissement. Ma grand′mère que j′avais, avec tant d′indifférence, vue agoniser et mourir près de moi !
Los seres más torpes, con sus gestos, sus palabras, sus sentimientos involuntariamente expresados, manifiestan leyes que no perciben, pero que el artista sorprende en ellos. Debido a este género de observaciones el vulgo cree perverso al escritor, y se equivoca, pues el artista ve en una cosa ridícula una bella generalidad, y se la atribuye a la persona observada sin mala intención, de la misma manera que el cirujano no la despreciaría por padecer un trastorno bastante frecuente de la circulación. Por eso se burlaría menos que nadie de los aspectos ridículos. Desgraciadamente es más desdichado que perverso: cuando se trata de sus propias pasiones, sin dejar de conocer igualmente bien la generalidad, se desentiende menos fácilmente de los sufrimientos personales que causan. Cuando un insolente nos insulta, seguramente preferiríamos que nos alabara, y sobre todo, cuando una mujer nos traiciona, ¡qué no daríamos por que no fuera así! Mas el resentimiento de la afrenta, los dolores del abandono serían entonces las tierras que nunca conoceríamos y cuyo descubrimiento, por penoso que le sea al hombre, resulta precioso para el artista. Por eso figuran en su obra, a pesar de él, a pesar de ellos, los malos y los ingratos. El panfletario asocia involuntariamente a su gloria a la canalla que anatematiza. En toda obra de arte se puede reconocer a las personas que más ha odiado el artista y también, ¡ay!, a las que más ha amado. Esas personas no han hecho más que servir de modelos para el escritor en el momento mismo en que, bien a pesar de éste, más le hacían sufrir. Cuando yo amaba a Albertina, me daba muy bien cuenta de que ella no me amaba, y me vi obligado a resignarme a que me hiciera solamente conocer lo que es sentir dolor, amor y hasta, al principio, felicidad. Y cuando intentamos extraer lo general de nuestro dolor, escribir sobre ello, quizá nos consuela un poco otra razón además de todas las que doy aquí, y es que pensar de una manera general, que escribir, es para el escritor una función sana y necesaria cuya realización le hace dichoso, como a los hombres físicos les hace dichosos el ejercicio, el sudor, el baño. A decir verdad, yo me rebelaba un poco contra esto. Por más que creyera que la verdad suprema de la vida está en el arte, por más que, por otra parte, no fuera capaz del esfuerzo de recuerdo que hubiera necesitado, tanto para seguir amando a Albertina como para seguir llorando a mi abuela, me preguntaba si, después de todo, una obra de arte de la que ellas no tuvieran consciencia sería para ellas, para el destino de aquellas pobres muertas, una realización. ¡Mi abuela, a la que, con tanta indiferencia, vi agonizar y morir cerca de mí!
Ô puissé-je, en expiation, quand mon œuvre serait terminée, blessé sans remède, souffrir de longues heures abandonné de tous, avant de mourir. D′ailleurs, j′avais une pitié infinie même d′êtres moins chers, même d′indifférents, et de tant de destinées dont ma pensée en essayant de les comprendre avait, en somme, utilisé la souffrance, ou même seulement les ridicules. Tous ces êtres, qui m′avaient révélé des vérités et qui n′étaient plus, m′apparaissaient comme ayant vécu une vie qui n′avait profité qu′à moi, et comme s′ils étaient morts pour moi. Il était triste pour moi de penser que mon amour, auquel j′avais tant tenu, serait, dans mon livre, si dégagé d′un être, que des lecteurs divers l′appliqueraient exactement à celui qu′ils avaient éprouvé pour d′autres femmes. Mais devais-je me scandaliser de cette infidélité posthume et que tel ou tel pût donner comme objet à mes sentiments des femmes inconnues, quand cette infidélité, cette division de l′amour entre plusieurs êtres, avait commencé de mon vivant et avant même que j′écrivisse ? J′avais bien souffert successivement pour Gilberte, pour Mme de Guermantes, pour Albertine. Successivement aussi je les avais oubliées, et seul mon amour, dédié à des êtres différents, avait été durable. La profanation d′un de mes souvenirs par des lecteurs inconnus, je l′avais consommée avant eux. Je n′étais pas loin de me faire horreur comme se le ferait peut-être à lui-même quelque parti nationaliste au nom duquel des hostilités se seraient poursuivies, et à qui seul aurait servi une guerre où tant de nobles victimes auraient souffert et succombé sans même savoir, ce qui, pour ma grand′mère du moins, eût été une telle récompense, l′issue de la lutte. Et une seule consolation qu′elle ne sût pas que je me mettais enfin à l′œuvre était que tel est le lot des morts, si elle ne pouvait jouir de mon progrès elle avait cessé depuis longtemps d′avoir conscience de mon inaction, de ma vie manquée qui avaient été une telle souffrance pour elle. Et certes, il n′y aurait pas que ma grand′mère, pas qu′Albertine, mais bien d′autres encore, dont j′avais pu assimiler une parole, un regard, mais qu′en tant que créatures individuelles je ne me rappelais plus ; un livre est un grand cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms effacés. Parfois, au contraire, on se souvient très bien du nom, mais sans savoir si quelque chose de l′être qui le porta survit dans ces pages. Cette jeune fille aux prunelles profondément enfoncées, à la voix traînante, est-elle ici ? Et si elle y repose en effet, dans quelle partie, on ne sait plus, et comment trouver sous les fleurs ? Mais puisque nous vivons loin des êtres individuels, puisque nos sentiments les plus forts, comme avait été mon amour pour ma grand′mère, pour Albertine, au bout de quelques années nous ne les connaissons plus, puisqu′ils ne sont plus pour nous qu′un mot incompris, puisque nous pouvons parler de ces morts avec les gens du monde chez qui nous avons encore plaisir à nous trouver quand tout ce que nous aimions pourtant est mort, alors s′il est un moyen pour nous d′apprendre à comprendre ces mots oubliés, ce moyen ne devons-nous pas l′employer, fallût-il pour cela les transcrire d′abord en un langage universel mais qui du moins sera permanent, qui ferait de ceux qui ne sont plus, en leur essence la plus vraie, une acquisition perpétuelle pour toutes les âmes ? Même cette loi du changement, qui nous a rendu ces mots inintelligibles, si nous parvenons à l′expliquer, notre infériorité ne devient-elle pas une force nouvelle ?
¡Oh, si, en expiación, pudiera yo, terminada mi obra, sufrir largas horas antes de morir, herido sin remedio, abandonado de todos! Por otra parte, sentía una infinita compasión hasta de los seres menos queridos, hasta de los indiferentes, y de tantos destinos cuyo sufrimiento, y hasta, simplemente, cuyos aspectos ridículos, mi pensamiento, al intentar comprenderlos, había, en suma, utilizado. Todos aquellos seres que me habían revelado verdades y que ya no existían me parecía que habían vivido una vida que sólo a mí había beneficiado, me parecía como si hubieran muerto por mí. Me era triste pensar que mi amor, al que tanto me aferré, estaría en mi libro tan desprendido de un ser determinado que diversos lectores lo aplicarían exactamente a lo que ellos sintieron por otras mujeres. Pero ¿debía escandalizarme por esta infidelidad póstuma y porque éste y el otro pudieran poner otras mujeres como objeto de mis sentimientos, cuando esta infidelidad, esta división del amor entre varios seres, había comenzado en vida mía e incluso antes de que yo escribiese? Bien había ‘sufrido yo sucesivamente por Gilberta, por madame de Guermantes, por Albertina. sucesivamente también, las había olvidado, y sólo fue duradero mi amor dedicado a diferentes seres. La profanación de uno de mis recuerdos por lectores desconocidos la había consumado yo mismo antes que ellos. No estaba lejos de causarme horror a mí mismo, como se lo causaría a sí mismo algún partido nacionalista en cuyo nombre se prosiguieran hostilidades y que fuera el único beneficiario de una guerra en la que sufrieran y sucumbieran tantas nobles víctimas sin siquiera saber el resultado de la lucha (lo que, para mi abuela al menos, habría sido tan gran recompensa). Y mi único consuelo de que ella no supiera que al fin me ponía a trabajar era que (tal es el lote de los muertos), si no podía gozar de mi progreso, había dejado desde hacía mucho tiempo de darse cuenta de mi inacción, de mi vida frustrada, que tanto le había hecho sufrir. Y seguramente no era sólo mi abuela, no era sólo Albertina, sino también otros muchos de los que pude asimilar una palabra, una mirada, pero de los que, en tanto que criaturas individuales, ya no me acordaba; un libro es un gran cementerio con una mayoría de tumbas en las que no se pueden ya leer los nombres borrados. En cambio, a veces, recordamos muy bien el nombre, pero sin saber si sobrevive en estas páginas algo de la persona que lo llevó. Aquella muchacha de pupilas profundamente hundidas, de voz despaciosa, ¿está aquí? Y si, en efecto, reposa aquí, ¿en qué parte? Ya no se sabe, y ¿cómo encontrar bajo las flores? Pero puesto que vivimos lejos de los seres individuales, puesto que nuestros sentimientos más fuertes, como lo fue mi amor a mi abuela, a Albertina, pasados unos años ya no los conocemos, porque no son para nosotros más que una palabra incomprendida, porque podemos hablar de esos muertos con las personas de la sociedad donde todavía nos complacemos en estar aunque lo que amamos ha muerto, entonces, si hay un medio para enseñarnos a comprender esas palabras olvidadas, ¿no debemos emplear ese medio, aunque para ello haya que transcribirlas primero a un lenguaje universal pero que, por lo menos, sea permanente, que haría de los que ya no son, en su esencia más verdadera, una adquisición perpetua para todas las almas? Más aún, si logramos explicar esa ley de la mutabilidad que ha tornado aquellas palabras tan ininteligibles para nosotros, ¿no se transforma nuestra mutilación en una fuerza nueva?
D′ailleurs, l′œuvre à laquelle nos chagrins ont collaboré peut être interprétée pour notre avenir à la fois comme un signe néfaste de souffrance et comme un signe heureux de consolation. En effet, si on dit que les amours, les chagrins du poète lui ont servi, qu′ils l′ont aidé à construire son œuvre, que les inconnues qui s′en doutaient le moins, l′une par une méchanceté, l′autre par une raillerie, ont apporté chacune leur pierre pour l′édification du monument qu′elles ne verront pas, on ne songe pas assez que la vie de l′écrivain n′est pas terminée avec cette œuvre, que la même nature qui lui a fait avoir telles souffrances, lesquelles sont entrées dans son œuvre, cette nature continuera de vivre après l′œuvre terminée, lui fera aimer d′autres femmes dans des conditions qui seraient pareilles, si ne les faisait légèrement dévier tout ce que le temps modifie dans les circonstances, dans le sujet lui-même, dans son appétit d′amour et dans sa résistance à la douleur. À ce premier point de vue, l′œuvre doit être considérée seulement comme un amour malheureux qui en présage fatalement d′autres et qui fera que la vie ressemblera à l′œuvre, que le poète n′aura presque plus besoin d′écrire, tant il pourra trouver dans ce qu′il a écrit la figure anticipée de ce qui arrivera. Ainsi mon amour pour Albertine, et tel qu′il en différa, était déjà inscrit dans mon amour pour Gilberte, au milieu des jours heureux duquel j′avais entendu pour la première fois prononcer le nom et faire le portrait d′Albertine par sa tante, sans me douter que ce germe insignifiant se développerait et s′étendrait un jour sur toute ma vie. Mais à un autre point de vue, l′œuvre est signe de bonheur, parce qu′elle nous apprend que dans tout amour le général gît à côté du particulier, et à passer du second au premier par une gymnastique qui fortifie contre le chagrin en faisant négliger sa cause pour approfondir son essence. En effet, comme je devais l′expérimenter par la suite, même au moment où l′on aime et où on souffre, si la vocation s′est enfin réalisée, dans les heures où on travaille on sent si bien l′être qu′on aime se dissoudre dans une réalité plus vaste qu′on arrive à l′oublier par instants et qu′on ne souffre plus de son amour, en travaillant, que comme de quelque mal purement physique où l′être aimé n′est pour rien, comme d′une sorte de maladie de cœur. Il est vrai que c′est une question d′instants, et que l′effet semble être le contraire si le travail vient plus tard. Car lorsque les êtres qui, par leur méchanceté, leur nullité, étaient arrivés malgré nous à détruire nos illusions, se sont réduits eux-mêmes à rien et séparés de la chimère amoureuse que nous nous étions forgée, si nous nous mettons alors à travailler, notre âme les élève de nouveau, les identifie, pour les besoins de notre analyse de nous-même, à des êtres qui nous auraient aimé, et dans ce cas, la littérature, recommençant le travail défait de l′illusion amoureuse, donne une sorte de survie à des sentiments qui n′existaient plus. Certes, nous sommes obligés de revivre notre souffrance particulière avec le courage du médecin qui recommence sur lui-même la dangereuse piqûre. Mais en même temps il nous faut la penser sous une forme générale qui nous fait dans une certaine mesure échapper à son étreinte, qui fait de tous les copartageants de notre peine, et qui n′est même pas exempte d′une certaine joie. Là où la vie emmure, l′intelligence perce une issue, car, s′il n′est pas de remède à un amour non partagé, on sort de la constatation d′une souffrance, ne fût-ce qu′en en tirant les conséquences qu′elle comporte. L′intelligence ne connaît pas ces situations fermées de la vie sans issue. Aussi fallait-il me résigner, puisque rien ne peut durer qu′en devenant général et si l′esprit ment à soi-même, à l′idée que même les êtres qui furent le plus chers à l′écrivain n′ont fait, en fin de compte, que poser pour lui comme chez les peintres. Parfois, quand un morceau douloureux est resté à l′état d′ébauche, une nouvelle tendresse, une nouvelle souffrance nous arrivent qui nous permettent de le finir, de l′étoffer. Pour ces grands chagrins utiles on ne peut pas encore trop se plaindre, car ils ne manquent pas, ils ne se font pas attendre bien longtemps. Tout de même il faut se dépêcher de profiter d′eux, car ils ne durent pas très longtemps ; c′est qu′on se console, ou bien, quand ils sont trop forts, si le cœur n′est plus très solide, on meurt. En amour, notre rival heureux, autant dire notre ennemi, est notre bienfaiteur. À un être qui n′excitait en nous qu′un insignifiant désir physique il ajoute aussitôt une valeur immense, étrangère, mais que nous confondons avec lui. Si nous n′avions pas de rivaux le plaisir ne se transformerait pas en amour. Si nous n′en avions pas, ou si nous ne croyions pas en avoir. Car il n′est pas nécessaire qu′ils existent réellement. Suffisante pour notre bien est cette vie illusoire que donnent à des rivaux inexistants notre soupçon, notre jalousie. Le bonheur est salutaire pour le corps, mais c′est le chagrin qui développe les forces de l′esprit. D′ailleurs, ne nous découvrît-il pas à chaque fois une loi, qu′il n′en serait pas moins indispensable pour nous remettre chaque fois dans la vérité, nous forcer à prendre les choses au sérieux, arrachant chaque fois les mauvaises herbes de l′habitude, du scepticisme, de la légèreté, de l′indifférence. Il est vrai que cette vérité, qui n′est pas compatible avec le bonheur, avec la santé, ne l′est pas toujours avec la vie. Le chagrin finit par tuer. À chaque nouvelle peine trop forte, nous sentons une veine de plus qui saille et développe sa sinuosité mortelle au long de notre tempe, sous nos yeux. Et c′est ainsi que peu à peu se font ces terribles figures ravagées, du vieux Rembrandt, du vieux Beethoven de qui tout le monde se moquait. Et ce ne serait rien que les poches des yeux et les rides du front s′il n′y avait la souffrance du cœur. Mais puisque les forces peuvent se changer en d′autres forces, puisque l′ardeur qui dure devient lumière et que l′électricité de la foudre peut photographier, puisque notre sourde douleur au cœur peut élever au-dessus d′elle, comme un pavillon, la permanence visible d′une image à chaque nouveau chagrin, acceptons le mal physique qu′il nous donne pour la connaissance spirituelle qu′il nous apporte ; laissons se désagréger notre corps, puisque chaque nouvelle parcelle qui s′en détache vient, cette fois lumineuse et lisible, pour la compléter au prix de souffrances dont d′autres plus doués n′ont pas besoin, pour la rendre plus solide au fur et à mesure que les émotions effritent notre vie, s′ajouter à notre œuvre.
Por otra parte, la obra en la que han colaborado nuestras cuitas puede ser interpretada para nuestro futuro a la vez como un signo nefasto de sufrimiento y como un signo venturoso de consuelo. En efecto, si dicen que los amores, las cuitas del poeta le han servido, le han ayudado a construir su obra, si las desconocidas que menos lo sospechaban, una por una maldad, otra por una burla, aportaron cada una su piedra para edificar el monumento que ellas no verán, no se piensa bastante que la vida del escritor no termina con esta obra, que la misma naturaleza que le ha hecho sufrir tales dolores, dolores que han entrado en su obra, esa naturaleza seguirá viviendo una vez terminada la obra, le hará amar a otras mujeres en condiciones que serían semejantes si no las desviara ligeramente todo lo que el tiempo modifica en las circunstancias, en el sujeto mismo, en su apetito de amor y en su resistencia al dolor. En este primer aspecto, la obra debe ser considerada sólo como un amor desgraciado que presagia fatalmente otros y que hará que la vida se parezca a la obra, que el poeta casi no tenga ya necesidad de escribir: hasta tal punto podrá encontrar en lo que ha escrito la figura anticipada de lo que ocurrirá. Así, mi amor por Albertina, por diferente que fuese, estaba ya escrito en mi amor por Gilberta, en cuyos días felices oí a la tía de Albertina pronunciar por primera vez su nombre y hacer su retrato, sin sospechar que aquel germen insignificante se desarrollaría y se extendería un día a toda mi vida. Pero, desde otro punto de vista, la obra es signo de felicidad, porque nos enseña que, en todo amor, lo general yace junto a lo particular, y a pasar de lo segundo a lo primero mediante una gimnasia que fortalece contra el dolor haciéndonos desdeñar su causa para profundizar su esencia. En efecto, como luego había de comprobarlo, hasta en el momento en que amamos y en que sufrimos, si la vocación se ha realizado al fin, en las horas en que trabajamos sentimos tan bien al ser que amamos disolverse en una realidad más grande, que llegamos a olvidarle por unos momentos y ya sólo sufrimos por su amor, mientras trabajamos, como sufriríamos de un mal puramente físico en el que nada tiene que ver al ser amado, como de una especie de enfermedad del corazón. Verdad es que esto es momentáneo y que, si el trabajo viene un poco más tarde, el efecto parece ser el contrario. Pues los seres que, por su maldad, por su nulidad, han llegado a pesar nuestro a destruir nuestras ilusiones, que han quedado reducidos a nada y separados de la quimera amorosa que nos habíamos forjado, si entonces nos ponemos a trabajar, nuestra alma los eleva de nuevo, los identifica, porque así lo exige el análisis de nosotros mismos, con seres que nos habrían amado, y en este caso la literatura recomienza el trabajo destruido de la ilusión amorosa y da una especie de supervivencia a unos sentimientos que ya no existían. Cierto que nos vemos obligados a revivir nuestro sufrimiento particular con el valor del médico que experimenta en sí mismo la peligrosa inyección. Pero, al mismo tiempo, tenemos que pensar en ella en una forma general que, hasta cierto punto, nos libra de su ataque, que hace a todos copartícipes de nuestra pena, y en la que hasta hay cierto goce. Allí donde la vida nos encierra, la inteligencia abre una salida, pues si un amor no compartido no tiene remedio, de la comprobación de un sufrimiento se sale, aunque sólo sea sacando las consecuencias que implica. La inteligencia no conoce esas situaciones cerradas de la vida sin salida. Tenía, pues que resignarme -ya que nada puede durar si no es haciéndose general y muriendo el espíritu en sí mismo- a la idea de que hasta los seres que fueron más queridos por el escritor no hicieron a fin de cuentas más que posar para él como para los pintores. A veces, cuando un fragmento doloroso se ha quedado en boceto, nos llega un nuevo cariño, un nuevo sufrimiento que nos permite terminarlo, darle cuerpo. En cuanto a estas grandes penas útiles, no podemos quejarnos demasiado, pues no faltan, no nos hacen esperar mucho tiempo,De todos modos, hay que darse prisa a aprovecharlas, porque no duran mucho: o nos consolamos, o, si son demasiado fuertes, si el corazón no es ya muy resistente, morimos. Pues la felicidad sólo es saludable para el cuerpo, pero es el dolor el que desarrolla las fuerzas del espíritu. Por otra parte, aunque no nos descubriera cada vez una ley, no por eso sería menos indispensable para llevarnos cada vez a la verdad, para obligarnos a tomar las cosas en serio, arrancando cada vez las malas hierbas de la costumbre, del escepticismo, de la ligereza, de la indiferencia. Cierto que esta verdad, que no es compatible con la felicidad, con la salud, no lo es siempre con la vida. La pena acaba por matar. A cada pena más fuerte, sentimos una vena más que se abulta, que desarrolla su sinuosidad mortal a lo largo de nuestra sien, bajo nuestros ojos. Y así se van haciendo poco a poco esas terribles caras descompuestas, esas caras del viejo Rembrandt, del viejo Beethoven, de quienes todo el mundo se burlaba. Y las bolsas de los ojos y las arrugas de la frente no serían nada si no hubiera el sufrimiento del corazón. Pero como las fuerzas pueden transformarse en otras fuerzas, como el ardor que permanece se torna luz y la electricidad del rayo puede fotografiar, como nuestro sordo dolor de corazón puede levantar por encima de ella, a la manera de un pabellón, la permanencia visible de una imagen a cada nueva pena, aceptemos el daño físico que nos causa a cambio del conocimiento espiritual que nos aporta; dejemos que se disgregue nuestro cuerpo, puesto que cada nueva parcela que se desprende de él viene, esta vez luminosa y legible, a completarla a costa de sufrimientos que otros más dotados no necesitan, a hacerla más fuerte a medida que las emociones van desmenuzando nuestra vida, a sumarse a nuestra obra.
Les idées sont des succédanés des chagrins ; au moment où ceux-ci se changent en idées, ils perdent une partie de leur action nocive sur notre cœur, et même, au premier instant, la transformation elle-même dégage subitement de la joie. Succédanés dans l′ordre du temps seulement, d′ailleurs, car il semble que l′élément premier ce soit l′idée, et le chagrin seulement le mode selon lequel certaines idées entrent d′abord en nous. Mais il y a plusieurs familles dans le groupe des idées, certaines sont tout de suite des joies. Ces réflexions me faisaient trouver un sens plus fort et plus exact à la vérité que j′avais souvent pressentie, notamment quand Mme de Cambremer se demandait comment je pouvais délaisser pour Albertine un homme remarquable comme Elstir. Même au point de vue intellectuel je sentais qu′elle avait tort, mais je ne savais pas que ce qu′elle méconnaissait, c′était les leçons avec lesquelles on fait son apprentissage d′homme de lettres. La valeur objective des arts est peu de chose en cela ; ce qu′il s′agit de faire sortir, d′amener à la lumière, ce sont nos sentiments, nos passions, c′est-à-dire les passions, les sentiments de tous. Une femme dont nous avons besoin nous fait souffrir, tire de nous des séries de sentiments autrement profonds, autrement vitaux qu′un homme supérieur qui nous intéresse. Il reste à savoir, selon le plan où nous vivons, si nous trouvons que telle trahison par laquelle nous a fait souffrir une femme est peu de chose auprès des vérités que cette trahison nous a découvertes et que la femme, heureuse d′avoir fait souffrir, n′aurait guère pu comprendre. En tout cas, ces trahisons ne manquent pas. Un écrivain peut se mettre sans crainte à un long travail. Que l′intelligence commence son ouvrage, en cours de route surviendront bien assez de chagrins qui se chargeront de le finir. Quant au bonheur, il n′a presque qu′une seule utilité, rendre le malheur possible. Il faut que dans le bonheur nous formions des liens bien doux et bien forts de confiance et d′attachement pour que leur rupture nous cause le déchirement si précieux qui s′appelle le malheur. Si l′on n′avait été heureux, ne fût-ce que par l′espérance, les malheurs seraient sans cruauté et par conséquent sans fruit. Et plus qu′au peintre, à l′écrivain, pour obtenir du volume, de la consistance, de la généralité, de la réalité littéraire, comme il lui faut beaucoup d′églises vues pour en peindre une seule, il lui faut aussi beaucoup d′êtres pour un seul sentiment, car si l′art est long et la vie courte, on peut dire, en revanche, que si l′inspiration est courte les sentiments qu′elle doit peindre ne sont pas beaucoup plus longs. Ce sont nos passions qui esquissent nos livres, le repos d′intervalle qui les écrit. Quand l′inspiration renaît, quand nous pouvons reprendre le travail, la femme qui posait devant nous pour un sentiment ne nous le fait déjà plus éprouver. Il faut continuer à la peindre d′après une autre, et si c′est une trahison pour l′autre, littérairement, grâce à la similitude de nos sentiments qui fait qu′une œuvre est à la fois le souvenir de nos amours passées et la péripétie de nos amours nouvelles, il n′y a pas grand inconvénient à ces substitutions. C′est une des causes de la vanité des études où on essaye de deviner de qui parle un auteur. Car une œuvre, même de confession directe, est pour le moins intercalée entre plusieurs épisodes de la vie de l′auteur, ceux antérieurs qui l′ont inspirée, ceux postérieurs qui ne lui ressemblent pas moins, des amours suivantes les particularités étant calquées sur les précédentes. Car à l′être que nous avons le plus aimé nous ne sommes pas si fidèles qu′à nous-même, et nous l′oublions tôt ou tard pour pouvoir — puisque c′est un des traits de nous-même — recommencer d′aimer. Tout au plus, à cet amour celle que nous avons tant aimée a-t-elle ajouté une forme particulière, qui nous fera lui être fidèle même dans l′infidélité. Nous aurons besoin, avec la femme suivante, des mêmes promenades du matin ou de la reconduire de même le soir, ou de lui donner cent fois trop d′argent. (Une chose curieuse que cette circulation de l′argent que nous donnons à des femmes qui, à cause de cela, nous rendent malheureux, c′est-à-dire nous permettent d′écrire des livres — on peut presque dire que les œuvres, comme dans les puits artésiens, montent d′autant plus haut que la souffrance a plus profondément creusé le cœur.) Ces substitutions ajoutent à l′œuvre quelque chose de désintéressé, de plus général, qui est aussi une leçon austère que ce n′est pas aux êtres que nous devons nous attacher, que ce ne sont pas les êtres qui existent réellement et sont, par conséquent, susceptibles d′expression, mais les idées. Encore faut-il se hâter et ne pas perdre de temps pendant qu′on a à sa disposition ces modèles. Car ceux qui posent pour le bonheur n′ont généralement pas beaucoup de séances à nous donner. Mais les êtres qui posent pour nous la douleur nous accordent des séances bien fréquentes, dans cet atelier où nous n′allons que dans ces périodes-là et qui est à l′intérieur de nous-même. Ces périodes-là sont comme une image de notre vie avec ses diverses douleurs. Car elles aussi en contiennent de différentes, et au moment où on croyait que c′était calmé, une nouvelle, une nouvelle, dans tous les sens du mot ; peut-être parce que ces situations imprévues nous forcent à entrer plus profondément en contact avec nous-même ; ces dilemmes douloureux que l′amour nous pose à tout instant nous instruisent, nous découvrent successivement la matière dont nous sommes faits.
Las ideas son sucedáneos de los dolores; desde el momento en que éstos se transforman en ideas, pierden una parte de su acción nociva sobre nuestro corazón y hasta, en el primer momento, la transformación misma desprende súbitamente alegría. Sucedáneos, por otra parte, sólo en el orden del tiempo, pues, al parecer, el elemento primero es la Idea, y el dolor sólo el modo con que ciertas Ideas entran al principio en nosotros. Pero en el grupo de las Ideas hay varias familias; algunas son, en seguida, goces. Estas reflexiones me hacían encontrar un sentido más fuerte y más exacto a la verdad que muchas veces he presentido, especialmente cuando madame de Cambremer se preguntaba cómo podía yo dejar por Albertina a un hombre notable como Elstir. Hasta en el aspecto intelectual notaba yo que se equivocaba, pero no sabía qué era lo que ella juzgaba erróneamente: eran las lecciones con que hacemos el aprendizaje de hombre de letras. En esto, el valor objetivo de las artes es poca cosa; lo que se trata de destacar, de sacar a la luz, son nuestros sentimientos, nuestras pasiones, es decir, las pasiones}los sentimientos de todos. Una mujer de la que tenemos necesidad, que nos hace sufrir, saca de nosotros una serie de sentimientos más profundos, más vitales que un hombre superior que nos interesa. Falta saber, según el plano en que vivimos, si una traición con la que nos ha hecho sufrir una mujer es poca cosa comparada con las verdades que esa traición nos ha descubierto y que la mujer satisfecha de haber hecho sufrir apenas podría comprender. En todo caso, esas traiciones no faltan. Un escritor puede ponerse sin miedo a un largo trabajo. Comienza la inteligencia su obra: en el transcurso del camino surgirán muchas penas que se encargarán de terminarla. En cuanto a la felicidad, apenas tiene más que una sola ventaja: hacer posible la desventura. Preciso es que, en la felicidad, nos formemos unos vínculos muy dulces y muy fuertes de confianza y de apego, para que su ruptura nos produzca ese desgarramiento tan precioso que se llama la desgracia. Si no se viviera la felicidad, aunque sólo fuese por la esperanza, las desventuras carecerían de crueldad y, por consiguiente, de fruto. Y el escritor, más que el pintor, para lograr volumen y consistencia, generalidad, realidad literaria, así como necesita ver muchas iglesias para pintar una sola, necesita también muchos seres para un solo sentimiento. Pues si el arte es largo y la vida es corta, se puede decir, en cambio, que, si la inspiración es corta, los sentimientos que tiene que pintar no son mucho más largos. Cuando la inspiración renace, cuando podemos reanudar el trabajo, la mujer que nos servía de modelo para un sentimiento ya no nos lo hace experimentar. Tenemos que seguir pintándolo de otra y si bien es una traición para la persona, literariamente, gracias a la similitud de nuestros sentimientos, por la cual una obra es a la vez el recuerdo de nuestros amores pasados y la profecía de nuestros amores nuevos, no hay gran inconveniente en esas sustituciones. Ésta es una de las causas de la vanidad de los estudios en los que se intenta adivinar de quién habla un autor. Pues una obra, aunque sea de confesión directa, está por lo menos intercalada entre varios episodios de la vida del autor, los anteriores que la inspiraron, los posteriores que no se le parecen menos, ya que los amores siguientes son un calco de los anteriores. Pues no somos tan fieles como a nosotros mismos a la persona que más hemos amado, y, tarde o temprano, la olvidamos para poder volver a amar -puesto que es uno de los rasgos de nosotros mismos-. A lo sumo, la persona a quien tanto hemos amado ha añadido a este amor una forma particular que nos hará serle fiel hasta en la infidelidad. Con la mujer siguiente necesitaremos los mismos paseos de la mañana o acompañarla lo mismo por la noche, o darle cien veces más dinero de lo preciso. (Una cosa curiosa de esa circulación del dinero que damos a las mujeres, que por causa de esto nos hacen desgraciados, es decir, nos permiten escribir libros: casi se puede decir que las obras, como los pozos artesianos, suben tanto más alto cuanto más ahondó el dolor en el corazón.) Estas sustituciones dan a la obra algo de desinteresado, de más general, que es también una lección austera de que no debemos apegarnos a los demás, de que no son los demás los que existen realmente y son, por lo tanto, capaces de expresión, sino las ideas. Y aun hay que darse prisa y no perder tiempo mientras tenemos a nuestra disposición esos modelos; pues los que nos sirven de modelo de la felicidad no suelen tener muchas sesiones que ofrecernos, ni, como pasa también, ¡ay!, tan de prisa, tampoco las que nos sirven de modelo del dolor. Por otra parte, aun cuando no nos ofrece, descubriéndonosla, la materia de nuestra obra nos es útil incitándonos a ella. La imaginación, el pensamiento pueden ser máquinas admirables en sí, pero pueden ser inertes. El sufrimiento las pone entonces en marcha. Y los seres que nos sirven de modelo para el dolor ¡nos conceden sesiones tan frecuentes, en ese taller al que sólo vamos en esos períodos y que está en el interior de nosotros mismos! Estos períodos son como una imagen de nuestra vida con sus diversos dolores. Pues también ellos los contienen diferentes, y en el momento en que creíamos que era tranquilo, uno nuevo. Uno nuevo en todos los sentidos de la palabra: quizá porque esas situaciones imprevistas nos obligan a entrar más profundamente en contacto con nosotros mismos, esos dilemas dolorosos que el amor nos plantea a cada instante nos instruyen, nos descubren sucesivamente la materia de que estamos hechos.
D′ailleurs, même quand elle ne fournit pas, en nous la découvrant, la matière de notre œuvre, elle nous est utile en nous y incitant. L′imagination, la pensée, peuvent être des machines admirables en soi, mais elles peuvent être inertes. La souffrance alors les met en marche.
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Aussi, quand Françoise, voyant Albertine entrer, par toutes les portes ouvertes, chez moi comme un chien, mettre partout le désordre, me ruiner, me causer tant de chagrins, me disait (car à ce moment-là j′avais déjà fait quelques articles et quelques traductions) : « Ah ! si Monsieur à la place de cette fille qui lui fait perdre tout son temps avait pris un petit secrétaire bien élevé qui aurait classé toutes les paperoles de Monsieur ! » j′avais peut-être tort de trouver qu′elle parlait sagement. En me faisant perdre mon temps, en me faisant du chagrin, Albertine m′avait peut-être été plus utile, même au point de vue littéraire, qu′un secrétaire qui eût rangé mes paperoles. Mais tout de même, quand un être est si mal conformé (et peut-être dans la nature cet être est-il l′homme) qu′il ne puisse aimer sans souffrir, et qu′il faille souffrir pour apprendre des vérités, la vie d′un tel être finit par être bien lassante. Les années heureuses sont les années perdues, on attend une souffrance pour travailler. L′idée de la souffrance préalable s′associe à l′idée du travail, on a peur de chaque nouvelle œuvre en pensant aux douleurs qu′il faudra supporter d′abord pour l′imaginer. Et comme on comprend que la souffrance est la meilleure chose que l′on puisse rencontrer dans la vie, on pense sans effroi, presque comme à une délivrance, à la mort. Pourtant, si cela me révoltait un peu, encore fallait-il prendre garde que bien souvent nous n′avons pas joué avec la vie, profité des êtres pour les livres, mais tout le contraire. Le cas de Werther, si noble, n′était pas, hélas, le mien. Sans croire un instant à l′amour d′Albertine j′avais vingt fois voulu me tuer pour elle, je m′étais ruiné, j′avais détruit ma santé pour elle. Quand il s′agit d′écrire, on est scrupuleux, on regarde de très près, on rejette tout ce qui n′est pas vérité. Mais tant qu′il ne s′agit que de la vie, on se ruine, on se rend malade, on se tue pour des mensonges. Il est vrai que c′est de la gangue de ces mensonges-là que (si l′âge est passé d′être poète) on peut seulement extraire un peu de vérité. Les chagrins sont des serviteurs obscurs, détestés, contre lesquels on lutte, sous l′empire de qui on tombe de plus en plus, des serviteurs atroces, impossibles à remplacer et qui par des voies souterraines nous mènent à la vérité et à la mort. Heureux ceux qui ont rencontré la première avant la seconde, et pour qui, si proches qu′elles doivent être l′une de l′autre, l′heure de la vérité a sonné avant l′heure de la mort.
Por eso cuando Francisca, al ver a Albertina entrar como un perro por todas las puertas abiertas en mi casa, desordenarlo todo, arruinarme, causarme tantos disgustos, me decía (pues en aquel momento yo había hecho ya algunos artículos y algunas traducciones): «¡Ah, si el señor, en lugar de esa chica que le hace perder todo el tiempo, tuviera un pequeño secretario bien instruido que arreglara todos los papelotes del señor! », quizá me equivocaba pensando que Francisca hablaba sensatamente. Albertina, haciéndome perder el tiempo, causándome pena, quizá me fue más útil, hasta desde el punto de vista literario, que un secretario que me arreglara los papelotes. Pero, de todos modos, cuando una persona está tan mal conformada (y acaso en la naturaleza esa persona es el hombre) que no puede amar sin sufrir y que tenga que sufrir para aprender verdades, la vida de un ser así acaba por ser muy aburrida. Los años buenos son los años perdidos, se espera un sufrimiento para trabajar. La idea del sufrimiento previo se asocia a la idea del trabajo, cada nueva obra da miedo pensando en los dolores que habrá que soportar para imaginarla. Y como se comprende que el sufrimiento es lo mejor que se puede encontrar en la vida, se piensa en la muerte sin miedo, casi como en una liberación. Sin embargo, aunque esto me sublevaba un poco, había que tener en cuenta también que, en muchos casos, no hemos jugado con la vida, no hemos aprovechado los seres para los libros, sino todo lo contrario. Desgraciadamente, el caso de Werther, tan noble, no era mi caso. Sin creer ni por un momento en el amor de Albertina, veinte veces quise matarme por ella, por ella me arruiné, destruí mi salud. Cuando se trata de escribir, somos escrupulosos, miramos de muy cerca, rechazamos todo lo que no es verdad. Pero cuando se trata sólo de la vida nos arruinamos, enfermamos, nos matamos por mentiras. Verdad es que sólo de la ganga de esas mentiras podemos extraer (si ha pasado la edad de ser poeta) un poco de verdad. Las penas son servidores oscuros, detestados, contra los que luchamos, bajo cuyo imperio caemos cada vez más, servidores atroces, imposibles de sustituir y que por vías subterráneas, nos llevan a la verdad y a la muerte. ¡Dichosos aquellos que han encontrado la primera antes que la segunda y para los que, por próximas que deban estar una de otra, ha sonado la hora de la verdad antes que la hora de la muerte!
De ma vie passée je compris encore que les moindres épisodes avaient concouru à me donner la leçon d′idéalisme dont j′allais profiter aujourd′hui. Mes rencontres avec M. de Charlus, par exemple, ne m′avaient-elles pas permis, même avant que sa germanophilie me donnât la même leçon, et mieux encore que mon amour pour Mme de Guermantes, ou pour Albertine, que l′amour de Saint-Loup pour Rachel, de me convaincre combien la matière est indifférente et que tout peut y être mis par la pensée, vérité que le phénomène si mal compris, si inutilement blâmé, de l′inversion sexuelle grandit plus encore que celui déjà si instructif de l′amour ; celui-ci nous montre la beauté fuyant la femme que nous n′aimons plus et venant résider dans le visage que les autres trouveraient le plus laid, qui à nous-même aurait pu, pourra un jour nous déplaire ; mais il est encore plus frappant de la voir, obtenant tous les hommages d′un grand seigneur qui délaisse aussitôt une belle princesse, émigrer sous la casquette d′un contrôleur d′omnibus. Mon étonnement, à chaque fois que j′avais revu aux Champs-Élysées, dans la rue, sur la plage, le visage de Gilberte, de Mme de Guermantes, d′Albertine, ne prouvait-il pas combien un souvenir ne se prolonge que dans une direction divergente de l′impression avec laquelle il a coî£idé d′abord et de laquelle il s′éloigne de plus en plus ? L′écrivain ne doit pas s′offenser que l′inverti donne à ses héroî¥s un visage masculin. Cette particularité un peu aberrante permet seule à l′inverti de donner ensuite à ce qu′il lit toute sa généralité. Si M. de Charlus n′avait pas donné à l′« infidèle » sur qui Musset pleure dans la Nuit d′Octobre ou dans le Souvenir le visage de Morel, il n′aurait ni pleuré, ni compris, puisque c′était par cette seule voie, étroite et détournée, qu′il avait accès aux vérités de l′amour. L′écrivain ne dit que par une habitude prise dans le langage insincère des préfaces et des dédicaces : « mon lecteur ». En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. L′ouvrage de l′écrivain n′est qu′une espèce d′instrument optique qu′il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que, sans ce livre, il n′eût peut-être pas vu en soi-même. La reconnaissance en soi-même, par le lecteur, de ce que dit le livre est la preuve de la vérité de celui-ci, et vice versa, au moins dans une certaine mesure, la différence entre les deux textes pouvant être souvent imputée non à l′auteur mais au lecteur. De plus, le livre peut être trop savant, trop obscur pour le lecteur naî¤ et ne lui présenter ainsi qu′un verre trouble, avec lequel il ne pourra pas lire. Mais d′autres particularités (comme l′inversion) peuvent faire que le lecteur ait besoin de lire d′une certaine façon pour bien lire ; l′auteur n′a pas à s′en offenser mais, au contraire, à laisser la plus grande liberté au lecteur en lui disant : « Regardez vous-même si vous voyez mieux avec ce verre-ci, avec celui-là, avec cet autre. »
De mi vida pasada comprendí, además, que los menores episodios habían contribuido a darme la lección de idealismo de la que hoy iba a sacar provecho. Mis encuentros con monsieur de Charlus, ¿no me permitieron, incluso antes de que su germanofilia me diera la misma lección, mejor aún que mi amor por madame de Guermantes o por Albertina, que el amor de Saint-Loup por Raquel, convencerme de hasta qué punto es indiferente la materia y de que el pensamiento puede poner en ella todo, verdad esta que el fenómeno tan mal comprendido, tan inútilmente censurado, de la inversión sexual agranda más aún que él, ya tan instructivo, del amor? Éste nos muestra la belleza que abandona a la mujer que ya no amamos y que viene a residir en el rostro que a los demás les parecería feísimo, que a nosotros mismos hubiera podido, podrá un día desagradarnos; pero es más sorprendente aún verla, en pleno goce de los homenajes de un gran señor que abandona en seguida a una bella princesa, emigrar bajo la gorra de un cobrador de ómnibus. Mi sobrecogimiento cada vez que viera en los Champs-Elysées, en la calle, en la playa, el rostro de Gilberta, de madame de Guermantes, de Albertina, ¿no demostraba cómo un recuerdo sólo se prolonga en una dirección divergente de la impresión con la que coincidió primero y de la que se aleja cada vez más? El escritor no debe asustarse de que el invertido dé a sus heroínas un rostro masculino. Sólo esta particularidad un poco aberrante permite al invertido dar luego a lo que lee toda su generalización. Racine se vio obligado, para darle después todo su valor universal, a convertir por un momento a la Fedra antigua en una jansenista. De la misma manera, si monsieur de Charlus no hubiera dado a la «infiel» por la que Musset llora en La nuitd′Octobre o en Le souvenir el rostro de Morel, no habría ni llorado ni comprendido, porque sólo por esta vía, estrecha y desviada, tenía acceso a las verdades del amor. Sólo por una costumbre sacada del lenguaje insincero de los prólogos y de las dedicatorias dice el escritor: «Lector mío». En realidad, cada lector es, cuando lee, el propio lector de sí mismo. La obra del escritor no es más que una especie de instrumento óptico que ofrece al lector para permitirle discernir lo que, sin ese libro, no hubiera podido ver en sí mismo. El reconocimiento en sí mismo, por el lector, de lo que el libro dice es la prueba de la verdad de éste, y viceversa, al menos hasta cierto punto, porque la diferencia entre los dos textos se puede atribuir, en muchos casos, no al autor, sino al lector. Además, el libro puede ser demasiado sabio, demasiado oscuro para el lector sencillo y no ofrecerle más que un cristal borroso con el que no podrá leer. Pero otras particularidades (como la inversión) pueden hacer que el lector tenga que leer de cierta manera para leer bien; el autor no tiene por qué ofenderse, sino que, por el contrario, debe dejar la mayor libertad al lector diciéndole: «Mire usted mismo si ve mejor con este cristal, con este otro, con aquél».
Si je m′étais toujours tant intéressé aux rêves que l′on a pendant le sommeil, n′est-ce pas parce que, compensant la durée par la puissance, ils nous aident à mieux comprendre ce qu′a de subjectif, par exemple, l′amour ? Et cela par le simple fait que — mais avec une vitesse prodigieuse — ils réalisent ce qu′on appellerait vulgairement nous mettre une femme dans la peau, jusqu′à nous faire passionnément aimer pendant quelques minutes une laide, ce qui dans la vie réelle eût demandé des années d′habitude, de collage et — comme si elles étaient inventées par quelque docteur miraculeux — des piqûres intraveineuses d′amour, aussi bien qu′elles peuvent l′être aussi de souffrance ; avec la même vitesse la suggestion amoureuse qu′ils nous ont inculquée se dissipe, et quelquefois non seulement l′amoureuse nocturne a cessé d′être pour nous comme telle, étant redevenue la laide bien connue, mais quelque chose de plus précieux se dissipe aussi, tout un tableau ravissant de sentiments, de tendresse, de volupté, de regrets vaguement estompés, tout un embarquement pour Cythère de la passion dont nous voudrions noter, pour l′état de veille, les nuances d′une vérité délicieuse, mais qui s′efface comme une toile trop pâlie qu′on ne peut restituer. Eh bien, c′était peut-être aussi par le jeu formidable qu′ils font avec le Temps que les Rêves m′avaient fasciné. N′avais-je pas vu souvent en une nuit, en une minute d′une nuit, des temps bien lointains, relégués à ces distances énormes où nous ne pouvons presque plus rien distinguer des sentiments que nous y éprouvions, fondre à toute vitesse sur nous, nous aveuglant de leur clarté, comme s′ils avaient été des avions géants au lieu des pâles étoiles que nous croyions, nous faire ravoir tout ce qu′ils avaient contenu pour nous, nous donner l′émotion, le choc, la clarté de leur voisinage immédiat, qui ont repris une fois qu′on est réveillé la distance qu′ils avaient miraculeusement franchie, jusqu′à nous faire croire, à tort d′ailleurs, qu′ils étaient un des modes pour retrouver le Temps perdu ?
Si siempre me interesaron tanto los sueños que tenemos durmiendo, ¿no es porque, compensando la duración con la potencia, nos ayudan a comprender mejor lo que el amor, por ejemplo, tiene de subjetivo por el simple hecho de que realizan -pero con una rapidez prodigiosa- lo que se llamaría vulgarmente meternos una mujer en el pellejo, hasta hacernos amar apasionadamente durante un sueño de unos minutos a una fea, lo que en la vida real habría exigido años de costumbre, de trato, y como si fueran inyecciones intravenosas de amor, inventadas por algún doctor milagroso, como pudieran serlo también de sufrimiento? Con la misma rapidez se disipa la sugestión amorosa que nos han inculcado, y a veces no solamente la enamorada nocturna ha dejado de ser para nosotros como era y se ha tornado en la fea bien conocida, sino que se disipa también algo más precioso, todo un cuadro encantador de sentimientos de ternura, de voluptuosidad, de añoranzas vagamente insinuadas, todo un embarque para Citeres de la pasión de la que querríamos conservar, para el estado de vigilia, los matices de una verdad deliciosa, pero que se borra como un cuadro demasiado empalidecido cuyo color no se puede reconstituir. Y quizá el Sueño me había fascinado también por el formidable juego que hace con el Tiempo. ¿No había visto yo muchas veces en una noche, en un minuto de una noche, tiempos muy lejanos, relegados a esas distancias enormes donde ya no podemos distinguir nada de los sentimientos que en ellos sentíamos, precipitarse a toda velocidad sobre nosotros, cegándonos con su claridad, como si fueran aviones gigantescos en lugar de las pálidas -estrellas que creíamos, hacernos ver de nuevo todo lo que habían contenido para nosotros, dándonos la emoción, el choque, la claridad de su vecindad inmediata, que han recobrado, una vez despiertos, la distancia milagrosamente franqueada, hasta hacernos creer, erróneamente por lo demás, que eran una de las maneras de recobrar el Tiempo perdido?
Je m′étais rendu compte que seule la perception grossière et erronée place tout dans l′objet, quand tout est dans l′esprit ; j′avais perdu ma grand′mère en réalité bien des mois après l′avoir perdue en fait, j′avais vu les personnes varier d′aspect selon l′idée que moi ou d′autres s′en faisaient, une seule être plusieurs selon les personnes qui la voyaient (tels les divers Swann du début de cet ouvrage, suivant ceux qui le rencontraient ; la princesse de Luxembourg, suivant qu′elle était vue par le premier président ou par moi), même pour une seule au cours des années (les variations du nom de Guermantes, et les divers Swann pour moi). J′avais vu l′amour placer dans une personne ce qui n′est que dans la personne qui aime. Je m′en étais d′autant mieux rendu compte que j′avais fait varier et s′étendre à l′extrême la distance entre la réalité objective et l′amour (Rachel pour Saint-Loup et pour moi, Albertine pour moi et Saint-Loup, Morel ou le conducteur d′omnibus pour Charlus ou d′autres personnes). Enfin, dans une certaine mesure, la germanophilie de M. de Charlus, comme le regard de Saint-Loup sur la photographie d′Albertine, m′avait aidé à me dégager pour un instant, sinon de ma germanophobie, du moins de ma croyance en la pure objectivité de celle-ci et à me faire penser que peut-être en était-il de la haine comme de l′amour, et que, dans le jugement terrible que porte en ce moment même la France à l′égard de l′Allemagne, qu′elle juge hors de l′humanité, y avait-il surtout une objectivité de sentiments, comme ceux qui faisaient paraître Rachel et Albertine si précieuses, l′une à Saint-Loup, l′autre à moi. Ce qui rendait possible, en effet, que cette perversité ne fût pas entièrement intrinsèque à l′Allemagne est que, de même qu′individuellement j′avais eu des amours successives, après la fin desquelles l′objet de cet amour m′apparaissait sans valeur, j′avais déjà vu dans mon pays des haines successives qui avaient fait apparaître, par exemple, comme des traîtres — mille fois pires que les Allemands auxquels ils livraient la France — des dreyfusards comme Reinach avec lequel collaboreraient aujourd′hui les patriotes contre un pays dont chaque membre était forcément un menteur, une bête féroce, un imbécile, exception faite des Allemands qui avaient embrassé la cause française, comme le roi de Roumanie ou l′impératrice de Russie. Il est vrai que les antidreyfusards m′eussent répondu :
Me había dado cuenta de que sólo la percepción grosera y errónea pone todo en el objeto, cuando todo está en el espíritu; había perdido a mi abuela en realidad muchos meses antes de haberla perdido de hecho, había visto a las personas cambiar de aspecto según la idea que yo u otros nos hacíamos de ellas, había visto a una sola ser varias según las personas que la veían (por ejemplo, los diversos Swann del principio; princesa de Luxembourg para el primer presidente), hasta para una sola en el transcurso de los años (nombre de Guermantes, diversos Swann para mí). Había visto el amor situando en una persona lo que sólo está en la persona que ama. Me había dado cuenta de esto mejor aún porque yo había alargado extremadamente la distancia entre la realidad objetiva y el amor (Raquel para Saint-Loup y para mí, Albertina para mí y Saint-Loup, Morel o el conductor de ómnibus para Charlus u otras personas, y a pesar de esto ternuras de Charlus: versos de Musset, etc.). Por último, en cierto modo, la germanofilia de monsieur de Charlus, la mirada de Saint-Loup a la foto de Albertina, me ayudaron a desprenderme por un momento, si no de mi germanofobia, al menos de mi creencia en la pura objetividad de ésta, y a hacerme pensar que acaso ocurría con el Odio como con el Amor, y que, en el terrible juicio que en aquel momento mismo pronunciaba Francia con respecto a Alemania, a la que declaraba fuera de la humanidad, había, sobre todo, una objetivación de sentimientos, como los que tan preciosas nos presentaban a Raquel y a Albertina, la una a Saint-Loup, a mí la otra. En efecto, lo que hacía posible que esta perversidad no fuera enteramente intrínseca de Alemania es que, de la misma manera que yo, individualmente, tuve amores sucesivos, y, una vez terminados, quienes los inspiraron me parecían carentes de valor, había visto ya en mi país odios sucesivos que, por ejemplo, habían hecho parecer traidores -mil veces peores que los alemanes a los que entregaban Francia- a dreyfusistas como Reinach, con el que hoy colaboraban los patriotas contra un país del que cada miembro era forzosamente un impostor, una fiera, un imbécil, excepto los alemanes que habían abrazado la causa francesa, como el rey de Rumania, el rey de los belgas o la emperatriz de Rusia. Verdad es que los antidreyfusistas me contestarían:
« Ce n′est pas la même chose. » Mais, en effet, ce n′est jamais la même chose, pas plus que ce n′est la même personne, sans cela, devant le même phénomène, celui qui en est la dupe ne pourrait accuser que son état subjectif et ne pourrait croire que les qualités ou les défauts sont dans l′objet.
«No es lo mismo». Y, en efecto, nunca es lo mismo, como nunca es la misma persona: de otro modo, ante el mismo fenómeno, el que se deja engañar por ellas sólo podría acusar a su estado subjetivo y no podría creer que las cualidades y los defectos están en el objeto.
L′intelligence n′a point de peine alors à baser sur cette différence une théorie (enseignement contre nature des congréganistes selon les radicaux, impossibilité de la race juive à se nationaliser, haine perpétuelle de la race allemande contre la race latine, la race jaune étant momentanément réhabilitée). Ce côté subjectif se marquait, d′ailleurs, dans les conversations des neutres, où les germanophiles, par exemple, avaient la faculté de cesser un instant de comprendre et même d′écouter quand on leur parlait des atrocités allemandes en Belgique. (Et pourtant, elles étaient réelles.) Ce que je remarquais de subjectif dans la haine comme dans la vue elle-même n′empêchait pas que l′objet pût posséder des qualités ou des défauts réels et ne faisait nullement s′évanouir la réalité en un pur « relativisme ». Et si, après tant d′années écoulées et de temps perdu, je sentais cette influence capitale du lac interne jusque dans les relations internationales, tout au commencement de ma vie ne m′en étais-je pas douté quand je lisais dans le jardin de Combray un de ces romans de Bergotte que même aujourd′hui, si j′en ai feuilleté quelques pages oubliées où je vois les ruses d′un méchant, je ne repose le livre qu′après m′être assuré, en passant cent pages, que vers la fin ce même méchant est dûment humilié et vit assez pour apprendre que ses ténébreux projets ont échoué. Car je ne me rappelais plus bien ce qui était arrivé à ces personnages, ce qui ne les différenciait d′ailleurs pas des personnes qui se trouvaient cet après-midi chez Mme de Guermantes et dont, pour plusieurs au moins, la vie passée était aussi vague pour moi que si je l′eusse lue dans un roman à demi oublié.
Entonces a la inteligencia no le es difícil basar en esta diferencia una teoría (enseñanza contra natura de los congregacionistas según los radicales, imposibilidad de la raza judía para nacionalizarse, odio perpetuo de la raza alemana contra la raza latina, pues la raza amarilla está momentáneamente rehabilitada). Por lo demás, este lazo subjetivo resaltaba en las conversaciones de los neutrales, donde los germanófilos, por ejemplo, tenían la facultad de dejar por un momento de comprender y hasta de escuchar cuando les hablaban de las atrocidades alemanas en Bélgica. (Y, sin embargo, eran reales: lo que yo observaba de subjetivo en el odio y en la vista misma no impedía que el objeto pudiera poseer cualidades o defectos reales y no hacía en modo alguno que se esfumara la realidad en un puro relativismo.) Y si, al cabo de tantos años transcurridos y de tanto tiempo perdido, notaba yo esta influencia capital hasta en las relaciones internacionales, ¿no lo sospechaba yo muy al principio de mi vida cuando leía en el jardín de Combray una de aquellas novelas de Bergotte de las que, incluso hoy, si hojeo algunas páginas olvidadas en las que veo las proezas de un malvado, no descanso hasta estar seguro, pasando cien páginas, de que, al final, el infame es debidamente humillado y vive lo bastante para enterarse de que sus tenebrosos proyectos han fracasado? Pues yo ya no recordaba bien lo que había ocurrido a aquellos personajes, lo que, por lo demás, no los diferenciaba de las personas que se encontraban aquella tarde en casa de madame de Guermantes y cuya vida pasada, por lo menos la de algunos, era tan vaga para mí como si la hubiera leído en una novela medio olvidada.
Le prince d′Agrigente avait-il fini par épouser Mlle X ? Ou plutôt n′était-ce pas le frère de Mlle X qui avait dû épouser la sœur du prince d′Agrigente ? Ou bien faisais-je une confusion avec une ancienne lecture ou un rêve récent ? Le rêve était encore un de ces faits de ma vie qui m′avait toujours le plus frappé, qui avait dû le plus servir à me convaincre du caractère purement mental de la réalité, et dont je ne dédaignerais pas l′aide dans la composition de mon œuvre. Quand je vivais, d′une façon un peu moins désintéressée, pour un amour, un rêve venait rapprocher singulièrement de moi, lui faisant parcourir de grandes distances de temps perdu, ma grand′mère, Albertine que j′avais recommencé à aimer parce qu′elle m′avait fourni, dans mon sommeil, une version, d′ailleurs atténuée, de l′histoire de la blanchisseuse. Je pensai qu′ils viendraient quelquefois rapprocher ainsi de moi des vérités, des impressions, que mon effort seul, ou même les rencontres de la nature ne me présentaient pas ; qu′ils réveilleraient en moi du désir, du regret de certaines choses inexistantes, ce qui est la condition pour travailler, pour s′abstraire de l′habitude, pour se détacher du concret. Je ne dédaignerais pas cette seconde muse, cette muse nocturne qui suppléerait parfois à l′autre.
¿Había acabado el príncipe de Agrigente por casarse con mademoiselle X...? ¿O era más bien que el hermano de mademoiselle X debió de casarse con la hermana del príncipe de Agrigente? ¿O será que me confundo con una antigua lectura o con un sueño reciente? El sueño era todavía uno de los hechos de mi vida que más me habían impresionado siempre, que más debieron de servir para convencerme del carácter puramente mental de la realidad, y cuya ayuda no desdeñaría en la composición de mi obra. Cuando, de una manera un poco menos desinteresada, vivía para un amor, un sueño me acercaba singularmente, haciéndole recorrer grandes distancias de tiempo perdido, a mi abuela, a Albertina, a la que volvía a amar porque, en mi sueño, me daba una versión, atenuada por lo demás, de la historia de la lavandera. Pensé que alguna vez me traerían así ciertas verdades, ciertas impresiones que mi solo esfuerzo, ni siquiera los encuentros de la naturaleza, me presentaban; que despertarían en mí el deseo, la añoranza de ciertas cosas inexistentes, condición necesaria para trabajar, para liberarse del hábito, para apartarse de lo concreto. Yo no desdeñaría esta segunda musa, esta musa nocturna que a veces sustituiría a la otra.
J′avais vu les nobles devenir vulgaires quand leur esprit (comme celui du duc de Guermantes, par exemple) était vulgaire : « Vous n′êtes pas gêné », disait-il, comme eût pu dire Cottard. J′avais vu dans la médecine, dans l′affaire Dreyfus, pendant la guerre, croire que la vérité c′est un certain fait, que les ministres, le médecin possèdent, un oui ou non qui n′a pas besoin d′interprétation, qui font qu′un cliché radiographique indiquerait sans interprétation ce qu′a le malade, que les gens au pouvoir savaient si Dreyfus était coupable, savaient (sans avoir besoin d′envoyer pour cela Roques enquêter sur place) si Sarrail avait ou non les moyens de marcher en même temps que les Russes.
He visto nobles resultar vulgares cuando su espíritu, como el del duque de Guermantes por ejemplo, era vulgar («No se recata usted», como podría decir Cottard). Había visto creer en el asunto Dreyfus, durante la guerra, que la verdad es un determinado hecho que los ministros poseen, un sí o un no que no necesita interpretación, en virtud del cual las personas del poder sabían si Dreyfus era culpable, sabían (sin necesidad de mandar para esto a Roques a investigar sobre el terreno) si Sarrail tenía o no los medios de avanzar al mismo tiempo que los rusos
Il n′est pas une heure de ma vie qui n′eût ainsi servi à m′apprendre, comme je l′ai dit, que seule la perception grossière et erronée place tout dans l′objet quand tout, au contraire, est dans l′esprit.
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En somme, si j′y réfléchissais, la matière de mon expérience me venait de Swann, non pas seulement par tout ce qui le concernait lui-même et Gilberte. Mais c′était lui qui m′avait, dès Combray, donné le désir d′aller à Balbec, où, sans cela, mes parents n′eussent jamais eu l′idée de m′envoyer, et sans quoi je n′aurais pas connu Albertine.
Bien pensado, la materia de mi experiencia, que sería la materia de mi libro, procedía de Swann no sólo por todo lo que se refería a él mismo y a Gilberta, sino que fue él quien me dio ya en Combray el deseo de ir a Balbec, a donde, de no ser por esto, no se les habría ocurrido a mis padres la idea de mandarme, y yo no habría conocido a Albertina,
Certes, c′est à son visage, tel que je l′avais aperçu pour la première fois devant la mer, que je rattachais certaines choses que j′écrirais sans doute. En un sens j′avais raison de les lui rattacher, car si je n′étais pas allé sur la digue ce jour-là, si je ne l′avais pas connue, toutes ces idées ne se seraient pas développées (à moins qu′elles ne l′eussent été par une autre). J′avais tort aussi, car ce plaisir générateur que nous aimons à trouver rétrospectivement dans un beau visage de femme vient de nos sens : il était bien certain, en effet, que ces pages que j′écrirais, Albertine, surtout l′Albertine d′alors, ne les eût pas comprises. Mais c′est justement pour cela (et c′est une indication à ne pas vivre dans une atmosphère trop intellectuelle), parce qu′elle était si différente de moi, qu′elle m′avait fécondé par le chagrin et même d′abord par le simple effort pour imaginer ce qui diffère de soi. Ces pages, si elle avait été capable de les comprendre, par cela même elle
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ne les eût pas inspirées. Mais sans Swann je n′aurais pas connu même les Guermantes, puisque ma grand′mère n′eût pas retrouvé Mme de Villeparisis, moi fait la connaissance de Saint-Loup et de M. de Charlus, ce qui m′avait fait connaître la duchesse de Guermantes et par elle sa cousine, de sorte que ma présence même en ce moment chez le prince de Guermantes, où venait de me venir brusquement l′idée de mon œuvre (ce qui faisait que je devrais à Swann non seulement la matière mais la décision), me venait aussi de Swann. Pédoncule un peu mince peut-être pour supporter ainsi l′étendue de toute ma vie. (Ce « côté de Guermantes » s′était trouvé, en ce sens, ainsi procéder du « côté de chez Swann ».) Mais bien souvent cet auteur des aspects de notre vie est quelqu′un de bien inférieur à Swann, est l′être le plus médiocre. N′eût-il pas suffi qu′un camarade quelconque m′indiquât quelque agréable fille à y posséder (que probablement je n′y aurais pas rencontrée) pour que je fusse allé à Balbec ? Souvent ainsi on rencontre plus tard un camarade déplaisant, on lui serre à peine la main, et pourtant, si jamais on y réfléchit, c′est d′une parole en l′air qu′il nous a dite, d′un « vous devriez venir à Balbec », que toute notre vie et notre œuvre sont sorties. Nous ne lui en avons aucune reconnaissance, sans que cela soit faire preuve d′ingratitude. Car en disant ces mots, il n′a nullement pensé aux énormes conséquences qu′ils auraient pour nous. C′est notre sensibilité et notre intelligence qui ont exploité les circonstances, lesquelles, la première impulsion donnée, se sont engendrées les unes les autres sans qu′il eût pu prévoir la cohabitation avec Albertine plus que la soirée masquée chez les Guermantes. Sans doute son impulsion fut nécessaire, et par là la forme extérieure de notre vie, la matière même de notre œuvre dépendent de lui. Sans Swann, mes parents n′eussent jamais eu l′idée de m′envoyer à Balbec. Il n′était pas, d′ailleurs, responsable des souffrances que lui-même avait indirectement causées. Elles tenaient à ma faiblesse. La sienne l′avait bien fait souffrir lui-même par Odette. Mais, en déterminant ainsi la vie que nous avons menée, il a par là même exclu toutes les vies que nous aurions pu mener à la place de celle-là. Si Swann ne m′avait pas parlé de Balbec, je n′aurais pas connu Albertine, la salle à manger de l′hôtel, les Guermantes. Mais je serais allé ailleurs, j′aurais connu des gens différents, ma mémoire comme mes livres serait remplie de tableaux tout autres, que je ne peux même pas imaginer et dont la nouveauté, inconnue de moi, me séduit et me fait regretter de n′être pas allé plutôt vers elle, et qu′Albertine et la plage de Balbec et de Rivebelle et les Guermantes ne me fussent pas toujours restés inconnus.
ni siquiera a los Guermantes, puesto que mi abuela no habría encontrado a madame de Villeparisis, ni yo habría conocido a Saint-Loup y a monsieur de Charlus, por los cuales conocí a la duquesa de Guermantes y por ésta a su prima, de suerte que mi presencia misma en este momento en casa del príncipe de Guermantes, donde acababa de ocurrírseme de pronto la idea de mi obra (de donde resultaba que debía a Swann no sólo la materia, sino la decisión), procedía también de Swann. Pedúnculo quizá un poco delgado para soportar la extensión de toda mi vida (es decir, que «el camino de Guermantes »procedía así, en cierto sentido, del «camino de Swann»). Pero en muchos casos ese autor de los aspectos de nuestra vida es alguien muy inferior a Swann, es el ser más mediocre. ¿No me hubiera bastado para ir a Balbec que un compañero cualquiera me indicara alguna muchacha agradable a quien podría poseer (a la que probablemente no habría encontrado)? Así ocurre que encontramos más tarde un compañero desagradable, le estrechamos la mano y, sin embargo, si alguna vez lo pensamos bien, resulta que toda nuestra vida y nuestra obra salieron de una palabra que nos dijo en el aire, de un «Deberías ir a Balbec». No le guardamos ninguna gratitud, sin que esto demuestre que somos desagradecidos. Pues al decir aquellas palabras no pensó ni mucho menos en las enormes consecuencias que iban a tener para nosotros. Fueron nuestra sensibilidad y nuestra inteligencia las que explotaron las circunstancias, las cuales, una vez recibido el primer impulso, se engendraron unas a otras, sin que el compañero pudiera prever la cohabitación con Albertina, como no podía prever el baile de máscaras en casa de los Guermantes. Seguramente fue necesario su impulso, y en este sentido la forma exterior de nuestra vida, la materia misma de nuestra obra, dependen de él. A no ser por Swann, a mis padres no se les habría ocurrido jamás la idea de mandarme a Balbec. (Por lo demás, Swann no era en absoluto responsable de los sufrimientos que él me había causado indirectamente: se debían a mi debilidad, como la suya le había hecho sufrir a él por Odette.) Pero, al determinar así la vida que hemos llevado, excluyó por eso mismo todas las vidas que hubiéramos podido llevar en lugar de aquélla. Si Swann no me hubiera hablado de Balbec, yo no habría conocido a Albertina, el comedor del hotel, a los Guermantes. Pero habría ido a otro sitio, habría conocido a otras personas, mi memoria, como mis libros, estaría llena de cuadros muy diferentes, de cuadros que ni siquiera puedo imaginar y cuya novedad, desconocida por mí, me seduce y me hace lamentar no haber ido más bien hacía ella y que Albertina y la playa de Balbec y Rivebelle y los Guermantes no permanecieran siempre desconocidos para mí.
La jalousie est un bon recruteur qui, quand il y a un creux dans notre tableau, va nous chercher dans la rue la belle fille qu′il fallait. Elle n′était plus belle, elle l′est redevenue, car nous sommes jaloux d′elle, elle remplira ce vide.
Los celos son un buen reclutador que, cuando hay un hueco en nuestro cuadro, va a buscarnos a la calle la hermosa muchacha que hacía falta. Ya no era hermosa, ha vuelto a serlo, porque tenemos celos de ella, y llenará ese vacío.
Une fois que nous serons morts, nous n′aurons pas de joie que ce tableau ait été ainsi complété. Mais cette pensée n′est nullement décourageante. Car nous sentons que la vie est un peu plus compliquée qu′on ne dit, et même les circonstances. Et il y a une nécessité pressante à montrer cette complexité. La jalousie, si utile, ne naît pas forcément d′un regard, ou d′un récit, ou d′une rétroflexion. On peut la trouver, prête à nous piquer, entre les feuillets d′un annuaire — ce qu′on appelle « Tout-Paris » pour Paris, et pour la campagne « Annuaire des Châteaux » ; — nous avions distraitement entendu dire par telle belle fille qui nous était devenue indifférente qu′il lui faudrait aller voir quelques jours sa sœur dans le Pas-de-Calais. Nous avions aussi distraitement pensé autrefois que peut-être bien la belle fille avait été courtisée par M. E. qu′elle ne voyait plus jamais, car plus jamais elle n′allait dans ce bar où elle le voyait jadis. Que pouvait être sa sœur ? femme de chambre peut-être ? Par discrétion nous ne l′avions pas demandé. Et puis voici qu′en ouvrant au hasard l′Annuaire des Châteaux, nous trouvons que M. E. a son château dans le Pas-de-Calais, près de Dunkerque. Plus de doute, pour faire plaisir à la belle fille il a pris sa sœur comme femme de chambre, et si la belle fille ne le voit plus dans le bar, c′est qu′il la fait venir chez lui, habitant Paris presque toute l′année, mais ne pouvant se passer d′elle, même pendant qu′il est dans le Pas-de-Calais. Les pinceaux, ivres de fureur et d′amour, peignent, peignent. Et pourtant, si ce n′était pas cela ? Si vraiment M. E. ne voyait plus jamais la belle fille mais, par serviabilité, avait recommandé la sœur de celle-ci à un frère qu′il a, habitant, lui, toute l′année le Pas-de-Calais ? De sorte qu′elle va même peut-être par hasard voir sa sœur au moment où M. E. n′est pas là, car ils ne se soucient plus l′un de l′autre. Et à moins encore que la sœur ne soit pas femme de chambre dans le château ni ailleurs, mais ait des parents dans le Pas-de-Calais. Notre douleur du premier instant cède devant ces dernières suppositions qui calment toute jalousie. Mais qu′importe ? celle-ci, cachée dans les feuillets de l′Annuaire des Châteaux, est venue au bon moment, car maintenant le vide qu′il y avait dans la toile est comblé. Et tout se compose bien, grâce à la présence suscitée par la jalousie de la belle fille dont déjà nous ne sommes plus jaloux et que nous n′aimons plus.
Una vez muertos, no nos alegrará que ese cuadro se completara así. Pero esta idea no es nada desalentadora. Pues nos damos cuenta de que la vida es un poco más complicada de lo que se dice, y también las circunstancias. Y hay una apremiante necesidad de mostrar esa complejidad. Los celos, tan útiles, no nacen forzosamente de una mirada, o de un relato, o de una retroflexión. Podemos encontrarlos, dispuestos a herirnos, entre las hojas de un anuario -lo que se llama «Tout-Paris» en cuanto a París, y «Annuaire des Châteaux» en cuanto al campo-. Distraídos, habíamos oído decir a la hermosa muchacha ya indiferente para nosotros que tenía que ir unos días a ver a su hermana en el Paso de Caíais, cerca de Dunkerque; también pensamos distraídamente en otro tiempo que quizá a la hermosa muchacha la había cortejado monsieur E., al que ya nunca veía, pues ya no iba jamás al bar donde le encontraba antes. ¿Qué sería su hermana? ¿Acaso una criada? Por discreción no lo preguntamos. Y después, al abrir por casualidad el «Annuaire des Châteaux», nos encontramos con que monsieur E. tiene un castillo en el Paso de Calais, cerca de Dunkerque. Ya no hay duda: por dar gusto a la hermosa muchacha ha tomado de doncella a su hermana, y si la hermosa muchacha no le ve ya en el bar es que monsieur E. la hace ir a su casa, pues vive en París casi todo el año, pero no puede pasar sin ella ni siquiera cuando está en el Paso de Calais. Los pinceles, ebrios de furor y de amor, pintan, pintan. Pero ¿y si no fuera así? ¿Si verdaderamente monsieur E. no viera ya nunca a la hermosa muchacha y, por hacer un favor, hubiera recomendado a la hermana de ésta a un hermano suyo que vive todo el año en el Paso de Calais? De suerte que la muchacha va, puede que hasta por casualidad, a ver a su hermana cuando monsieur E. no está allí, pues ya no se ocupan el uno del otro. Y a menos, incluso, que la hermana no sea doncella en el castillo ni en ningún sitio, sino que tenga parientes en el Paso de Calais. Ante estas últimas suposiciones, que calman todos los celos, cede nuestro dolor del primer momento. Pero ¿qué importa? Los celos, ocultos en las hojas del «Annuaire des Châteaux», han surgido oportunamente, pues ahora ya está ocupado el hueco que había en el cuadro. Y todo se compone bien, gracias a la presencia suscitada por los celos de la hermosa muchacha por la que ya no sentimos celos y a la que ya no amamos.
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À ce moment le maître d′hôtel vint me dire que, le premier morceau étant terminé, je pouvais quitter la bibliothèque et entrer dans les salons. Cela me fit ressouvenir où j′étais. Mais je ne fus nullement troublé dans le raisonnement que je venais de commencer par le fait qu′une réunion mondaine, le retour dans la société, m′eussent fourni ce point de départ vers une vie nouvelle que je n′avais pas su trouver dans la solitude. Ce fait n′avait rien d′extraordinaire, une impression qui pouvait ressusciter en moi l′homme éternel n′étant pas liée plus forcément à la solitude qu′à la société (comme j′avais cru autrefois, comme cela avait peut-être été pour moi autrefois, comme cela aurait peut-être dû être encore si je m′étais harmonieusement développé, au lieu de ce long arrêt qui semblait seulement prendre fin). Car n′éprouvant cette impression de beauté que quand à une sensation actuelle, si insignifiante fût-elle, venait se superposer une sensation semblable qui, renaissant spontanément en moi, venait étendre la première sur plusieurs époques à la fois, et remplissait mon âme, où habituellement les sensations particulières laissaient tant de vide, par une essence générale, il n′y avait pas de raison pour que je ne reçusse des sensations de ce genre dans le monde aussi bien que dans la nature, puisqu′elles sont fournies par le hasard, aidé sans doute par l′excitation particulière qui fait que, les jours où on se trouve en dehors du train courant de la vie, les choses même les plus simples recommencent à nous donner des sensations dont l′habitude fait faire l′économie à notre système nerveux. Que ce fût justement et uniquement ce genre de sensations qui dût conduire à l′œuvre d′art, j′allais essayer d′en trouver la raison objective, en continuant les pensées que je n′avais cessé d′enchaîner dans la bibliothèque, car je sentais que le déchaînement de la vie spirituelle était assez fort en moi maintenant pour pouvoir continuer aussi bien dans le salon, au milieu des invités, que seul dans la bibliothèque ; il me semblait qu′à ce point de vue même, au milieu de cette assistance si nombreuse, je saurais réserver ma solitude. Car pour la même raison que de grands événements n′influent pas du dehors sur nos puissances d′esprit, et qu′un écrivain médiocre vivant dans une époque épique restera un tout aussi médiocre écrivain, ce qui était dangereux dans le monde c′étaient les dispositions mondaines qu′on y apporte. Mais par lui-même il n′était pas plus capable de vous rendre médiocre qu′une guerre héroî°µe de rendre sublime un mauvais poète. En tout cas, qu′il fût théoriquement utile ou non que l′œuvre d′art fût constituée de cette façon, et en attendant que j′eusse examiné ce point comme j′allais le faire, je ne pouvais nier que vraiment, en ce qui me concernait, quand des impressions vraiment esthétiques m′étaient venues, ç′avait toujours été à la suite de sensations de ce genre. Il est vrai qu′elles avaient été assez rares dans ma vie, mais elles la dominaient, je pouvais retrouver dans le passé quelques-uns de ces sommets que j′avais eu le tort de perdre de vue (ce que je comptais ne plus faire désormais). Et déjà je pouvais dire que si c′était chez moi, par l′importance exclusive qu′il prenait, un trait qui m′était personnel, cependant j′étais rassuré en découvrant qu′il s′apparentait à des traits moins marqués, mais reconnaissables, discernables et, au fond, assez analogues chez certains écrivains. N′est-ce pas à mes sensations du genre de celle de la madeleine qu′est suspendue la plus belle partie des Mémoires d′Outre-Tombe : « Hier au soir je me promenais seulÂ… je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d′une grive perchée sur la plus haute branche d′un bouleau. À l′instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel ; j′oubliai les catastrophes dont je venais d′être le témoin et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j′entendis si souvent siffler la grive. » Et une des deux ou trois plus belles phrases de ces Mémoires n′est-elle pas celle-ci : « Une odeur fine et suave d′héliotrope s′exhalait d′un petit carré de fèves en fleurs ; elle ne nous était point apportée par une brise de la patrie, mais par un vent sauvage de Terre-Neuve, sans relation avec la plante exilée, sans sympathie de réminiscence et de volupté. Dans ce parfum, non respiré de la beauté, non épuré dans son sein, non répandu sur ses traces, dans ce parfum chargé d′aurore, de culture et de monde, il y avait toutes les mélancolies des regrets, de l′absence et de la jeunesse. » Un des chefs-d′œuvre de la littérature française, Sylvie, de Gérard de Nerval, a, tout comme le livre des Mémoires d′Outre-Tombe relatif à Combourg, une sensation du même genre que le goût de la madeleine et « le gazouillement de la grive ». Chez Baudelaire enfin, ces réminiscences, plus nombreuses encore, sont évidemment moins fortuites et par conséquent, à mon avis, décisives. C′est le poète lui-même qui, avec plus de choix et de paresse, recherche volontairement, dans l′odeur d′une femme par exemple, de sa chevelure et de son sein, les analogies inspiratrices qui lui évoqueront « l′azur du ciel immense et rond » et « un port rempli de voiles et de mâts ». J′allais chercher à me rappeler les pièces de Baudelaire à la base desquelles se trouve ainsi une sensation transposée, pour achever de me replacer dans une filiation aussi noble et me donner par là l′assurance que l′œuvre que je n′avais plus aucune hésitation à entreprendre méritait l′effort que j′allais lui consacrer, quand, étant arrivé au bas de l′escalier qui descendait de la bibliothèque, je me trouvai tout à coup dans le grand salon et au milieu d′une fête qui allait me sembler bien différente de celles auxquelles j′avais assisté autrefois et allait revêtir pour moi un aspect particulier et prendre un sens nouveau. En effet, dès que j′entrai dans le grand salon, bien que je tinsse toujours ferme en moi, au point où j′en étais, le projet que je venais de former, un coup de théâtre se produisit qui allait élever contre mon entreprise la plus grave des objections. Une objection que je surmonterais sans doute, mais qui, tandis que je continuais à réfléchir en moi-même aux conditions de l′œuvre d′art, allait, par l′exemple cent fois répété de la considération la plus propre à me faire hésiter, interrompre à tout instant mon raisonnement. Au premier moment je ne compris pas pourquoi j′hésitais à reconnaître le maître de maison, les invités, pourquoi chacun semblait s′être « fait une tête », généralement poudrée et qui les changeait complètement. Le prince avait encore, en recevant, cet air bonhomme d′un roi de féerie que je lui avais trouvé la première fois, mais cette fois, semblant s′être soumis lui-même à l′étiquette qu′il avait imposée à ses invités, il s′était affublé d′une barbe blanche et traînait à ses pieds, qu′elles alourdissaient, comme des semelles de plomb. Il semblait avoir assumé de figurer un des « âges de la vie ». Ses moustaches étaient blanches aussi, comme s′il restait après elles le gel de la forêt du Petit Poucet. Elles semblaient incommoder sa bouche raidie et, l′effet une fois produit, il aurait dû les enlever. À vrai dire, je ne le reconnus qu′à l′aide d′un raisonnement, et en concluant de la simple ressemblance de certains traits à une identité de la personne. Je ne sais ce que ce petit Lezensac avait mis sur sa figure, mais tandis que d′autres avaient blanchi, qui la moitié de leur barbe, qui leurs moustaches seulement, lui, sans s′embarrasser de ces teintures, avait trouvé le moyen de couvrir sa figure de rides, ses sourcils de poils hérissés ; tout cela, d′ailleurs, ne lui seyait pas, son visage faisait l′effet d′être durci, bronzé, solennisé, cela le vieillissait tellement qu′on n′aurait plus dit du tout un jeune homme. Je fus bien étonné au même moment en entendant appeler duc de Châtellerault un petit vieillard aux moustaches argentées d′ambassadeur, dans lequel seul un petit bout de regard resté le même me permit de reconnaître le jeune homme que j′avais rencontré une fois en visite chez Mme de Villeparisis. À la première personne que je parvins ainsi à identifier, en tâchant de faire abstraction du travestissement et de compléter les traits restés naturels, par un effort de mémoire, ma première pensée eût dû être et fut peut-être, bien moins d′une seconde, de la féliciter d′être si merveilleusement grimée qu′on avait d′abord, avant de la reconnaître, cette hésitation que les grands acteurs paraissant dans un rôle où ils sont différents d′eux-mêmes donnent, en entrant en scène, au public qui, même averti par le programme, reste un instant ébahi avant d′éclater en applaudissements. À ce point de vue, le plus extraordinaire de tous était mon ennemi personnel, M. d′Argencourt, le véritable clou de la matinée. Non seulement, au lieu de sa barbe à peine poivre et sel, il s′était affublé d′une extraordinaire barbe d′une invraisemblable blancheur, mais encore, tant de petits changements matériels pouvant rapetisser, élargir un personnage et, bien plus, changer son caractère apparent, sa personnalité, c′était un vieux mendiant qui n′inspirait plus aucun respect qu′était devenu cet homme dont la solennité, la raideur empesée était encore présente à mon souvenir, et il donnait à son personnage de vieux gâteux une telle vérité, que ses membres tremblotaient, que les traits détendus de sa figure, habituellement hautaine, ne cessaient de sourire avec une niaise béatitude. Poussé à ce degré, l′art du déguisement devient quelque chose de plus, une transformation. En effet, quelques riens avaient beau me certifier que c′était bien M. d′Argencourt qui donnait ce spectacle inénarrable et pittoresque, combien d′états successifs d′un visage ne me fallait-il pas traverser si je voulais retrouver celui du d′Argencourt que j′avais connu, et qui était tellement différent de lui-même, tout en n′ayant à sa disposition que son propre corps.
En este momento vino el mayordomo del hotel a decirme que había terminado la primera pieza y, por consiguiente, podía dejar la biblioteca y entrar en el salón. Esto me hizo acordarme de dónde estaba. Pero no me perturbó el razonamiento que acababa de comenzar por el hecho de que una reunión mundana, el retorno a la sociedad, me hubieran proporcionado aquel punto de partida hacia una vida nueva que no había sabido encontrar en la soledad. Este hecho no tenía nada de extraordinario, pues una impresión que podía resucitar en mí al hombre eterno no estaba forzosamente más unida a la soledad que a la sociedad (como creí en otro tiempo, como quizá lo estuvo para mí en otro tiempo, como acaso debiera estarlo todavía si yo me hubiera desarrollado armoniosamente, en lugar de aquella larga detención que sólo ahora parecía terminar). Pues encontrando esta impresión de belleza solamente cuando, ofrecida por el azar una sensación actual, por insignificante que fuere, una sensación semejante, renaciendo espontáneamente en mí, venía a extender la primera a varias épocas a la vez y me llenaba el alma, donde las sensaciones particulares dejaban tanto vacío, de una esencia general, no había razón para no recibir sensaciones de este género en el gran mundo lo mismo que en la naturaleza, puesto que las ofrece la casualidad, ayudada sin duda por esa excitación especial en virtud de la cual los días en que nos encontramos fuera del devenir corriente de la vida hasta las cosas más sencillas vuelven a darnos sensaciones que el Hábito ahorra a nuestro sistema nervioso. Yo iba a procurar encontrar la razón objetiva de que fuera precisa y únicamente esta clase de sensaciones lo que debiera conducir a la obra de arte, siguiendo los pensamientos que no había dejado de eslabonar en la biblioteca, pues notaba que ahora el impulso de la vida espiritual era en mí lo bastante fuerte para poder continuar en el salón, en medio de los invitados, lo mismo que en la biblioteca; me parecía que desde este punto de vista, incluso en medio de aquella concurrencia tan numerosa, sabría reservar mi soledad. Pues por la misma razón de que grandes acontecimientos no influyen desde fuera sobre nuestras potencias espirituales, y de que un escritor mediocre que vive en un período épico seguirá siendo un escritor mediocre, lo peligroso en el mundo eran las disposiciones mundanas que se llevan a él; pero, en sí mismo, no era más capaz de volvernos mediocres que una guerra heroica de volver sublime a un mal poeta. En todo caso, fuera o no fuera útil teóricamente que se hiciera así la obra de arte, y en tanto estudiaba este punto, como pensaba hacerlo, no podía negar que, en cuanto a mí, cuando sentía impresiones verdaderamente estéticas, era siempre después de sensaciones de esta clase. Verdad es que fueron bastante raras en mi vida, pero la dominaban, podía encontrar en el pasado algunas de aquellas cimas que cometí el error de perder de vista (lo que pensaba no volver a hacer en lo sucesivo). Y ya podía decir que si esto era en mí, por la importancia exclusiva que tomaba, un rasgo personal, sin embargo me tranquilizaba al descubrir que tenía relación con otros rasgos menos marcados, pero discernibles, y en el fondo bastante análogos, en otros escritores. No es de una sensación del tipo de la de la magdalena de la que está suspendida la parte más bella de las Mémoires d′outre-tombe: «Anoche estaba paseando solo..., me sacó de mis reflexiones el canto de un tordo encaramado en la rama más alta de un abedul. Instantáneamente, sus notas mágicas hicieron reaparecer ante mis ojos la finca paterna; olvidé las catástrofes de que acababa de ser testigo y, súbitamente trasladado al pasado, volví a ver aquellos campos donde tantas veces oí el canto del tordo». Y una de las dos o tres más bellas frases de esas Mémoires es precisamente ésta: «De un pequeño cuadro de habas en flor emanaba un olor sutil y suave a heliotropo; no nos lo traía una brisa de la patria, sino un viento salvaje de Terranova, sin relación con la planta expatriada, sin simpatía de reminiscencia y de voluptuosidad. En aquel perfume de la belleza no respirado, no depurado en su seno, no expandido sobre sus huellas, en aquel perfume expatriado de aurora, de cultivo y de mundo, había todas las melancolías de las nostalgias, de la ausencia y de la juventud». Una de las obras maestras de la literatura francesa, Sylvie, de Gérard de Nerval, tiene, lo mismo que el libro de las Mémoiresd′outretombe relativo a Combourg, una sensación del mismo género que el gusto de la magdalena y «el canto del tordo». También en Baudelaire esas reminiscencias, más numerosas aún, son evidentemente menos fortuitas y, por consiguiente, a mi parecer, decisivas. Es el poeta mismo quien, con más cuidado y más pereza, busca voluntariamente, en el olor de una mujer, por ejemplo, de su pelo y de su seno, las analogías inspiradoras que le evocarán «el azur del cielo inmenso y redondo» y «un puerto lleno de llamas y de mástiles». Yo iba a intentar recordar las composiciones de Baudelaire en cuya base se encuentra una sensación así traspuesta, para acabar de situarme de nuevo en una filiación tan noble y estar seguro de que la obra que ya no dudaba que iba a emprender merecería el esfuerzo que iba a dedicarle, cuando, llegado al pie de la escalera que descendía de la biblioteca, me encontré de pronto en el gran salón y en medio de una fiesta que iba a parecerme muy diferente de aquellas a las que asistí en otro tiempo, e iba a tomar para mí un aspecto especial y un sentido nuevo. En efecto, nada más entrar en el salón, aunque mantuviese firme en mí, en el punto en que yo estaba, el proyecto que acababa de concebir, se produjo un golpe teatral que iba a oponer a mi empresa la más grave de las objeciones. Una objeción que seguramente superaría, pero que, mientras seguía pensando para mí mismo en las condiciones de la obra de arte, por el ejemplo cien veces repetido de la consideración más propia para hacerme vacilar, iba a interrumpir a cada instante mi razonamiento. En el primer momento no comprendí por qué dudaba en reconocer al dueño de la casa, a los invitados, y por qué cada uno parecía haberse «fabricado una cara» generalmente empolvada y que los cambiaba por completo. El príncipe tenía aún al recibir aquel aire bonachón de un rey de cuento de hadas que le encontré la primera vez, pero esta vez parecía haberse sometido él mismo a la etiqueta que había impuesto a sus invitados: se había puesto una barba blanca y, arrastrando los pies, que aparentemente le pesaban como si llevara suelas de plomo, parecía haber asumido el papel de una de las «Edades de la Vida». A decir verdad, sólo le reconocí con ayuda de un razonamiento e identificando la persona por el simple parecido de ciertos rasgos. No sé qué había puesto en su cara el pequeño Fezensac, pero mientras que otros sólo habían encanecido, en unos la mitad de la barba, en otros sólo los mostachos, él, sin preocuparse de los tintes, encontró la manera de llenarse la cara de arrugas, y las cejas de pelos erizados; por lo demás, todo esto no le sentaba bien, su cara hacía el efecto de haberse endurecido, bronceado, solemnizado, y esto le envejecía de tal modo que nadie le hubiera creído un joven. Mucho más me extrañó en el mismo momento oír llamar duque de Châtellerault a un viejecillo de bigotes plateados de embajador, en el que sólo una miradita que seguía siendo la misma me permitió reconocer al joven que encontré una vez de visita en casa de madame de Villeparisis. A la primera persona que llegué así a identificar, procurando hacer abstracción del disfraz y completar los rasgos naturales en un esfuerzo de memoria, mi primer pensamiento debió de ser, y fue quizá mucho menos de un segundo, felicitarla por haberse maquillado tan maravillosamente que, antes de reconocerla, se vacilaba como ante los grandes actores que, al aparecer en un papel en el que están diferentes de ellos mismos, vacila el público cuando salen a escena, aun advertido por el programa, y permanece por un momento pasmado antes de romper a aplaudir. Desde este punto de vista, el más extraordinario de todos era mi enemigo personal, monsieur d′Argencourt, el verdadero punto fuerte de la fiesta. No sólo se había puesto, en lugar de su barba apenas gris, una extraordinaria barba de una blancura inverosímil, sino que, además (tantos pequeños cambios materiales pueden achicar o ampliar un personaje, y, más aún, cambiar su carácter aparente, su personalidad), era un viejo mendigo que ya no inspiraba ningún respeto lo que ahora parecía aquel hombre cuya solemnidad, cuyo envaramiento estaban aún presentes en mi recuerdo y que daba a su personaje de viejo chocho tal verdad que le temblequeaban los miembros, que los rasgos relajados de su cara, habitualmente altiva, no cesaban de sonreír con bobalicona beatitud. Llevado a grado tal, el arte del disfraz se convierte en algo más, en una completa transformación de la personalidad. En efecto, por más que algunos detalles nimios me aseguraran que era Argencourt quien daba aquel espectáculo inenarrable y pintoresco, ¡cuántas fases sucesivas de un rostro tenía que atravesar para llegar al del Argencourt que yo había conocido y que era tan diferente de él mismo, y eso sin disponer más que de su propio cuerpo!
C′était évidemment la dernière extrémité où il avait pu le conduire sans en crever ; le plus fier visage, le torse le plus cambré n′était plus qu′une loque en bouillie, agitée de-ci de-là. À peine, en se rappelant certains sourires de M. d′Argencourt qui jadis tempéraient parfois un instant sa hauteur, pouvait-on comprendre que la possibilité de ce sourire de vieux marchand d′habits ramolli existât dans le gentleman correct d′autrefois. Mais à supposer que ce fût la même intention de sourire qu′eût d′Argencourt, à cause de la prodigieuse transformation du visage, la matière même de l′œil, par laquelle il l′exprimait, était tellement différente, que l′expression devenait tout autre et même d′un autre. J′eus un fou rire devant ce sublime gaga, aussi émollié dans sa bénévole caricature de lui-même que l′était, dans la manière tragique, M. de Charlus foudroyé et poli. M. d′Argencourt, dans son incarnation de moribond-bouffe d′un Regnard exagéré par Labiche, était d′un accès aussi facile, aussi affable, que M. de Charlus roi Lear qui se découvrait avec application devant le plus médiocre salueur. Pourtant je n′eus pas l′idée de lui dire mon admiration pour la vision extraordinaire qu′il offrait. Ce ne fut pas mon antipathie ancienne qui m′en empêcha, car précisément il était arrivé à être tellement différent de lui-même que j′avais l′illusion d′être devant une autre personne aussi bienveillante, aussi désarmée, aussi inoffensive que l′Argencourt habituel était rogue, hostile et dangereux. Tellement une autre personne, qu′à voir ce personnage si ineffablement grimaçant, comique et blanc, ce bonhomme de neige simulant un général Dourakine en enfance, il me semblait que l′être humain pouvait subir des métamorphoses aussi complètes que celles de certains insectes. J′avais l′impression de regarder, derrière le vitrage instructif d′un muséum d′histoire naturelle, ce que peut être devenu le plus rapide, le plus sûr en ses traits d′un insecte, et je ne pouvais pas ressentir les sentiments que m′avait toujours inspirés M. d′Argencourt devant cette molle chrysalide, plutôt vibratile que remuante. Mais je me tus, je ne félicitai pas M. d′Argencourt d′offrir un spectacle qui semblait reculer les limites entre lesquelles peuvent se mouvoir les transformations du corps humain. Certes, dans les coulisses d′un théâtre, ou pendant un bal costumé, on est plutôt porté par politesse à exagérer la peine, presque à affirmer l′impossibilité qu′on a à reconnaître la personne travestie. Ici, au contraire, un instinct m′avait averti de les dissimuler le plus possible, qu′elles n′avaient plus rien de flatteur parce que la transformation n′était pas voulue, et je m′avisai enfin, ce à quoi je n′avais pas songé en entrant dans ce salon, que toute fête, si simple soit-elle, quand elle a lieu longtemps après qu′on a cessé d′aller dans le monde et pour peu qu′elle réunisse quelques-unes des mêmes personnes qu′on a connues autrefois, vous fait l′effet d′une fête travestie, de la plus réussie de toutes, de celle où l′on est le plus sincèrement « intrigué » par les autres, mais où ces têtes, qu′ils se sont faites depuis longtemps sans le vouloir, ne se laissent pas défaire par un débarbouillage, une fois la fête finie. Intrigué par les autres ? Hélas, aussi les intriguant nous-même. Car la même difficulté que j′éprouvais à mettre le nom qu′il fallait sur les visages semblait partagée par toutes les personnes qui apercevaient le mien, n′y prenaient pas plus garde que si elles ne l′eussent jamais vu, ou tâchaient de dégager de l′aspect actuel un souvenir différent.
Era sin duda el último extremo adonde pudo conducirle sin perecer; el semblante más orgulloso, el torso más erguido no era ya más que un pingajo hecho papilla, agitado para acá y para allá. Apenas se podía, recordando ciertas sonrisas de Argencourt que en otro tiempo moderaban a veces por un momento su altivez, encontrar en el presente Argencourt verdadero a aquel que yo vi tan a menudo, apenas se podía comprender que la posibilidad de aquella sonrisa de viejo trapero reblandecido existía en el gentleman correcto de antaño. Pero suponiendo que aquello fuera la misma intención de sonrisa que tuvo Argencourt, por la prodigiosa transformación de su rostro, la materia misma del ojo con que la expresaba era tan diferente que la expresión parecía completamente distinta y hasta de un hombre distinto. Me dio una risa loca ver a aquel sublime gagá, tan reblandecido en su benévola caricatura de sí mismo como lo estaba, en la manera trágica, monsieur de Charlus fulminado y cortés. Monsieur d′Argencourt, en su encarnación de moribundo bufo de un Regnard exagerado por Labiche, era tan fácilmente asequible, tan afable como monsieur de Charlus rey Lear que se descubría muy atento ante la persona más insignificante que le saludara. Sin embargo, no se me ocurrió manifestarle mi admiración por el espectáculo extraordinario que ofrecía. No fue mi antipatía antigua lo que me lo impidió, pues precisamente había llegado a ser tan diferente de sí mismo que me daba la ilusión de estar ante otra persona, tan benévola, tan desarmada, tan inofensiva como hosco, hostil y peligroso era el Argencourt habitual. Hasta tal punto otra persona, que al ver a aquel personaje inefablemente gesticulante, cómico y blanco, a aquel pelele de nieve que simulaba un general Durakin en la infancia, me parecía que el ser humano podía sufrir metamorfosis tan completas como las de ciertos insectos. Tenía la impresión de estar mirando a través del cristal instructivo de un museo de historia natural lo que puede haber llegado a ser el insecto más rápido, el más seguro en sus caracteres, y, ante aquella crisálida blanducha, más bien vibrátil que movediza, no podía volver a experimentar los sentimientos que siempre me había inspirado monsieur d′Argencourt. Pero me callé, no felicité a monsieur d′Argencourt por ofrecer un espectáculo que parecía hacer retroceder los límites entre los que se pueden mover las transformaciones del cuerpo humano. En casos así, entre los bastidores del teatro o en un baile de trajes, nos sentimos más bien inclinados por cortesía a exagerar la dificultad, casi a declarar la imposibilidad que tenemos de reconocer a la persona disfrazada. Aquí, por el contrario, un instinto me llevó a disimular lo más posible aquella dificultad, aquella imposibilidad; me daba cuenta de que ya no eran nada halagadoras, porque la transformación no era voluntaria, y pensé, por fin, lo que no se me había ocurrido al entrar en el salón, que toda fiesta, por sencilla que sea, cuando se celebra mucho tiempo después de haber dejado de asistir a las reuniones del gran mundo, y a pocas personas que reúna de las conocidas en otras épocas, nos hace el efecto de una fiesta de disfraces, de la más lograda de todas, de aquella en la que los otros nos «intrigan» más sinceramente, pero donde las caras que, sin querer, se han ido haciendo en mucho tiempo se niegan a dejarse deshacer, una vez terminada la fiesta, con un simple lavado. ¿Intrigado por los otros? También, ¡ay!, los intrigamos nosotros. Pues la misma dificultad que tenía yo para dar a las caras el nombre correspondiente, parecían tenerla todas las personas que, al ver la mía, no le prestaban más atención que si no la hubieran visto nunca, o intentaban sacar del aspecto actual un recuerdo diferente.
Si M. d′Argencourt venait faire cet extraordinaire « numéro », qui était certainement la vision la plus saisissante dans son burlesque que je garderais de lui, c′était comme un acteur qui rentre une dernière fois sur la scène avant que le rideau tombe tout à fait au milieu des éclats de rire. Si je ne lui en voulais plus, c′est parce qu′en lui, qui avait retrouvé l′innocence du premier âge, il n′y avait plus aucun souvenir des notions méprisantes qu′il avait pu avoir de moi, aucun souvenir d′avoir vu M. de Charlus me lâcher brusquement le bras, soit qu′il n′y eût plus rien en lui de ces sentiments, soit qu′ils fussent obligés, pour arriver jusqu′à nous, de passer par des réfracteurs physiques si déformants qu′ils changeaient en route absolument de sens et que M. d′Argencourt semblât bon, faute de moyens physiques d′exprimer encore qu′il était mauvais et de refouler sa perpétuelle hilarité invitante. C′était trop de parler d′un acteur, et, débarrassé qu′il était de toute âme consciente, c′est comme une poupée trépidante, à la barbe postiche de laine blanche, que je le voyais agité, promené dans ce salon, comme dans un guignol à la fois scientifique et philosophique où il servait, comme dans une oraison funèbre ou un cours en Sorbonne, à la fois de rappel à la vanité de tout et d′exemple d′histoire naturelle. Un guignol de poupées que, pour identifier à ceux qu′on avait connus, il fallait lire sur plusieurs plans à la fois, situés derrière elles et qui leur donnaient de la profondeur et forçaient à faire un travail d′esprit quand on avait devant soi ces vieillards fantoches, car on était obligé de les regarder, en même temps qu′avec les yeux, avec la mémoire. Un guignol de poupées baignant dans les couleurs immatérielles des années, de poupées extériorisant le Temps, le Temps qui d′habitude n′est pas visible, qui pour le devenir cherche des corps et, partout où il les rencontre, s′en empare pour montrer sur eux sa lanterne magique. Aussi immatériel que jadis Golo sur le bouton de porte de ma chambre de Combray, ainsi le nouveau et si méconnaissable d′Argencourt était là comme la révélation du Temps, qu′il rendait partiellement visible. Dans les éléments nouveaux qui composaient la figure de M. d′Argencourt et son personnage, on lisait un certain chiffre d′années, on reconnaissait la figure symbolique de la vie, non telle qu′elle nous apparaît, c′est-à-dire permanente, mais réelle, atmosphère si changeante que le fier seigneur s′y peint en caricature, le soir, comme un marchand d′habits.
Si monsieur d′Argencourt acababa de representar aquel extraordinario «número» que era ciertamente la visión más impresionante, por lo burlesca, que yo conservaría de él, era como un actor que sale por última vez a escena antes que el telón caiga por completo en medio de las carcajadas. Si ya no me daba rabia, era porque, en él, que había vuelto a la inocencia de la infancia, ya no quedaba ningún recuerdo de las ideas despreciativas que hubiera podido tener de mí, ningún recuerdo de haber visto a monsieur de Charlus soltarme bruscamente el brazo, fuera porque ya no le quedara nada de aquellos sentimientos, fuera porque, para llegar hasta nosotros, tuvieran que pasar por unos medios refractores físicos tan deformantes que, en el camino, cambiaban absolutamente de sentido y que monsieur d′Argencourt pareciera bueno, a falta de medios físicos de expresar aún que era malo y de reprimir su perpetua hilaridad contagiosa. Era excesivo hablar de un actor y, huero como estaba de toda alma consciente, yo le veía como una muñeca trepidante, con su barba postiza de lana blanca, agitado, paseado por aquel salón, como en un guiñol a la vez científico y filosófico en el que, lo mismo que en una oración fúnebre o en una lección en la Sorbona, servía a la vez de recordatorio de la vanidad de todo y de ejemplo de historia natural. Muñecos, sí, pero muñecos que, para identificarlos con lo que habíamos conocido, había que leer en varios planos a la vez, situados detrás de ellos y que les daban profundidad y obligaban a un trabajo mental ante aquellos viejos fantoches, pues había que mirarlos, al mismo tiempo que con los ojos, con la memoria. Muñecos inmersos en los colores inmateriales de los años, muñecos que exteriorizaban el Tiempo, el Tiempo que habitualmente no es visible y que, para serlo, busca cuerpos y, allí donde los encuentra, los captura para proyectar en ellos su linterna mágica. Tan inmaterial como antaño Golo sobre el picaporte de mi cuarto de Combray, así el nuevo y tan irreconocible Argencourt estaba allí como la revelación del Tiempo, haciéndolo parcialmente visible. En los elementos nuevos que componían la figura de monsieur d′Argencourt y su personaje, se leía un cierto número de años, se reconocía la figura simbólica de la vida no tal como lavemos, es decir, permanente, sino real, atmósfera tan cambiante que el altivo señor se pinta en ella en caricatura, por la noche, como un ropavejero.
En d′autres êtres, d′ailleurs, ces changements, ces véritables aliénations semblaient sortir du domaine de l′histoire naturelle et on s′étonnait, en entendant un nom, qu′un même être pût présenter non, comme M. d′Argencourt, les caractéristiques d′une nouvelle espèce différente mais les traits extérieurs d′un autre caractère. C′étaient bien, comme pour M. d′Argencourt, des possibilités insoupçonnées que le temps avait tirées de telle jeune fille, mais ces possibilités, bien qu′étant toutes physionomiques ou corporelles, semblaient avoir quelque chose de moral. Les traits du visage, s′ils changent, s′ils s′assemblent autrement, s′ils se contractent de façon habituelle d′une manière plus lente, prennent, avec un aspect autre, une signification différente. De sorte qu′il y avait telle femme qu′on avait connue bornée et sèche, chez laquelle un élargissement des joues devenues méconnaissables, un busquage imprévisible du nez, causaient la même surprise, la même bonne surprise souvent, que tel mot sensible et profond, telle action courageuse et noble qu′on n′aurait jamais attendus d′elle. Autour de ce nez, nez nouveau, on voyait s′ouvrir des horizons qu′on n′eût pas osé espérer. La bonté, la tendresse jadis impossibles devenaient possibles avec ces joues-là. On pouvait faire entendre devant ce menton ce qu′on n′aurait jamais eu l′idée de dire devant le précédent. Tous ces traits nouveaux du visage impliquaient d′autres traits de caractère ; la sèche et maigre jeune fille était devenue une vaste et indulgente douairière. Ce n′est plus dans un sens zoologique, comme M. d′Argencourt, c′est dans un sens social et moral qu′on pouvait dire que c′était une autre personne.
Por lo demás, en otros seres, esos cambios, esas verdaderas alienaciones parecían salir de los dominios de la historia natural, y, al oír un nombre, nos extrañaba que un mismo ser pudiera presentar, no como monsieur d′Argencourt, las características de una nueva especie diferente, sino los rasgos exteriores de otro carácter. Como en el caso de monsieur d′Argencourt, el tiempo había sacado de esta o de aquella muchacha unas posibilidades insospechadas, pero estas posibilidades, aunque fueran completamente fisonómicas o corporales, parecían tener algo moral. Si los rasgos del rostro cambian, si parecen distintos, si se combinan habitualmente de una manera más lenta, toman, con un aspecto distinto, un significado diferente. De suerte que en una mujer que habíamos conocido obtusa y seca, un abultamiento de las mejillas ahora irreconocibles, una imprevisible curvatura de la nariz, causaban la misma sorpresa, muchas veces la misma buena sorpresa, que unas palabras sensibles y profundas, que una acción valerosa y noble que nunca hubiéramos esperado de ella. En torno a esa nariz, una nariz nueva, veíamos asomar unos horizontes que no nos hubiéramos atrevido a esperar. Con esas mejillas, la bondad, la ternura, antes imposibles, eran ahora posibles. Ante aquella barbilla se podía decir lo que jamás se nos ocurriera pronunciar ante la anterior. Todos estos rasgos nuevos del rostro implicaban otros rasgos de carácter; la seca y flaca muchacha se había convertido en una voluminosa e indulgente abuela. Podía decirse que era otra persona, y no ya en un sentido zoológico como en el caso de monsieur d′Argencourt, sino en un sentido social y moral.
Par tous ces côtés, une matinée comme celle où je me trouvais était quelque chose de beaucoup plus précieux qu′une image du passé, m′offrant comme toutes les images successives et que je n′avais jamais vues qui séparaient le passé du présent, mieux encore, le rapport qu′il y avait entre le présent et le passé ; elle était comme ce qu′on appelait autrefois une vue d′optique, mais une vue d′optique des années, la vue non d′un monument, mais d′une personne située dans la perspective déformante du Temps.
Por todos estos aspectos, una fiesta como aquella en que yo me encontraba era algo mucho más precioso que una imagen del pasado, pues me ofrecía algo así como todas las imágenes sucesivas y que no había visto nunca, que separaban el pasado del presente, más aún, la relación que había entre el presente y el pasado; era como lo que antes se llamaba una «vista óptica», pero una vista óptica de los años, no la vista de un momento, no la vista de una persona situada en la perspectiva deformadora del Tiempo.
Quant à la femme dont M. d′Argencourt avait été l′amant, elle n′avait pas beaucoup changé, si on tenait compte du temps passé, c′est-à-dire que son visage n′était pas trop complètement démoli pour celui d′un être qui se déforme tout le long de son trajet dans l′abîme où il est lancé, abîme dont nous ne pouvons exprimer la direction que par des comparaisons également vaines, puisque nous ne pouvons les emprunter qu′au monde de l′espace, et qui, que nous les orientions dans le sens de l′élévation, de la longueur ou de la profondeur, ont comme seul avantage de nous faire sentir que cette dimension inconcevable et sensible existe. La nécessité, pour donner un nom aux figures, de remonter effectivement le cours des années, me forçait, en réaction, de rétablir ensuite, en leur donnant leur place réelle, les années auxquelles je n′avais pensé. À ce point de vue, et pour ne pas me laisser tromper par l′identité apparente de l′espace, l′aspect tout nouveau d′un être comme M. d′Argencourt m′était une révélation frappante de cette réalité du millésime qui d′habitude nous reste abstraite, comme l′apparition de certains arbres nains ou des baobabs géants nous avertit du changement de latitude. Alors la vie nous apparaît comme la féerie où l′on voit d′acte en acte le bébé devenir adolescent, homme mûr et se courber vers la tombe. Et comme c′est par des changements perpétuels qu′on sent que ces êtres prélevés à des distances assez grandes sont si différents, on sent qu′on a suivi la même loi que ces créatures qui se sont tellement transformées qu′elles ne ressemblent plus, sans avoir cessé d′être — justement parce qu′elles n′ont pas cessé d′être — à ce que nous avons vu d′elles jadis.
En cuanto a la mujer de la que monsieur d′Argencourt había sido amante, no había cambiado mucho, teniendo en cuenta el tiempo transcurrido, es decir, que su rostro no estaba completamente destruido por el de un ser que va deformándose a lo largo de su trayecto hacia el abismo adonde es lanzado, abismo cuya dirección sólo podemos expresar con comparaciones igualmente vanas, porque sólo las podemos tomar del mundo del espacio, y, lo mismo si las orientamos en el sentido de la elevación, de la longitud o de la profundidad, tienen la única ventaja de hacernos notar que esa dimensión inconcebible y sensible existe. La necesidad de remontar efectivamente el curso de los años para dar un nombre a las caras me obligaba, por reacción, a restablecer luego, dándoles su sitio real, los años en los que no había pensado. Desde este punto de vista, y para no dejarme engañar por la identidad aparente del espacio, el aspecto completamente nuevo de un ser como monsieur d′Argencourt era para mí una revelación patente de esa realidad de los años, que generalmente permanece abstracta para nosotros, como la aparición de ciertos árboles enanos o de baobabs gigantescos nos advierte del cambio de meridiano. Entonces la vida se nos presenta como un cuento de hadas en el que se ve de un acto a otro cómo el bebé se convierte en adolescente y el hombre maduro se inclina hacia la tumba. Y como son los cambios perpetuos los que nos hacen darnos cuenta de que esos seres vistos a distancias bastante grandes son tan diferentes, advertimos que hemos seguido la misma ley que esas criaturas hasta tal punto transformadas que, sin haber dejado de ser, precisamente porque no han dejado de ser, ya no se parecen a lo que en otro tiempo vimos de ellas.
Une jeune femme que j′avais connue autrefois, maintenant blanche et tassée en petite vieille maléfique, semblait indiquer qu′il est nécessaire que, dans le divertissement final d′une pièce, les êtres fussent travestis à ne pas les reconnaître. Mais son frère était resté si droit, si pareil à lui-même qu′on s′étonnait que sur sa figure jeune il eût fait passer au blanc sa moustache bien relevée. Les parties d′une blancheur de neige de barbes jusque-là entièrement noires rendaient mélancolique le paysage humain de cette matinée, comme les premières feuilles jaunes des arbres alors qu′on croyait encore pouvoir compter sur un long été, et qu′avant d′avoir commencé d′en profiter on voit que c′est déjà l′automne. Alors moi qui, depuis mon enfance, vivais au jour le jour, ayant reçu d′ailleurs de moi-même et des autres une impression définitive, je m′aperçus pour la première fois, d′après les métamorphoses qui s′étaient produites dans tous ces gens, du temps qui avait passé pour eux, ce qui me bouleversa par la révélation qu′il avait passé aussi pour moi. Et indifférente en elle-même, leur vieillesse me désolait en m′avertissant des approches de la mienne. Celles-ci me furent, du reste, proclamées coup sur coup par des paroles qui, à quelques minutes d′intervalle, vinrent me frapper comme les trompettes du Jugement. La première fut prononcée par la duchesse de Guermantes ; je venais de la voir, passant entre une double haie de curieux qui, sans se rendre compte des merveilleux artifices de toilette et d′esthétique qui agissaient sur eux, émus devant cette tête rousse, ce corps saumoné émergeant à peine de ses ailerons de dentelle noire, et étranglé de joyaux, le regardaient, dans la sinuosité héréditaire de ses lignes, comme ils eussent fait de quelque vieux poisson sacré, chargé de pierreries, en lequel s′incarnait le Génie protecteur de la famille Guermantes. « Ah ! me dit-elle, quelle joie de vous voir, vous mon plus vieil ami. » Et, dans mon amour-propre de jeune homme de Combray qui ne m′étais jamais compté à aucun moment comme pouvant être un de ses amis, participant vraiment à la vraie vie mystérieuse qu′on menait chez les Guermantes, un de ses amis au même titre que M. de Bréauté, que M. de Forestelle, que Swann, que tous ceux qui étaient morts, j′aurais pu en être flatté, j′en étais surtout malheureux. « Son plus vieil ami ! me dis-je, elle exagère ; peut-être un des plus vieux, mais suis-je doncÂ… » À ce moment un neveu du prince s′approcha de moi : « Vous qui êtes un vieux Parisien », me dit-il. Un instant après on me remit un mot. J′avais rencontré, en arrivant, un jeune Létourville, dont je ne savais plus très bien la parenté avec la duchesse mais qui me connaissait un peu. Il venait de sortir de Saint-Cyr, et, me disant que ce serait pour moi un gentil camarade comme avait été Saint-Loup, qui pourrait m′initier aux choses de l′armée, avec les changements qu′elle avait subis, je lui avais dit que je le retrouverais tout à l′heure et que nous prendrions rendez-vous pour dîner ensemble, ce dont il m′avait beaucoup remercié. Mais j′étais resté trop longtemps à rêver dans la bibliothèque et le petit mot qu′il avait laissé pour moi était pour me dire qu′il n′avait pu m′attendre et me laisser son adresse. La lettre de ce camarade rêvé finissait ainsi : « Avec tout le respect de votre petit ami, LETOURVILLE. » « Petit ami ! » C′est ainsi qu′autrefois j′écrivais aux gens qui avaient trente ans de plus que moi, à Legrandin par exemple. Quoi ! ce sous-lieutenant, que je me figurais mon camarade comme Saint-Loup, se disait mon petit ami. Mais alors il n′y avait donc pas que les méthodes militaires qui avaient changé depuis lors, et pour M. de Létourville j′étais donc, non un camarade, mais un vieux monsieur, et de M. de Létourville, dans la compagnie duquel je me figurais, moi, tel que je m′apparaissais à moi-même, un bon camarade, en étais-je donc séparé par l′écartement d′un invisible compas auquel je n′avais pas songé et qui me situait si loin du jeune sous-lieutenant qu′il semblait que pour celui qui se disait mon « petit ami » j′étais un vieux monsieur !
Una muchacha que yo conocí antaño, ahora blanca y contraída en viejecita maléfica, parecía indicar que es necesario que, en el fin de fiesta de una obra de teatro, los seres se disfrazasen de tal modo que no se les reconociera. Pero su hermano se conservaba tan erguido, tan parecido a sí mismo que sorprendía que, en su cara joven, hubiera puesto blanco su bigote bien enhiesto. Las partes blancas de unas barbas hasta entonces enteramente negras hacían melancólico el paisaje humano de aquella fiesta, como las primeras hojas amarillas de los árboles cuando creíamos poder contar aún con un largo verano y, antes de empezar a disfrutarlo, vemos que es ya el otoño. Y yo, que, desde mi infancia, vivía al día, y había recibido de mí mismo y de los demás una impresión definitiva, me di cuenta por primera vez, por las metamorfosis que se habían producido en todas aquellas personas, del tiempo que había pasado por ellos, lo que me perturbó por la revelación de que aquel tiempo había pasado también para mí. Y su vejez, indiferente por sí misma, me desolaba advirtiéndome la aproximación de la mía. Además, esta aproximación me la proclamaron, sucesivamente, unas palabras que, con unos minutos de intervalo, vinieron a advertirme como las trompetas del Juicio Final. Las primeras las pronunció la duquesa de Guermantes; acababa de verla, pasando entre una doble fila de curiosos que, sin darse cuenta de los maravillosos artificios de toilette y de estética que influían en ellos, impresionados ante aquella cabeza pelirroja, ante aquel cuerpo asalmonado que emergía apenas de sus aletas de encaje negro y estrangulado de joyas, lo miraban en la sinuosidad hereditaria de sus líneas, como hubieran mirado a un viejo pez sagrado, cubierto de piedras preciosas, en el que se encarnara el Genio protector de la familia de Guermantes. «¡Ah, qué alegría verle, usted, mi amigo más antiguo! », me dijo. Y en mi amor propio de joven de Combray que nunca había considerado que pudiera ser uno de sus amigos participando verdaderamente en la verdadera vida misteriosa que se hacía en casa de los Guermantes, uno de sus amigos lo mismo que monsieur de Bréauté, que monsieur de Forestelle, que Swann, que todos los que habían muerto, habría podido sentirme halagado, y me sentía sobre todo desgraciado. «¡Su amigo más antiguo! -me dije-. Exagera; quizá uno de los más antiguos, pero ¿es que yo ...?» En este momento se me acercó un sobrino del príncipe: «Usted es un viejo parisiense», me dijo. Al poco rato me entregaron una esquela. Al llegar había encontrado a un joven llamado Létourville, cuyo parentesco con la duquesa no recordaba ya muy bien, pero que me conocía un poco. Acababa de salir de Saint-Cyr y, pensando que sería para mí un gentil compañero como lo fue Saint-Loup, que podría iniciarme en las cosas del ejército, con los cambios que había sufrido, le dije que le vería luego y que nos citaríamos para comer juntos, lo que me agradeció mucho. Pero yo me quedé mucho tiempo meditando en la biblioteca y la esquelita que dejó para mí era para decirme que no podía esperarme y para dejarme su dirección. La carta de aquel compañero soñado terminaba así: «Con todo el respeto de su amiguito, Létourville». «¡Amiguito! » Así escribía yo antaño a las personas que tenían treinta años más que yo, a Legrandin por ejemplo. ¡De modo que aquel lugarteniente que yo me figuraba un compañero mío como Saint-Loup se decía mi amiguito! Pero entonces no eran sólo los métodos militares lo que había cambiado, y para monsieur de Létourville, yo era, no un compañero, sino un anciano; y monsieur de Létourville, en cuya compañía yo me imaginaba como me veía a mí mismo, un buen compañero, ¿estaba separado de mí por la abertura de un invisible compás en el que no había pensado y que me situaba tan lejos del joven lugarteniente que parecía que, para el que se titulaba mi «amiguito», yo era un anciano?
Presque aussitôt après quelqu′un parla de Bloch, je demandai si c′était du jeune homme ou du père (dont j′avais ignoré la mort, pendant la guerre, d′émotion, avait-on dit, de voir la France envahie). « Je ne savais pas qu′il eût des enfants, je ne le savais même pas marié, me dit la duchesse. Mais c′est évidemment du père que nous parlons, car il n′a rien d′un jeune homme, ajouta-t-elle en riant. Il pourrait avoir des fils qui seraient eux-mêmes déjà des hommes. » Et je compris qu′il s′agissait de mon camarade. Il entra, d′ailleurs, au bout d′un instant.
Casi inmediatamente alguien habló de Bloch, y yo pregunté si se trataba del joven o del padre (que yo ignoraba que había muerto durante la guerra, decían que de emoción de ver a Francia invadida). «No sabía que tuviera hijos, ni siquiera sabía que estuviera casado - me dijo el príncipe. Pero seguramente hablamos del padre, pues no es nada joven -añadió riendo-. Podría tener hijos que ya serían a su vez hombres.» Y comprendí que se trataba de mi compañero. De todos modos, entró al cabo de un momento.
J′eus de la peine à le reconnaître. D′ailleurs, il avait pris maintenant non seulement un pseudonyme, mais le nom de Jacques du Rozier, sous lequel il eût fallu le flair de mon grand′père pour reconnaître la douce vallée de l′Hébron et les chaînes d′Israël que mon ami semblait avoir définitivement rompues. Un chic anglais avait, en effet, complètement transformé sa figure et passé au rabot tout ce qui se pouvait effacer. Les cheveux, jadis bouclés, coiffés à plat avec une raie au milieu, brillaient de cosmétique. Son nez restait fort et rouge mais semblait plutôt tuméfié par une sorte de rhume permanent qui pouvait expliquer l′accent nasal dont il débitait paresseusement ses phrases, car il avait trouvé, de même qu′une coiffure appropriée à son teint, une voix à sa prononciation où le nasonnement d′autrefois prenait un air de dédain particulier qui allait avec les ailes enflammées de son nez. Et grâce à la coiffure, à la suppression des moustaches, à l′élégance du type, à la volonté, ce nez juif disparaissait comme semble presque droite une bossue bien arrangée. Mais surtout, dès que Bloch apparaissait, la signification de sa physionomie était changée par un redoutable monocle. La part de machinisme que ce monocle introduisait dans la figure de Bloch la dispensait de tous ces devoirs difficiles auxquels une figure humaine est soumise, devoir d′être belle, d′exprimer l′esprit, la bienveillance, l′effort. La seule présence de ce monocle dans la figure de Bloch dispensait d′abord de se demander si elle était jolie ou non, comme devant ces objets anglais dont un garçon dit, dans un magasin, que c′est le grand chic, après quoi on n′ose plus se demander si cela vous plaît. D′autre part, il s′installait derrière la glace de ce monocle dans une position aussi hautaine, distante et confortable que si ç′avait été la glace d′un huit ressorts, et, pour assortir la figure aux cheveux plats et au monocle, ses traits n′exprimaient plus jamais rien.
Â…
Sur cette figure de Bloch je vis se superposer cette mine débile et opinante, ces frêles hochements de tête qui trouvent si vite leur cran d′arrêt, et où j′aurais reconnu la docte fatigue des vieillards aimables, si, d′autre part, je n′avais enfin reconnu devant moi mon ami et si mes souvenirs ne l′avaient animé de cet entrain juvénile et ininterrompu dont il semblait actuellement dépossédé. Pour moi qui l′avais connu au seuil de la vie, il était mon camarade, un adolescent dont je mesurais la jeunesse par celle que, n′ayant cru vivre depuis ce moment-là, je me donnais inconsciemment à moi-même. J′entendis dire qu′il paraissait bien son âge, je fus étonné de remarquer sur son visage quelques-uns de ces signes qui sont plutôt la caractéristique des hommes qui sont vieux. Je compris que c′est parce qu′il l′était en effet et que c′est avec des adolescents qui durent un assez grand nombre d′années que la vie fait ses vieillards.
Y, en efecto, vi superponerse en la cara de Bloch ese aspecto débil y opinante, esos flojos movimientos de cabeza que llegan en seguida al tope, aspecto en el que yo habría reconocido el docto cansancio de los viejos amables, si, por otra parte, no hubiera reconocido ante mí a mi amigo y si mis recuerdos no le animaran con aquella vivacidad juvenil e ininterrumpida de la que ahora parecía desposeído. Para mí, que le había conocido en el umbral de la vida y no había dejado nunca de verle, era mi compañero, un adolescente cuya juventud medía yo por la que, no creyendo haber vivido desde aquel momento, me atribuía inconscientemente a mí mismo. Oí decir que representaba su edad y me extrañó ver en su rostro algunas de esas señales que son más bien características de los hombres viejos. Comprendí que parecía viejo porque lo era en realidad y que es con adolescentes que duran bastantes años con los que la vida hace a los viejos.
Comme quelqu′un, entendant dire que j′étais souffrant, demanda si je ne craignais pas de prendre la grippe qui régnait à ce moment-là, un autre bienveillant me rassura en me disant : « Non, cela atteint plutôt les personnes encore jeunes, les gens de votre âge ne risquent plus grand′chose. » Et on assura que le personnel m′avait bien reconnu. Ils avaient chuchoté mon nom, et même « dans leur langage », raconta une dame, elle les avait entendus dire : « Voilà le PèreÂ… » (cette expression était suivie de mon nom. Et comme je n′avais pas d′enfant, elle ne pouvait se rapporter qu′à l′âge).
Como alguien, al oír decir que yo estaba malo, preguntara si no tenía miedo de coger la gripe que reinaba en aquel momento, otro benevolente me tranquilizó diciéndome: «No, esa gripe le da más bien a las personas todavía jóvenes. Los de su edad no corren ya mucho peligro». Y aseguraron que el personal me había reconocido. Habían cuchicheado mi nombre, y hasta «en su lenguaje», contó una señora, les había oído decir: «Ahí está el padre» (a esta expresión siguió mi nombre) y, como yo no tenía hijos, no podía referirse sino a la edad.
En attendant la duchesse de Guermantes dire : « Comment, si j′ai connu le maréchal ? Mais j′ai connu des gens bien plus représentatifs, la duchesse de Galliera, Pauline de Périgord, Mgr Dupanloup », je regrettais naîµ¥ment de ne pas avoir connu moi-même ceux qu′elle appelait un reste d′ancien régime. J′aurais dû penser qu′on appelle ancien régime ce dont on n′a pu connaître que la fin ; c′est ainsi que ce que nous apercevons à l′horizon prend une grandeur mystérieuse et nous semble se refermer sur un monde qu′on ne reverra plus ; cependant nous avançons, et c′est bientôt nous-même qui sommes à l′horizon pour les générations qui sont derrière nous ; cependant l′horizon recule, et le monde, qui semblait fini, recommence. « J′ai même pu voir, quand j′étais jeune fille, ajouta Mme de Guermantes, la duchesse de Dino. Dame, vous savez que je n′ai plus vingt-cinq ans. » Ces derniers mots me fâchèrent. Elle ne devrait pas dire cela, ce serait bon pour une vieille femme. « Quant à vous, reprit-elle, vous êtes toujours le même, vous n′avez pour ainsi dire pas changé », me dit la duchesse, et cela me fit presque plus de peine que si elle m′avait parlé d′un changement, car cela prouvait, puisqu′il était extraordinaire qu′il s′en fût si peu produit, que bien du temps s′était écoulé. « Ami, me dit-elle, vous êtes étonnant, vous restez toujours jeune », expression si mélancolique puisqu′elle n′a de sens que si nous sommes, en fait sinon d′apparence, devenus vieux. Et elle me donna le dernier coup en ajoutant : « J′ai toujours regretté que vous ne vous soyez pas marié. Au fond, qui sait, c′est peut-être plus heureux. Vous auriez été d′âge à avoir des fils à la guerre, et s′ils avaient été tués, comme l′a été ce pauvre Robert de Saint-Loup (je pense encore souvent à lui), sensible comme vous êtes, vous ne leur auriez pas survécu. » Et je pus me voir, comme dans la première glace véridique que j′eusse rencontrée dans les yeux de vieillards restés jeunes, à leur avis, comme je le croyais moi-même de moi, et qui, quand je me citais à eux, pour entendre un démenti, comme exemple de vieux, n′avaient pas dans leurs regards, qui me voyaient tel qu′ils ne se voyaient pas eux-mêmes et tel que je les voyais, une seule protestation. Car nous ne voyions pas notre propre aspect, nos propres âges, mais chacun, comme un miroir opposé, voyait celui de l′autre. Et sans doute, à découvrir qu′ils ont vieilli, bien des gens eussent été moins tristes que moi. Mais d′abord il en est de la vieillesse comme de la mort, quelques-uns les affrontent avec indifférence, non pas parce qu′ils ont plus de courage que les autres, mais parce qu′ils ont moins d′imagination. Puis un homme qui depuis son enfance vise une même idée, auquel sa paresse même et jusqu′à son état de santé, en lui faisant remettre sans cesse les réalisations, annule chaque soir le jour écoulé et perdu, si bien que la maladie qui hâte le vieillissement de son corps retarde celui de son esprit, est plus surpris et plus bouleversé de voir qu′il n′a cessé de vivre dans le Temps, que celui qui vit peu en soi-même, se règle sur le calendrier, et ne découvre pas d′un seul coup le total des années dont il a poursuivi quotidiennement l′addition. Mais une raison plus grave expliquait mon angoisse ; je découvrais cette action destructrice du Temps au moment même où je voulais entreprendre de rendre claires, d′intellectualiser dans une œuvre d′art, des réalités extra-temporelles.
«¿Que si he conocido al mariscal? -me dijo la duquesa-. He conocido a otras personas mucho más importantes: a la duquesa de Galliera, a Paulina de Périgord, a monseñor Dupanloup. » Oyéndola, yo lamentaba ingenuamente no haber conocido lo que ella llamaba un resto de antiguo régimen. Hubiera debido pensar que se llama antiguo régimen aquello de lo que sólo se ha podido conocer el final; así, lo que percibimos en el horizonte adquiere una grandeza misteriosa y nos parece cerrarse sobre un mundo que ya no veremos más; mientras tanto avanzamos, y muy pronto somos nosotros los que estamos en el horizonte para las generaciones siguientes; mientras tanto el horizonte retrocede, y el mundo que parecía terminado, vuelve a empezar. «Hasta llegué a ver, cuando yo era muchacha -añadió madame de Guermantes- a la duquesa de Dino. Caramba, ya sabe usted que no tengo veinticinco años.» Estas últimas palabras me molestaron: «No debía decir eso, eso estaría bien para una mujer vieja». Y en seguida pensé que, en realidad, era una mujer vieja. «Usted sigue igual -continuó-. Sí, usted es asombroso, sigue siempre joven -expresión tan melancólica porque sólo tiene sentido cuando, en realidad, si no en apariencia, nos hemos hecho viejos. Y me asestó el último golpe añadiendo-: Siempre he sentido que no se haya casado. En el fondo quién sabe, quizá sea más feliz. Por su edad tendría hijos en la guerra, y si hubieran muerto, como ese pobre Roberto (todavía pienso a menudo en él), con lo sensible que es usted no los habría sobrevivido.» Y pude verme, como en el primer espejo verídico que encontrara, en los ojos de los viejos, que se creían jóvenes como me lo creía yo de mí, y que, cuando, para que me desmintieran, me citaba a mí mismo como ejemplo de viejo, a su mirada, que me veía como no se veían ellos mismos y como los veía yo, no asomaba una sola protesta. Pues no veíamos nuestro propio aspecto, nuestras propias edades, sino que cada uno, como un espejo opuesto, veía la del otro. Y seguramente muchos, al descubrir que han envejecido, se entristecerían menos que yo. Pero, en primer lugar, con la vejez ocurre como con la muerte. Algunos las afrontan con indiferencia, no porque tengan más valor que los otros, sino porque tienen menos imaginación. Además, un hombre que desde la infancia apunta a una misma idea, y para quien su pereza y hasta su estado de salud, al obligarle a aplazar siempre las realizaciones, anula cada noche el día transcurrido y perdido, tanto que la enfermedad que acelera la vejez de su cuerpo retarda la de su espíritu, se sorprende y sufre más al ver que no ha cesado de vivir en el Tiempo, que el que vive poco en sí mismo se adapta al calendario y no descubre de pronto el total de los años cuya adición ha seguido cotidianamente. Pero una razón más grave explicaba mi angustia; descubría esta acción destructora del tiempo en el momento mismo en que yo pretendía aclarar, intelectualizar en una obra de arte unas realidades extratemporales.
Chez certains êtres le remplacement successif, mais accompli en mon absence, de chaque cellule par d′autres, avait amené un changement si complet, une si entière métamorphose que j′aurais pu dîner cent fois en face d′eux dans un restaurant sans me douter plus que je les avais connus autrefois que je n′aurais pu deviner la royauté d′un souverain incognito ou le vice d′un inconnu. La comparaison devient même insuffisante pour le cas où j′entendais leur nom, car on peut admettre qu′un inconnu assis en face de vous soit criminel ou roi, tandis qu′eux, je les avais connus, ou plutôt j′avais connu des personnes portant le même nom, mais si différentes que je ne pouvais croire que ce fussent les mêmes. Pourtant, comme j′aurais fait en partant de l′idée de souveraineté ou de vice qui ne tarde pas à donner à l′inconnu (avec qui on aurait fait si aisément, quand on avait encore les yeux bandés, la gaffe d′être insolent ou aimable), dans les mêmes traits de qui on discerne maintenant quelque chose de distingué ou de suspect, je m′appliquais à introduire dans le visage de l′inconnue, entièrement inconnue, l′idée qu′elle était Mme Sazerat, et je finissais par rétablir le sens autrefois connu de ce visage, mais qui serait resté vraiment aliéné pour moi, entièrement celui d′une autre femme ayant autant perdu tous les attributs humains que j′avais connus, qu′un homme devenu singe, si le nom et l′affirmation de l′identité ne m′avaient mis, malgré ce que le problème avait d′ardu, sur la voie de la solution. Parfois pourtant, l′ancienne image renaissait assez précise pour que je puisse essayer une confrontation ; et comme un témoin mis en présence d′un inculpé qu′il a vu, j′étais forcé, tant la différence était grande, de dire : « NonÂ… je ne le reconnais pas. »
En ciertos seres, la sustitución sucesiva, pero realizada en mi ausencia, de cada célula por otras, había determinado un cambio tan completo, una tan total metamorfosis que yo habría podido comer cien veces enfrente de ellos en un restaurante sin sospechar que los había conocido en otro tiempo, como no habría podido adivinar la realeza de un soberano incógnito o el vicio de un desconocido. Y aun la comparación resulta insuficiente para el caso en que oyera su nombre, pues podemos admitir que un desconocido sentado enfrente de nosotros sea un criminal o un rey, mientras que a ellos yo los había conocido, o más bien había conocido a unas personas que llevaban el mismo nombre, pero tan diferentes que no podía creer que fueran las mismas. Sin embargo, lo mismo que me hubiera ocurrido con la idea de soberanía o de vicio, que no tarda en dar un rostro nuevo al desconocido, con el que tan fácilmente habríamos caído, cuando teníamos aún los ojos vendados, en la pifia de estar insolentes o amables, y en los mismos rasgos de quien ahora vemos algo distinguido o sospechoso, me empeñaba en meter en el rostro de la desconocida, enteramente desconocida, la idea de que era madame Sazerat, y acababa por restablecer el sentido antaño conocido de su rostro, pero que si el nombre y la afirmación de la identidad no me hubieran puesto, a pesar de lo arduo del problema, en la pista de la solución, habría permanecido verdaderamente alienado para mí, enteramente el de otra persona que hubiera perdido todos los atributos humanos que yo había conocido, como un hombre convertido en mono. Pero a veces la antigua imagen renació lo bastante precisa para que yo pudiera intentar una comparación; y, como un testigo en presencia de un acusado al que ha visto, me veía obligado, tan grande era la diferencia, a decir: «No..., no le reconozco».
Une jeune femme me dit : « Voulez-vous que nous allions dîner tous les deux au restaurant ? » Comme je répondais : « Si vous ne trouvez pas compromettant de venir dîner seule avec un jeune homme », j′entendis que tout le monde autour de moi riait, et je m′empressai d′ajouter : « ou plutôt avec un vieil homme ». Je sentais que la phrase qui avait fait rire était de celles qu′aurait pu, en parlant de moi, dire ma mère, ma mère pour qui j′étais toujours un enfant. Or je m′apercevais que je me plaçais pour me juger au même point de vue qu′elle. Si j′avais fini par enregistrer comme elle certains changements qui s′étaient faits depuis ma première enfance, c′était tout de même des changements maintenant très anciens. J′en étais resté à celui qui faisait qu′on avait dit un temps, presque en prenant de l′avance sur le fait : « C′est maintenant presque un grand jeune homme. » Je le pensais encore, mais cette fois avec un immense retard. Je ne m′apercevais pas combien j′avais changé. Mais, au fait, eux, qui venaient de rire aux éclats, à quoi s′en apercevaient-ils ? Je n′avais pas un cheveu gris, ma moustache était noire. J′aurais voulu pouvoir leur demander à quoi se révélait l′évidence de la terrible chose.
Gilberta de Saint-Loup me dijo: -¿Quiere que vayamos a comer los dos solos al restaurante? Como le contestara: «Si no cree que se compromete yendo a comer sola con un joven - oí que todo el mundo que me rodeaba se reía, y me apresuré a añadir-: o más bien con un viejo», me di cuenta de que la frase que había hecho reír era de las que habría podido decir mi madre hablando de mí; mi madre, para la que yo era siempre un niño. Y notaba que, al juzgarme, me ponía siempre en el mismo punto de vista que ella. Si había acabado por registrar como ella ciertos cambios que se habían producido desde mi primera infancia, ahora eran de todos modos unos cambios muy antiguos. Me había quedado en el que hizo decir una vez, casi adelantándose al hecho: «Ya es casi un mozo». Todavía lo pensaba, pero esta vez con inmenso retraso. No me daba cuenta de hasta qué punto había cambiado. Por cierto que, ellos, que acababan de reírse a carcajadas, ¿qué es lo que veían? Yo no tenía una cana, mi bigote era negro. Me hubiera gustado preguntarles en qué se manifestaba la evidencia de la terrible cosa.
Et maintenant je comprenais ce qu′était la vieillesse — la vieillesse qui, de toutes les réalités, est peut-être celle dont nous gardons le plus longtemps dans la vie une notion purement abstraite, regardant les calendriers, datant nos lettres, voyant se marier nos amis, les enfants de nos amis, sans comprendre, soit par peur, soit par paresse, ce que cela signifie, jusqu′au jour où nous apercevons une silhouette inconnue, comme celle de M. d′Argencourt, laquelle nous apprend que nous vivons dans un nouveau monde ; jusqu′au jour où le petit-fils d′une de nos amies, jeune homme qu′instinctivement nous traiterions en camarade, sourit comme si nous nous moquions de lui, nous qui lui sommes apparu comme un grand-père ; je comprenais ce que signifiaient la mort, l′amour, les joies de l′esprit, l′utilité de la douleur, la vocation. Car si les noms avaient perdu pour moi de leur individualité, les mots me découvraient tout leur sens. La beauté des images est logée à l′arrière des choses, celle des idées à l′avant. De sorte que la première cesse de nous émerveiller quand on les a atteintes, mais qu′on ne comprend la seconde que quand on les a dépassées.
Â…
Or, à toutes ces idées, la cruelle découverte que je venais de faire relativement au Temps qui s′était écoulé ne pourrait que s′ajouter et me servir en ce qui concernait la matière même de mon livre. Puisque j′avais décidé qu′elle ne pouvait être uniquement constituée par les impressions véritablement pleines, celles qui sont en dehors du Temps, parmi les vérités avec lesquelles je comptais les sertir, celles qui se rapportent au Temps, au Temps dans lequel baignent et s′altèrent les hommes, les sociétés, les nations, tiendraient une place importante. Je n′aurais pas soin seulement de faire une place à ces altérations que subit l′aspect des êtres et dont j′avais de nouveaux exemples à chaque minute, car tout en songeant à mon œuvre, assez définitivement mise en marche pour ne pas se laisser arrêter par des distractions passagères, je continuais à dire bonjour aux gens que je connaissais et à causer avec eux. Le vieillissement, d′ailleurs, ne se marquait pas pour tous d′une manière analogue. Je vis quelqu′un qui demandait mon nom, on me dit que c′était M. de Cambremer. Et alors, pour me montrer qu′il m′avait reconnu : « Est-ce que vous avez toujours vos étouffements ? » me demanda-t-il, et sur ma réponse affirmative : « Vous voyez que ça n′empêche pas la longévité », me dit-il, comme si j′étais décidément centenaire. Je lui parlais les yeux attachés sur deux ou trois traits que je pouvais faire rentrer par la pensée dans cette synthèse, pour le reste toute différente, de mes souvenirs, que j′appelais sa personne. Mais un instant il tourna à demi la tête. Et alors je vis qu′il était rendu méconnaissable par l′adjonction d′énormes poches rouges aux joues qui l′empêchaient d′ouvrir complètement la bouche et les yeux, si bien que je restais hébété, n′osant regarder cette sorte d′anthrax dont il me semblait plus convenable qu′il me parlât le premier. Mais comme, en malade courageux, il n′y faisait pas allusion et riait, j′avais peur d′avoir l′air de manquer de cœur en ne lui demandant pas, de tact en lui demandant ce qu′il avait. Mais « ils ne vous viennent pas plus rarement avec l′âge ? » me demanda-t-il, en continuant à parler de mes étouffements. Je lui dis que non.
Seguramente , el terrible descubrimiento que acababa de hacer me sería útil en cuanto a la materia misma de mi libro. Como había decidido que esta materia no podían constituirla únicamente las impresiones verdaderamente plenas, las que están fuera del tiempo, entre las verdades con que pensaba combinarlas, las que se refieren al tiempo, al tiempo en el que están inmersos y cambian los hombres, las sociedades, las naciones, ocuparían un lugar importante. No sólo me cuidaría de reservar un lugar a esas alteraciones que sufre el aspecto de los seres y de las que tenía a cada momento ejemplos nuevos, pues mientras pensaba en mi obra, ya puesta en marcha lo bastante definitivamente como para no permitir que la interrumpieran distracciones pasajeras, seguía saludando a las personas que conocía y charlando con ellas. Por otra parte, no en todos se notaba el envejecimiento de la misma manera. Vi a uno que preguntaba mi nombre, y me dijeron que era monsieur de Cambremer. Y para demostrarme que me había reconocido: «¿Sigue usted con asma?», me preguntó, y ante mi respuesta afirmativa me dijo, como si yo fuera decididamente centenario: «Pues ya ve que eso no impide la longevidad». Yo le hablaba con los ojos fijos en los dos o tres rasgos que podía meter con el pensamiento en aquella síntesis, por lo demás muy diferente, de mis recuerdos que yo llamaba su persona, pero volvió un momento la cabeza y entonces vi que estaba desconocido porque le habían salido en las mejillas unas enormes bolsas rojas que le impedían abrir completamente la boca y los ojos, tanto que me quedé pasmado, sin atreverme a mirar aquella especie de ántrax, pareciéndome más conveniente que me hablara él primero. Pero, como un enfermo valeroso, no aludía a aquello, reía, y yo tenía miedo de parecer un hombre sin corazón al no preguntarle lo que tenía: -Pero ¿no le dan los accesos más de tarde en tarde con la edad? -me preguntó, insistiendo en hablarme del asma. Le dije que no.
« Ah ! pourtant, ma sœur en a sensiblement moins qu′autrefois », me dit-il, d′un ton de contradiction comme si cela ne pouvait pas être autrement pour moi que pour sa sœur, et comme si l′âge était un de ces remèdes dont il n′admettait pas, quand ils avaient fait du bien à Mme de Gaucourt, qu′ils ne me fussent pas salutaires. Mme de Cambremer-Legrandin s′étant approchée, j′avais de plus en plus peur de paraître insensible en ne déplorant pas ce que je remarquais sur la figure de son mari et je n′osais pas cependant parler de ça le premier. « Vous êtes content de le voir ? me dit-elle. — Il va bien ? répliquai-je sur un ton incertain. — Mais comme vous voyez. » Elle ne s′était pas aperçue de ce mal qui offusquait ma vue et qui n′était autre qu′un des masques du Temps que celui-ci avait appliqué à la figure du marquis, mais peu à peu, et en l′épaississant si progressivement que la marquise n′en avait rien vu. Quand M. de Cambremer eut fini ses questions sur mes étouffements, ce fut mon tour de m′informer tout bas auprès de quelqu′un si la mère du marquis vivait encore. Elle vivait. Dans l′appréciation du temps écoulé, il n′y a que le premier pas qui coûte. On éprouve d′abord beaucoup de peine à se figurer que tant de temps ait passé et ensuite qu′il n′en ait pas passé davantage. On n′avait jamais songé que le XIIIe siècle fût si loin, et après on a peine à croire qu′il puisse subsister encore des églises du XIIIe siècle, lesquelles pourtant sont innombrables en France. En quelques instants s′était fait en moi ce travail plus lent qui se fait chez ceux qui, ayant eu peine à comprendre qu′une personne qu′ils ont connue jeune ait soixante ans, en ont plus encore, quinze ans après, à apprendre qu′elle vit encore et n′a pas plus de soixante-quinze ans. Je demandai à M. de Cambremer comment allait sa mère. « Elle est toujours admirable », me dit-il, usant d′un adjectif qui, par opposition aux tribus où on traite sans pitié les parents âgés, s′applique dans certaines familles aux vieillards chez qui l′usage des facultés les plus matérielles, comme d′entendre, d′aller à pied à la messe, et de supporter avec insensibilité les deuils, s′empreint, aux yeux de leurs enfants, d′une extraordinaire beauté morale.
-Claro que sí; mi hermana tiene bastantes menos que antes -me dijo en un tono de contradicción, como si tuviera que ocurrirme a mí lo mismo que a su hermana y como si la edad fuera uno de esos remedios que, desde el momento en que le habían sentado bien a madame de Gaucourt, no podían menos de ser saludables para mí. Como se acercara madame de Cambremer-Legrandin, yo tenía cada vez más miedo de parecer insensible al no deplorar lo que veía en la cara de su marido, y, sin embargo, no me atrevía en hablar de ello el primero. -¿Está contento de verle? -me dijo. -¿Se encuentra bien? -repliqué en un tono inseguro. -Pues ya ve usted que no muy mal. No se había dado cuenta de aquel mal que a mí me ofuscaba la vista y que no era otra cosa que una de las caretas del Tiempo que éste había aplicado a la cara del marqués, pero paulatinamente e hinchándola tan progresivamente que la marquesa no había visto nada. Cuando monsieur de Cambremer dio por terminadas sus preguntas sobre mis accesos de asma, me llegó a mí el turno de preguntar a alguien en voz baja si vivía aún la madre del marqués. En realidad, en la apreciación del tiempo transcurrido, sólo el primer paso resulta difícil. Al principio, cuesta mucho trabajo figurarse que ha pasado tanto tiempo y después que no haya pasado más. No habíamos pensado nunca que el siglo XIII estuviera tan lejos, y después nos cuesta trabajo creer que puedan existir todavía iglesias del siglo XIII que, sin embargo, son innumerables en Francia. En algunos momentos este trabajo había resultado en mí más lento que en los que, después de haberles sido difícil comprender que una persona a la que conocieron joven tenga sesenta años, les es más difícil aún, pasados otros quince años, creer que vive todavía y no tiene más de setenta y cinco años. Le pregunté a monsieur de Cambremer cómo estaba su madre. «Sigue admirable», me dijo, empleando un adjetivo que, al contrario que en ciertas tribus donde tratan sin compasión a los padres viejos, se aplica en ciertas familias a los ancianos en los que el uso de las facultades más materiales, como oír, ir a pie a misa y soportar con insensibilidad los duelos, adquiere, a los ojos de sus hijos, una extraordinaria belleza moral.
Si certaines femmes avouaient leur vieillesse en se fardant, elle apparaissait, au contraire, par l′absence de fard chez certains hommes sur le visage desquels je ne l′avais jamais expressément remarquée, et qui tout de même me semblaient bien changés depuis que, découragés de chercher à plaire, ils en avaient cessé l′usage. Parmi eux était Legrandin. La suppression du rose, que je n′avais jamais soupçonné artificiel, de ses lèvres et de ses joues donnait à sa figure l′apparence grisâtre et à ses traits allongés et mornes la précision sculpturale et lapidaire de ceux d′un dieu égyptien. Un dieu ! un revenant plutôt. Il avait perdu non seulement le courage de se peindre, mais de sourire, de faire briller son regard, de tenir des discours ingénieux. On s′étonnait de le voir si pâle, abattu, ne prononçant que de rares paroles qui avaient l′insignifiance de celles que disent les morts qu′on évoque. On se demandait quelle cause l′empêchait d′être vif, éloquent, charmant, comme on se le demande devant « le double » insignifiant d′un homme brillant de son vivant et auquel un spirite pose pourtant des questions qui prêteraient aux développements charmeurs. Et on se disait que cette cause qui avait substitué au Legrandin coloré et rapide un pâle et triste fantôme de Legrandin, c′était la vieillesse. Chez certains même les cheveux n′avaient pas blanchi. Ainsi je reconnus, quand il vint dire un mot à son maître, le vieux valet de chambre du prince de Guermantes. Les poils bourrus qui hérissaient ses joues tout autant que son crâne étaient restés d′un roux tirant sur le rose et on ne pouvait le soupçonner de se teindre comme la duchesse de Guermantes. Mais il n′en paraissait pas moins vieux. On sentait seulement qu′il existe chez les hommes comme, dans le règne végétal, les mousses, les lichens et tant d′autres, des espèces qui ne changent pas à l′approche de l′hiver.
Así como algunas mujeres declaran su vejez pintándose, en cambio se manifestaba por la ausencia deafeites en algunos hombres en cuyo rostro yo no los había visto nunca expresamente, y que a pesar de estome parecían muy cambiados desde que renunciando a intentar agradar habían dejado de usarlos. Entre éstos estaba Legrandin. La supresión del rosa de sus labios y de sus mejillas, que yo nunca había sospechado quefuera artificial, daba a su cara la apariencia grisácea y también la precisión escultural de la piedra. Había perdido no sólo el valor de pintarse, de sonreír, de dar brillo a su mirada, de los parlamentos ingeniosos. Extrañaba verle tan pálido, abatido, pronunciando sólo unas pocas palabras que tenían la insignificancia delas que dicen los muertos cuando se los evoca. Se preguntaba uno qué causa le impedía ser vivaz, elocuente, encantador, como se lo pregunta ante el «doble» insignificante de un hombre brillante en vida y al que un espiritista hace preguntas que se prestarían a seductoras lucubraciones. Y se decía uno que aquella causa que había sustituido el Legrandin rosado y rápido por un pálido y triste fantasma deLegrandin era la vejez.Algunos ni siquiera habían encanecido. Así reconocí, cuando se acercó a decir unas palabras a su amo, alviejo criado del príncipe de Guermantes. Los pelos tiesos que le erizaban las mejillas, lo mismo que el cráneo, seguían siendo de un rojo tirando a rosa, y no se podía sospechar que se tiñera como la duquesa deGuermantes. Pero no por eso parecía menos viejo. Simplemente se daba uno cuenta de que en los hombres, como en el reino vegetal de los musgos, los líquenes y tantos otros, existen especies que no cambian alllegar el invierno.
Chez d′autres invités, dont le visage était intact, l′âge se marquait autrement ; ils semblaient seulement embarrassés quand ils avaient à marcher ; on croyait d′abord qu′ils avaient mal aux jambes, et ce n′est qu′ensuite qu′on comprenait que la vieillesse leur avait attaché ses semelles de plomb. Elle en embellissait d′autres, comme le prince d′Agrigente. À cet homme long, mince, au regard terne, aux cheveux qui semblaient devoir rester éternellement rougeâtres, avait succédé, par une métamorphose analogue à celle des insectes, un vieillard chez qui les cheveux rouges, trop longtemps vus, avaient été, comme un tapis de table qui a trop servi, remplacé par des cheveux blancs. Sa poitrine avait pris une corpulence inconnue, robuste, presque guerrière, et qui avait dû nécessiter un véritable éclatement de la frêle chrysalide que j′avais connue ; une gravité consciente d′elle-même baignait les yeux, où elle était teintée d′une bienveillance nouvelle qui s′inclinait vers chacun. Et comme, malgré tout, une certaine ressemblance subsistait entre le puissant prince actuel et le portrait que gardait mon souvenir, j′admirais la force de renouvellement original du temps qui, tout en respectant l′unité de l′être et les lois de la vie, sait changer ainsi le décor et introduire de hardis contrastes dans deux aspects successifs d′un même personnage, car, beaucoup de ces gens, on les identifiait immédiatement, mais comme d′assez mauvais portraits d′eux-mêmes réunis dans l′exposition où un artiste inexact et malveillant durcit les traits de l′un, enlève la fraîcheur du teint ou la légèreté de la taille à celle-ci, assombrit le regard de tel autre. Comparant ces images avec celles que j′avais sous les yeux de ma mémoire, j′aimais moins celles qui m′étaient montrées en dernier lieu. Comme souvent on trouve moins bonne et on refuse une des photographies entre lesquelles un ami vous a prié de choisir. À chaque personne et devant l′image qu′elle me montrait d′elle-même j′aurais voulu dire : « Non, pas celle-ci, vous êtes moins bien, ce n′est pas vous. » Je n′aurais pas osé ajouter : « Au lieu de votre beau nez droit on vous a fait le nez crochu de votre père que je ne vous ai jamais connu. » En effet, c′était un nez nouveau et familial. Bref, l′artiste le Temps avait « rendu » tous ces modèles de telle façon qu′ils étaient reconnaissables, mais ils n′étaient pas ressemblants, non parce qu′il les avait flattés, mais parce qu′il les avait vieillis. Cet artiste-là, du reste, travaille fort lentement. Ainsi cette réplique du visage d′Odette, dont, le jour où j′avais pour la première fois vu Bergotte, j′avais aperçu l′esquisse à peine ébauchée dans le visage de Gilberte, le temps l′avait enfin poussée jusqu′à la plus parfaite ressemblance, comme on le verra tout à l′heure, pareil à ces peintres qui gardent longtemps une œuvre et la complètent année par année.
Entre éstos otros que conservaban la cara intacta sólo parecían entorpecidos cuando tenían que andar; al principio se pensaba que les dolían las piernas, y sólo después se comprendía que la vejez les había atado sus suelas de plomo. A otros los embellecía, como al príncipe de Agrigente. Este hombre alto, delgado, de mirar mortecino, con un pelo que parecía que iba a permanecer siempre rojizo, había sido sustituido, en virtud de una metamorfosis análoga a la de los insectos, por un anciano en el que el pelo rojo, demasiado visto, había sido reemplazado, como un tapete demasiado usado, por un pelo blanco. Su tórax había adquirido una corpulencia desconocida, robusta, casi guerrera, para lo cual había debido de producirse un estallido de la frágil crisálida que yo conocí; le bañaba los ojos una gravedad consciente de sí misma, teñida de una benevolencia nueva que se inclinaba hacia cada uno. Y como, a pesar de todo, subsistía cierto parecido entre el fuerte príncipe actual y el retrato que mi recuerdo conservaba, admiré la fuerza de renovación original del Tiempo que, sin dejar de respetar la unidad del ser y las leyes de la vida, así sabe cambiar la decoración e introducir audaces contrastes en dos aspectos sucesivos de un mismo personaje; pues a muchas de esas personas las identificamos inmediatamente, pero como unos retratos de ellos mismos, bastante malos, reunidos en la exposición en que un artista inexacto y malintencionado endurece los rasgos de uno, le quita la lozanía de la tez o la esbeltez del talle a otra, ensombrece la mirada. Comparando estas imágenes con las que yo tenía ante los ojos de mi memoria, me gustaban menos las que me presentaban en último lugar. Así como a veces nos parece menos buena y rechazamos una de las fotografías entre las cuales un amigo nos ha pedido que elijamos, yo hubiera querido decir a cada persona y ante la imagen de ella misma que me mostraba: «No, ésa no, no está usted muy bien, no es usted», y no me atrevería a añadir: «En vez de su bonita nariz recta, le han puesto la nariz ganchuda de su padre que nunca he visto en usted». Y en realidad era una nariz nueva y familiar. En fin, el artista, el Tiempo, había «representado» todos sus modelos de tal manera que eran reconocibles; pero no eran parecidos, no porque los hubiera favorecido, sino porque los había envejecido. Por otra parte, es un artista que trabaja muy despacio. Así, por ejemplo, aquella réplica de la cara de Odette, cuyo boceto vi, el día en que conocí a Bergotte, apenas esbozado en la cara de Gilberta, el Tiempo lo había llevado al fin al más perfecto parecido, como esos pintores que conservan mucho tiempo una obra y la van completando año tras año.
En plusieurs, je finissais par reconnaître, non seulement eux-mêmes, mais eux tels qu′ils étaient autrefois, et Ski, par exemple, pas plus modifié qu′une fleur ou un fruit qui a séché, type de ces amateurs « célibataires de l′art » qui vieillissent inutiles et insatisfaits. Ski était resté ainsi un essai informe, confirmant mes théories sur l′art. D′autres le suivaient qui n′étaient nullement des amateurs ; c′étaient des gens du monde qui ne s′intéressaient à rien, et eux aussi, la vieillesse ne les avait pas mûris et, même s′il s′entourait d′un premier cercle de rides et d′un arc de cheveux blancs, leur même visage poupin gardait l′enjouement de la dix-huitième année. Ils n′étaient pas des vieillards, mais des jeunes gens de dix-huit ans extrêmement fanés. Peu de chose eût suffi à effacer ces flétrissures de la vie, et la mort n′aurait pas plus de peine à rendre au visage sa jeunesse qu′il n′en faut pour nettoyer un portrait que seul un peu d′encrassement empêche de briller comme autrefois. Aussi je pensais à l′illusion dont nous sommes dupes quand, entendant parler d′un célèbre vieillard, nous nous fions d′avance à sa bonté, à sa justice, à sa douceur d′âme ; car je sentais qu′ils avaient été, quarante ans plus tôt, de terribles jeunes gens dont il n′y avait aucune raison pour supposer qu′ils n′avaient pas gardé la vanité, la duplicité, la morgue et les ruses.
En algunos, acababa por reconocer no sólo a ellos mismos, sino a ellos mismos tales como eran en otro tiempo, y, por ejemplo, a Ski, no más cambiado que una flor o una fruta secas. Era un ensayo informe, confirmatorio de mis teorías sobre el arte. (Me coge por el brazo: «La he oído ocho veces, etc.») Otros no eran a absoluto aficionados, eran personas del gran mundo. Pero tampoco a éstos los había madurado la vejez y su rostro de pepona, aunque rodeado de un primer círculo de arrugas y de un arco de cabello blanco, conservaba la animación de los dieciocho años. No eran viejos, sino jóvenes de dieciocho años sumamente ajados. Poca cosa hubiera bastado para borrar aquella acción marchitadora de la vida, y a la muerte ya no le habría sido más difícil devolver a aquel rostro su juventud de lo que es limpiar un retrato al que sólo un poco de suciedad impide brillar como antaño. Y pensaba yo en la ilusión que nos engaña cuando, oyendo hablar de un célebre anciano, confiamos de antemano en su bondad, en su justicia, en la dulzura de su alma; pues me daba cuenta de que, cuarenta años antes, fueron unos terribles jóvenes y que no había ninguna razón para suponer que no conservaban la vanidad, la duplicidad, la altivez y las artimañas.
Et pourtant, en complet contraste avec ceux-ci, j′eus la surprise de causer avec des hommes et des femmes, jadis insupportables, et qui avaient perdu à peu près tous leurs défauts, soit que la vie, en décevant ou comblant leurs désirs, leur eût enlevé de leur présomption ou de leur amertume. Un riche mariage qui ne nous rend plus nécessaire la lutte ou l′ostentation, l′influence même de la femme, la connaissance lentement acquise de valeurs autres que celles auxquelles croit exclusivement une jeunesse frivole, leur avait permis de détendre leur caractère et de montrer leurs qualités. Ceux-là en vieillissant semblaient avoir une personnalité différente, comme ces arbres dont l′automne, en variant leurs couleurs, semble changer l′essence. Pour eux celle de la vieillesse se manifestait vraiment, mais comme une chose morale (qu′ils ne possédaient pas avant). Chez d′autres elle était plutôt physique, et si nouvelle que la personne — Mme de Souvré par exemple — me semblait à la fois inconnue et connue. Inconnue, car il m′était impossible de soupçonner que ce fût elle, et malgré moi je ne pus m′empêcher, en répondant à son salut, de laisser voir le travail d′esprit qui me faisait hésiter entre trois ou quatre personnes (parmi lesquelles n′était pas Mme de Souvré) pour savoir à qui je le rendais avec une chaleur, du reste, qui dut l′étonner, car dans le doute, ayant peur d′être trop froid si c′était une amie intime, j′avais compensé l′incertitude du regard par la chaleur de la poignée de main et du sourire. Mais, d′autre part, son aspect nouveau ne m′était pas inconnu. C′était celui que j′avais souvent vu, au cours de ma vie, à des femmes âgées et fortes, mais sans soupçonner alors qu′elles avaient pu, beaucoup d′années avant, ressembler à Mme de Souvré. Cet aspect était si différent de celui que j′avais connu dans le passé qu′on eût dit qu′elle était un être condamné, comme un personnage de féerie, à apparaître d′abord en jeune fille, puis en épaisse matrone, et qui reviendrait sans doute bientôt en vieille branlante et courbée. Elle semblait, comme une lourde nageuse qui ne voit plus le rivage qu′à une grande distance, repousser avec peine les flots du temps qui la submergeaient. J′arrivai à force de regarder sa figure hésitante, incertaine comme une mémoire infidèle qui ne peut plus retenir les formes d′autrefois, j′arrivai pourtant à en retrouver quelque chose en me livrant au petit jeu d′éliminer les carrés et les hexagones que l′âge avait ajoutés à ces joues. D′ailleurs, ce qu′il mêlait à celles des femmes n′était pas toujours seulement des figures géométriques. Dans les joues de la duchesse de Guermantes, restées si semblables pourtant et pourtant composites maintenant comme un nougat, je distinguais une trace de vert-de-gris, un petit morceau rose de coquillage concassé, une grosseur difficile à définir, plus petite qu′une boule de gui et moins transparente qu′une perle de verre.
Y, sin embargo, en completo contraste con éstos, tuve la sorpresa de charlar con unos hombres y unas mujeres que antes eran insoportables y que habían ido perdiendo casi todos sus defectos, quizá porque la vida, defraudando o colmando sus deseos, les hubiera quitado presunción o amargura. Una boda opulenta, que hace ya innecesaria la lucha o la ostentación, la influencia misma de la mujer, el conocimiento lentamente adquirido de valores distintos de aquellos en que cree exclusivamente una juventud frívola, les ha permitido apaciguar su carácter y mostrar sus cualidades. Al envejecer, estas cualidades parecían tener una personalidad diferente, como esos árboles en los que el otoño, variando sus colores, parece cambiar su especie: en estas personas, la de la vejez se manifestaba verdaderamente, pero como una cosa moral. En otras era más bien fisica, y tan nueva que la persona (por ejemplo, madame d′Arpajon) me parecía a la vez desconocida y conocida. Desconocida porque me era imposible sospechar que fuera ella, y, al contestar a su saludo, no pude menos de dejar traslucir el trabajo mental que me hacía dudar entre tres o cuatro personas (entre las cuales no estaba madame d′Arpajon) para saber a quién devolvía aquel saludo, con un calor, por lo demás, que debió de sorprenderle, pues, en la duda, por miedo de estar demasiado frío si se trataba de una amiga íntima, compensé la inseguridad de la mirada con el calor del apretón de manos y de la sonrisa. Mas, por otra parte, su aspecto nuevo no me era desconocido. Era el aspecto que, a lo largo de mi vida, había visto muchas veces en mujeres de edad y gruesas, pero sin suponer entonces que, muchos años antes, se habían podido parecer a madame d′Arpajon; su aspecto de ahora era tan diferente del que le había conocido, que se dijera que era un ser condenado, como un personaje de cuento de hadas, a aparecer primero en forma de doncella, de gruesa matrona después, y que seguramente volvería pronto en forma de una vieja temblequeante y encorvada. Como una pesada nadadora que ya no ve la orilla más que a gran distancia, parecía rechazar trabajosamente las olas del tiempo que la sumergían. Pero, poco a poco, a fuerza de mirar su figura vacilante, incierta como una memoria infiel que ya no puede retener las formas de otro tiempo, llegué a recobrar algo de ellas entregándome al pequeño juego de eliminar los cuadrados, los hexágonos que la edad había superpuesto a sus mejillas. Por otra parte, lo que el tiempo ponía en aquellas mujeres no siempre era sólo figuras geométricas. En las mejillas que, sin embargo, seguían siendo tan parecidas, de la duquesa de Guermantes y al mismo tiempo heterogéneas como un guirlache, distingí una huella de cardenillo, un pequeño fragmento rosa de concha machacada, un grosor difícil de definir, más pequeño que una bola de muérdago y menos transparente que una perla de vidrio.
Certains hommes boitaient dont on sentait bien que ce n′était pas par suite d′un accident de voiture, mais à cause d′une attaque et parce qu′ils avaient déjà, comme on dit, un pied dans la tombe. Dans l′entrebâillement de la leur, à demi paralysées, certaines femmes, comme Mme de Franquetot, semblaient ne pas pouvoir retirer complètement leur robe restée accrochée à la pierre du caveau, et elles ne pouvaient se redresser, infléchies qu′elles étaient, la tête basse, en une courbe qui était comme celle qu′elles occupaient actuellement entre la vie et la mort, avant la chute dernière. Rien ne pouvait lutter contre le mouvement de cette parabole qui les emportait et, dès qu′elles voulaient se lever, elles tremblaient et leurs doigts ne pouvaient rien retenir.
Algunos hombres cojeaban: se notaba bien que no era por un accidente de coche, sino por un primer ataque y porque ya tenían, como se dice, un pie en la sepultura. En la puerta entreabierta de la suya, algunas mujeres, medio paralizadas, parecía que ya no podían retirar completamente su vestido que se había quedado enganchado en la piedra de la tumba, y no podían enderezarse, inclinadas como estaban, con la cabeza baja, en una curva que era como la que ocupaban actualmente entre la vida y la muerte, ante la caída postrera. Nada podía luchar contra el movimiento de aquella parábola que se las llevaba y, en cuanto intentaban levantarse, temblaban y sus dedos no podían sujetar nada.
Certaines figures sous la cagoule de leurs cheveux blancs avaient déjà la rigidité, les paupières scellées de ceux qui vont mourir, et leurs lèvres, agitées d′un tremblement perpétuel, semblaient marmonner la prière des agonisants.
Algunas caras, bajo la cogulla de su pelo blanco, tenían ya la rigidez, los párpados cerrados de los que van a morir, y sus labios, agitados por un movimiento perpetuo, parecían mascullar la oración de los agonizantes.
À un visage linéairement le même il suffisait, pour qu′il semblât autre, de cheveux blancs au lieu de cheveux noirs ou blonds. Les costumiers de théâtre savent qu′il suffit d′une perruque poudrée pour déguiser très suffisamment quelqu′un et le rendre méconnaissable. Le jeune marquis de Beausergent, que j′avais vu dans la loge de Mme de Cambremer, alors sous-lieutenant, le jour où Mme de Guermantes était dans la baignoire de sa cousine, avait toujours ses traits aussi parfaitement réguliers, plus même, la rigidité physiologique de l′artério-sclérose exagérant encore la rectitude impassible de la physionomie du dandy et donnant à ces traits l′intense netteté, presque grimaçante à force d′immobilité, qu′ils auraient eue dans une étude de Mantegna ou de Michel-Ange. Son teint jadis d′une rougeur égrillarde était maintenant d′une solennelle pâleur ; des poils argentés, un léger embonpoint, une noblesse de doge, une fatigue qui allait jusqu′à l′envie de dormir, tout concourait chez lui à donner une impression nouvelle de majesté fatale. Au rectangle de sa barbe blonde le rectangle égal de sa barbe blanche se substituait si parfaitement que, remarquant que ce sous-lieutenant que j′avais connu avait cinq galons, ma première pensée fut de le féliciter non d′avoir été promu colonel, mais d′être si bien en colonel, déguisement pour lequel il semblait avoir emprunté l′uniforme, l′air grave et triste de l′officier supérieur qu′avait été son père. Chez un autre, la barbe blanche avait succédé à la barbe blonde, mais comme le visage était resté vif, souriant et jeune, elle le faisait paraître seulement plus rouge et plus militant, augmentant l′éclat des yeux, et donnant au mondain resté jeune l′air inspiré d′un prophète. La transformation que les cheveux blancs et d′autres éléments encore avaient opérée, surtout chez les femmes, m′eussent retenu avec moins de force s′ils n′avaient été qu′un changement de couleur, ce qui peut charmer les yeux, mais parce qu′est troublant pour l′esprit un changement de personnes. En effet, « reconnaître » quelqu′un, et plus encore, après n′avoir pas pu le reconnaître, l′identifier, c′est penser sous une seule dénomination deux choses contradictoires, c′est admettre que ce qui était ici l′être qu′on se rappelle n′est plus, et que ce qui y est, c′est un être qu′on ne connaissait pas, c′est avoir à percer un mystère presque aussi troublant que celui de la mort dont il est, du reste, comme la préface et l′annonciateur. Car, ces changements, je savais ce qu′ils voulaient dire, ce à quoi ils préludaient. Aussi cette blancheur des cheveux impressionnait chez les femmes, jointe à tant d′autres changements. On me disait un nom et je restais stupéfait de penser qu′il s′appliquait à la fois à la blonde valseuse que j′avais connue autrefois et à la lourde dame à cheveux blancs qui passait pesamment près de moi. Avec une certaine roseur de teint ce nom était peut-être la seule chose qu′il y avait de commun entre ces deux femmes, plus différentes — celle de la mémoire et celle de la matinée Guermantes — qu′une ingénue et une douairière de pièce de théâtre. Pour que la vie ait pu arriver à donner à la valseuse ce corps énorme, pour qu′elle eût pu ralentir, comme au métronome, ses mouvements embarrassés, pour qu′avec peut-être comme seule parcelle permanente, les joues — plus larges certes, mais qui dès la jeunesse étaient déjà couperosées — elle eût pu substituer à la légère blonde ce vieux maréchal ventripotent, il lui avait fallu accomplir plus de dévastations et de reconstitutions que pour mettre un dôme à la place d′une flèche, et quand on pensait qu′un pareil travail s′était opéré non sur la matière inerte mais sur une chair qui ne change qu′insensiblement, le contraste bouleversant entre l′apparition présente et l′être que je me rappelais reculait celui-ci dans un passé plus que lointain, presque invraisemblable. On avait peine à réunir les deux aspects, à penser les deux personnes sous une même dénomination ; car de même qu′on a peine à penser qu′un mort fut vivant ou que celui qui était vivant est mort aujourd′hui, il est presque aussi difficile, et du même genre de difficulté (car l′anéantissement de la jeunesse, la destruction d′une personne pleine de forces et de légèreté est déjà un premier néant), de concevoir que celle qui fut jeune est vieille, quand l′aspect de cette vieille, juxtaposé à celui de la jeune, semble tellement l′exclure que tour à tour c′est la vieille, puis la jeune, puis la vieille encore qui vous paraissent un rêve, et qu′on ne croirait pas que ceci peut avoir jamais été cela, que la matière de cela est elle-même, sans se réfugier ailleurs, grâce aux savantes manipulations du temps, devenue ceci, que c′est la même matière n′ayant pas quitté le même corps — si l′on n′avait l′indice du nom pareil et le témoignage affirmatif des amis auquel donne seule une apparence de vraisemblance la couperose, jadis étroite entre l′or des épis, aujourd′hui étalée sous la neige.
A un rostro linealmente el mismo le bastaba, para parecer otro, el pelo blanco en lugar del pelo negro o rubio. Los figurinistas de teatro saben que basta una peluca empolvada para disfrazar perfectamente a alguien y hacerle irreconocible. El joven conde de [¿?], al que yo había visto en el palco de madame de Cambremer, teniente entonces, el día en que madame de Guermantes estaba en la platea de su prima, conservaba sus rasgos tan perfectamente regulares, incluso más, porque la rigidez fisiológica de la arteriosclerosis exageraba además la rectitud impasible de la fisonomía del dandy y daba a sus rasgos la intensa rotundidad, casi gesticulante a fuerza de inmovilidad, que tendrían en un estudio de Mantegna o de Miguel Ángel. Su tez, en otro tiempo muy colorada, era ahora de una palidez solemne; un pelo plateado, un abdomen ligeramente abultado, una nobleza de dux, una fatiga que llegaba hasta la gana de dormir, todo concurría en él a dar la impresión nueva y profética de la majestad fatal.El rectángulo de su barba blanca, sustituyendo al rectángulo igual de su barba rubia, le transformaba tan perfectamente que, al observar que aquel subteniente que yo había conocido tenía cinco galones, mi primera idea fue felicitarle, no por haber ascendido a coronel, sino por estar tan bien de coronel, disfraz para el cual parecía haber tomado prestado el uniforme, el aire grave y triste del oficial superior que fue su padre. En otro, la barba blanca que sustituía a la barba rubia, como el rostro seguía siendo vivaz, sonriente y joven, no hacía más que hacerle parecer más rojo y más militante, aumentaba el brillo de los ojos y daba al mundano conservado joven el aire inspirado de un profeta. La transformación que el pelo blanco y otros elementos más habían operado, sobre todo en las mujeres, me habría llamado menos la atención si no fuera más que un cambio de color, lo que puede seducir a los ojos, y no un cambio de personas, lo que resultaba más perturbador para la mente. En efecto, «reconocer» a alguien, y más aún, después de no haber podido reconocerle, identificarle, es pensar en dos cosas contradictorias bajo una misma denominación, es admitir que lo que estaba aquí, el ser que recordamos, ya no está, y que lo que está es un ser que no conocíamos; es tener que pensar un misterio casi tan turbador como el de la muerte, de la que, por otra parte, es como el prefacio y el heraldo. Pues estos cambios yo sabía lo que querían decir, lo que preludiaban. Por eso aquel blanco del pelo impresionaba en las mujeres, junto con otros varios cambios. Me decían un nombre y yo me quedaba pasmado al pensar que se aplicaba a la vez a la rubia valsadora que conocí en otro tiempo y a la gruesa dama de cabello blanco que pasaba torpemente junto a mí. Con cierto rosado de la tez, este nombre era quizá lo único de común entre aquellas dos mujeres, más diferentes (la de mi memoria y la de la fiesta Guermantes) que una ingenua y una reina madre de teatro. Para que la vida hubiera podido dar a la valsadora aquel cuerpo enorme, para que hubiera podido amortiguar como con un metrónomo sus torpes movimientos, para que, quizá como única parcela común, con las mejillas, más gruesas desde luego, pero rojizas desde la juventud, hubiera podido sustituir a la ligera rubia por aquel viejo mariscal barrigudo, necesitó realizar más devastaciones y reconstrucciones que para poner una cúpula en lugar de una torre, y cuando pensábamos que semejante trabajo se había operado no en la materia inerte, sino en una carne que sólo insensiblemente cambia, el contraste impresionante entre la aparición presente y el ser que yo recordaba empujaba a éste a un pasado más que lejano, casi inverosímil. Resultaba difícil reunir los dos aspectos, pensar las dos personas bajo una misma denominación; pues de la misma manera que nos cuesta trabajo pensar que un muerto fue vivo y que el que estaba vivo está hoy muerto, resulta igualmente difícil, y del mismo género de dificultad (pues la aniquilación de la juventud, la destrucción de una persona llena de fuerza y de ligereza es ya una primera nada), concebir que la que fue joven es vieja, cuando el aspecto de esta vieja, yuxtapuesto al de la joven, parece excluirlo de tal modo que, alternativamente, son la vieja, después la joven, luego otra vez la vieja quienes nos parecen un sueño, y no creemos que esto haya podido nunca ser aquello, que la materia de aquello se haya tornado a su vez en esto, sin refugiarse en otro sitio, gracias a las sabias manipulaciones del tiempo; que es la misma materia no separada del mismo cuerpo, si no tuviéramos el indicio del nombre parecido y el testimonio afirmativo de los amigos, al cual sólo la rosa, estrecha antaño entre el oro de las espigas, abierta ahora bajo la nieve, da una apariencia de verosimilitud.
On était effrayé en pensant aux périodes qui avaient dû s′écouler avant que s′accomplît une pareille révolution dans la géologie d′un visage, et de voir quelles érosions s′étaient faites le long du nez, quelles énormes alluvions, au bord des joues, entouraient toute la figure de leurs masses opaques et réfractaires. J′avais bien considéré toujours notre individu à un moment donné du temps comme un polypier où l′œil, organisme indépendant bien qu′associé, si une poussière passe, cligne sans que l′intelligence le commande ; bien plus, où l′intestin, parasite enfoui, s′infecte sans que l′intelligence l′apprenne, mais aussi et pareillement pour l′âme, dans la durée de la vie, comme une suite de moi juxtaposés mais distincts qui mourraient les uns après les autres ou même alterneraient entre eux comme ceux qui, à Combray, prenaient pour moi la place l′un de l′autre quand venait le soir. Mais aussi j′avais vu que ces cellules morales qui composent un être sont plus durables que lui. J′avais vu les vices, le courage des Guermantes revenir en Saint-Loup comme en lui-même ses défauts étranges et brefs de caractère, comme le sémitisme de Swann. Je pouvais le voir encore en Bloch. Depuis qu′il avait perdu son père, l′idée, outre les grands sentiments de famille qui existent souvent dans les familles juives, que son père était un homme tellement supérieur à tous, avait donné à son amour pour lui la forme d′un culte. Il n′avait pu supporter l′idée de l′avoir perdu et avait dû s′enfermer près d′une année dans une maison de santé. Il avait répondu à mes condoléances sur un ton à la fois profondément senti et presque hautain, tant il me jugeait enviable d′avoir approché cet homme supérieur dont il eût volontiers donné la voiture à deux chevaux à quelque musée historique. Et maintenant, à sa table de famille (car, contrairement à ce que croyait la duchesse de Guermantes, il était marié), la même colère qui animait Bloch contre M. Nissim Bernard animait Bloch contre son beau-père. Il lui faisait les mêmes sorties. De même qu′en écoutant parler Cottard, Brichot, tant d′autres, j′avais senti que, par la culture et la mode, une seule ondulation propage dans toute l′étendue de l′espace les mêmes manières de dire, de penser, de même dans toute la durée du temps de grandes lames de fond soulèvent des profondeurs des âges les mêmes colères, les mêmes tristesses, les mêmes bravoures, les mêmes manies, à travers les générations superposées, chaque section, prise à plusieurs niveaux d′une même série, offrant la répétition, comme des ombres sur des écrans successifs, d′un tableau aussi identique, quoique souvent moins insignifiant, que celui qui mettait aux prises de la même façon M. Bloch et son beau-père, M. Bloch père et M. Nissim Bernard et d′autres que je n′avais pas connus.
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Il y avait des hommes que je savais parents d′autres sans avoir jamais pensé qu′ils eussent un trait commun ; en admirant le vieil ermite aux cheveux blancs qu′était devenu Legrandin, tout d′un coup je constatai, je peux dire que je découvris, avec une satisfaction de zoologiste, dans le méplat de ses joues la construction de celles de son jeune neveu Léonor de Cambremer, qui pourtant avait l′air de ne lui ressembler nullement ; à ce premier trait commun j′en ajoutai un autre que je n′avais pas jusqu′ici remarqué chez Léonor de Cambremer, puis d′autres et qui n′étaient aucun de ceux que m′offrait d′habitude la synthèse de sa jeunesse, de sorte que j′eus bientôt de lui comme une caricature plus vraie, plus profonde, que si elle avait été littéralement ressemblante ; son oncle me semblait maintenant le jeune Cambremer ayant pris pour s′amuser les apparences du vieillard qu′en réalité il serait un jour, si bien que ce n′était plus seulement ce qu′étaient devenus les jeunes d′autrefois, mais ce que deviendraient ceux d′aujourd′hui qui me donnait avec tant de force la sensation du Temps.
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Les femmes tâchaient à rester en contact avec ce qui avait été le plus individuel de leur charme, mais souvent la matière nouvelle de leur visage ne s′y prêtait plus. Les traits où s′était gravée sinon la jeunesse du moins la beauté ayant disparu chez la plupart d′entre elles, elles avaient alors cherché si, avec le visage qui leur restait, on ne pouvait s′en faire une autre. Déplaçant le centre, sinon de gravité du moins de perspective de leur visage, en composant les traits autour de lui suivant un autre caractère, elles commençaient à cinquante ans une nouvelle sorte de beauté, comme on prend sur le tard un nouveau métier, ou comme à une terre qui ne vaut plus rien pour la vigne on fait produire des betteraves. Autour de ces traits nouveaux on faisait fleurir une nouvelle jeunesse. Seules ne pouvaient s′accommoder de ces transformations les femmes trop belles ou trop laides. Les premières, sculptées comme un marbre aux lignes définitives duquel on ne peut plus rien changer, s′effritaient comme une statue. Les secondes, qui avaient quelque difformité de la face, avaient même sur les belles certains avantages. D′abord c′étaient les seules qu′on reconnaissait tout de suite. On savait qu′il n′y avait pas à Paris deux bouches pareilles et la leur me les faisait reconnaître dans cette matinée où je ne reconnaissais plus personne. Et puis elles n′avaient même pas l′air d′avoir vieilli. La vieillesse est quelque chose d′humain. Elles étaient des monstres, et elles ne semblaient pas avoir plus « changé » que des baleines. D′autres hommes, d′autres femmes ne semblaient pas non plus avoir vieilli ; leur tournure était aussi svelte, leur visage aussi jeune. Mais si pour leur parler on se mettait tout près de leur figure lisse de peau et fine de contours, alors elle apparaissait tout autre, comme il arrive pour une surface végétale, une goutte d′eau, de sang, si on la place sous le microscope. Alors je distinguais de multiples taches graisseuses sur la peau que j′avais crue lisse, et dont elles me donnaient le dégoût. Les lignes ne résistaient pas à cet agrandissement. Celle du nez se brisait de près, s′arrondissait, envahie par les mêmes cercles huileux que le reste de la figure ; et de près les yeux rentraient sous des poches qui détruisaient la ressemblance du visage actuel avec celui du visage d′autrefois qu′on avait cru retrouver. De sorte que, à l′égard de ces invités-là, ils étaient jeunes vus de loin, leur âge augmentait avec le grossissement de leur figure et la possibilité d′en observer les différents plans. Pour eux, en somme, la vieillesse restait dépendante du spectateur, qui avait à se bien placer pour voir ces figures-là rester jeunes et à n′appliquer sur elles que ces regards lointains qui diminuent l′objet sans le verre que choisit l′opticien pour un presbyte ; pour elles la vieillesse, décelable comme la présence des infusoires dans une goutte d′eau, était amenée par le progrès moins des années que, dans la vision de l′observateur, du degré de l′échelle de grossissement.
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En général, le degré de blancheur des cheveux semblait comme un signe de la profondeur du temps vécu, comme ces sommets montagneux qui, même apparaissant aux yeux sur la même ligne que d′autres, révèlent pourtant le niveau de leur altitude par l′éclat de leur neigeuse blancheur. Et ce n′était pourtant pas toujours exact, surtout pour les femmes. Ainsi les mèches de la princesse de Guermantes, qui, lorsqu′elles étaient grises et brillantes comme de la soie, semblaient d′argent autour de son front bombé, ayant pris à force de devenir blanches une matité de laine et d′étoupe, semblaient au contraire, à cause de cela, être grises comme une neige salie qui a perdu son éclat.
Y como en la nieve, el grado de blancura del cabello parecía, en general, como un signo de la profundidad del tiempo vivido, de la misma manera que esas cumbres montañosas que, aun apareaendo a los ojos en la misma línea que otras, revelan, sin embargo, el nivel de su altitud por el grado de su nevada blancura. Ahora bien, esto no era exacto para todos, sobre todo para las mujeres. Así, los mechones de la princesa de Guermantes, que cuando eran grises y brillantes como la seda parecían plata en torno a su frente abombada, a fuerza de tornarse blancos habían adquirido un mate de lana y de estopa y parecían grises como una nieve sucia que ha perdido su esplendor.
Et souvent de blondes danseuses ne s′étaient pas seulement annexé avec une perruque de cheveux blancs l′amitié de duchesses qu′elles ne connaissaient pas autrefois. Mais n′ayant fait jadis que danser, l′art les avait touchées comme la grâce. Et comme au XVIIe siècle d′illustres dames entraient en religion, elles vivaient dans un appartement rempli de peintures cubistes, un peintre cubiste ne travaillant que pour elles et elles ne vivant que pour lui.
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Pour les vieillards dont les traits avaient changé, ils tâchaient pourtant de garder, fixée sur eux à l′état permanent, une de ces expressions fugitives qu′on prend pour une seconde de pose et avec lesquelles on essaye, soit de tirer parti d′un avantage extérieur, soit de pallier un défaut ; ils avaient l′air d′être définitivement devenus d′immutables instantanés d′eux-mêmes.
En cuanto a los viejos cuyos rasgos habían cambiado, procuraban, sin embargo, conservar, fija en ellos en estado permanente, una de esas expresiones fugitivas que se toman para un segundo de pose y con las cuales se intenta, bien sacar partido de una ventaja exterior, o bien paliar un defecto; tenían traza de ser ya inmutables instantáneas de sí mismos.
Tous ces gens avaient mis tant de temps à revêtir leur déguisement que celui-ci passait généralement inaperçu de ceux qui vivaient avec eux. Même un délai leur était souvent concédé où ils pouvaient continuer assez tard à rester eux-mêmes. Mais alors ce déguisement prorogé se faisait plus rapidement ; de toutes façons il était inévitable. Je n′avais jamais trouvé aucune ressemblance entre Mme X et sa mère, que je n′avais connue que vieille, ayant l′air d′un petit Turc tout tassé. Et, en effet, j′avais toujours connu Mme X charmante et droite et pendant très longtemps elle l′était restée, pendant trop longtemps, car, comme une personne qui, avant que la nuit n′arrive, a à ne pas oublier de revêtir son déguisement de Turque, elle s′était mise en retard, et aussi était-ce précipitamment, presque tout d′un coup, qu′elle s′était tassée et avait reproduit avec fidélité l′aspect de vieille Turque revêtu jadis par sa mère.
Toda aquella gente había tardado tanto tiempo en revestir su disfraz que, generalmente, pasaba inadvertido para los que vivían con ellos. En muchos casos, hasta se les concedía un plazo en el que podían seguir bastante tiempo siendo ellos mismos. Pero entonces el disfraz aplazado se operaba más rápidamente; de todas maneras era inevitable. Yo no había encontrado nunca ninguna semejanza entre madame X y su madre, a la que sólo había conocido de vieja, con el aire de un pequeño turco muy chaparro. Y a madame X la había conocido siempre encantadora y derecha y durante mucho tiempo había seguido así, durante mucho tiempo, porque, como una persona que, antes de que llegue la noche, tiene que no olvidar revestir su disfraz de turco, se había quedado retrasada, y por eso se había encogido precipitadamente, casi de repente, y, precipitadamente, había reproducido con fidelidad el aspecto de la vieja turca de que se revistió en otro tiempo su madre.
Je retrouvai là un de mes anciens camarades que, pendant dix ans, j′avais vu presque tous les jours. On demanda à nous représenter. J′allai donc à lui et il me dit d′une voix que je reconnus très bien : « C′est une bien grande joie pour moi après tant d′années. » Mais quelle surprise pour moi ! Cette voix semblait émise par un phonographe perfectionné, car si c′était celle de mon ami, elle sortait d′un gros bonhomme grisonnant que je ne connaissais pas, et dès lors il me semblait que ce ne pût être qu′artificiellement, par un truc de mécanique, qu′on avait logé la voix de mon camarade sous ce gros vieillard quelconque. Pourtant je savais que c′était lui, la personne qui nous avait présentés, après si longtemps, l′un à l′autre n′avait rien d′un mystificateur. Lui-même me déclara que je n′avais pas changé, et je compris ainsi qu′il ne se croyait pas changé. Alors je le regardai mieux. Et, en somme, sauf qu′il avait tellement grossi, il avait gardé bien des choses d′autrefois. Pourtant je ne pouvais comprendre que ce fût lui. Alors j′essayai de me rappeler. Il avait dans sa jeunesse des yeux bleus, toujours riants, perpétuellement mobiles, en quête évidemment de quelque chose à quoi je n′avais pensé et qui devait être fort désintéressé, la vérité sans doute, poursuivie en perpétuelle incertitude, avec une sorte de gaminerie, de respect errant pour tous les amis de sa famille. Or, devenu homme politique influent, capable, despotique, ces yeux bleus qui, d′ailleurs, n′avaient pas trouvé ce qu′ils cherchaient s′étaient immobilisés, ce qui leur donnait un regard pointu, comme sous un sourcil froncé. Aussi l′expression de gaîté, d′abandon, d′innocence s′était-elle changée en une expression de ruse et de dissimulation. Décidément il me semblait que c′était quelqu′un d′autre, quand tout d′un coup j′entendis, à une chose que je disais, son rire, son fou rire d′autrefois, celui qui allait avec la perpétuelle mobilité gaie du regard. Des mélomanes trouvent qu′orchestrée par X la musique de Z devient absolument différente. Ce sont des nuances que le vulgaire ne saisit pas, mais un fou rire étouffé d′enfant, sous un œil en pointe comme un crayon bleu bien taillé, quoique un peu de travers, c′est plus qu′une différence d′orchestration. Le rire cessé, j′aurais bien voulu reconnaître mon ami, mais comme, dans l′Odyssée, Ulysse s′élançant sur sa mère morte, comme un spirite essayant en vain d′obtenir d′une apparition une réponse qui l′identifie, comme le visiteur d′une exposition d′électricité qui ne peut croire que la voix que le phonographe restitue inaltérée ne soit tout de même spontanément émise par une personne, je cessai de reconnaître mon ami.
Encontré allí a uno de mis antiguos compañeros al que, durante diez años, había visto casi todos los días. Alguien pidió que nos volvieran a presentar. Me dirigí hacia él y me dijo, con una voz que reconocí muy bien: «Es una gran alegría para mí al cabo de tantos años». Mas, para mí, ¡qué sorpresa! Aquella voz parecía emitida por un fonógrafo perfeccionado, pues si bien era la de mi amigo, salía de un hombre gordo y con el pelo gris al que yo no conocía, y me parecía, pues, que sólo artificialmente, mediante un truco de mecánica, se había alojado la voz de mi compañero bajo un grueso anciano cualquiera. Sin embargo, yo sabía que era él: la persona que nos presentó al cabo de tanto tiempo el uno al otro no tenía nada de un mistificador. El antiguo camarada me dijo que yo no había cambiado, y comprendí que él no se creía cambiado. Entonces le miré mejor. Y, en realidad, salvo que había engordado tanto, conservaba muchas cosas del tiempo pasado. Sin embargo, yo no podía comprender que fuera él. Entonces procuré recordar. En su juventud tenía los ojos azules, siempre reidores, perpetuamente móviles, en busca, evidentemente, de algo en lo que yo no había pensado, busca que debía de ser muy desinteresada, seguramente la Verdad, perseguida en perpetua incertidumbre, con una especie de travesura, de respeto errante por todos los amigos de su familia. Y, convertido en hombre político influyente, capaz, despótico, aquellos ojos azules que por lo demás no habían encontrado lo que buscaban, se habían inmovilizado, lo que les daba una mirada puntiaguda, como bajo unas cejas fruncidas. Y la expresión de jovialidad, de abandono, de inocencia, se había tornado en una expresión de astucia y de disimulo. Decididamente, me parecía que era otro, cuando de pronto oí, al decir yo una cosa, su risa, su risa loca de antaño, la risa que rimaba con la perpetua movilidad jocunda de la mirada. Algunos melómanos opinan que la música de Z orquestada por X resulta absolutamente distinta. Son matices que el vulgo no capta, pero una risa loca y contenida de un niño bajo un ojo en punta como un lápiz azul bien tallado, aunque un poco torcido, es más que una diferencia de orquestación. La risa cesó; bien me hubiera gustado reconocer a mi amigo, pero de la misma manera que, en La Odisea, Ulises se lanza sobre su madre muerta de la misma manera que un espiritista intenta en vano obtener de una aparición una respuesta que la identifique, de la misma manera que el visitante de una exposición de electricidad que no puede creer que la voz que el fonógrafo restituye inalterada sea espontáneamente emitida por una persona, yo dejé de reconocer a mi amigo.
Il faut cependant faire cette réserve que les mesures du temps lui-même peuvent être pour certaines personnes accélérées ou ralenties. Par hasard j′avais rencontré dans la rue, il y avait quatre ou cinq ans, la vicomtesse de Saint-Fiacre (belle-fille de l′amie des Guermantes). Ses traits sculpturaux semblaient lui assurer une jeunesse éternelle. D′ailleurs, elle était encore jeune. Or je ne pus, malgré ses sourires et ses bonjours, la reconnaître en une dame aux traits tellement déchiquetés que la ligne du visage n′était pas restituable. C′est que depuis trois ans elle prenait de la cocaî¥ et d′autres drogues. Ses yeux, profondément cernés de noir, étaient presque hagards. Sa bouche avait un rictus étrange. Elle s′était levée, me dit-on, pour cette matinée, restant des mois sans quitter son lit ou sa chaise longue. Le Temps a ainsi des trains express et spéciaux qui mènent à une vieillesse prématurée. Mais sur la voie parallèle circulent des trains de retour, presque aussi rapides. Je pris M. de Courgivaux pour son fils, car il avait l′air plus jeune (il devait avoir dépassé la cinquantaine et semblait plus jeune qu′à trente ans). Il avait trouvé un médecin intelligent, supprimé l′alcool et le sel ; il était revenu à la trentaine et semblait même, ce jour-là, ne pas l′avoir atteinte. C′est qu′il s′était, le matin même, fait couper les cheveux.
Pero hay que hacer la reserva de que hasta las medidas del tiempo pueden ser, para ciertas personas, aceleradas o retrasadas. Hacía cuatro o cinco años había encontrado, por casualidad, en la calle a la vizcondesa de Saint-Fiacre (nuera de la amiga de los Guermantes). Sus líneas esculturales parecían asegurarle una juventud eterna. Por otra parte, era todavía joven. Pero, a pesar de sus sonrisas y de sus saludos, no pude reconocerla en una señora de unos rasgos tan alterados que la línea de su rostro no era reconstituible. Es que, desde hacía tres años, tomaba cocaína y otras drogas. Sus ojos, rodeados de negras ojeras, eran casi ojos de loca. Su boca tenía un rictus extraño. Se había levantado, me dijeron, para aquella fiesta, pues se pasaba meses sin abandonar la cama o el canapé. Resulta que el Tiempo tiene trenes expresos y especiales que conducen rápidamente a una vejez prematura. Mas por la vía paralela circulan trenes de retorno, casi igualmente rápidos. Confundí a monsieur de Courgivaux con su hijo, pues parecía más joven de lo que era (debía de haber pasado los cincuenta y no aparentaba ni treinta años). Había encontrado un médico inteligente y había suprimido el alcohol y la sal; volvió a la treintena y aquel día hasta parecía no haber llegado a ella. Es que aquella misma mañana se había cortado el pelo.
Chose curieuse, le phénomène de la vieillesse semblait, dans ses modalités, tenir compte de quelques habitudes sociales. Certains grands seigneurs, mais qui avaient toujours été revêtus du plus simple alpaga, coiffés de vieux chapeaux de paille que les petits bourgeois n′auraient pas voulu porter, avaient vieilli de la même façon que les jardiniers, que les paysans au milieu desquels ils avaient vécu. Des taches brunes avaient envahi leurs joues, et leur figure avait jauni, s′était foncée comme un livre.
Cosa curiosa: el fenómeno de la vejez parecía, en sus modalidades, tener en cuenta ciertos hábitos sociales. Algunos grandes señores, pero que siempre habían vestido la más sencilla alpaca y habían llevado viejos sombreros de paja que no hubieran querido ponerse muchos pequeños burgueses, habían envejecido de la misma manera que los jardineros, que los campesinos en medio de los cuales vivieron. Tenían manchas pardas en las mejillas y la cara amarillenta, oscurecida como se oscurece un libro.
Et je pensais aussi à tous ceux qui n′étaient pas là parce qu′ils ne le pouvaient pas, que leur secrétaire, cherchant à donner l′illusion de leur survie, avait excusés par une de ces dépêches qu′on remettait de temps à autre à la princesse, à ces malades depuis des années mourants, qui ne se lèvent plus, ne bougent plus, et, même au milieu de l′assiduité frivole de visiteurs attirés par une curiosité de touristes ou une confiance de pèlerins, les yeux clos, tenant leur chapelet, rejetant à demi leur drap déjà mortuaire, sont pareils à des gisants que le mal a sculptés jusqu′au squelette dans une chair rigide et blanche comme le marbre, et étendus sur leur tombeau.
Y pensé también en todos los que no estaban allí, porque no podían, aquellos a quienes su secretaria, queriendo dar la ilusión de su supervivencia, disculpaban con uno de aquellos telegramas que de cuando en cuando entregaban a la princesa, en esos enfermos que llevan años muriéndose, que ya no se levantan, que ya no se mueven, e incluso, en medio de la asiduidad frívola de visitantes atraídos por una curiosidad de turistas o una confianza de peregrinos, con los ojos cerrados, pasando su rosario, rechazando a medias la sábana ya mortuoria, parecen figuras yacentes que el mal ha esculpido hasta el esqueleto en una carne rígida y blanca como el mármol, y tendidos sobre su tumba.
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Por otra parte, ¿debía yo pensar que estas particularidades morirían? Siempre consideré nuestro individuo, en un momento dado del tiempo, como un pólipo en que el ojo, organismo independiente aunque compuesto, cuando pasa una partícula de polvo, guiña sin que la inteligencia lo ordene, más aún, en que el intestino, parásito escondido, se infecta sin que la inteligencia se entere; pero también en la duración de la vida, como una serie de yos yuxtapuestos pero distintos que morirían uno tras otro o hasta alternarían entre ellos, como los que en Combray tomaban para mí el lugar uno de otro cuando llegaba la noche. Pero también había visto que esas células morales que componen un ser son más duraderas que él. Había visto los vicios, el valor de los Guermantes reaparecer en Saint- Loup, y también reproducirse en él mismo sus defectos extraños y pasajeros de carácter, como el semitismo de Swann. Podía verlo aún en Bloch. Había perdido a su padre hacía unos años y, cuando le escribí en aquel momento, no pudo contestarme en seguida, pues, además de los grandes sentimientos de familia que suelen existir en las familias judías, la idea de que su padre era un hombre tan superior a todos dio a su amor por él la forma de un culto. No pudo soportar perderlo y tuvo que recluirse cerca de un año en un sanatorio. Respondió a mi pésame en un tono a la vez profundamente sentido y casi altanero: hasta tal punto me consideraba envidiable por haber tratado a aquel hombre superior cuyo coche de dos caballos hubiera él dado de buena gana a algún museo histórico. Y ahora, en su mesa de familia, la misma ira que animaba a monsieur Bloch contra monsieur Nissim Bernard animaba a Bloch contra su suegro. Le hacía en la mesa los mismos desplantes. Lo mismo que al oír hablar a Cottard, a Brichot, a tantos otros, sintiera yo que, por la cultura y la moda, una sola ondulación propaga en toda la extensión del espacio las mismas maneras de decir, de pensar, así, en toda la duración del tiempo, grandes olas de fondo levantan, de las profundidades de los tiempos, las mismas iras, las mismas tristezas, las mismas bravuras, las mismas manías a través de las generaciones superpuestas, pues cada sección tomada en varias de una misma serie ofrece la repetición, como las sombras sobre pantallas sucesivas, de un cuadro tan idéntico, aunque a menudo menos insignificante, como el que enfrentaba de la misma manera a Bloch con su suegro, a monsieur Bloch padre con monsieur Nissim Bernard, y a otros que yo no conocía. Había hombres que yo sabía que eran parientes de otros y nunca había pensado que tuvieran un rasgo común; admirando el viejo eremita de cabello blanco en que se había convertido Legrandin, de pronto observé en la parte plana de sus mejillas, y puedo decir que lo descubrí con una satisfacción de zoólogo, la constitución de las de su joven sobrino Leonor de Cambremer, que sin embargo no parecía tener ninguna semejanza con él; a este primer rasgo común añadí otro que no había observado en Leonor de Cambremer, después otros que no eran ninguno de los que habitualmente me ofrecía la síntesis de su juventud, de suerte que no tardé en tener de él algo así como una caricatura más verídica, más profunda que si hubiera sido literalmente semejante; el tío me parecía ahora solamente el joven Cambremer que, por diversión, hubiera tomado las apariencias del viejo que en realidad llegaría a ser, y así ya no era sólo lo que los jóvenes de antaño habían llegado a ser, sino lo que llegarían a ser los de hoy lo que con tanta fuerza me daba la sensación del Tiempo. Desaparecidos los rasgos donde se había grabado, ya que no la juventud, sí la belleza de las mujeres, éstas habían procurado hacerse otra con la cara que les quedaba, cambiando el centro, si no de gravedad, al menos de perspectiva, de su rostro, componiendo los rasgos en torno a él con arreglo a otro carácter, comenzaban a los cincuenta años una nueva especie de belleza, como quien emprende con retraso un nuevo oficio, o como quien dedica a producir remolacha una tierra que ya no sirve para la vid. En torno a estos rasgos nuevos hacían florecer una nueva juventud. Sólo las mujeres demasiado bellas o las demasiado feas no podían acomodarse a estas transformaciones. Las primeras, talladas como un mármol de líneas definitivas que no admiten ningún cambio, se pulverizaban como una estatua. Las segundas, las que tenían alguna deformidad de la cara, hasta tenían ciertas ventajas sobre las bellas. En primer lugar, eran las únicas a las que se reconocía en seguida. Se sabía que no había en París dos bocas como aquéllas y esto me hacía reconocerlas en aquella fiesta donde ya no reconocía a nadie. Y, además, ni siquiera parecían haber envejecido. La vejez es algo humano; ellas eran monstruos y no parecían haber «cambiado», como no cambia una ballena. Algunos hombres, algunas mujeres no parecían haber envejecido; tenían el tipo igual de esbelto, la cara igual de joven. Pero si, para hablarles, nos acercábamos mucho a la cara lisa de piel y fina de líneas, entonces la veíamos muy diferente, como ocurre con una superficie vegetal, con una gota de agua o de sangre miradas con microscopio. Entonces distinguía múltiples manchas grasosas sobre la piel que había creído tersa y me la hacían repugnante. Tampoco las líneas resistían a esta lente de aumento. De cerca, se quebraba la de la nariz, se redondeaba, invadida por los mismos círculos aceitosos que el resto de la cara; y, de cerca, los ojos se internaban bajo unas bolsas que destruían el parecido del rostro actual con aquella cara de otro tiempo que habíamos creído encontrar de nuevo. De suerte que, si aquellos invitados eran jóvenes vistos de lejos, su edad aumentaba al engrosar la cara y al observar nosotros sus diferentes planos; dependían del espectador, que tenía que situarse a la debida distancia para ver aquellas caras y dirigirles sólo esas miradas lejanas que disminuyen el objeto como el cristal que elige el óptico para un présbita; en ellas la vejez, como la presencia de los infusorios en una gota de agua, era determinada por el progreso, más que de los años, del grado de la escala en la visión del observador. Las mujeres procuraban permanecer en contacto con lo que había sido lo más individual de su atractivo, pero muchas veces la materia nueva de su rostro no se prestaba a ello. Daba miedo pensar en los períodos que habían debido transcurrir para que se produjese pareja revolución en la geología de un rostro, ver las erosiones trazadas a lo largo de la nariz, los enormes aluviones que, bordeando las mejillas, rodeaban toda la cara con sus masas opacas y refractarias.
Sans doute certaines femmes étaient encore très reconnaissables, le visage était resté presque le même, et elles avaient seulement, comme par une harmonie convenable avec la saison, revêtu les cheveux gris, qui étaient leur parure d′automne. Mais pour d′autres, et pour des hommes aussi, la transformation était si complète, l′identité si impossible à établir — par exemple entre un noir viveur qu′on se rappelait et le vieux moine qu′on avait sous les yeux — que plus même qu′à l′art de l′acteur, c′était à celui de certains prodigieux mimes, dont Fregoli reste le type, que faisaient penser ces fabuleuses transformations. La vieille femme avait envie de pleurer en comprenant que l′indéfinissable et mélancolique sourire qui avait fait son charme ne pouvait plus arriver à irradier jusqu′à la surface de ce masque de plâtre que lui avait appliqué la vieillesse. Puis tout à coup découragée de plaire, trouvant plus spirituel de se résigner, elle s′en servait comme d′un masque de théâtre pour faire rire ! Mais presque toutes les femmes n′avaient pas de trêve dans leur effort pour lutter contre l′âge et tendaient vers la beauté qui s′éloignait comme un soleil couchant et dont elles voulaient passionnément conserver les derniers rayons, le miroir de leur visage. Pour y réussir certaines cherchaient à l′aplanir, à élargir la blanche superficie, renonçant au piquant des fossettes menacées, aux mutineries d′un sourire condamné et déjà à demi désarmé ; tandis que d′autres, voyant la beauté définitivement disparue et obligées de se réfugier dans l′expression, comme on compense par l′art de la diction la perte de la voix, se raccrochaient à une moue, à une patte d′oie, à un regard vague, parfois à un sourire qui, à cause de l′incoordination de muscles qui n′obéissaient plus, leur donnait l′air de pleurer.
Desde luego algunas mujeres eran todavía muy reconocibles, la cara seguía siendo casi la misma, y no habían hecho más que revestirse, como en obsequio a una armonía adecuada a la estación, la cabellera gris que era su adorno de otoño. Pero en otras, y también en algunos hombres, la transformación era tan completa, la identificación tan imposible - por ejemplo, entre el gran libertino que recordábamos y el viejo monje que teníamos ante los ojos-, que aquellas fabulosas transformaciones hacían pensar, más aún que en el arte del actor, en el de ciertos prodigiosos mimos, cuyo prototipo sigue siendo Fregoli. A la anciana le daban ganas de llorar al darse cuenta de que la indefinible y melancólica sonrisa que antes constituyera su encanto no podía ya irradiar hasta la superficie de aquella máscara de yeso que la vejez le había aplicado. Luego, desanimada de pronto de la posibilidad de agradar, pareciéndole más inteligente resignarse, se servía de ella como de una máscara de teatro para hacer reír. Pero casi todas las mujeres se esforzaban sin tregua por luchar contra la edad y tendían el espejo de su rostro hacia la belleza que se alejaba como un sol poniente y cuyos últimos rayos querían apasionadamente conservar. Para conseguirlo, algunas procuraban aplanar, estirar la blanca superficie, renunciando a la gracia de unos hoyitos amenazados, a la picardía de una sonrisa condenada y ya medio desarmada; mientras que otras, al ver definitivamente desaparecida la belleza y obligadas a refugiarse en la expresión, como quien compensa con el arte de la dicción la pérdida de la voz, se agarraban a una mueca, a una pata de gallo, a una mirada vaga, a veces a una sonrisa que, por la incoordinación de unos músculos que ya no obedecían, les daba la apariencia de estar llorando.
Une grosse dame me dit un bonjour pendant la courte durée duquel les pensées les plus différentes se pressèrent dans mon esprit. J′hésitai un instant à lui répondre, craignant que, ne reconnaissant pas les gens mieux que moi, elle eût cru que j′étais quelqu′un d′autre, puis son assurance me fit au contraire, de peur que ce fût quelqu′un avec qui j′avais été lié, exagérer l′amabilité de mon sourire, pendant que mes regards continuaient à chercher dans ses traits le nom que je ne trouvais pas. Tel un candidat au baccalauréat, incertain de ce qu′il doit répondre, attache ses regards sur la figure de l′examinateur et espère vainement y trouver la réponse qu′il ferait mieux de chercher dans sa propre mémoire, tel, tout en lui souriant, j′attachais mes regards sur les traits de la grosse dame. Ils me semblèrent être ceux de Mme de Forcheville, aussi mon sourire se nuança-t-il de respect, pendant que mon indécision commençait à cesser. Alors j′entendis la grosse dame me dire, une seconde plus tard : « Vous me preniez pour maman, en effet je commence à lui ressembler beaucoup. » Et je reconnus Gilberte.
En el corto espacio de tiempo durante el cual afluyeron a mi mente los más distintos pensamientos, me saludó una señora gruesa. Vacilé un momento antes de contestarle, temiendo que no reconociera a las personas mejor que yo y me confundiera con otro; pero,después, su seguridad, por miedo de que fuera alguien con quien hubiera tenido estrecha relación, me hizo, por el contrario, exagerar la amabilidad de mi sonrisa, mientras mis ojos seguían buscando en sus rasgos el nombre que no encontraba. Como un estudiante examinándose de reválida, que clava la mirada en la cara del examinador esperando inútilmente encontrar la respuesta que haría mejor en buscar en su propia memoria, así yo, sonriéndole, clavaba la mía en los rasgos de la gruesa dama. Me parecían ser los de madame Swann, y mi sonrisa tomó un matiz de respeto, mientras comenzaba a cesar mi indecisión. Pasado un segundo, oí a la señora gruesa decirme: -Me confunde usted con mamá. Es que empiezo a parecerme mucho a ella. Y reconocí a Gilberta.
D′ailleurs, même chez les hommes qui n′avaient subi qu′un léger changement, dont seule la moustache était devenue blanche, on sentait que ce changement n′était pas positivement matériel. C′était comme si on les avait vus à travers une vapeur colorante, ou mieux un verre peint qui changeait l′aspect de leur figure mais surtout par ce qu′il y ajoutait de trouble, montrait que ce qu′il nous permettait de voir « grandeur nature » était en réalité très loin de nous, dans un éloignement différent, il est vrai, de celui de l′espace, mais du fond duquel, comme d′un autre rivage, nous sentions qu′ils avaient autant de peine à nous reconnaître que nous eux. Seule peut-être Mme de Forcheville, que j′aperçus alors comme injectée d′un liquide, d′une espèce de paraffine qui gonfle la peau mais l′empêche de se modifier, avait l′air d′une cocotte d′autrefois à jamais « naturalisée ».
Además, incluso en hombres que sólo habían sufrido un ligero cambio, el bigote blanco, etc., se notaba que no era un cambio positivamente material. Era como si los viéramos a través de un vapor coloreante, de un cristal pintado que cambiara el aspecto de su rostro, pero que, sobre todo, por la turbiedad que le daba, mostrara que lo que nos permitía ver «de tamaño natural» estaba en realidad muy lejos de nosotros, cierto que en una lejanía diferente de la del espacio, pero al fondo de la cual, como en otra orilla, notábamos que a ellos les era tan difícil reconocernos como a nosotros reconocerlos a ellos. Quizá únicamente madame de Forcheville, como si le hubieran inyectado un líquido, una especie de parafina que hincha la piel pero le impide cambiar, parecía una cocotte de otro tiempo «disecada» para siempre.
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« Vous me prenez pour ma mère », m′avait dit Gilberte. C′était vrai. C′eût été, d′ailleurs, aimable pour la fille. D′ailleurs, il n′y avait pas que chez cette dernière qu′avaient apparu des traits familiaux qui jusque-là étaient restés aussi invisibles dans sa figure que ces parties d′une graine repliées à l′intérieur et dont on ne peut deviner la saillie qu′elles feront un jour en dehors. Ainsi un énorme busquage maternel venait, chez l′une ou chez l′autre, transformer vers la cinquantaine un nez jusque-là droit et pur. Chez une autre fille de banquier, le teint, d′une fraîcheur de jardinière, se roussissait, se cuivrait, et prenait comme le reflet de l′or qu′avait tant manié le père. Certains même avaient fini par ressembler à leur quartier, portaient sur eux comme le reflet de la rue de l′Arcade, de l′avenue du Bois, de la rue de l′Élysée. Mais surtout ils reproduisaient les traits de leurs parents.
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On part de l′idée que les gens sont restés les mêmes et on les trouve vieux. Mais une fois que l′idée dont on part est qu′ils sont vieux, on les retrouve, on ne les trouve pas si mal. Pour Odette, ce n′était pas seulement cela ; son aspect, une fois qu′on savait son âge et qu′on s′attendait à une vieille femme, semblait un défi plus miraculeux aux lois de la chronologie que la conservation du radium à celles de la nature. Elle, si je ne la reconnus pas d′abord, ce fut non parce qu′elle avait, mais parce qu′elle n′avait pas changé. Me rendant compte depuis une heure de ce que le temps ajoutait de nouveau aux êtres et de ce qu′il fallait soustraire pour les retrouver tels que je les avais connus, je faisais maintenant rapidement ce calcul et, ajoutant à l′ancienne Odette le chiffre d′années qui avait passé sur elle, le résultat que je trouvai fut une personne qui me semblait ne pas pouvoir être celle que j′avais sous les yeux, précisément parce que celle-là était pareille à celle d′autrefois.
Partimos de la idea de que las personas siguen siendo las mismas y las encontramos viejas. Pero si partimos de la idea de que son viejas, volvemos a encontrarlas, ya no nos parecen tan mal. En cuanto a Odette, no era solamente esto; conociendo su edad y esperando encontrarse con una mujer vieja, su aspecto parecía un desafío a las leyes de la cronología, más milagroso que la conservación del radium a las de la naturaleza. Si no la reconocí en el primer momento no fue porque había cambiado, sino porque no había cambiado. Dándome cuenta desde hacía una hora de lo nuevo que el tiempo añadía a los seres y que había que restar para encontrarlos como yo los había conocido, ahora hacía rápidamente este cálculo y, sumándole a la antigua Odette los años que habían pasado sobre ella, el resultado que encontré fue una persona que me pareció que no podía ser la que tenía ante los ojos, precisamente porque ésta era como la de antes.
Quel était le fait du fard, de la teinture ? Elle avait l′air, sous ses cheveux dorés tout plats — un peu un chignon ébouriffé de grosse poupée mécanique sur une figure étonnée et immuable également de poupée — auxquels se superposait un chapeau de paille plat aussi, de l′Exposition de 1878 (dont elle eût certes été alors, et surtout si elle eût eu alors l′âge d′aujourd′hui, la plus fantastique merveille) venant débiter son compliment dans une revue de fin d′année, mais de l′Exposition de 1878 représentée par une femme encore jeune.
¿Qué parte correspondía a los afeites, al tinte? Bajo su pelo dorado completamente liso -un poco un moño alborotado como de muñeca mecánica sobre una cara asombrada e inmutable, también de muñeca-, al que se superponía un sombrero de paja también plano, de la Exposición de 1878 (donde, ciertamente, habría sido entonces, y sobre todo si hubiera tenido entonces la edad de hoy, la más fantástica maravilla), parecía una cupletista que viniera a cantar su número en una revista de fin de año, pero de la Exposición de 1878 representada por una mujer todavía joven.
À côté de nous, un ministre d′avant l′époque boulangiste, et qui l′était de nouveau, passait, lui aussi, en envoyant aux dames un sourire tremblotant et lointain, mais comme emprisonné dans les mille liens du passé, comme un petit fantôme qu′une main invisible promenait, diminué de taille, changé dans sa substance et ayant l′air d′une réduction en pierre ponce de soi-même. Cet ancien président du Conseil, si bien reçu dans le Faubourg Saint-Germain, avait jadis été l′objet de poursuites criminelles, exécré du monde et du peuple. Mais grâce au renouvellement des individus qui composent l′un et l′autre, et, dans les individus subsistant, des passions et même des souvenirs, personne ne le savait plus et il était honoré. Aussi n′y a-t-il pas d′humiliation si grande dont on ne devrait prendre aisément son parti, sachant qu′au bout de quelques années, nos fautes ensevelies ne seront plus qu′une invisible poussière sur laquelle sourira la paix souriante et fleurie de la nature. L′individu momentanément taré se trouvera, par le jeu d′équilibre du temps, pris entre deux couches sociales nouvelles qui n′auront pour lui que déférence et admiration, et au-dessus desquelles il se prélassera aisément. Seulement c′est au temps qu′est confié ce travail ; et, au moment de ses ennuis, rien ne peut le consoler que la jeune laitière d′en face l′ait entendu appeler « chéquard » par la foule qui montrait le poing tandis qu′il entrait dans le « panier à salade », la jeune laitière qui ne voit pas les choses dans le plan du temps, qui ignore que les hommes qu′encense le journal du matin furent déconsidérés jadis, et que l′homme qui frise la prison en ce moment, et peut-être en pensant à cette jeune laitière, n′aura pas les paroles humbles qui lui concilieraient la sympathie, sera un jour célébré par la presse et recherché par les duchesses. Le temps éloigne pareillement les querelles de famille. Et chez la princesse de Guermantes on voyait un couple où le mari et la femme avaient pour oncles, morts aujourd′hui, deux hommes qui ne s′étaient pas contentés de se souffleter mais dont l′un pour humilier l′autre lui avait envoyé comme témoins son concierge et son maître d′hôtel, jugeant que des gens du monde eussent été trop bien pour lui. Mais ces histoires dormaient dans les journaux d′il y a trente ans et personne ne les savait plus. Et ainsi le salon de la princesse de Guermantes était illuminé, oublieux et fleuri, comme un paisible cimetière. Le temps n′y avait pas seulement défait d′anciennes créatures, il y avait rendu possibles, il y avait créé des associations nouvelles.
También pasaba junto a nosotros un ministro anterior a la época de Boulanger, y que lo era de nuevo, dirigiendo a las damas una sonrisa temblona y lejana, pero como aprisionada en los mil lazos del pasado, como un pequeño fantasma paseado por una mano invisible, disminuido de estatura, cambiado en su sustancia y como si fuera una reducción de sí mismo en piedra pómez. Este antiguo presidente del Consejo, tan bien recibido en el Faubourg Saint-Germain, había estado envuelto en causa criminal, execrado por el gran mundo y por el pueblo. Pero gracias a la renovación de los individuos que componen uno y otro, y, en los individuos subsistentes, de las pasiones y hasta de los recuerdos, nadie lo sabía ya y se le rendían honores. Por eso no hay humillación, por grande que sea, a la que no debamos resignarnos fácilmente, sabiendo que, al cabo de unos años, nuestras enterradas faltas no serán ya más que un polvo invisible sobre el que sonreirá la paz jocunda y florida de la naturaleza. Por el juego de equilibrio del tiempo, el individuo momentáneamente tarado se encontrará entre dos capas sociales nuevas que no tendrán para él más que deferencia y admiración, y sobre las cuales se acomodará fácilmente. Pero es un trabajo que corresponde sólo al tiempo; y en el momento de sus cuitas nada puede consolar a este individuo de que la joven lechera de enfrente haya oído llamarle chéquard a la multitud que le enseñaba el puño cuando entraba en el coche celular, esa joven lechera que no ve las cosas en el plano del tiempo, que ignora que los hombres a quienes inciensa el diario de la mañana fueron en otro tiempo mal vistos y que el hombre que en este momento está al borde de la cárcel y que quizá, pensando en esa joven lechera, no tendrá las palabras humildes que le valdrían su simpatía, será un día celebrado por la prensa y buscado por las duquesas. Y el tiempo aleja de la misma manera las querellas de familia. Y en casa de la princesa de Guermantes se veía un matrimonio en el que el marido y la mujer tenían por tíos, hoy muertos, a dos hombres que no se habían contentado con abofetearse, sino que uno de ellos, para humillar más al otro, le envió como testigos a su portero y a su mayordomo, considerando que unos hombres del gran mundo eran demasiado para él. Pero estas historias dormían en los periódicos de treinta años atrás y nadie las conocía ya. De suerte que el salón de la princesa de Guermantes estaba alumbrado, olvidadizo y florido como un tranquilo cementerio. El tiempo no sólo había destruido en él a antiguas criaturas: había hecho posibles, había creado allí asociaciones nuevas.
Pour en revenir à cet homme politique, malgré son changement de substance physique, tout aussi profond que la transformation des idées morales qu′il éveillait maintenant dans le public, en un mot malgré tant d′années passées depuis qu′il avait été Président du Conseil, il était redevenu ministre. Ce président du Conseil d′il y a quarante ans faisait partie du nouveau cabinet, dont le chef lui avait donné un portefeuille un peu comme ces directeurs de théâtre confient un rôle à une de leurs anciennes camarades, retirée depuis longtemps, mais qu′ils jugent encore plus capable que les jeunes de tenir un rôle avec finesse, de laquelle, d′ailleurs, ils savent la difficile situation financière et qui, à près de quatre-vingts ans, montre encore au public l′intégrité de son talent presque intact avec cette continuation de la vie qu′on s′étonne ensuite d′avoir pu constater quelques jours avant la mort.
Volviendo a aquel hombre político, a pesar de su cambio de sustancia fisica, tan profundo como las ideas morales que ahora despertaba en el público, en una palabra: a pesar de los años pasados desde que fuera presidente del Consejo, formaba parte del nuevo gabinete, cuyo presidente le dio una cartera, un poco como esos directores de teatro dan un papel a una de sus antiguas compañeras, retiradas desde hace mucho tiempo, pero a la que consideran todavía más capaz que las jóvenes de desempeñar con acierto un papel, sabiendo, además, que se encuentra en difícil situación financiera, y que, con cerca de ochenta años, muestra todavía al público su talento casi intacto con esa continuación de la vida que, después, nos sorprende haber podido comprobar unos días antes de la muerte.
L′aspect de Mme de Forcheville était si miraculeux, qu′on ne pouvait même pas dire qu′elle avait rajeuni mais plutôt qu′avec tous ses carmins, toutes ses rousseurs, elle avait refleuri. Plus même que l′incarnation de l′Exposition universelle de 1878, elle eût été, dans une exposition végétale d′aujourd′hui, la curiosité et le clou. Pour moi, du reste, elle ne semblait pas dire : « Je suis l′Exposition de 1878 », mais plutôt : « Je suis l′allée des Acacias de 1892. » Il semblait qu′elle eût pu y être encore. D′ailleurs, justement parce qu′elle n′avait pas changé, elle ne semblait guère vivre. Elle avait l′air d′une rose stérilisée. Je lui dis bonjour, elle chercha quelque temps, mais en vain, mon nom sur mon visage. Je me nommai et aussitôt, comme si j′avais perdu, grâce à ce nom incantateur, l′apparence d′arbousier ou de kangourou que l′âge m′avait sans doute donnée, elle me reconnut et se mit à me parler de cette voix si particulière que les gens qui l′avaient applaudie dans les petits théâtres étaient si émerveillés, quand ils étaient invités à déjeuner avec elle, « à la ville », de retrouver dans chacune de ses paroles, pendant toute la causerie, tant qu′ils voulaient. Cette voix était restée la même, inutilement chaude, prenante, avec un rien d′accent anglais. Et pourtant, de même que ses yeux avaient l′air de me regarder d′un rivage lointain, sa voix était triste, presque suppliante, comme celle des morts dans l′Odyssée. Odette eût pu jouer encore. Je lui fis des compliments sur sa jeunesse. Elle me dit : « Vous êtes gentil, my dear, merci », et comme elle donnait difficilement à un sentiment, même le plus vrai, une expression qui ne fût pas affectée par le souci de ce qu′elle croyait élégant, elle répéta à plusieurs reprises : « Merci tant, merci tant ». Mais moi, qui avais jadis fait de si longs trajets pour l′apercevoir au Bois, qui avais écouté le son de sa voix tomber de sa bouche, la première fois que j′avais été chez elle, comme un trésor, les minutes passées maintenant auprès d′elle me semblaient interminables à cause de l′impossibilité de savoir que lui dire, et je m′éloignai.
Pero, en cambio, en madame de Forcheville resultaba tan milagroso que ni siquiera se podía decir que había rejuvenecido, sino más bien que, con todos sus carmines, con todos sus tintes, había reflorecido. Más aún que la encarnación de la Exposición Universal de 1878, habría sido en una exposición vegetal de hoy la curiosidad y el punto fuerte. Para mí, por lo demás, no parecía decir: «Soy la Exposición de 1878», sino más bien: «Soy la Avenida de las Acacias de 1892». Parecia que pudiera serlo aún. Además, precisamente porque no había cambiado, parecía vivir apenas. Semejaba una rosa esterilizada. La saludé, buscó durante un tiempo mi nombre en mi cara, como un alumno busca en la del profesor que le examina una respuesta que le sería más fácil encontrar en su propia cabeza. Le dije mi nombre y en seguida, como si, gracias al encantamiento de este nombre, hubiera perdido yo la apariencia de arbusto o de canguro que seguramente me había dado la edad, me reconoció y se puso a hablarme con aquella voz tan particular que a los que la habían aplaudido en los teatrillos les maravillaba, cuando estaban invitados a almorzar con ella, encontrar de nuevo en cada una de sus palabras, durante toda la charla, todo el tiempo que quisieran. Era la misma voz de antes, inútilmente cálida, cautivadora, con una pizca de acento inglés. Y, sin embargo, así como sus ojos parecían mirarme desde una ribera lejana, su voz era triste, casi suplicante, como la de los muertos en LaOdisea. Odette hubiera podido actuar todavía en el teatro. Y la felicité por su juventud. Me dijo: «Es usted muy simpático, my dear, gracias», y como le era difícil dar a un sentimiento aunque fuera el más verdadero, una expresión no afectada por la preocupación de lo que ella creía elegante, repitió varias veces: «Muchas gracias, muchas gracias». Pero yo, que tan largos trayectos había hecho para verla en el Bois, que la primera vez que estuve en su casa había oído caer de su boca el sonido de su voz como un tesoro, ahora los minutos pasados junto a ella me parecían interminables, porque no sabía qué decirle, y me alejé
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pensando que las palabras de Gilberta «me confunde usted con mi madre» no sólo eran verdaderas, sino que, además, favorecían a la hija. Por otra parte, no sólo en ésta habían aparecido rasgos familiares que hasta entonces permanecieran tan invisibles en su cara como esas partes de una simiente replegadas en el interior y cuya futura salida al exterior no se puede sospechar. En ésta o en aquélla, una enorme curvatura materna venía a transformar hacia la cincuentena una nariz hasta entonces recta y pura. En otra, hija de banquero, la tez, de una lozanía de jardinera, se enrojecía, se tornaba cobriza y adquiría como el reflejo del oro que tanto había manejado el padre. Algunos hasta habían acabado por parecerse a su barrio, llevaban en sí como el reflejo de la Rue de l′Arcade, de la Avenue du Bois, de la Rue de l′Elysée. Pero, sobre todo, reproducían los rasgos de sus padres.
Hélas, elle ne devait pas rester toujours telle. Moins de trois ans après, non pas en enfance, mais un peu ramollie, je devais la voir à une soirée donnée par Gilberte, devenue incapable de cacher sous un masque immobile ce qu′elle pensait — pensait est beaucoup dire — ce qu′elle éprouvait, hochant la tête, serrant la bouche, secouant les épaules à chaque impression qu′elle ressentait, comme ferait un ivrogne, un enfant, comme font certains poètes qui ne tiennent pas compte de ce qui les entoure, et, inspirés, composent dans le monde et tout en allant à table au bras d′une dame étonnée, froncent les sourcils, font la moue. Les impressions de Mme de Forcheville — sauf une, celle qui l′avait fait précisément assister à la soirée donnée par Gilberte, la tendresse pour sa fille bien-aimée, l′orgueil qu′elle donnât une soirée si brillante, orgueil que ne voilait pas chez la mère la mélancolie de ne plus être rien — ces impressions n′étaient pas joyeuses et commandaient seulement une perpétuelle défense contre les avanies qu′on lui faisait, défense timorée comme celle d′un enfant. On n′entendait que ces mots : « Je ne sais pas si Mme de Forcheville me reconnaît, je devrais peut-être me faire présenter à nouveau. —
Ça, par exemple, vous pouvez vous en dispenser (répondait-on à tue-tête, sans songer que la mère de Gilberte entendait tout, sans y songer, ou sans s′en soucier), c′est bien inutile. Pour l′agrément qu′elle vous apportera ! On la laisse dans son coin. Du reste, elle est un peu gaga. » Furtivement Mme de Forcheville lançait un regard de ses yeux restés si beaux sur les interlocuteurs injurieux, puis vite ramenait ce regard à elle de peur d′avoir été impolie, et, tout de même agitée par l′offense, taisant sa débile indignation, on voyait sa tête branler, sa poitrine se soulever, elle jetait un nouveau regard sur un autre assistant aussi peu poli, et ne s′étonnait pas outre mesure, car, se sentant très mal depuis quelques jours, elle avait à mots couverts suggéré à sa fille de remettre la fête, mais sa fille avait refusé.
Desgraciadamente, Odette no iba a seguir siempre así. No habían pasado aún tres años cuando volví a verla en una fiesta dada por Gilberta, ya no en infancia, sino un poco reblandecida, e incapaz de ocultar bajo una careta inmóvil lo que pensaba (pensaba es mucho decir), lo que sentía, moviendo la cabeza, apretando los labios, sacudiendo los hombros a cada impresión sentida, como lo haría un borracho, un niño, como ciertos poetas que no se enteran de lo que les rodea e, inspirados, componen en el gran mundo y, mientras llevan del brazo a la mesa a una dama asombrada, fruncen el entrecejo, hacen muecas. Las impresiones de madame de Forcheville -excepto una, la que le hizo precisamente asistir a la fiesta, el cariño a su adorada hija, el orgullo de que ésta diera una fiesta tan brillante, orgullo no velado en la madre por la melancolía de no ser ya nada-, aquellas impresiones no eran alegres y sólo la movían a una perpetua defensa contra las afrentas que le hacían, defensa tímida como la de un niño. No se oían más que estas palabras: «No sé si madame de Forcheville me reconoce, quizá debiera hacer que me presentaran de nuevo a ella». «¡ Qué ocurrencia!, no se moleste», le contestaban a voz en grito, sin pensar que la madre de Gilberta lo oía todo (sin pensarlo o sin que les importara). «Es inútil. ¡Para el lustre que le va a dar! Todo el mundo la deja en su rincón. Además, está un poco gagá.» Madame de Forcheville lanzaba una mirada furtiva de sus ojos, que seguían siendo tan bellos, a los interlocutores insultantes, pero en seguida se tragaba la mirada por miedo de haber estado grosera, y, sin embargo, perturbada por la ofensa, imponiendo silencio a su débil indignación, se la veía sacudir la cabeza, agitársele la respiración, echar otra mirada a otro concurrente tan poco fino como el primero, y sin extrañarse demasiado, pues, como se sentía muy mal desde hacía unos días, había sugerido a su hija a medias palabras que aplazara la fiesta, pero la hija se había negado.
Â… Mme de Forcheville ne l′en aimait pas moins ; toutes les duchesses qui entraient, l′admiration de tout le monde pour le nouvel hôtel inondait de joie son cœur, et quand entra la marquise de Sebran, qui était alors la dame où menait si difficilement le plus haut échelon social, Mme de Forcheville sentit qu′elle avait été une bonne et prévoyante mère et que sa tâche maternelle était achevée. De nouveaux invités ricaneurs la firent à nouveau regarder et parler toute seule, si c′est parler que tenir un langage muet qui se traduit seulement par des gesticulations. Si belle encore, elle était devenue — ce qu′elle n′avait jamais été — infiniment sympathique ; car elle qui avait trompé Swann et tout le monde, c′était l′univers entier qui maintenant la trompait ; et elle était devenue si faible qu′elle n′osait même plus, les rôles étant retournés, se défendre contre les hommes. Et bientôt elle ne se défendrait pas contre la mort. Mais après cette anticipation, revenons trois ans en arrière, c′est-à-dire à la matinée où nous sommes chez la princesse de Guermantes.
Madame de Forcheville no por eso la quería menos; todas las duquesas que entraban, la admiración de todo el mundo por la nueva casa le inundaban de alegría el corazón, y cuando entró la marquesa de Sabran, que era entonces la dama adonde conducía tan difícilmente el último escalón social, madame de Forcheville sintió que había sido una madre buena y previsora y que su misión maternal había terminado. Otros invitados burlones le hicieron de nuevo mirar y hablar sola, si hablar es sostener un lenguaje mudo que sólo se traduce en gesticulaciones. Tan bella todavía, se había vuelto extraordinariamente simpática -lo que nunca había sido-, pues a ella, que había engañado a Swann y a todo el mundo, ahora la engañaba el mundo entero; y tan débil se había vuelto que, trocados los papeles, ya ni siquiera se atrevía a defenderse de los hombres. Y pronto no se defendería contra la muerte. Pero después de esta anticipación, volveremos tres años atrás, es decir, a la fiesta en que estábamos en casa de la princesa de Guermantes.
Â…
Me fue difícil reconocer a mi camarada Bloch, quien, por otra parte, había adoptado ahora no sólo el seudónimo, sino el nombre de Jacques du Rozier, bajo el cual se hubiera necesitado el olfato de mi abuelo para reconocer el «dulce valle» del Hebrón y las «cadenas de Israel» que mi amigo parecía haber roto definitivamente. Una elegancia inglesa había transformado completamente su cara y cepillado todo lo que se podía borrar. El pelo, antes ondulado, ahora, peinado liso con raya al medio, brillaba de cosmético. Su nariz seguía siendo grande y roja, pero parecía más bien tumefacta por una especie de catarro permanente que podía explicar el acento nasal con el que pronunciaba perezosamente sus frases, pues, lo mismo que había encontrado un peinado que iba bien a su tez, había hallado una voz adecuada a su pronunciación, en la que la gangosería de antes adquiría un tono de desdén de articular que se compaginaba con las aletas inflamadas de la nariz. Y gracias al peinado, a la supresión del bigote, a la elegancia del tipo, a la voluntad, la nariz judía desaparecía, como parece casi derecha una jorobada bien arreglada. Pero, sobre todo, cuando Bloch aparecía, un temible monóculo cambiaba el significado de su fisonomía. La parte de maquinismo que este monóculo aportaba a la cara de Bloch la dispensaba de todos esos deberes difíciles a los que está sometido un rostro humano, deber de ser bello, de expresar inteligencia, bondad, esfuerzo. La mera presencia de aquel monóculo en la cara de Bloch nos dispensaba, en primer lugar, de preguntarnos si era bonita o no, como ocurre con esos objetos ingleses de los que un dependiente nos dice en una tienda que «es la última moda», después de lo cual no nos atrevemos a preguntarnos si aquello nos gusta. Por otra parte, Bloch se instalaba detrás de la luna de aquel monóculo en una posición tan altiva, distante y confortable como si hubiera sido la luna de una carroza, y, para adaptar la cara al pelo liso y al monóculo, sus rasgos ya no expresaban nunca nada.
Bloch m′ayant demandé de le présenter au maître de maison, je ne fis à cela pas l′ombre des difficultés auxquelles je m′étais heurté le jour où j′avais été pour la première fois en soirée chez le prince de Guermantes, qui m′avaient semblé naturelles, alors que maintenant cela me semblait si simple de lui présenter un de ses invités, et cela m′eût même paru simple de me permettre de lui amener et présenter à l′improviste quelqu′un qu′il n′eût pas invité. Était-ce parce que, depuis cette époque lointaine, j′étais devenu un « familier », quoique depuis quelque temps un « oublié », de ce monde où alors j′étais si nouveau ? était-ce, au contraire, parce que, n′étant pas un véritable homme du monde, tout ce qui fait difficulté pour eux n′existait plus pour moi, une fois la timidité tombée ? était-ce parce que, les êtres ayant peu à peu laissé tomber devant moi leur premier, souvent leur second et leur troisième aspect factice, je sentais derrière la hauteur dédaigneuse du prince une grande avidité humaine de connaître des êtres, de faire la connaissance de ceux-là mêmes qu′ils affectent de dédaigner ? Était-ce parce que aussi le prince avait changé comme tous ces insolents de la jeunesse et de l′âge mûr, à qui la vieillesse apporte sa douceur (d′autant plus que les hommes débutants et les idées inconnues contre lesquels ils regimbaient, ils les connaissaient depuis longtemps de vue et les savaient reçus autour d′eux), surtout si cette vieillesse a pour adjuvant quelques vertus ou quelques vices qui étendent les relations, ou la révolution que fait une conversion politique, comme celle du prince au dreyfusisme ?
Bloch me pidió que le presentara al príncipe de Guermantes; no opuse a esta demanda ni sombra de las dificultades con que yo tropecé el día en que estuve por primera vez en una fiesta de su casa, y que me parecieron naturales, mientras que ahora me parecía tan natural presentarle a uno de sus invitados, y hasta me habría parecido natural permitir me llevarle y presentarle de improviso a una persona no invitada por él. ¿Sería porque, desde aquella lejana época, yo había llegado a ser un «familiar», aunque desde hacía algún tiempo era un «olvidado», de aquel mundo donde antaño era tan nuevo? ¿O era, por el contrario, que, por no ser yo un verdadero hombre de mundo, todo lo que a ellos les resulta difícil, ya no existía para mí una vez desaparecida la timidez? ¿Sería porque los seres habían ido dejando caer ante mí su primer aspecto ficticio (a veces el segundo y el tercero), y, detrás de la altivez desdeñosa del príncipe, notaba yo una gran avidez humana de conocer seres, de conocer incluso a los que simulaba desdeñar? ¿Sería porque también el príncipe había cambiado, como todos esos insolentes de la juventud y de la edad madura a quienes la vejez aporta su dulzura (sobre todo porque los hombres recién llegados y las ideas desconocidas contra las que se rebelaban, los conocían de vista desde hacía tiempo y los sabían recibidos en torno suyo), y sobre todo cuando la vejez tiene como coadyuvante alguna virtud, o algún vicio que extiende las relaciones, o la revolución que determina una conversión política, como la del príncipe al dreyfusismo?
Bloch m′interrogeait comme moi je faisais autrefois en entrant dans le monde, comme il m′arrivait encore de faire sur les gens que j′y avais connus alors et qui étaient aussi loin, aussi à part de tout, que ces gens de Combray qu′il m′était souvent arrivé de vouloir « situer » exactement. Mais Combray avait pour moi une forme si à part, si impossible à confondre avec le reste, que c′était un puzzle que je ne pouvais jamais arriver à faire rentrer dans la carte de France. « Alors je ne peux avoir aucune idée de ce qu′était jadis le prince de Guermantes en me représentant Swann, ou M. de Charlus ? me demandait Bloch à qui j′avais longtemps emprunté sa manière de parler et qui maintenant imitait souvent la mienne. — Nullement. — Mais en quoi consiste la différence ? — Il aurait fallu les entendre parler entre eux, pour la saisir, mais c′est maintenant impossible, Swann est mort et M. de Charlus ne vaut guère mieux. Mais ces différences étaient énormes. » Et tandis que l′œil de Bloch brillait en pensant à ce que pouvait être la conversation de ces personnages merveilleux, je pensais que je lui exagérais le plaisir que j′avais eu à me trouver avec eux, n′en ayant jamais ressenti que quand j′étais seul, et l′impression des différenciations véritables n′ayant lieu que dans notre imagination. Bloch s′en aperçut-il ? « Tu me peins peut-être cela trop en beau, me dit-il ; ainsi la maîtresse de maison d′ici, la princesse de Guermantes, je sais bien qu′elle n′est plus jeune, mais enfin il n′y a pas tellement longtemps que tu me parlais de son charme incomparable, de sa merveilleuse beauté. Certes, je reconnais qu′elle a grand air, et elle a bien ces yeux extraordinaires dont tu me parlais, mais enfin je ne la trouve pas tellement inouî£ que tu disais. Évidemment elle est très racée, mais enfinÂ… » Je fus obligé de dire à Bloch qu′il ne me parlait pas de la même personne. La princesse de Guermantes, en effet, était morte et c′est l′ex-Madame Verdurin que le prince, ruiné par la défaite allemande, avait épousée et que Bloch ne reconnaissait pas. « Tu te trompes, j′ai cherché dans le Gotha de cette année, me confessa naîµ¥ment Bloch, et j′ai trouvé le prince de Guermantes, habitant l′hôtel où nous sommes et marié à tout ce qu′il y a de plus grandiose, attends un peu que je me rappelle, marié à Sidonie, duchesse de Duras, née des Baux. » En effet, Mme Verdurin, peu après la mort de son mari, avait épousé le vieux duc de Duras, ruiné, qui l′avait faite cousine du prince de Guermantes, et était mort après deux ans de mariage. Il avait été pour Mme Verdurin une transition fort utile, et maintenant celle-ci, par un troisième mariage, était princesse de Guermantes et avait dans le faubourg Saint-Germain une grande situation qui eût fort étonné à Combray, où les dames de la rue de l′Oiseau, la fille de Mme Goupil et la belle-fille de Mme Sazerat, toutes ces dernières années, avant que Mme Verdurin ne fût princesse de Guermantes, avaient dit en ricanant : « la duchesse de Duras », comme si c′eût été un rôle que Mme Verdurin eût tenu au théâtre. Même, le principe des castes voulant qu′elle mourût Mme Verdurin, ce titre, qu′on ne s′imaginait lui conférer aucun pouvoir mondain nouveau, faisait plutôt mauvais effet. « Faire parler d′elle », cette expression qui dans tous les mondes est appliquée à une femme qui a un amant, pouvait l′être dans le faubourg Saint-Germain à celles qui publient des livres, dans la bourgeoisie de Combray à celles qui font des mariages dans un sens ou dans l′autre « disproportionnés ». Quand elle eut épousé le prince de Guermantes, on dut se dire que c′était un faux Guermantes, un escroc. Pour moi, à me figurer cette identité de titre, de nom, qui faisait qu′il y avait encore une princesse de Guermantes et qu′elle n′avait aucun rapport avec celle qui m′avait tant charmé et qui n′était plus, qui était comme une morte sans défense à qui on l′eût volé, il y avait quelque chose d′aussi douloureux qu′à voir les objets qu′avait possédés la princesse Hedwige, comme son château, comme tout ce qui avait été à elle et dont une autre jouissait. La succession au nom est triste comme toutes les successions, comme toutes les usurpations de propriété ; et toujours sans interruptions viendraient, comme un flot, de nouvelles princesses de Guermantes, ou plutôt, millénaire, remplacée d′âge en âge dans son emploi par une femme différente, vivrait une seule princesse de Guermantes, ignorante de la mort, indifférente à tout ce qui change et blesse nos cœurs, et le nom comme la mer refermerait sur celles qui sombrent de temps à autre sa toujours pareille et immémoriale placidité.
Bloch me interrogaba, como hacía yo en otro tiempo al entrar en el gran mundo, como a veces lo hacía aún, sobre las personas que yo conocí allí entonces y que estaban tan lejos, tan aparte de todo como ciertas personas de Combray que a veces me esforzaba por «situar» exactamente. Pero Combray tenía para mí una forma tan aparte, tan imposible de confundir con lo demás que era un rompecabezas que nunca pude hacer entrar en el mapa de Francia. -Entonces, ¿el príncipe de Guermantes no puede darme ninguna idea ni de Swann ni de monsieur de Charlus? -me preguntó Bloch, cuya manera de hablar imité durante mucho tiempo, mientras que ahora solía él imitar la mía. -Ninguna. -Pero ¿en qué consistía la diferencia? -Sería necesario que hablaras con ellos, pero es imposible: Swann ha muerto y monsieur de Charlus no le anda lejos, mas estas diferencias eran enormes. Y mientras a Bloch le brillaban los ojos pensando en lo que podían ser aquellos personajes maravillosos, yo pensaba que le exageraba el placer que me produjo encontrarme con ellos, pues nunca lo había sentido más que estando solo y la impresión de las verdaderas diferenciaciones sólo se produce en nuestra imaginación. ¿Lo notó Bloch? -Quizá me lo pintas demasiado bonito -me dijo-; por ejemplo, la dueña de esta casa, la princesa de Guermantes, ya sé que no es muy joven, pero, después de todo, no hace tanto tiempo que me hablabas de su encanto incomparable, de su maravillosa belleza. Desde luego, reconozco que tiene un gran porte y esos ojos extraordinarios de que me hablabas, pero la verdad es que no la encuentro tan impresionante como tú decías. No cabe duda de que tiene mucha raza, pero en fin... -Me vi obligado a decir a Bloch que no me hablaba de la misma persona. La princesa de Guermantes había muerto, y el príncipe, arruinado por la derrota alemana, se había casado con la ex madame Verdurin-. Te equivocas, he buscado en el Gotha de este año -me confesó ingenuamente Bloch- y he encontrado al príncipe de Guermantes viviendo en este hotel donde estamos y casado con lo más grandioso del mundo...; espera un poco que me acuerde: casado con Sidonia, duquesa de Duras, de soltera Des Baux. En efecto, madame Verdurin, poco después de morir su marido, se casó con el viejo duque de Duras, arruinado, que la hizo prima del príncipe de Guermantes y murió a los dos años de matrimonio. Fue para madame Verdurin una transición muy útil, y ahora, por un tercer matrimonio, era princesa de Guermantes y tenía en el Faubourg Saint-Germain una gran posición que hubiera causado asombro en Combray, donde las damas de la Rue de l′Oiseau, la hija de madame Goupil y la nuera de madame Sazerat, durante aquellos últimos años, antes de que madame Verdurin fuera princesa de Guermantes, habían dicho burlándose «la duquesa de Duras» como si fuera un papel que madame Verdurin desempeñara en el teatro. Y como el principio de las castas exigía que muriera llamándose madame Verdurin, aquel título, del que se pensaba que no le confería ningún nuevo poder mundano, hasta llegaba a producir más bien mal efecto. «Dar que hablar», esta expresión que en todas las capas sociales se aplica a una mujer que tiene un amante, en el Faubourg Saint-Germain se podía aplicar a las que publican libros, en la burguesía de Combray a las que hacen bodas «desproporcionadas» en el sentido que sea. Cuando la ex madame Verdurin se casó con el príncipe de Guermantes, debió de decirse que era un falso Guermantes, un estafador. Para mí, en aquella identidad de título, de nombre, en virtud de la cual había aún una princesa de Guermantes sin ninguna relación con la que tanto me había seducido y que ya no existía y que era como una muerta indefensa a quien se lo hubieran robado, había algo tan doloroso como ver gozar a otra de los objetos, del castillo, de todo lo que antes perteneciera a la princesa Hedwige. La herencia de un nombre es triste como todas las herencias, como todas las usurpaciones de propiedad; y siempre, sin interrupción, vendría como una oleada de nuevas princesas de Guermantes, o más bien, milenaria, reemplazada de época en época en su empleo por una mujer diferente, una sola princesa de Guermantes, ignorante de la muerte, indiferente a todo lo que cambia y hiere nuestros corazones, cerrando el nombre sobre las que caen de cuando en cuando su placidez inmemorial siempre pareja.
Mais — contradiction avec cette permanence — les anciens habitués assuraient que dans le monde tout était changé, qu′on y recevait des gens que jamais de leur temps on n′aurait reçus et, comme on dit : « c′était vrai, et ce n′était pas vrai ». Ce n′était pas vrai parce qu′ils ne se rendaient pas compte de la courbe du temps qui faisait que ceux d′aujourd′hui voyaient ces gens nouveaux à leur point d′arrivée tandis qu′eux se les rappelaient à leur point de départ. Et quand eux, les anciens, étaient entrés dans le monde, il y avait là des gens arrivés dont d′autres se rappelaient le départ. Une génération suffit pour que s′y ramène ce changement qui en des siècles s′est fait pour le nom bourgeois d′un Colbert devenu nom noble. Et, d′autre part, cela pourrait être vrai, car si les personnes changent de situation, les idées et les coutumes les plus indéracinables (de même que les fortunes et les alliances de pays et les haines de pays) changent aussi, parmi lesquelles même celles de ne recevoir que des gens chic. Non seulement le snobisme change de forme, mais il pourrait disparaître, comme la guerre même, et les radicaux, les juifs être reçus au Jockey.
Â…
Certes, même ce changement extérieur dans les figures que j′avais connues n′était que le symbole d′un changement intérieur qui s′était effectué jour par jour. Peut-être ces gens avaient-ils continué à accomplir les mêmes choses, mais, jour par jour, l′idée qu′ils se faisaient d′elles et des êtres qu′ils fréquentaient, ayant un peu de vie, au bout de quelques années, sous les mêmes noms c′était d′autres choses, d′autres gens qu′ils aimaient, et étant devenus d′autres personnes, il eût été étonnant qu′ils n′eussent pas eu de nouveaux visages.
Cierto que ese cambio exterior en los rostros que yo había conocido no era más que el símbolo de un cambio interior que se había ido operando día tras día. Quizá aquellas gentes habían seguido haciendo las mismas cosas, pero, día tras día, la idea que se formaban de ellas y de los seres que trataban se había desviado un poco y, al cabo de unos años, bajo los mismos nombres, amaban otras cosas, a otras gentes y, transformadas en otras personas, sería extraño que no tuvieran un poco rostros diferentes.
Si, dans ces périodes de vingt ans, les conglomérats de coteries se défaisaient et se reformaient selon l′attraction d′astres nouveaux destinés, d′ailleurs, eux aussi, à s′éloigner puis à reparaître, des cristallisations, puis des émiettements suivis de cristallisations nouvelles avaient lieu dans l′âme des êtres. Si pour moi la duchesse de Guermantes avait été bien des personnes, pour la duchesse de Guermantes, pour Mme Swann, etc., telle personne donnée avait été un favori d′une époque précédant l′Affaire Dreyfus, puis un fanatique ou un imbécile à partir de l′affaire Dreyfus, qui avait changé pour eux la valeur des êtres et reclassé autour les partis, lesquels s′étaient depuis encore défaits et refaits. Ce qui y sert puissamment et y ajoute son influence aux pures affinités intellectuelles, c′est le temps écoulé, qui nous fait oublier nos antipathies, nos dédains, les raisons mêmes qui expliquaient nos antipathies et nos dédains. Si on eût jadis analysé l′élégance de la jeune Mme Léonor de Cambremer, on y eût trouvé qu′elle était la nièce du marchand de notre maison, Jupien, et que ce qui avait pu s′ajouter à cela pour la rendre brillante, c′était que son oncle procurait des hommes à M. de Charlus. Mais tout cela combiné avait produit des effets scintillants, alors que les causes déjà lointaines, non seulement étaient inconnues de beaucoup de nouveaux, mais encore que ceux qui les avaient connues les avaient oubliées, pensant beaucoup plus à l′éclat actuel qu′aux hontes passées, car on prend toujours un nom dans son acception actuelle. Et c′était l′intérêt de ces transformations des salons qu′elles étaient aussi un effet du temps perdu et un phénomène de mémoire.
Pues si en estos períodos de veinte años los conglomerados de las camarillas se deshacían y se volvían a hacer según la atracción de los astros nuevos, destinados por lo demás a alejarse también ellos, a reaparecer luego, se producían en el alma de los seres cristalizaciones y luego disgregaciones seguidas de cristalizaciones. Si para mí madame de Guermantes fue muchas personas, para madame de Guermantes, para madame Swann, etc., una determinada persona había sido un favorito de una época anterior al asunto Dreyfus, después un fanático o un imbécil a partir del asunto Dreyfus, que había cambiado para ellos el valor de los seres y clasificado de otro modo los partidos, los cuales también, desde entonces, se habían deshecho y rehecho. Lo que en esto sirve poderosamente y añade su influencia a las puras afinidades intelectuales es el tiempo transcurrido, que nos hace olvidar nuestras antipatías, nuestros desdenes, las razones mismas que explicaban nuestras antipatías y nuestros desdenes. Si se analizara la elegancia de la joven madame de Cambremer, se encontraría que era hija del tendero de nuestra casa, Jupien, y que lo que pudo agregarse a esto para hacerla brillante era que su padre proporcionaba hombres a monsieur de Charlus. Pero todo esto combinado produjo efectos centelleantes, mientras que las causas ya lejanas no sólo eran desconocidas para muchos nuevos, sino que los que las habían conocido las olvidaron, pensando mucho más en el esplendor actual que en las vergüenzas pasadas, pues un nombre se toma siempre en su acepción actual. Y el interés de estas transformaciones de salones consistía en que eran también un efecto del tiempo perdido y un fenómeno de memoria.
Parmi les personnes présentes se trouvait un homme considérable qui venait, dans un procès fameux, de donner un témoignage dont la seule valeur résidait dans sa haute moralité devant laquelle les juges et les avocats s′étaient unanimement inclinés et qui avait entraîné la condamnation de deux personnes. Aussi y eut-il un mouvement de curiosité et de déférence quand il entra. C′était Morel. J′étais peut-être seul à savoir qu′il avait été entretenu par M. de Charlus, puis par Saint-Loup et en même temps par un ami de Saint-Loup. Malgré ces souvenirs, il me dit bonjour avec plaisir quoique avec réserve. Il se rappelait le temps où nous nous étions vus à Balbec, et ces souvenirs avaient pour lui la poésie et la mélancolie de la jeunesse.
Entre las personas presentes se encontraba un hombre importante que, en un proceso famoso, acababa de dar un testimonio cuyo solo valor radicaba en la moralidad del declarante, ante la cual los jueces y los abogados se inclinaron unánimemente y que determinó la condena de dos personas. Por eso cuando entró aquel hombre se produjo un movimiento de curiosidad y de deferencia. Era Morel. Quizá era yo el único que sabía que le habían mantenido al mismo tiempo Saint-Loup y un amigo de Saint-Loup. A pesar de estos recuerdos me saludó con gusto aunque con reserva. Recordaba el tiempo en que nos veíamos en Balbec, y estos recuerdos tenían para él la poesía y la melancolía de la juventud.
Mais il y avait aussi des personnes que je ne pouvais pas reconnaître pour la raison que je ne les avais pas connues, car, aussi bien que sur les êtres eux-mêmes, le temps avait aussi, dans ce salon, exercé sa chimie sur la société. Ce milieu, en la nature spécifique duquel, définie par certaines affinités qui lui attiraient tous les grands noms princiers de l′Europe et par la répulsion qui éloignait d′elle tout élément non aristocratique, j′avais trouvé un refuge matériel pour ce nom de Guermantes auquel il prêtait sa dernière réalité, ce milieu avait lui-même subi, dans sa constitution intime et que j′avais crue stable, une altération profonde. La présence de gens que j′avais vus dans de tout autres sociétés et qui me semblaient ne devoir jamais pénétrer dans celle-là m′étonna moins encore que l′intime familiarité avec laquelle ils y étaient reçus, appelés par leur prénom ; un certain ensemble de préjugés aristocratiques, de snobisme, qui jadis écartait automatiquement du nom de Guermantes tout ce qui ne s′harmonisait pas avec lui, avait cessé de fonctionner.
Pero también había personas que yo no podía reconocer por la razón de que no las había conocido, pues en aquel salón el tiempo había ejercido su química sobre la sociedad, lo mismo que sobre los seres . Este medio, en cuya naturaleza específica, definida por ciertas afinidades que le atraían todos los grandes nombres principescos de Europa y la repulsión que alejaba de ella a todo elemento no aristocrático, había encontrado yo como un refugio material para aquel nombre de Guermantes al que prestaba su última realidad, este mismo medio había sufrido, en su constitución íntima y que yo creía estable, una alteración profunda. La presencia de unas personas que yo había visto en medios sociales muy diferentes y que creía que jamás penetrarían en éste me extrañó menos aún que la íntima familiaridad con que en él eran recibidas, llamadas por su nombre de pila; cierto conjunto de prejuicios aristocráticos, de snobismo, que en otro tiempo alejaba automáticamente del nombre de Guermantes a todo lo que no armonizaba con él, había dejado de funcionar.
Certains étrangers qui, quand j′avais débuté dans le monde, donnaient de grands dîners où ils ne recevaient que la princesse de Guermantes, la duchesse de Guermantes, la princesse de Parme et étaient chez ces dames à la place d′honneur, passaient pour ce qu′il y a de mieux assis dans la société d′alors et l′étaient peut-être, avaient passé sans laisser aucune trace. Étaient-ce des étrangers en mission diplomatique repartis pour leur pays ? Peut-être un scandale, un suicide, un enlèvement les avait-il empêchés de reparaître dans le monde, ou bien étaient-ils allemands ? Mais leur nom ne devait son lustre qu′à leur situation d′alors et n′était plus porté par personne : on ne savait même pas qui je voulais dire ; si je parlais d′eux en essayant d′épeler le nom, on croyait à des rastaquouères. Les personnes qui n′auraient pas dû, selon l′ancien code social, se trouver là avaient, à mon grand étonnement, pour meilleures amies, des personnes admirablement nées, lesquelles n′étaient venues s′embêter chez la princesse de Guermantes qu′à cause de leurs nouvelles amies. Car ce qui caractérisait le plus cette société, c′était sa prodigieuse aptitude au déclassement.
..
Détendus ou brisés, les ressorts de la machine refoulante ne fonctionnaient plus, mille corps étrangers y pénétraient, lui ôtaient toute homogénéité, toute tenue, toute couleur. Le faubourg Saint-Germain, comme une douairière gâteuse, ne répondait que par des sourires timides à des domestiques insolents qui envahissaient ses salons, buvaient son orangeade et lui présentaient leurs maîtresses.
Los resortes de la máquina rechazadora, distendidos o rotos, ya no funcionaban, penetraban mil cuerpos extraños, le quitaba toda homogeneidad, toda compostura, todo color. El Faubourg Saint-Germain, como una vieja soberana gagá, ya no hacía más que contestar con sonrisas tímidas a unos criados insolentes que invadían sus salones, bebían su naranjada y le presentaban a sus queridas.
Encore la sensation du temps écoulé et de l′anéantissement d′une partie de mon passé disparu m′était-elle donnée moins vivement encore par la destruction de cet ensemble cohérent (qu′avait été le salon Guermantes) d′éléments dont mille nuances, mille raisons expliquaient la présence, la fréquence, la coordination, qu′expliquée par l′anéantissement même de la connaissance des mille raisons, des mille nuances qui faisaient que tel qui s′y trouvait encore maintenant y était tout naturellement indiqué et à sa place, tandis que tel autre qui l′y coudoyait y présentait une nouveauté suspecte. Cette ignorance n′était pas que du monde, mais de la politique, de tout. Car la mémoire dure moins que la vie chez les individus, et, d′ailleurs, de très jeunes, qui n′avaient jamais eu les souvenirs abolis chez les autres, faisant maintenant partie du monde, et très légitimement, même au sens nobiliaire, les débuts étant oubliés ou ignorés, on prenait les gens — au point d′élévation ou de chute — où ils se trouvaient, croyant qu′il en avait toujours été ainsi, et que la princesse de Guermantes et Bloch avaient toujours eu la plus grande situation, que Clemenceau et Viviani avaient toujours été conservateurs. Et comme certains faits ont plus de durée, le souvenir exécré de l′Affaire Dreyfus persistant vaguement chez eux, grâce à ce que leur avaient dit leurs pères, si on leur disait que Clemenceau avait été dreyfusard, ils disaient : « Pas possible, vous confondez, il est juste de l′autre côté. » Des ministres tarés et d′anciennes filles publiques étaient tenus pour des parangons de vertu. Quelqu′un ayant demandé à un jeune homme de la plus grande famille s′il n′y avait pas eu quelque chose à dire sur la mère de Gilberte, le jeune seigneur répondit qu′en effet, dans la première partie de son existence, elle avait épousé un aventurier du nom de Swann, mais qu′ensuite elle avait épousé un des hommes les plus en vue de la société, le comte de Forcheville. Sans doute quelques personnes encore dans ce salon, la duchesse de Guermantes par exemple, eussent souri de cette assertion (qui, niant l′élégance de Swann, me paraissait monstrueuse, alors que moi-même jadis, à Combray, j′avais cru avec ma grand′tante que Swann ne pouvait connaître des « princesses » ) et aussi des femmes qui eussent pu se trouver là mais qui ne sortaient plus guère, les duchesses de Montmorency, de Mouchy, de Sagan, qui avaient été les amies intimes de Swann et n′avaient jamais aperçu ce Forcheville, non reçu dans le monde au temps où elles y allaient encore. Mais précisément c′est que la société d′alors, de même que les visages aujourd′hui modifiés et les cheveux blonds remplacés par des cheveux blancs, n′existait plus que dans la mémoire d′êtres dont le nombre diminuait tous les jours. Bloch, pendant la guerre, avait cessé de « sortir », de fréquenter ses anciens milieux d′autrefois où il faisait piètre figure. En revanche, il n′avait cessé de publier de ces ouvrages dont je m′efforçais aujourd′hui, pour ne pas être entravé par elle, de détruire l′absurde sophistique, ouvrages sans originalité, mais qui donnaient aux jeunes gens et à beaucoup de femmes du monde l′impression d′une hauteur intellectuelle peu commune, d′une sorte de génie. Ce fut donc après une scission complète entre son ancienne mondanité et la nouvelle que, dans une société reconstituée, il avait fait, pour une phase nouvelle de sa vie, honorée, glorieuse, une apparition de grand homme. Les jeunes gens ignoraient naturellement qu′il fît à cet âge-là des débuts dans la société, d′autant que le peu de noms qu′il avait retenus dans la fréquentation de Saint-Loup lui permettaient de donner à son prestige actuel une sorte de recul indéfini. En tout cas il paraissait un de ces hommes de talent qui à toute époque ont fleuri dans le grand monde et on ne pensait pas qu′il eût jamais vécu ailleurs.
Y, sin embargo, la sensación del tiempo transcurrido y de la desaparición de una pequeña parte de mi pasado la registraba menos vivamente por la destrucción de aquel conjunto coherente (que fue el salón de los Guermantes) que por la ausencia misma del conocimiento de las mil razones, de los mil matices, en virtud de la cual alguien que todavía se encontraba allí estaba allí indicado con toda naturalidad y en su sitio, mientras que otro que se codeaba con él representaba una novedad sospechosa. Esta ignorancia no era sólo del gran mundo, sino de la política, de todo. Pues la memoria duraba menos que la vida en los individuos, y, además, algunas personas muy jóvenes, de las que no había en los demás recuerdos abolidos, formaban ahora una parte del gran mundo, y muy legítimamente, aun en el sentido nobiliario, pues, olvidados o ignorados los orígenes, tomaban a las gentes en el punto de elevación o de descenso en que se encontraban, creyendo que siempre había sido así, que madame Swann y la princesa de Guermantes y Bloch habían tenido siempre una gran posición, que Clemenceau y Viviani habían sido siempre conservadores. Y como algunos hechos tienen más duración y el execrado recuerdo del asunto Dreyfus persistía vagamente en ellos por lo que les habían dicho sus padres, si les decían que Clemenceau había sido dreyfusista, replicaban: «No es posible, se confunde usted, es precisamente del otro lado». Ministros tarados y antiguas prostitutas eran considerados como dechados de virtud. Como alguien preguntara a un joven de una familia muy encopetada si no había oído decir algo de la madre de Gilberta, el joven distinguido contestaba que, en efecto, en la primera parte de su existencia se había casado con un aventurero llamado Swann, pero que después se casó con uno de los hombres más ilustres de la sociedad, el conde de Forcheville. Seguramente todavía algunas personas de aquel salón -por ejemplo, la duquesa de Guermantes- habrían sonreído ante tal aserto (que, al negar la elegancia de Swann, me parecía monstruoso, cuando yo mismo en otro tiempo, en Combray, creía, como mi tía abuela, que Swann no podía conocer «princesas»), y también algunas mujeres que pudieran encontrarse allí, pero que ya casi no salían, las duquesas de Montmorency, de Mouchy, de Sagan, que fueron amigas íntimas de Swann y no vieron jamás a aquel Forcheville, no recibido en el gran mundo cuando ellas estaban aún en él. Pero es precisamente que la sociedad de entonces, como los rostros hoy cambiados y las cabelleras rubias sustituidas por cabelleras blancas, ya sólo existía en la memoria de unos seres cada día menos numerosos. Durante la guerra, Bloch había dejado de «salir», de frecuentar sus antiguos medios de otro tiempo, donde hacía una triste figura. En cambio, no había dejado de publicar unas obras cuya absurda sofistica me esforzaba yo ahora en destruir por que no me estorbara, obras sin originalidad, pero que daban a los jóvenes y a muchas mujeres del gran mundo la impresión de una altura intelectual poco común, de una especie de genio. De suerte que Bloch, después de una escisión completa entre su antigua mundanidad y la nueva, hizo una aparición de gran hombre en una fase nueva de su vida, gloriosa, honrada. Naturalmente, los jóvenes ignoraban que, a aquella edad, debutara en el gran mundo, más aún porque los pocos nombres que recordaba de su trato con Saint-Loup le permitían dar a su prestigio actual una especie de antigüedad indefinida. En todo caso, parecía uno de esos hombres de talento que en todo tiempo han florecido en el gran mundo, y no se pensaba que hubiera vivido nunca en otro.
Dès que j′eus fini de parler au prince de Guermantes, Bloch se saisit de moi et me présenta à une jeune femme qui avait beaucoup entendu parler de moi par la duchesse de Guermantes.
Cuando acabé de hablar con el príncipe de Guermantes, Bloch me secuestró y me presentó a una señora joven que había oído a la duquesa de Guermantes hablar mucho de mí y que era una de las mujeres más elegantes del día.
Si les gens des nouvelles générations tenaient la duchesse de Guermantes pour peu de chose parce qu′elle connaissait des actrices, etc., les dames — aujourd′hui vieilles — de la famille la considéraient toujours comme un personnage extraordinaire, d′une part parce qu′elles savaient exactement sa naissance, sa primauté héraldique, ses intimités avec ce que Mme de Forcheville eût appelé des « royalties », mais encore parce qu′elle dédaignait de venir dans la famille, s′y ennuyait et qu′on savait qu′on n′y pouvait jamais compter sur elle. Ses relations théâtrales et politiques, d′ailleurs mal sues, ne faisaient qu′augmenter sa rareté, donc son prestige. De sorte que, tandis que dans le monde politique et artistique on la tenait pour une créature mal définie, une sorte de défroquée du faubourg Saint-Germain qui fréquente les sous-secrétaires d′État et les étoiles, dans ce même faubourg Saint-Germain, si on donnait une belle soirée, on disait : « Est-ce même la peine d′inviter Marie Sosthènes ? elle ne viendra pas. Enfin pour la forme, mais il ne faut pas se faire d′illusions. » Et si, vers 10 h. ½, dans une toilette éclatante, paraissant, de ses yeux durs pour elles, mépriser toutes ses cousines, entrait Marie Sosthènes qui s′arrêtait sur le seuil avec une sorte de majestueux dédain, et si elle restait une heure, c′était une plus grande fête pour la vieille grande dame qui donnait la soirée qu′autrefois pour un directeur de théâtre que Sarah Bernhardt, qui avait vaguement promis un concours sur lequel on ne comptait pas, fût venue et eût, avec une complaisance et une simplicité infinies, récité, au lieu du morceau promis, vingt autres. La présence de Marie Sosthènes, à laquelle les chefs de cabinet parlaient de haut en bas et qui n′en continuait pas moins (l′esprit mène ainsi le monde) à chercher à en connaître de plus en plus, venait de classer la soirée de la douairière, où il n′y avait pourtant que des femmes excessivement chic, en dehors et au-dessus de toutes les autres soirées de douairières de la même « season » (comme aurait encore dit Mme de Forcheville), mais pour lesquelles soirées ne s′était pas dérangée Marie Sosthènes qui était une des femmes les plus élégantes du jour.
Â…
Le nom de la jeune femme à laquelle Bloch m′avait présenté m′était entièrement inconnu, et celui des différents Guermantes ne devait pas lui être très familier, car elle demanda à une Américaine à quel titre Mme de Saint-Loup avait l′air si intime avec toute la plus brillante société qui se trouvait là. Or, cette Américaine était mariée au comte de Furcy, parent obscur des Forcheville et pour lequel ils représentaient ce qu′il y a de plus brillant au monde. Aussi répondit-elle tout naturellement : « Quand ce ne serait que parce qu′elle est née Forcheville. C′est ce qu′il y a de plus grand. » Encore Mme de Furcy, tout en croyant naîµ¥ment le nom de Forcheville supérieur à celui de Saint-Loup, savait-elle du moins ce qu′était ce dernier. Mais la charmante amie de Bloch et de la duchesse de Guermantes l′ignorait absolument et, étant assez étourdie, répondit de bonne foi à une jeune fille qui lui demandait comment Mme de Saint-Loup était parente du maître de la maison, le prince de Guermantes : « Par les Forcheville », renseignement que la jeune fille communiqua, comme si elle l′avait possédé de tout temps, à une de ses amies, laquelle, ayant mauvais caractère et étant nerveuse, devint rouge comme un coq la première fois qu′un monsieur lui dit que ce n′était pas par les Forcheville que Gilberte tenait aux Guermantes, de sorte que le monsieur crut qu′il s′était trompé, adopta l′erreur et ne tarda pas à la propager. Les dîners, les fêtes mondaines, étaient pour l′Américaine une sorte d′École Berlitz. Elle entendait les noms et les répétait sans avoir connu préalablement leur valeur, leur portée exacte. On expliqua à quelqu′un qui demandait si Tansonville venait à Gilberte de son père M. de Forcheville, que cela ne venait pas du tout par là, que c′était une terre de la famille de son mari, que Tansonville était voisin de Guermantes, appartenait à Mme de Marsantes, mais étant très hypothéqué, avait été racheté, en dot, par Gilberte. Enfin un vieux de la vieille, ayant évoqué Swann ami des Sagan et des Mouchy, et l′Américaine amie de Bloch ayant demandé comment je l′avais connu, déclara que je l′avais connu chez Mme de Guermantes, ne se doutant pas du voisin de campagne, jeune ami de mon grand-père, qu′il représentait pour moi. Des méprises de ce genre ont été commises par les hommes les plus fameux et passent pour particulièrement graves dans toute société conservatrice. Saint-Simon, voulant montrer que Louis XIV était d′une ignorance qui « le fit tomber quelquefois, en public, dans les absurdités les plus grossières », ne donne de cette ignorance que deux exemples, à savoir que le Roi, ne sachant pas que Rénel était de la famille de Clermont-Gallerande ni Saint-Hérem de celle de Montmorin, les traita en hommes de peu. Du moins, en ce qui concerne Saint-Hérem, avons-nous la consolation de savoir que le Roi ne mourut pas dans l′erreur, car il fut détrompé « fort tard » par M. de la Rochefoucauld. « Encore, ajoute Saint-Simon avec un peu de pitié, lui fallut-il expliquer quelles étaient ces maisons que leur nom ne lui apprenait pas. » Cet oubli si vivace qui recouvre si rapidement le passé le plus récent, cette ignorance si envahissante, créent par contre-coup une valeur d′érudition à un petit savoir d′autant plus précieux qu′il est peu répandu, s′appliquant à la généalogie des gens, à leurs vraies situations, à la raison d′amour, d′argent ou autre pour quoi ils se sont alliés à telle famille, ou mésalliés, savoir prisé dans toutes les sociétés où règne un esprit conservateur, savoir que mon grand-père possédait au plus haut degré, concernant la bourgeoisie de Combray et de Paris, savoir que Saint-Simon prisait tant que, au moment où il célèbre la merveilleuse intelligence du prince de Conti, avant même de parler des sciences, ou plutôt comme si c′était la première des sciences, il le loue d′avoir été « un très bel esprit, lumineux, juste, exact, étendu, d′une lecture infinie, qui n′oubliait rien, qui connaissait les généalogies, leurs chimères et leurs réalités, d′une politesse distinguée selon le rang, le mérite, rendant tout ce que les princes du sang doivent et qu′ils ne rendent plus. Il s′en expliquait même et, sur leurs usurpations, l′histoire des livres et des conversations lui fournissait de quoi placer ce qu′il trouvait de plus obligeant sur la naissance, les emplois, etc. » Moins brillant, pour tout ce qui avait trait à la bourgeoisie de Combray et de Paris, mon grand-père ne le savait pas avec moins d′exactitude et ne le savourait pas avec moins de gourmandise. Ces gourmets-là, ces amateurs-là étaient déjà devenus peu nombreux qui savaient que Gilberte n′était pas Forcheville, ni Mme de Cambremer Méséglise, ni la plus jeune une Valintonais. Peu nombreux, peut-être même pas recrutés dans la plus haute aristocratie (ce ne sont pas forcément les dévots, ni même les catholiques, qui sont le plus savants concernant la Légende Dorée ou les vitraux du XIIIe siècle), mais souvent dans une aristocratie secondaire, plus friande de ce qu′elle n′approche guère et qu′elle a d′autant plus le loisir d′étudier qu′elle le fréquente moins, se retrouvant avec plaisir, faisant la connaissance les uns des autres, donnant de succulents dîners de corps, comme la société des bibliophiles ou des amis de Reims, dîners où on déguste des généalogies. Les femmes n′y sont pas admises, mais les maris rentrent en disant à la leur : « J′ai fait un dîner intéressant. Il y avait un M. de la Raspelière qui nous a tenus sous le charme en nous expliquant que cette Mme de Saint-Loup qui a cette jolie fille n′est pas du tout née Forcheville. C′est tout un roman. »
Ahora bien, su nombre me era completamente desconocido, y el de los diferentes Guermantes no debía de serle muy familiar, pues preguntó a una americana por qué razón madame de Saint-Loup parecía tener un trato tan íntimo con la sociedad más brillante que allí se encontraba. Aquella americana estaba casada con el conde de Farcy, pariente oscuro de los Forcheville y para el que éstos representaban lo más grande del mundo. Por eso contestó con la mayor naturalidad: «Pues aunque sólo fuera porque es de la familia Forcheville. Lo más grande que hay». Y por lo menos madame de Farcy, creyendo ingenuamente el nombre de Forcheville superior al de Saint-Loup, sabía lo que éste era. Pero la encantadora amiga de Bloch y de la duquesa de Guermantes lo ignoraba totalmente y, como era bastante atolondrada, contestó de buena fe a una señorita que le preguntaba cómo madame de Saint-Loup era pariente del anfitrión, el príncipe de Guermantes: «Por los Forcheville», informe que la señorita comunicó como si lo hubiera sabido de siempre a una de sus amigas, la cual, que tenía mal carácter y estaba nerviosa, se puso colorada como un gallo la primera vez que un señor le dijo que Gilberta no estaba emparentada con los Guermantes, de suerte que el señor creyó que se había equivocado, adoptó el error y no tardó en propagarlo. Las comidas, las fiestas mundanas eran para la americana una especie de Escuela Berlitz. Oía los nombres y los repetía sin conocer previamente su valor, su alcance exacto. A alguien que preguntaba si Tansonville lo heredó Gilberta de su padre, monsieur de Forcheville, le explicaron que nada de eso, que era una finca de la familia de su marido, que Tansonville estaba cerca de Guermantes, que pertenecía a madame de Marsantes, pero que, como la finca estaba muy hipotecada, la había redimido como dote Gilberta. Por último, como un veterano de aquella época nombrara a Swann como amigo de los Sagan y de los Mouchy, y la americana amiga de Bloch preguntara cómo le había conocido yo, aquél declaró que le conocí en casa de madame de Guermantes, sin pensar en el vecino de campo, joven amigo de mi abuelo, que él representaba para mí. Errores como éste han sido cometidos por los hombres más famosos y son considerados muy graves en toda sociedad conservadora. Saint-Simon, queriendo demostrar que Luis XIV era de una ignorancia que «le hizo caer a veces, en público, en los absurdos más garrafales», da de esta ignorancia únicamente dos ejemplos: que el rey, no sabiendo que Renel era de la familia de Clermont-Gallerande, ni Saint-Herem de la de Montmorin, los trató como hombres de poco más o menos. Al menos en cuanto a Saint-Herem tenemos el consuelo de saber que el rey no murió en el error, pues le sacó de él «muy tarde» monsieur de La Rochefoucauld. «Y para eso -añade Saint-Simon con un poco de lástimatuvo que explicar qué casas eran aquellas cuyo nombre no le decía nada.» Este olvido tan vivaz que tan rápidamente cubre el pasado más reciente, esta ignorancia tan invasora, proporciona, en cambio, un pequeño saber más precioso por poco frecuente, un pequeño saber aplicado a la genealogía de las gentes, a sus verdaderas situaciones, a la razón de amor, de dinero u otra por la cual han emparentado con tal familia o han hecho bodas desiguales; un pequeño saber tomado de todas las sociedades donde reina un espíritu conservador, saber que mi abuelo poseía en el más alto grado sobre la burguesía de Combray y de París, saber que Saint-Simon valoraba tanto que cuando celebra la maravillosa inteligencia del príncipe de Conti, aun antes de hablar de las ciencias, o más bien como si fuera la primera de las ciencias, le elogia por haber sido «una magnífica mente, luminosa, justa, exacta, extensa, de grandísima lectura, que no olvidaba nada, que conocía las genealogías, sus quimeras y sus realidades, de una cortesía distinguida según el rango y el mérito, dando todo lo que los príncipes de la sangre deben dar y que ya no dan; hasta explicaba esto, y sus usurpaciones. La historia de los libros y de las conversaciones le proporcionaba la manera de colocar lo más agradable que podía sobre el nacimiento, los empleos, etcétera». Mi abuelo, menos brillante, sabía con no menos exactitud y saboreaba con no menos delectación todo lo referente a la burguesía de Combray y de París. Eran ya raros estos gourmets, estos aficionados que sabían que Gilberta no era Forcheville ni madame de Cambremer era Méséglise, ni la más joven una Valentinois. Escasos, hasta quizá reclutados en la más alta aristocracia (no son forzosamente los devotos, ni siquiera los católicos, los que más saben de la Leyenda Dorada o de las vidrieras del siglo XIII), muchas veces en una aristocracia secundaria, más golosa de aquella a la que apenas tiene acceso y que, por tratarla menos, tiene más tiempo de estudiarla; pero que se encuentran con gusto, que se presentan los unos a los otros, que dan suculentas comidas de cuerpo como la Sociedad de Bibliófilos o de Amigos de Reims, unas comidas donde se degustan genealogías. Las mujeres no son admitidas en ellas, pero los maridos les dicen al volver a casa: «He estado en una comida interesante. Había un tal monsieur de la Raspelière que nos ha encantado explicándonos que esa madame de Saint-Loup que tiene esa niña tan bonita no es hija de un Forcheville. Toda una novela».
L′amie de Bloch et de la duchesse de Guermantes n′était pas seulement élégante et charmante, elle était intelligente aussi, et la conversation avec elle était agréable, mais m′était rendue difficile parce que ce n′était pas seulement le nom de mon interlocutrice qui était nouveau pour moi, mais celui d′un grand nombre de personnes dont elle me parla et qui formaient actuellement le fond de la société. Il est vrai que, d′autre part, comme elle voulait m′entendre raconter des histoires, beaucoup de ceux que je lui citai ne lui dirent absolument rien, ils étaient tous tombés dans l′oubli, du moins ceux qui n′avaient brillé que de l′éclat individuel d′une personne et n′étaient pas le nom générique et permanent de quelque célèbre famille aristocratique (dont la jeune femme savait rarement le titre exact, supposant des naissances inexactes sur un nom qu′elle avait entendu de travers la veille dans un dîner), et elle ne les avait pour la plupart jamais entendu prononcer, n′ayant commencé à aller dans le monde (non seulement parce qu′elle était encore jeune, mais parce qu′elle habitait depuis peu la France et n′avait pas été reçue tout de suite) que quelques années après que je m′en étais moi-même retiré. De sorte que, si nous avions en commun un même vocabulaire de mots, pour les noms, celui de chacun de nous était différent. Je ne sais comment le nom de Mme Leroi tomba de mes lèvres et, par hasard, mon interlocutrice, grâce à quelque vieil ami, galant auprès d′elle, de Mme de Guermantes, en avait entendu parler. Mais inexactement comme je le vis au ton dédaigneux dont cette jeune femme snob me répondit : « Si, je sais qui est Mme Leroi, une vieille amie de Bergotte » d′un ton qui voulait dire « une personne que je n′aurais jamais voulu faire venir chez moi ». Je compris très bien que le vieil ami de Mme de Guermantes, en parfait homme du monde imbu de l′esprit des Guermantes, dont un des traits était de ne pas avoir l′air d′attacher d′importance aux fréquentations aristocratiques, avait trouvé trop bête et trop anti-Guermantes de dire : « Mme Leroi, qui fréquentait toutes les altesses, toutes les duchesses » et il avait préféré dire : « Elle était assez drôle. Elle a répondu un jour à Bergotte ceci. » Seulement, pour les gens qui ne savent pas, ces renseignements par la conversation équivalent à ceux que donne la Presse aux gens du peuple et qui croient alternativement, selon leur journal, que M. Loubet et M. Reinach sont des voleurs ou de grands citoyens. Pour mon interlocutrice, Mme Leroi avait été une espèce de Mme Verdurin première manière, avec moins d′éclat et dont le petit clan eût été limité au seul BergotteÂ… Cette jeune femme est, d′ailleurs, une des dernières qui, par un pur hasard, ait entendu le nom de Mme Leroi. Aujourd′hui personne ne sait plus qui c′est, ce qui est, du reste, parfaitement juste. Son nom ne figure même pas dans l′index des mémoires posthumes de Mme de Villeparisis, de laquelle Mme Leroi occupa tant l′esprit. La marquise n′a, d′ailleurs, pas parlé de Mme Leroi, moins parce que celle-ci, de son vivant, avait été peu aimable pour elle, que parce que personne ne pouvait s′intéresser à elle après sa mort, et ce silence est dicté moins par la rancune mondaine de la femme que par le tact littéraire de l′écrivain. Ma conversation avec l′élégante amie de Bloch fut charmante, car cette jeune femme était intelligente, mais cette différence entre nos deux vocabulaires la rendait malaisée et en même temps instructive. Nous avons beau savoir que les années passent, que la jeunesse fait place à la vieillesse, que les fortunes et les trônes les plus solides s′écroulent, que la célébrité est passagère, notre manière de prendre connaissance et, pour ainsi dire, de prendre le cliché de cet univers mouvant, entraîné par le Temps, l′immobilise au contraire. De sorte que nous voyons toujours jeunes les gens que nous avons connus jeunes, que ceux que nous avons connus vieux nous les parons rétrospectivement dans le passé des vertus de la vieillesse, que nous nous fions sans réserve au crédit d′un milliardaire et à l′appui d′un souverain, sachant par le raisonnement, mais ne croyant pas effectivement, qu′ils pourront être demain des fugitifs dénués de pouvoir. Dans un champ plus restreint et de mondanité pure, comme dans un problème plus simple qui initie à des difficultés plus complexes mais de même ordre, l′inintelligibilité qui résultait, dans notre conversation avec la jeune femme, du fait que nous avions vécu dans un certain monde à vingt-cinq ans de distance, me donnait l′impression et aurait pu fortifier chez moi le sens de l′histoire. Du reste, il faut bien dire que cette ignorance des situations réelles, qui tous les dix ans fait surgir les élus dans leur apparence actuelle et comme si le passé n′existait pas, qui empêche, pour une Américaine fraîchement débarquée, de voir que M. de Charlus avait eu la plus grande situation de Paris à une époque où Bloch n′en avait aucune, et que Swann qui faisait tant de frais pour M. Bontemps avait été traité avec la plus grande amitié par le prince de Galles, cette ignorance n′existe pas seulement chez les nouveaux venus, mais chez ceux qui ont fréquenté toujours des sociétés voisines, et cette ignorance, chez ces derniers comme chez les autres, est aussi un effet (mais cette fois s′exerçant sur l′individu et non sur la courbe sociale) du Temps. Sans doute, nous avons beau changer de milieu, de genre de vie, notre mémoire, en retenant le fil de notre personnalité identique, attache à elle, aux époques successives, le souvenir des sociétés où nous avons vécu, fût-ce quarante ans plus tôt. Bloch, chez le prince de Guermantes, savait parfaitement l′humble milieu juif où il avait vécu à dix-huit ans, et Swann, quand il n′aima plus Mme Swann mais une femme qui servait le thé chez ce même Colombin où Mme Swann avait cru quelque temps qu′il était chic d′aller, comme au thé de la rue Royale, Swann savait très bien sa valeur mondaine, se rappelant Twickenham, n′avait aucun doute sur les raisons pour lesquelles il allait plutôt chez Colombin que chez la duchesse de Broglie, et savait parfaitement qu′eût-il été lui-même mille fois moins « chic », cela ne l′eût pas empêché davantage d′aller chez Colombin ou à l′hôtel Ritz, puisque tout le monde peut y aller en payant. Sans doute les amis de Bloch ou de Swann se rappelaient eux aussi la petite société juive ou les invitations à Twickenham, et ainsi les amis, comme des « moi » un peu moins distincts de Swann et de Bloch, ne séparaient pas, dans leur mémoire, du Bloch élégant d′aujourd′hui le Bloch sordide d′autrefois, du Swann de chez Colombin des derniers jours le Swann de Buckingham Palace. Mais ces amis étaient, en quelque sorte, dans la vie, les voisins de Swann ; la leur s′était développée sur une ligne assez voisine pour que leur mémoire pût être assez pleine de lui ; mais chez d′autres plus éloignés de Swann, à une distance plus grande de lui, non pas précisément socialement, mais d′intimité, qui avait fait la connaissance plus vague et les rencontres très rares, les souvenirs moins nombreux avaient rendu les notions plus flottantes. Or, chez des étrangers de ce genre, au bout de trente ans on ne se rappelle plus rien de précis qui puisse prolonger dans le passé et changer de valeur l′être qu′on a sous les yeux. J′avais entendu, dans les dernières années de la vie de Swann, des gens du monde pourtant, à qui on parlait de lui, dire et comme si ç′avait été son titre de notoriété : « Vous parlez du Swann de chez Colombin ? » J′entendais maintenant des gens qui auraient pourtant dû savoir, dire en parlant de Bloch : « Le Bloch-Guermantes ? Le familier des Guermantes ? » Ces erreurs qui scindent une vie et en isolant le présent font de l′homme dont on parle un autre homme, un homme différent, une création de la veille, un homme qui n′est que la condensation de ses habitudes actuelles (alors que lui porte en lui-même la continuité de sa vie qui le relie au passé), ces erreurs dépendent bien aussi du Temps, mais elles sont non un phénomène social, mais un phénomène de mémoire. J′eus dans l′instant même un exemple, d′une variété assez différente, il est vrai, mais d′autant plus frappante, de ces oublis qui modifient pour nous l′aspect des êtres. Un jeune neveu de Mme de Guermantes, le marquis de Villemandois, avait été jadis pour moi d′une insolence obstinée qui m′avait conduit par représailles à adopter à son égard une attitude si insultante que nous étions devenus tacitement comme deux ennemis. Pendant que j′étais en train de réfléchir sur le temps, à cette matinée chez la princesse de Guermantes, il se fit présenter à moi en disant qu′il croyait que j′avais connu de ses parents, qu′il avait lu des articles de moi et désirait faire ou refaire ma connaissance. Il est vrai de dire qu′avec l′âge il était devenu, comme beaucoup, d′impertinent sérieux, qu′il n′avait plus la même arrogance et que, d′autre part, on parlait de moi, pour de bien minces articles cependant, dans le milieu qu′il fréquentait. Mais ces raisons de sa cordialité et de ses avances ne furent qu′accessoires. La principale, ou du moins celle qui permit aux autres d′entrer en jeu, c′est que, ou ayant une plus mauvaise mémoire que moi, ou ayant attaché une attention moins soutenue à mes ripostes que je n′avais fait autrefois à ses attaques, parce que j′étais alors pour lui un bien plus petit personnage qu′il n′était pour moi, il avait entièrement oublié notre inimitié. Mon nom lui rappelait tout au plus qu′il avait dû me voir, ou quelqu′un des miens, chez une de ses tantesÂ… Et ne sachant pas au juste s′il se faisait présenter ou représenter, il se hâta de me parler de sa tante, chez qui il ne doutait pas qu′il avait dû me rencontrer, se rappelant qu′on y parlait souvent de moi, mais non de nos querelles. Un nom, c′est tout ce qui reste bien souvent pour nous d′un être, non pas même quand il est mort, mais de son vivant. Et nos notions actuelles sur lui sont si vagues ou si bizarres, et correspondent si peu à celles que nous avons eues de lui, que nous avons entièrement oublié que nous avons failli nous battre en duel avec lui, mais que nous nous rappelons qu′il portait, enfant, d′étranges guêtres jaunes aux Champs-Élysées, dans lesquels par contre, malgré que nous le lui assurions, il n′a aucun souvenir d′avoir joué avec nous. Bloch était entré en sautant comme une hyène. Je pensais : « Il vient dans des salons où il n′eût pas pénétré il y a vingt ans. » Mais il avait aussi vingt ans de plus. Il était plus près de la mort. À quoi cela l′avançait-il ? De près, dans la translucidité d′un visage où, de plus loin et mal éclairé, je ne voyais que la jeunesse gaie (soit qu′elle y survécût, soit que je l′y évoquasse), se tenait le visage presque effrayant, tout anxieux, d′un vieux Shylock attendant, tout grimé dans la coulisse, le moment d′entrer en scène, récitant déjà les premiers vers à mi-voix. Dans dix ans, dans ces salons où leur veulerie l′aurait imposé, il entrerait en béquillant, devenu maître, trouvant une corvée d′être obligé d′aller chez les La Trémoe. À quoi cela l′avançait-il ?
La amiga de Bloch y de la duquesa de Guermaates no sólo era elegante y encantadora, era también inteligente y la conversación con ella era agradable, pero me resultaba difícil porque lo nuevo para mí no es solamente el nombre de mi interlocutora, sino el de muchas personas de que me habló y que constituían en aquel momento el cogollo de la sociedad. Verdad es que, por otra parte, como quería oírme contar historias, muchos de los que le cité no le dijeron absolutamente nada, habían caído todos en el olvido, al menos los que sólo brillaron con el resplandor individual de una persona y no eran el nombre genérico y permanente de alguna célebre familia aristocrática (cuyo título exacto rara vez conocía la señora joven, atribuyendo nacimientos inexactos a un nombre que había oído al revés la víspera en una comida), y la señora, generalmente, no los había oído nunca pronunciar, pues no comenzó a frecuentar el gran mundo (no sólo porque era todavía joven, sino porque llevaba poco tiempo en Francia y no había sido recibida en seguida) hasta unos años después de retirarme yo del mismo. No sé cómo salió de mis labios el nombre de madame Leroi, y por casualidad mi interlocutora, gracias a algún viejo amigo de madame de Guermantes que galanteaba a la señora joven, había oído hablar de aquélla. Pero inexactamente, como pude observar por el tono despectivo con que la señora joven y snob me contestó: «Sí, ya sé quién es madame Leroi, una antigua amiga de Bergotte», un tono que quería decir «una persona que yo nunca hubiera querido en mi casa». Comprendí muy bien que al viejo amigo de madame de Guermantes, como perfecto hombre de mundo imbuido del espíritu de los Guermantes, una de cuyas características era no parecer dar importancia a las frecuentaciones aristocráticas, le había parecido demasiado tonto y demasiado anti-Guermantes decir: «Madame Leroi, que trataba a todas las altezas, a todas las duquesas», y prefrió decir: «Es bastante divertida. Un día le contestó esto a Bergotte». Sólo que para las personas que no saben, esos informes de la conversación equivalen a los que da la prensa a la gente del pueblo, que cree alternativamente, según lo que dice su periódico, que monsieur Loubet y monsieur Reinach son unos ladrones o unos grandes ciudadanos. Para mi interlocutora, madame Leroi había sido una especie de madame Verdurin primera fase, con menos lucimiento y cuyo pequeño clan se hubiera limitado a Bergotte. Esta señora joven es, por otra parte, una de las últimas que, por pura casualidad, oyera el nombre de madame Leroi. Hoy nadie sabe ya quién es, lo que, por lo demás, es perfectamente justo. Su nombre no figura siquiera en el índice de las memorias póstumas de madame de Villeparisis, en cuya mente ocupó madame Leroi tanto lugar. Por lo demás, si la marquesa no habló de madame Leroi fue más que porque ésta estuvo poco amable con ella, porque a nadie podía interesarle después de su muerte, y este silencio se debe al tacto literario de la escritora más que al rencor mundano de la mujer. Mi conversación con la elegante amiga de Bloch fue encantadora, pues esta mujer era inteligente, pero la diferencia entre nuestros dos vocabularios la hacía difícil y al mismo tiempo instructiva. Por más que sepamos que los años pasan, que la juventud da paso a la vejez, que las fortunas y los tronos más sólidos se derrumban, que la celebridad es pasajera, nuestro modo de conocer y, por decirlo así, de tomar el cliché de ese universo movedizo, arrastrado por el Tiempo, lo que hace, por el contrario, es inmovilizarlo. De suerte que vemos siempre jóvenes a las personas que conocimos jóvenes, que a los que hemos conocido viejos les atribuimos retrospectivamente en el pasado virtudes de la vejez, que confiamos sin reserva en el crédito de un millonario y en el apoyo de un soberano, sabiendo por razonamiento, pero sin creerlo efectivamente, que mañana podrá ser un fugitivo desprovisto de poder. En un campo más restringido y de pura mundanidad, como en un problema más sencillo que inicia en dificultades más complejas pero del mismo orden, la ininteligibilidad que, en nuestra conversación con la señora joven, resultaba del hecho de haber vivido en cierto mundo a veinticinco años de distancia, me daba la impresión, y habría podido fortificarlo en mí, del sentido de la Historia. Por otra parte, no hay más remedio que decir que esa ignorancia de las situaciones reales, que cada diez años hace surgir a los elegidos en su apariencia actual como si no existiera el pasado, que a una americana recién desembarcada le impide ver que monsieur de Charlus había ocupado en París la posición más alta en una época en que Bloch no tenía ninguna, y que Swann, que hacía tantos gastos por monsieur Bontemps, fue tratado con la mayor amistad, esa ignorancia no existe sólo en los recién llegados, sino en los que han frecuentado siempre sociedades vecinas, y en éstos como en los otros esa ignorancia es también un efecto del Tiempo (pero esta vez un efecto que actúa sobre el individuo y no sobre la capa social). Desde luego, por más que cambiemos de medio, de género de vida, nuestra memoria, al retener el hilo de nuestra personalidad idéntica, une a ella, en las épocas sucesivas, el recuerdo de las sociedades en que hemos vivido, aunque sea cuarenta años atrás. Bloch en casa del príncipe de Guermantes sabía perfectamente el humilde medio judío donde había vivido a los dieciocho años, y Swann, cuando ya no amaba a madame Swann, sino a una mujer que servía té en aquel mismo Colombin adonde madame Swann creyó por algún tiempo que era elegante ir, como al té de la Rue Royale, Swann sabía muy bien su valor mundano, recordaba Twickenham, no tenía ninguna duda sobre las razones por las cuales iba a Colombin más bien que a casa de la duquesa de Broglie, y sabía perfectamente que, aunque él fuera mil veces más distinguido, no le habría valido un átomo más ir a Colombin o al Hotel Ritz, puesto que, pagando, puede ir todo el que quiera. Seguramente los amigos de Bloch o de Swann recordaban también la pequeña sociedad judía o las invitaciones a Twickenham, y así los amigos, como unos yos, un poco menos distintos, de Swann y de Bloch, no separaban en su recuerdo al Bloch elegante de hoy del Bloch sórdido de antaño, al Swann de Colombin de los últimos días del Swann de Buckingham Palace. Pero estos amigos eran en cierto modo en la vida vecinos de Swann; la suya se había desarrollado en una línea bastante próxima para que su memoria pudiera estar llena de él; pero en otros más alejados de Swann, a mayor distancia de él, no precisamente social, sino de intimidad, distancia por la cual el conocimiento era más vago y los encuentros muy raros, los recuerdos menos numerosos habían hecho las nociones más flotantes. Y los extraños de este tipo, al cabo de treinta años, no recuerdan ya nada preciso que pueda prolongarse hasta el pasado y cambiar de valor al ser que tienen ante los ojos. En los últimos años de la vida de Swann había oído yo decir, y a personas del gran mundo, cuando les hablaban de él, y como si fuera éste su título de notoriedad: «¿Se refiere usted al Swann de Colombin?» Ahora oía decir hablando de Bloch, y a personas que debían de saberlo: «¿El Bloch-Guermantes? ¿El que frecuentaba a los Guermantes?» Estos errores que escinden una vida y, aislando el presente, hacen del hombre de que se habla otro hombre, un hombre diferente, una creación de la víspera, un hombre que no es más que la condensación de sus hábitos actuales (cuando lleva en sí mismo la continuidad de su vida que le une al pasado), esos errores dependen también del Tiempo, pero son no un fenómeno social, sino un fenómeno de memoria. Tuve un ejemplo en el momento mismo -verdad que fue un ejemplo bastante diferente, pero tanto más impresionante- de esos olvidos que cambian para nosotros el aspecto de los seres. Un joven sobrino de madame de Guermantes, el marqués de Villemandois, se había conducido conmigo en otro tiempo con una insolencia obstinada que, por represalia, me hizo adoptar con él una actitud tan insultante que llegamos a ser tácitamente como dos enemigos. Cuando yo estaba reflexionando sobre el Tiempo en aquella fiesta de la princesa de Guermantes, pidió que le presentaran a mí, diciendo que creía que yo había conocido a sus padres, que había leído artículos míos y deseaba establecer o reanudar conocimiento conmigo. Conviene decir que con la edad había pasado, como muchos, de impertinente a serio, que ya no tenía la misma arrogancia y que, por otra parte, se hablaba de mí en el medio que él frecuentaba, aunque por unos artículos muy poco importantes. Pero estas razones de su cordialidad y de su deseo de aproximación eran sólo accesorias. La principal, o al menos la que permitió a las otras entrar en juego, es que, bien porque su memoria fuera peor que la mía, o bien porque prestara una atención menos constante a las respuestas que en otro tiempo di a sus ataques, porque yo era entonces para él un personaje más pequeño que él para mí, había olvidado completamente nuestra enemistad. Mi nombre le recordaba a lo sumo que había debido de verme, o que había visto a alguno de los míos, en casa de una tía suya. Y no sabiendo exactamente si nos conocíamos o no, se apresuró a hablarme de su tía, en cuya casa no dudaba que debió de encontrarme, recordando que allí se hablaba a menudo de mí, pero no de nuestras disputas. Muchas veces un nombre es lo único que nos queda de una persona, y ni siquiera cuando ha muerto, sino en vida. Y nuestras ideas sobre él son tan vagas o tan extrañas, y corresponden tan poco a las que él tiene de nosotros, que hemos olvidado por completo que estuvimos a punto de batirnos en duelo con él, pero recordamos que, de niño, iba con polainas amarillas a los Champs-Elysées, donde, en cambio, él no recuerda haber jugado con nosotros por más que se lo aseguremos. Bloch había entrado saltando como una hiena. Pensé: «Acude a unos salones que no hubiera pisado hace veinte años». Pero también tenía veinte años más. Estaba más cerca de la muerte: ¿qué adelantaba? De cerca, en la traslucidez de un rostro en el que, de más lejos y con mala luz, yo no veía más que la juventud alegre (bien porque la juventud sobreviviera en él, bien porque yo la evocase), era el rostro casi espantable, lleno de ansiedad, de un viejo Shylock que esperaba, ya bien maquillado, entre bastidores, el momento de entrar en escena, recitando el primer verso a media voz. Pasados diez años, en aquellos salones donde su apatía le habría impuesto, entraría con muletas, ya «maestro», considerando que era una lata verse obligado a ir a casa de los La Trémoe. ¿Para qué?
Des changements produits dans la société je pouvais d′autant plus extraire des vérités importantes et dignes de cimenter une partie de mon œuvre qu′ils n′étaient nullement, comme j′aurais pu être au premier moment tenté de le croire, particuliers à notre époque. Au temps où moi-même, à peine parvenu, j′étais entré, plus nouveau que ne l′était Bloch lui-même aujourd′hui, dans le milieu des Guermantes, j′avais dû y contempler, comme faisant partie intégrante de ce milieu, des éléments absolument différents, agrégés depuis peu et qui paraissaient étrangement nouveaux à de plus anciens dont je ne les différenciais pas et qui eux-mêmes, crus, par les ducs d′alors, membres de tout temps du faubourg, y avaient, eux, ou leurs pères, ou leurs grands-pères, été jadis des parvenus. Si bien que ce n′était pas la qualité d′hommes du grand monde qui rendait cette société si brillante, mais le fait d′avoir été assimilés plus ou moins complètement par cette société qui faisait, de gens qui cinquante ans plus tard paraissaient tous pareils, des gens du grand monde. Même dans le passé où je reculais le nom de Guermantes pour lui donner toute sa grandeur, et avec raison du reste, car sous Louis XIV les Guermantes, quasi royaux, faisaient plus grande figure qu′aujourd′hui, le phénomène que je remarquais en ce moment se produisait de même. Ne les avait-on pas vus alors s′allier à la famille Colbert par exemple, laquelle aujourd′hui, il est vrai, nous paraît très noble puisque épouser une Colbert semble un grand parti pour un La Rochefoucauld. Mais ce n′est pas parce que les Colbert, simples bourgeois alors, étaient nobles, que les Guermantes s′allièrent avec eux, c′est parce que les Guermantes s′allièrent avec eux qu′ils devinrent nobles. Si le nom d′Haussonville s′éteint avec le représentant actuel de cette maison, il tirera peut-être son illustration de descendre de Mme de Staël, alors qu′avant la Révolution, M. d′Haussonville, un des premiers seigneurs du royaume, tirait vanité auprès de M. de Broglie de ne pas connaître le père de Mme de Staël et de ne pas pouvoir plus le présenter que M. de Broglie ne pouvait le présenter lui-même, ne se doutant guère que leurs fils épouseraient un jour l′un la fille, l′autre la petite-fille de l′auteur de Corinne. Je me rendais compte, d′après ce que me disait la duchesse de Guermantes, que j′aurais pu faire dans ce monde la figure d′homme élégant non titré, mais qu′on croit volontiers affilié de tout temps à l′aristocratie, que Swann y avait faite autrefois, et avant lui M. Lebrun, M. Ampère, tous ces amis de la duchesse de Broglie, qui elle-même était au début fort peu du grand monde. Les premières fois que j′avais dîné chez Mme de Guermantes, combien n′avais-je pas dû choquer des hommes comme M. de Beauserfeuil, moins par ma présence que par des remarques témoignant que j′étais entièrement ignorant des souvenirs qui constituaient son passé et donnaient sa forme à l′usage qu′il avait de la société. Bloch un jour, quand, devenu très vieux, il aurait une mémoire assez ancienne du salon Guermantes tel qu′il se présentait à ce moment à ses yeux, éprouverait le même étonnement, la même mauvaise humeur en présence de certaines intrusions et de certaines ignorances. Et, d′autre part, il aurait sans doute contracté et dispenserait autour de lui ces qualités de tact et de discrétion que j′avais crues le privilège d′hommes comme M. de Norpois, et qui se reforment et s′incarnent dans ceux qui nous paraissent entre tous les exclure. D′ailleurs, le cas qui s′était présenté pour moi d′être admis dans la société des Guermantes m′avait paru quelque chose d′exceptionnel. Mais si je sortais de moi et du milieu qui m′entourait immédiatement, je voyais que ce phénomène social n′était pas aussi isolé qu′il m′avait paru d′abord et que du bassin de Combray où j′étais né, assez nombreux, en somme, étaient les jets d′eau qui symétriquement à moi s′étaient élevés au-dessus de la même masse liquide qui les avait alimentés. Sans doute les circonstances ayant toujours quelque chose de particulier et les caractères d′individuel, c′était de façons toutes différentes que Legrandin (par l′étrange mariage de son neveu) à son tour avait pénétré dans ce milieu, que la fille d′Odette s′y était apparentée, que Swann lui-même, et moi enfin y étions venus. Pour moi qui avais passé enfermé dans ma vie et la voyant du dedans, celle de Legrandin me semblait n′avoir aucun rapport et avoir suivi un chemin opposé, de même que celui qui suit le cours d′une rivière dans sa vallée profonde ne voit pas qu′une rivière divergente, malgré les écarts de son cours, se jette dans le même fleuve. Mais à vol d′oiseau, comme fait le statisticien qui néglige la raison sentimentale, les imprudences évitables qui ont conduit telle personne à la mort, et compte seulement le nombre de personnes qui meurent par an, on voyait que plusieurs personnes, parties d′un même milieu dont la peinture a occupé le début de ce récit, étaient parvenues dans un autre tout différent, et il est probable que, comme il se fait par an à Paris un nombre moyen de mariages, tout autre milieu bourgeois cultivé et riche eût fourni une proportion à peu près égale de gens comme Swann, comme Legrandin, comme moi et comme Bloch, qu′on retrouverait se jetant dans l′océan du « grand monde ». Et, d′ailleurs, ils s′y reconnaissaient, car si le jeune comte de Cambremer émerveillait tout le monde par sa distinction, sa grâce, sa sobre élégance, je reconnaissais en elles — en même temps que dans son beau regard et dans son désir ardent de parvenir — ce qui caractérisait déjà son oncle Legrandin, c′est-à-dire un vieil ami fort bourgeois, quoique de tournure aristocratique, de mes parents.
De los cambios producidos en la sociedad podía sacar yo verdades importantes y dignas de cimentar una parte de mi obra, sobre todo porque no eran en modo alguno características de nuestra época, como, en el primer momento, pude creer. En el tiempo en que yo, apenas recién llegado, entré en el mundo de los Guermantes, más nuevo que el propio Bloch ahora, debí de considerar parte integrante de este medio a unos elementos absolutamente diferentes, incorporados desde hacía poco y que parecían extrañamente nuevos a otros más antiguos de los que yo no los diferenciaba y que, a su vez, fueron considerados por los duques de entonces, miembros de siempre del Faubourg, como advenedizos, ellos, o sus padres, o sus abuelos. De modo que no era la cualidad de hombres del gran mundo lo que hacía tan brillante aquella sociedad, sino el hecho de haber sido asimilados más o menos completamente por aquella sociedad que hacía personas del gran mundo a unas gentes que, pasados cincuenta años, parecerían todos iguales. Incluso en el pasado al que yo retrotraía el nombre de los Guermantes para darle toda su grandeza, y con razón por lo demás, pues en tiempo de Luis XIV los Guermantes, casi regios, eran más importantes que hoy, se producía de la misma manera el fenómeno que yo observaba en este momento. ¿No se aliaron entonces, por ejemplo, con la familia Colbert, que hoy, verdad es, nos parece muy noble, puesto que casarse con una Colbert parece un gran partido para un La Rochefoucauld? Pero no es porque los Colbert, simples burgueses entonces, fueran nobles, por lo que los Guermantes emparentaron con ellos sino que fueron nobles porque los Guermantes emparentaron con ellos. Si el nombre de Haussonville se extingue con el representante actual de esta casa, quizá saque su lustre de descender de madame de Staël, mientras que antes de la Revolución monsieur d′Haussonville, uno de los primeros señores del reino, se envanecía ante monsieur de Broglie de no conocer al padre de madame de Staël y de no poder ya presentarlo, como el propio monsieur de Broglie tampoco podía, sin sospechar que sus hijos se casarían un día el uno con la hija y el otro con la nieta de la autora de Corinne. Por lo que me decía la duquesa de Guermantes, me daba cuenta de que yo hubiera podido hacer en este mundo la figura del hombre elegante, sin título pero al que creen afiliado de siempre a la aristocracia, la figura que hizo Swann en otro tiempo y, antes que él, monsieur Lebrun, monsieur Ampère, todos aquellos amigos de la duquesa de Broglie, que a su vez fue al principio muy poco del gran mundo. Los primeros días que comí en casa de madame de Guermantes, ¡cuánto debí de chocar a unos hombres como monsieur de Beauserfeuil, más que por mi presencia, por algunas observaciones demostrativas de que yo ignoraba por completo los recuerdos que constituían su pasado y daban su forma a la imagen que él tenía de la sociedad! Un día, Bloch, cuando, ya muy viejo, tuviera un recuerdo bastante antiguo del salón de los Guermantes tal como se presentaba en este momento a sus ojos, sentiría el mismo asombro, el mismo mal humor en presencia de ciertos intrusismos y de ciertas ignorancias. Y, por otra parte, seguramente habría contraído y dispensaría en torno suyo esas cualidades de tacto y de discreción que yo había creído privilegio de hombres como monsieur de Norpois, formándose de nuevo y encarnándose en unos hombres que nos parecen, entre todos, excluirlas. Por otra parte, el caso que se me presentó a mí de ser admitido en la sociedad de los Guermantes me pareció cosa excepcional. Pero si salía de mí y del medio que me rodeaba inmediatamente, veía que ese fenómeno social no era tan aislado como me pareció al principio y que de la cuenca de Combray, donde yo había nacido, eran en suma bastante numerosos los surtidores de agua que, simétricamente conmigo, surgieron sobre la misma masa líquida que los había alimentado. Seguramente, como las circunstancias tienen siempre algo particular y los caracteres algo individual, de muy distinto modo (por la extraña boda de su sobrino) entró a su vez Legrandin en aquel medio, como emparentó con él la hija de Odette, como, en fin, a él llegamos el propio Swann y yo mismo. Para mí, que había estado encerrado en mi vida y viéndola desde dentro, la de Legrandin parecía no tener ninguna relación y habrá seguido caminos opuestos, de la misma manera que un río, en su valle profundo, no ve otro río divergente que, a pesar de la divergencia de su curso, desemboca en el mismo río. Pero a vuelo de pájaro, como el estadístico que desdeña las razones sentimentales o las imprudencias evitables que han llevado a la muerte a una persona, y se limita a contar el número de personas que mueren cada año, se veía que varias personas salidas del mismo medio, cuya descripción ha ocupado el principio de este relato, habían llegado a otro muy diferente, y es probable que, así como en París se celebra cada año un número medio de bodas, cualquier otro medio burgués cultivado y rico habría dado una proporción aproximadamente igual de personas como Swann, como Legrandin, como yo y como Bloch, a las que se encontraba lanzándose al océano del «gran mundo». Y, por otra parte, se reconocían en él, pues si el joven conde de Cambremer maravillaba a todo el mundo por su distinción, su refinamiento, su sobria elegancia, yo reconocía en estas cualidades -al mismo tiempo que en sus hermosos ojos y en su ardiente deseo de llegar- lo que ya caracterizaba a su tío Legrandin: es decir, un viejo amigo de mis padres muy burgués, aunque de tipo aristocrático.
La bonté, simple maturation qui a fini par sucrer des natures plus primitivement acides que celle de Bloch, est aussi répandue que ce sentiment de la justice qui fait que, si notre cause est bonne, nous ne devons pas plus redouter un juge prévenu qu′un juge ami. Et les petits-enfants de Bloch seraient bons et discrets presque de naissance. Bloch n′en était peut-être pas encore là. Mais je remarquai que lui, qui jadis feignait de se croire obligé à faire deux heures de chemin de fer pour aller voir quelqu′un qui ne le lui avait guère demandé, maintenant qu′il recevait beaucoup d′invitations, non seulement à déjeuner et à dîner, mais à venir passer quinze jours ici, quinze jours là, en refusait beaucoup et sans le dire, sans se vanter de les avoir reçues, de les avoir refusées. La discrétion, discrétion dans les actions, dans les paroles, lui était venue avec la situation sociale et l′âge, avec une sorte d′âge social, si l′on peut dire. Sans doute Bloch était jadis indiscret autant qu′incapable de bienveillance et de conseils. Mais certains défauts, certaines qualités sont moins attachés à tel individu, à tel autre, qu′à tel ou tel moment de l′existence considéré au point de vue social. Ils sont presque extérieurs aux individus, lesquels passent dans leur lumière comme sous des solstices variés, préexistants, généraux, inévitables. Les médecins qui cherchent à se rendre compte si tel médicament diminue ou augmente l′acidité de l′estomac, active ou ralentit ses sécrétions, obtiennent des résultats différents, non pas selon l′estomac sur les sécrétions duquel ils prélèvent un peu de suc gastrique, mais selon qu′ils le lui empruntent à un moment plus ou moins avancé de l′ingestion du remède.
La bondad, simple maduración que ha terminado por endulzar a unas naturalezas más primitivamente ácidas queda de Bloch, está tan extendida como ese sentimiento de la justicia por el cual, si nuestra causa es buena, no debemos temer a un juez prevenido más que a un juez amigo. Y los nietos de Bloch serían buenos y discretos casi de nacimiento. Quizá Bloch no había llegado todavía a esto. Pero observé que él, que antes fingía creerse obligado a hacer dos horas de ferrocarril para ir a ver a alguien que casi no se lo había pedido, ahora que recibía tantas invitaciones no sólo a almorzar y a comer, sino a ir a pasar quince días aquí, quince allá, rechazaba muchas y sin decirlo, sin alabarse de haberlas recibido, de haberlas rechazado. La discreción, discreción en los actos, en las palabras, le llegó con la posición social y con la edad, con una especie de edad social, si así puede decirse. Desde luego, Bloch era en otro tiempo tan indiscreto como incapaz de benevolencia y de consejo. Pero ciertos defectos, ciertas cualidades son menos inherentes a este individuo o a ese otro que a este o a aquel momento de la existencia considerado desde el punto de vista social. Son casi ajenas a los individuos, que pasan a su luz como bajo unos solsticios variados, preexistentes, generales, inevitables. Los médicos que procuran darse cuenta de si un determinado medicamento disminuye o aumenta la acidez del estómago, de si activa o frena sus secreciones, obtienen resultados diferentes, no según el estómago de cuyas secreciones toman un poco de jugo gástrico, sino según que lo tomen en un momento más o menos avanzado de la ingestión del remedio.
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Ainsi, à chacun des moments de sa durée, le nom de Guermantes, considéré comme un ensemble de tous les noms qu′il admettait en lui, autour de lui, subissait des déperditions, recrutait des éléments nouveaux, comme ces jardins où à tout moment des fleurs à peine en bouton et se préparant à remplacer celles qui se flétrissent déjà se confondent dans une masse qui semble pareille, sauf à ceux qui n′ont pas toujours vu les nouvelles venues et gardent dans leur souvenir l′image précise de celles qui ne sont plus.
Así, en todos los momentos de su duración, el nombre de los Guermantes, considerado como un conjunto de todos los nombres que admitía en él, en torno a él, sufría pérdidas, reclutaba elementos nuevos, como esos jardines en los que, en todo momento, unas flores apenas en botón se preparan a sustituir a las que ya se están marchitando, confundiéndose en una masa que parece homogénea, excepto para los que no siempre han visto las recién llegadas y guardan en su recuerdo la imagen precisa de las que ya no existen.
Plus d′une des personnes que cette matinée réunissait, ou dont elle m′évoquait le souvenir, me donnait les aspects qu′elle avait tour à tour présentés pour moi, par les circonstances différentes, opposées, d′où elle avait, les unes après les autres, surgi devant moi, faisait ressortir les aspects variés de ma vie, les différences de perspective, comme un accident de terrain, de colline ou château, qui, apparaissant tantôt à droite, tantôt à gauche, semble d′abord dominer une forêt, ensuite sortir d′une vallée, et révéler ainsi au voyageur des changements d′orientation et des différences d′altitude dans la route qu′il suit. En remontant de plus en plus haut, je finissais par trouver des images d′une même personne séparées par un intervalle de temps si long, conservées par des « moi » si distincts, ayant elles-mêmes des significations si différentes, que je les omettais d′habitude quand je croyais embrasser le cours passé de mes relations avec elles, que j′avais même cessé de penser qu′elles étaient les mêmes que j′avais connues autrefois et qu′il me fallait le hasard d′un éclair d′attention pour les rattacher, comme à une étymologie, à cette signification primitive qu′elles avaient eue pour moi. Mlle Swann me jetait, de l′autre côté de la haie d′épines roses, un regard dont j′avais dû, d′ailleurs, rétrospectivement retoucher la signification, qui était du désir. L′amant de Mme Swann, selon la chronique de Combray, me regardait derrière cette même haie d′un air dur qui n′avait pas non plus le sens que je lui avais donné alors, et ayant, d′ailleurs, tellement changé depuis, que je ne l′avais nullement reconnu à Balbec dans le Monsieur qui regardait une affiche, près du Casino, et dont il m′arrivait une fois tous les dix ans de me souvenir en me disant : « Mais c′était M. de Charlus, déjà, comme c′est curieux. » Mme de Guermantes au mariage du Dr Percepied, Mme Swann en rose chez mon grand-oncle, Mme de Cambremer, sœur de Legrandin, si élégante qu′il craignait que nous ne le priions de nous donner une recommandation pour elle, c′étaient, ainsi que tant d′autres concernant Swann, Saint-Loup, etc., autant d′images que je m′amusais parfois, quand je les retrouvais, à placer comme frontispice au seuil de mes relations avec ces différentes personnes, mais qui ne me semblaient, en effet, qu′une image, et non déposée en moi par l′être lui-même, auquel rien ne la reliait plus. Non seulement certaines gens ont de la mémoire et d′autres pas (sans aller jusqu′à l′oubli constant où vivent les ambassadeurs de Turquie), ce qui leur permet de trouver toujours — la nouvelle précédente s′étant évanouie au bout de huit jours, ou la suivante ayant le don de l′exorciser — de la place pour la nouvelle contraire qu′on leur dit. Mais même à égalité de mémoire, deux personnes ne se souviennent pas des mêmes choses. L′une aura prêté peu d′attention à un fait dont l′autre gardera grand remords, et, en revanche, aura saisi à la volée comme signe sympathique et caractéristique une parole que l′autre aura laissé échapper sans presque y penser. L′intérêt de ne pas s′être trompé quand on a émis un pronostic faux abrège la durée du souvenir de ce pronostic et permet d′affirmer très vite qu′on ne l′a pas émis. Enfin, un intérêt plus profond, plus désintéressé, diversifie les mémoires, si bien que le poète, qui a presque tout oublié des faits qu′on lui rappelle, retient une impression fugitive. De tout cela vient qu′après vingt ans d′absence on rencontre, au lieu de rancunes présumées, des pardons involontaires, inconscients, et, en revanche, tant de haines dont on ne peut s′expliquer (parce qu′on a oublié à son tour l′impression mauvaise qu′on a faite) la raison. L′histoire même des gens qu′on a le plus connus, on en a oublié les dates. Et parce qu′il y avait au moins vingt ans qu′elle avait vu Bloch pour la première fois, Mme de Guermantes eût juré qu′il était né dans son monde et avait été bercé sur les genoux de la duchesse de Chartres quand il avait deux ans.
Más de una de las personas que aquella fiesta reunía o cuyo recuerdo me evocaba, me daba los aspectos que había presentado sucesivamente para mí, por las circunstancias diferentes, opuestas, de donde había surgido ante mí, una tras otra, haciendo resaltar los aspectos diversos de mi vida, las diferencias de perspectiva, como un accidente de terreno, colina o castillo, que tan pronto se ve a la derecha como a la izquierda, que ahora parece dominar un bosque y luego salir de un valle, ofreciendo así al viajero cambios de orientación y diferencias de altitud en el camino que sigue. Subiendo cada vez más alto, acababa por encontrar imágenes de una misma persona separadas por un intervalo de tiempo tan largo, conservadas por yos tan distintos, teniendo ellas mismas significados tan diferentes, que generalmente las omitía cuando creía abarcar el curso pasado de mis relaciones con ellas, que incluso había dejado de pensar que eran las mismas que conocí en otro tiempo, y que necesitaba el azar de un relámpago de atención para unirlas, como con una etimología, con aquel significado primitivo que tuvieron para mí. Desde el otro lado del seto de espinos rosa, mademoiselle Swann me echaba una mirada cuyo significado, que era de deseo, tuve, por lo demás, que interpretar retrospectivamente. El amante de madame Swann, según la crónica de Combray, me miraba desde el otro lado del mismo seto con un aire duro que tampoco tenía el sentido que yo le diera entonces, y además había cambiado tanto que no le reconocí en Balbec en el señor que miraba un cartel del casino, y del que, una vez cada diez años, me acordaba diciéndome: «¡Pero si era ya monsieur de Charlus, qué curioso! » Madame de Guermantes en la boda del doctor Percepied, madame Swann vestida de rosa en casa de mi tío abuelo, madame de Cambremer, hermana de Legrandin, tan elegante que Legrandin temía que le pidiéramos una recomendación para ella, eran, como tantos otros relacionados con Swann, Saint- Loup, etc., otras tantas imágenes que yo me entretenía a veces, cuando las volvía a encontrar, en ponerlas como frontispicio en el dintel de mis relaciones con aquellas diferentes personas, pero que, en realidad, me parecían una sola imagen, y no puesta en mí por el mismo ser, al que nada la unía ya. No sólo ciertas personas tienen memoria y otras no (sin llegar al olvido permanente en que viven las embajadoras de Turquía y otros, lo que les permite encontrar siempre -ya que la noticia precedente se ha esfumado al cabo de ocho días, o la siguiente tiene el don de exorcizarla-, encontrar siempre sitio para la noticia contraria que les dicen), sino que, aun con igual memoria, dos personas no recuerdan las mismas cosas. Una de ellas presta poca atención a un hecho del que la otra tendrá gran remordimiento, y en cambio cogerá al vuelo como signo simpático y característico una palabra que la otra deja escapar casi sin darse cuenta. El interés de no haberse engañado cuando se ha emitido un pronóstico falso abrevia la duración del recuerdo de ese pronóstico y permite afirmar muy de prisa que no se ha emitido. Por último, un interés más profundo, más desinteresado, diversifica las memorias, hasta el punto de que el poeta que ha olvidado casi todo sobre los hechos que le recuerdan conserva una impresión fugitiva. De todo esto se deriva que a los veinte años de ausencia encontramos, en lugar de rencores presuntos, perdones involuntarios, y en cambio tantos odios cuya razón no podemos explicar (porque hemos olvidado a nuestra vez la mala impresión que produjimos). Hasta en la historia de las personas que más hemos conocido hemos olvidado las fechas. Y madame de Guermantes, como hacía lo menos veinte años que había visto a Bloch por primera vez, hubiera jurado que había nacido en su mundo y cuando tenía dos años lo había mecido en sus rodillas la duquesa de Chartres.
Et combien de fois ces personnes étaient revenues devant moi, au cours de leur vie dont les diverses circonstances semblaient présenter les mêmes êtres, mais sous des formes et pour des fins variées ; et la diversité des points de ma vie par où avait passé le fil de celle de chacun de ces personnages avait fini par mêler ceux qui semblaient le plus éloignés, comme si la vie ne possédait qu′un nombre limité de fils pour exécuter les dessins les plus différents. Quoi de plus séparé, par exemple, dans mes passés divers, que mes visites à mon oncle Adolphe, que le neveu de Mme de Villeparisis cousine du Maréchal, que Legrandin et sa sœur, que l′ancien giletier ami de Françoise, dans la cour ! Et aujourd′hui tous ces fils différents s′étaient réunis pour faire la trame ici du ménage Saint-Loup, là jadis du jeune ménage Cambremer, pour ne pas parler de Morel et de tant d′autres dont la conjonction avait concouru à former une circonstance, si bien qu′il me semblait que la circonstance était l′unité complète et le personnage seulement une partie composante. Et ma vie était déjà assez longue pour qu′à plus d′un des êtres qu′elle m′offrait je trouvasse dans des régions opposées de mes souvenirs un autre être pour le compléter. Aux Elstir que je voyais ici en une place qui était un signe de la gloire maintenant acquise, je pouvais ajouter les plus anciens souvenirs des Verdurin, des Cottard, la conversation dans le restaurant de Rivebelle, la matinée où j′avais connu Albertine, et tant d′autres. Ainsi un amateur d′art à qui on montre le volet d′un retable se rappelle dans quelle église, dans quel musée, dans quelle collection particulière, les autres sont dispersés (de même qu′en suivant les catalogues des ventes ou en fréquentant les antiquaires, il finit par trouver l′objet jumeau de celui qu′il possède et qui fait avec lui la paire, il peut reconstituer dans sa tête la prédelle, l′autel tout entier). Comme un seau, montant le long d′un treuil, vient toucher la corde à diverses reprises et sur des côtés opposés, il n′y avait pas de personnage, presque pas même de choses ayant eu place dans ma vie, qui n′y eût joué tour à tour des rôles différents. Une simple relation mondaine, même un objet matériel, si je le retrouvais au bout de quelques années dans mon souvenir, je voyais que la vie n′avait pas cessé de tisser autour de lui des fils différents qui finissaient par le feutrer de ce beau velours pareil à celui qui, dans les vieux parcs, enveloppe une simple conduite d′eau d′un fourreau d′émeraude.
¡Y cuántas veces en el transcurso de su vida habían vuelto a mí aquellas personas cuyas diversas circunstancias parecían presentar los mismos seres, pero bajo formas y para fines distintos! Y la diversidad de los puntos de mi vida por los que había pasado el hilo de la de cada uno de aquellos personajes había acabado por mezclar los que parecían más alejados, como si la vida no poseyera más que un número limitado de hilos para ejecutar los dibujos más diferentes. ¿Hay algo más distante, por ejemplo, en mis diversos pasados que mis visitas a mi tío Adolfo, que el sobrino de madame de Villeparisis, prima del mariscal, que Legrandin y su hermana, que el antiguo chalequero, amigo de Francisca, en el patio? Y hoy todos esos hilos diferentes se unieron para formar la trama, aquí del matrimonio Saint-Loup, allí de la joven pareja Cambremer, sin hablar de Morel y de tantos otros, cuya conjunción contribuyó a formar una circunstancia, pareciéndome que la circunstancia era la unidad completa y el personaje sólo una parte componente. Y mi vida era ya lo bastante larga para que a más de uno de los seres que me ofrecía le encontrase en mis recuerdos de las regiones opuestas otro ser para completarle. Incluso a los Elstir que allí veía en un lugar que era un signo de su gloria podía añadirles los más antiguos recuerdos de los Verdurin, de los Cottard, la conversación en el restaurante de Rivebelle, la mañana en que conocí a Albertina, y tantos otros. De la misma manera, un aficionado al arte al que le enseñan el panel de un retablo recuerda en qué iglesia, en qué museo, en qué colección particular están dispersos los otros (así como, siguiendo los catálogos de ventas o frecuentando los anticuarios acaba por encontrar el objeto gemelo del que posee y que forma con él la pareja); puede reconstruir en su cabeza la parte inferior del retablo, el altar entero. Como un cubo que sube por un torno viene a tocar la cuerda varias veces y en lados opuestos, no había personaje, apenas había cosa que hubiera tenido un sitio en mi vida que no desempeñara alternativamente diferentes papeles. Una simple relación mundana, hasta un objeto material, si volvía a encontrarlo al cabo de unos años en mi recuerdo, veía que la vida no había dejado de tejer en torno a él diferentes hilos que acababan por darle ese bello aterciopelado inimitable de los años, semejante al que, en los viejos parques, forra de esmeralda una simple cañería de agua.
Ce n′était pas que l′aspect de ces personnes qui donnait l′idée de personnes de songe. Pour elles-mêmes la vie, déjà ensommeillée dans la jeunesse et l′amour, était de plus en plus devenue un songe. Elles avaient oublié jusqu′à leurs rancunes, leurs haines, et pour être certaines que c′était à la personne qui était là qu′elles n′adressaient plus la parole il y a dix ans, il eût fallu qu′elles se reportassent à un registre, mais qui était aussi vague qu′un rêve où on a été insulté on ne sait plus par qui. Tous ces songes formaient les apparences contrastées de la vie politique où on voyait dans un même ministère des gens qui s′étaient accusés de meurtre ou de trahison. Et ce songe devenait épais comme la mort chez certains vieillards, dans les jours qui suivaient celui où ils avaient fait l′amour. Pendant ces jours-là on ne pouvait plus rien demander au président de la République, il oubliait tout. Puis si on le laissait se reposer quelques jours, le souvenir des affaires publiques lui revenait, fortuit comme celui d′un rêve.
No era sólo el aspecto de aquellas personas lo que daba la idea de personas de sueño. Para ellas mismas, la vida, ya soñolienta en la juventud y en el amor, era cada vez más un sueño. Habían olvidado hasta sus rencores, sus odios, y para estar seguras de que era la persona a la que no dirigían la palabra desde hacía diez años, habría sido necesario que consultasen un registro, pero tan vago como un sueño en el que se ha recibido un insulto no se sabe ya de quién. Todos esos sueños formaban las apariencias contrastadas de la vida política, en la que se veían en un mismo ministerio personas que se habían acusado de homicidio o de traición. Y este sueño se tornaba espeso como la muerte en algunos viejos, a raíz de los días en que hacían el amor. Entonces, ya no se podía pedir nada al presidente de la República, lo olvidaba todo. Después, si le dejaban descansar unos días, le volvía, fortuito como el de un sueño, el recuerdo de los asuntos públicos.
Parfois ce n′était pas en une seule image qu′apparaissait cet être si différent de celui que j′avais connu depuis. C′est pendant des années que Bergotte m′avait paru un doux vieillard divin, que je m′étais senti paralysé comme par une apparition devant le chapeau gris de Swann, le manteau violet de sa femme, le mystère dont le nom de sa race entourait la duchesse de Guermantes jusque dans un salon : origines presque fabuleuses, charmante mythologie de relations devenues si banales ensuite, mais qu′elles prolongeaient dans le passé comme en plein ciel, avec un éclat pareil à celui que projette la queue étincelante d′une comète. Et même celles qui n′avaient pas commencé dans le mystère, comme mes relations avec Mme de Souvré, si sèches et si purement mondaines aujourd′hui, gardaient à leurs débuts leur premier sourire, plus calme, plus doux, et si onctueusement tracé dans la plénitude d′une après-midi au bord de la mer, d′une fin de journée de printemps à Paris, bruyante d′équipages, de poussière soulevée, et de soleil remué comme de l′eau. Et peut-être Mme de Souvré n′eût pas valu grand′chose si on l′eût détachée de ce cadre, comme ces monuments — la Salute par exemple — qui, sans grande beauté propre, font admirablement là où ils sont situés, mais elle faisait partie d′un lot de souvenirs que j′estimais à un certain prix, « l′un dans l′autre », sans me demander pour combien exactement la personne de Mme de Souvré y figurait.
A veces este ser, tan diferente del que conocí más tarde, no aparecía en una sola imagen. Durante años, Bergotte me pareció un dulce anciano divino, durante años me sentí paralizado como por una aparición ante el sombrero gris de Swann, ante el abrigo violeta de su mujer, ante el misterio con que el nombre de su raza rodeaba a la duquesa de Guermantes hasta en un salón: orígenes casi fabulosos, seductora mitología de relaciones más tarde tan baladíes, pero que se prolongaban en el pasado como en pleno cielo, con un resplandor parecido al que proyecta la cola brillante de un cometa. E incluso las que no comenzaron en el misterio, como mis relaciones con madame de Souvré, tan secas y tan puramente mundanas hoy, conservaban en sus principios su primera sonrisa, más serena, más dulce y tan untuosamente trazada en la plenitud de una tarde a la orilla del mar, de un final de jornada de primavera en París, ruidoso de carruajes, lleno de polvo levantado y de sol removido como agua. Y acaso madame de Souvré no valiera gran cosa fuera de este marco, como esos monumentos -la Salute, por ejemplo que, sin gran belleza propia, quedan admirablemente donde están situados, pero formaba parte de un lote de recuerdos que yo estimaba en cierto valor «uno con otro», sin preguntarme por cuánto figuraba en él exactamente la persona de madame de Souvré.
Une chose me frappa plus encore chez tous ces êtres que les changements physiques, sociaux, qu′ils avaient subis, ce fut celui qui tenait à l′idée différente qu′ils avaient les uns des autres. Legrandin méprisait Bloch autrefois et ne lui adressait jamais la parole. Il fut très aimable avec lui. Ce n′était pas du tout à cause de la situation plus grande qu′avait prise Bloch, ce qui, dans ce cas, ne mériterait pas d′être noté, car les changements sociaux amènent forcément des changements respectifs de position entre ceux qui les ont subis. Non ; c′était que les gens — les gens, c′est-à-dire ce qu′ils sont pour nous — n′ont plus dans notre mémoire l′uniformité d′un tableau. Au gré de notre oubli, ils évoluent. Quelquefois nous allons jusqu′à les confondre avec d′autres : « Bloch, c′est quelqu′un qui venait à Combray », et en disant Bloch c′était moi qu′on voulait dire. Inversement, Mme Sazerat était persuadée que de moi était telle thèse historique sur Philippe II (laquelle était de Bloch). Sans aller jusqu′à ces interversions, on oublie les crasses que l′un vous a faites, ses défauts, la dernière fois où on s′est quitté sans se serrer la main et, en revanche, on s′en rappelle une plus ancienne, où on était bien ensemble. Et c′est à cette fois plus ancienne que les manières de Legrandin répondaient dans son amabilité avec Bloch, soit qu′il eût perdu la mémoire d′un certain passé, soit qu′il le jugeât prescrit, mélange de pardon, d′oubli, d′indifférence qui est aussi un effet du Temps. D′ailleurs, les souvenirs que nous avons les uns des autres, même dans l′amour, ne sont pas les mêmes. J′avais vu Albertine me rappeler à merveille telle parole que je lui avais dite dans nos premières rencontres et que j′avais complètement oubliée. D′un autre fait enfoncé à jamais dans ma tête comme un caillou elle n′avait aucun souvenir. Nos vies parallèles ressemblaient aux bords de ces allées où de distance en distance des vases de fleurs sont placés symétriquement, mais non en face les uns des autres. À plus forte raison est-il compréhensible que pour des gens qu′on connaît peu on se rappelle à peine qui ils sont, ou on s′en rappelle autre chose, mais de plus ancien, que ce qu′on en pensait autrefois, quelque chose qui est suggéré par les gens au milieu de qui on les retrouve, qui ne les connaissent que depuis peu, parés de qualités et d′une situation qu′ils n′avaient pas autrefois mais que l′oublieux accepte d′emblée.
Una cosa me impresionó en todos aquellos seres más aún que los cambios físicos, sociales, que habían sufrido: el que se refería a la diferente idea que tenían unos de otros. Legrandin despreciaba a Bloch y no le dirigía nunca la palabra. Estuvo muy amable con él, y no por la mayor posición que Bloch tenía ahora, lo que en este caso no merecería atención, pues los cambios sociales determinan forzosamente cambios respectivos de posición entre quienes los han experimentado. No; era que las personas -las personas, es decir, lo que son para nosotros- no tienen en nuestra memoria la uniformidad de un cuadro. Evolucionan a medida de nuestro olvido. A veces llegamos a confundirlas con otras: «Bloch es uno que iba a Combray», y al decir Bloch era a mí a quien se refería. En cambio, madame Sazerat estaba convencida de que era mía una tesis histórica sobre Felipe II (la cual era de Bloch). Sin llegar a estas inversiones, olvidamos las faenas que nos han hecho, sus defectos, la última vez que nos separamos sin estrecharnos la mano, y en cambio recordamos otra más antigua en la que nos llevábamos bien. Y a esta vez más antigua respondían las maneras de Legrandin en su amabilidad con Bloch, ya porque hubiera perdido el recuerdo de cierto pasado, ya porque lo considerara prescrito, mezcla de perdón, de olvido, de indiferencia, que es también un efecto del Tiempo. Por otra parte, los recuerdos que conservamos unos de otros no son los mismos, ni siquiera en amor. Yo había visto a Albertina recordar admirablemente unas palabras que le había dicho en nuestros primeros encuentros, y que yo había olvidado completamente. En cambio, no tenía ningún recuerdo de otro hecho que quedó clavado para siempre en mi cabeza como una piedra. Nuestra vida paralela era como esas avenidas donde, de trecho en trecho, se colocan jarrones de flores simétricamente, pero no enfrente unos de otros. Con mayor razón es comprensible que, tratándose de personas que conocemos poco, apenas recordemos quiénes son, o recordemos de ellas otra cosa, aunque sea más antigua, distinta de lo que pensábamos antes, una cosa sugerida por las personas entre las que las encontramos ahora, que las conocen sólo desde hace poco, con unas cualidades y una posición que antes no tenían, pero que el olvidadizo acepta sin dudar.
Sans doute la vie, en mettant à plusieurs reprises ces personnes sur mon chemin, me les avait présentées dans des circonstances particulières qui, en les entourant de toutes parts, m′avaient rétréci la vue que j′avais eue d′elles, et m′avait empêché de connaître leur essence. Ces Guermantes mêmes, qui avaient été pour moi l′objet d′un si grand rêve, quand je m′étais approché d′abord de l′un d′eux, m′étaient apparus sous l′aspect, l′une d′une vieille amie de grand′mère, l′autre d′un monsieur qui m′avait regardé d′un air si désagréable à midi dans les jardins du casino. (Car il y a entre nous et les êtres un liséré de contingences, comme j′avais compris, dans mes lectures de Combray, qu′il y en a un de perception et qui empêche la mise en contact absolue de la réalité et de l′esprit.) De sorte que ce n′était jamais qu′après coup, en les rapportant à un nom, que leur connaissance était devenue pour moi la connaissance des Guermantes. Mais peut-être cela même me rendait-il la vie plus poétique de penser que la race mystérieuse aux yeux perçants, au bec d′oiseau, la race rose, dorée, inapprochable, s′était trouvée si souvent, si naturellement, par l′effet de circonstances aveugles et différentes, s′offrir à ma contemplation, à mon commerce, même à mon intimité, au point que, quand j′avais voulu connaître Mlle de Stermaria ou faire faire des robes à Albertine, c′était, comme aux plus serviables de mes amis, à des Guermantes que je m′étais adressé. Certes, cela m′ennuyait d′aller chez eux autant que chez les autres gens du monde que j′avais connus ensuite. Même, pour la duchesse de Guermantes, comme pour certaines pages de Bergotte, son charme ne m′était visible qu′à distance et s′évanouissait quand j′étais près d′elle, car il résidait dans ma mémoire et dans mon imagination. Mais enfin, malgré tout, les Guermantes, comme Gilberte aussi, différaient des autres gens du monde en ce qu′ils plongeaient plus avant leurs racines dans un passé de ma vie où je rêvais davantage et croyais plus aux individus. Ce que je possédais avec ennui, en causant en ce moment avec l′une et avec l′autre, c′était du moins celles des imaginations de mon enfance que j′avais trouvées le plus belles et crues le plus inaccessibles, et je me consolais en confondant, comme un marchand qui s′embrouille dans ses livres, la valeur de leur possession avec le prix auquel les avait cotées mon désir.
Seguramente la vida, poniendo en varias ocasiones a aquellas personas en mi camino, me las presentó en circunstancias especiales que, rodeándolas por todas partes, limitaron la visión que entonces tuve de ellas y me impidieron conocer su esencia. Hasta aquellos Guermantes, que habían sido para mí objeto de un sueño tan grande cuando me acerqué primero a uno de ellos, se me aparecieron bajo el aspecto, la una de una antigua amiga de mi abuela, el otro de un señor que me miró con un gesto tan desagradable al mediodía en los jardines del casino. (Pues entre nosotros y los seres hay una franja de contingencia, como, en mis lecturas de Combray, comprendí yo que hay una franja de percepción y que impide el contacto absoluto de la realidad y del espíritu.) De suerte que sólo a posteriori, relacionándolos con un nombre, su conocimiento llegó a ser para mí el conocimiento de los Guermantes. Pero quizá me hacía la vida más poética esto mismo de pensar que la raza misteriosa de ojos penetrantes, de pico de pájaro, la raza rosa, dorada, inasequible, por efecto de circunstancias ciegas y diferentes, tan a menudo, tan naturalmente, se ofreció a mi contemplación, a mi trato, hasta a mi intimidad, hasta el punto de que, cuando quise conocer a mademoiselle de Stermaria o encargarle vestidos a Albertina, me dirigí a algunos Guermantes como a mis amigos más serviciales. Cierto que me aburría ir a su casa, como me aburría ir a las casas de otras gentes del gran mundo que conocí más tarde. Y hasta me ocurría con la duquesa de Guermantes como con ciertas páginas de Bergotte: que su encanto sólo a distancia me resultaba visible, mientras que se esfumaba al lado de ella, pues residía en mi memoria y en mi imaginación. Mas, a pesar de todo, los Guermantes, también como Gilberta, diferían de las demás gentes del gran mundo en que hundían más sus raíces en un pasado de mi vida en el que yo soñaba más y creía más en los individuos. Lo que yo poseía con fastidio, charlando en aquel momento con una y con otra, era al menos aquellas imaginaciones de mi infancia que más bellas me parecieron y que creí más inaccesibles, y me consolaba confundiendo -como un comerciante que se embarulla en sus libros- el valor de su posesión con el precio en que las había tasado mi deseo.
Mais pour d′autres êtres, le passé de mes relations avec eux était gonflé de rêves plus ardents, formés sans espoir, où s′épanouissait si richement ma vie d′alors, dédiée à eux tout entière, que je pouvais à peine comprendre comment leur exaucement était ce mince, étroit et terne ruban d′une intimité indifférente et dédaignée où je ne pouvais plus rien retrouver de ce qui avait fait leur mystère, leur fièvre et leur douceur.
En cambio, el pasado de mis relaciones con otros seres estaba lleno de sueños más ardientes, concebidos sin esperanza, en los que mi vida de entonces, toda dedicada a ellos, se esponjaba tanto que apenas podía comprender cómo su logro resultaba tan flaca, estrecha y oscura cinta de una intimidad indiferente y desdeñada en la que ya nada podía encontrar de lo que constituía su misterio, su fiebre y su dulzura. \
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« Que devient la marquise d′Arpajon ? demanda Mme de Cambremer. — Mais elle est morte, répondit Bloch. — Vous confondez avec la comtesse d′Arpajon qui est morte l′année dernière. » La princesse de Malte se mêla à la discussion ; jeune veuve d′un vieux mari très riche et porteur d′un grand nom, elle était beaucoup demandée en mariage et en avait pris une grande assurance. « La marquise d′Arpajon est morte aussi il y a à peu près un an. — Ah ! un an, je vous réponds que non, répondit Mme de Cambremer, j′ai été à une soirée de musique chez elle il y a moins d′un an. » Bloch, pas plus que les « gigolos » du monde, ne put prendre part utilement à la discussion, car toutes ces morts de personnes âgées étaient à une distance d′eux trop grande, soit par la différence énorme des années, soit par la récente arrivée (de Bloch, par exemple) dans une société différente qu′il abordait de biais, au moment où elle déclinait, dans un crépuscule où le souvenir d′un passé qui ne lui était pas familier ne pouvait l′éclairer. Et pour les gens du même âge et du même milieu, la mort avait perdu de sa signification étrange. D′ailleurs, on faisait tous les jours prendre des nouvelles de tant de gens à l′article de la mort, et dont les uns s′étaient rétablis tandis que d′autres avaient « succombé », qu′on ne se souvenait plus au juste si telle personne qu′on n′avait jamais l′occasion de voir s′était sortie de sa fluxion de poitrine ou avait trépassé. La mort se multipliait et devenait plus incertaine dans ces régions âgées. À cette croisée de deux générations et de deux sociétés qui, en vertu de raisons différentes, mal placées pour distinguer la mort, la confondaient presque avec la vie, la première s′était mondanisée, était devenue un incident qui qualifiait plus ou moins une personne ; sans que le ton dont on parlait eût l′air de signifier que cet incident terminait tout pour elle, on disait : « mais vous oubliez, un tel est mort », comme on eût dit : « il est décoré » (l′adjectif était autre, quoique pas plus important), « il est de l′Académie », ou — et cela revenait au même puisque cela empêchait aussi d′assister aux fêtes — « il est allé passer l′hiver dans le Midi », « on lui a ordonné les montagnes ». Encore, pour des hommes connus, ce qu′ils laissaient en mourant aidait à se rappeler que leur existence était terminée. Mais pour les simples gens du monde très âgés, on s′embrouillait sur le fait qu′ils fussent morts ou non, non seulement parce qu′on connaissait mal ou qu′on avait oublié leur passé, mais parce qu′ils ne tenaient en quoi que ce soit à l′avenir. Et la difficulté qu′avait chacun de faire un triage entre les maladies, l′absence, la retraite à la campagne, la mort des vieilles gens du monde, consacrait, tout autant que l′indifférence des hésitants, l′insignifiance des défunts.
-¿Qué es de la marquesa de Arpajon? -preguntó madame de Cambremer. -Pero si ha muerto -contestó Bloch. -La confunde usted con la condesa de Arpajon, que murió el año pasado. Intervino en la discusión la princesa de Agrigente; joven viuda de un marido viejo, muy rico y portador de un gran nombre, la pedían muchos en matrimonio y esto le había dado una gran seguridad. -La marquesa de Arpajon murió también hace aproximadamente un año. -¡Ah!, le aseguro que un año no hace -replicó madame de Cambremer-; hace menos de un año que estuve en su casa en una velada musical. Bloch, como los gigolos del gran mundo, no podía tomar parte con acierto en la discusión, pues todas aquellas muertes de personas ancianas estaban a una distancia de ellos demasiado grande, bien por la enorme diferencia de años, bien por la reciente incorporación (de Bloch, por ejemplo) a una sociedad diferente a la que él llegaba de refilón, en el momento en que aquella sociedad declinaba, en un crepúsculo en que el recuerdo de un pasado que no le era familiar no podía iluminarlo. Y si se trataba de personas de la misma edad y del mismo medio, la muerte había perdido parte de su extraño significado. Por otra parte, todos los días se pedía noticia de tantas personas a punto de morir, algunas de las cuales se habían restablecido mientras que otras habían «sucumbido», que ya no se sabía exactamente si una persona a la que nunca se tenía ocasión de ver había escapado de su fluxión de pecho o había fallecido. En aquellas regiones de avanzada edad la muerte se multiplicaba y resultaba más incierta. En aquel empalme de dos generaciones y de dos sociedades que, en virtud de razones diferentes, mal situadas para distinguir la muerte, casi la confundían con la vida, la primera se había mundanizado, había llegado a ser un incidente que calificaba más o menos a una persona sin que el tono con el que se hablaba pareciera significar que este incidente lo acabara todo para ella. Se decía: «Pero olvida usted que Fulano ha muerto», como se diría: «Le han condecorado», «es de la Academia», o -y era igual, porque aquello impedía también asistir a las fiestas- «se ha ido a pasar el invierno al Midi», «le han recetado la montaña». Por lo menos, cuando se trataba de hombres conocidos, lo que dejaban al morir ayudaba a recordar que su existencia había terminado, pero tratándose de simples miembros del gran mundo muy viejos, la gente se hacía un lío sobre si habían muerto o no, no sólo porque se conocía mal o se había olvidado su pasado, sino porque no tenían el menor hilo de unión con el futuro. Y la dificultad para cada uno de separar las enfermedades, la ausencia, el retiro al campo, la muerte de los viejos del gran mundo, consagraba, tanto como la indiferencia de los que dudaban, la insignificancia de los difuntos.
« Mais si elle n′est pas morte, comment se fait-il qu′on ne la voie plus jamais, ni son mari non plus ? demanda une vieille fille qui aimait faire de l′esprit. — Mais je te dirai, reprit la mère, qui, quoique quinquagénaire, ne manquait pas une fête, que c′est parce qu′ils sont vieux, et qu′à cet âge-là on ne sort plus. » Il semblait qu′il y eût avant le cimetière toute une cité close des vieillards, aux lampes toujours allumées dans la brume. Mme de Sainte-Euverte trancha le débat en disant que la comtesse d′Arpajon était morte, il y avait un an, d′une longue maladie, mais que la marquise d′Arpajon était morte aussi depuis, très vite, « d′une façon tout à fait insignifiante », mort qui par là ressemblait à toutes ces vies, et par là aussi expliquait qu′elle eût passé inaperçue, excusait ceux qui confondaient. En entendant que Mme d′Arpajon était vraiment morte, la vieille fille jeta sur sa mère un regard alarmé, car elle craignait que d′apprendre la mort d′une de ses « contemporaines » ne la « frappât » ; elle croyait entendre d′avance parler de la mort de sa propre mère avec cette explication : « Elle avait été « très frappée » par la mort de Madame d′Arpajon. » Mais la mère, au contraire, se faisait à elle-même l′effet de l′avoir emporté dans un concours sur des concurrents de marque, chaque fois qu′une personne de son âge « disparaissait ». Leur mort était la seule manière dont elle prît encore agréablement conscience de sa propre vie. La vieille fille s′aperçut que sa mère, qui n′avait pas semblé fâchée de dire que Mme d′Arpajon était recluse dans les demeures d′où ne sortent plus guère les vieillards fatigués, l′avait été moins encore d′apprendre que la marquise était entrée dans la Cité d′après, celle d′où on ne sort plus. Cette constatation de l′indifférence de sa mère amusa l′esprit caustique de la vieille fille. Et pour faire rire ses amies, plus tard, elle fit un récit désopilant de la manière allègre, prétendait-elle, dont sa mère avait dit en se frottant les mains : « Mon Dieu, il est bien vrai que cette pauvre Madame d′Arpajon est morte. » Même pour ceux qui n′avaient pas besoin de cette mort pour se réjouir d′être vivants, elle les rendit heureux. Car toute mort est pour les autres une simplification d′existence, ôte le scrupule de se montrer reconnaissant, l′obligation de faire des visites. Toutefois, comme je l′ai dit, ce n′est pas ainsi que la mort de M. Verdurin avait été accueillie par Elstir.
-Pero si no ha muerto, ¿por qué no se la ve nunca, ni tampoco a su marido? -preguntó una solterona aficionada a los juegos de ingenio. -Pues te diré que es porque son viejos: a esa edad ya no se sale -contestó su madre, que, aunque quincuagenaria, no se perdía una fiesta. Parecía como si hubiera ante el cementerio toda una ciudad de viejos amurallada, con los faroles siempre encendidos en la bruma. Madame de Saint-Euverte cortó el debate diciendo que la condesa de Arpajon había muerto hacía un año de una larga enfermedad, pero que después, en seguida, había muerto también la marquesa de Arpajon «de una manera muy insignificante», muerte que, por lo tanto, era como todas aquellas vidas, y por esto mismo se explicaba que hubiera pasado inadvertida y disculpaba a los que se confundían. Al oír que madame d′Arpajon había muerto verdaderamente, la solterona dirigió a su madre una mirada alarmada, pues temía que la noticia de la muerte de una «contemporánea» suya «impresionara a su madre»; creía oír de antemano hablar de la muerte de su propia madre con esta explicación: «La impresionó mucho la muerte de madame d′Arpajon». Pero la madre de la solterona, cada vez que «desaparecía» una persona de su edad, se hacía, por el contrario, a sí misma el efecto de haber vencido en un concurso a rivales importantes. La muerte de esos rivales era la única manera que le permitía darse cuenta agradablemente de su propia vida. La solterona notó que su madre, que pareció decir sin contrariedad que madame d′Arpajon estaba recluida en una de esas casas de donde ya no suelen salir los viejos cansados, mostró menos contrariedad aún al enterarse de que la marquesa había entrado en la ciudad siguiente, en esa de la que ya no se sale. Esta comprobación de la indiferencia de su madre incitó el espíritu cáustico de la solterona. Y para hacer reír a sus amigas se puso a hacer un relato muy risible de la manera alegre -decía ella- con que su madre dijo frotándose las manos: «Dios santo, es verdad que esa pobre madame d′Arpajon ha muerto». Incluso a los que no necesitaban aquella muerte para alegrarse de estar vivos los hizo dichosos. Pues toda muerte es para los demás una simplificación de existencia, quita el escrúpulo de mostrarse agradecido, la obligación de hacer visitas. No reaccionó así Elstir ante la muerte de monsieur Verdurin.
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Une dame sortit, car elle avait d′autres matinées et devait aller goûter avec deux reines. C′était cette grande cocotte du monde que j′avais connue autrefois, la princesse de Nassau. Mis à part le fait que sa taille avait diminué — ce qui lui donnait l′air, par sa tête située à une bien moindre hauteur qu′elle n′était autrefois, d′avoir ce qu′on appelle « un pied dans la tombe » — on aurait à peine pu dire qu′elle avait vieilli. Elle restait une Marie-Antoinette au nez autrichien, au regard délicieux, conservée, embaumée grâce à mille fards adorablement unis qui lui faisaient une figure lilas. Il flottait sur elle cette expression confuse et tendre d′être obligée de partir, de promettre tendrement de revenir, de s′esquiver discrètement, qui tenait à la foule des réunions d′élite où on l′attendait. Née presque sur les marches d′un trône, mariée trois fois, entretenue longtemps et richement par de grands banquiers, sans compter les mille fantaisies qu′elle s′était offertes, elle portait légèrement, comme ses yeux admirables et ronds, comme sa figure fardée et comme sa robe mauve, les souvenirs un peu embrouillés de ce passé innombrable. Comme elle passait devant moi en se sauvant « à l′anglaise », je la saluai. Elle me reconnut, elle me serra la main et fixa sur moi ses rondes prunelles mauves de l′air qui voulait dire : « Comme il y a longtemps que nous nous sommes vus, nous parlerons de cela une autre fois. » Elle me serrait la main avec force, ne se rappelant pas au juste si en voiture, un soir qu′elle me ramenait de chez la duchesse de Guermantes, il y avait eu ou non une passade entre nous. À tout hasard, elle sembla faire allusion à ce qui n′avait pas été, chose qui ne lui était pas difficile puisqu′elle prenait un air de tendresse pour une tarte aux fraises et revêtait, si elle était obligée de partir avant la fin de la musique, l′attitude désespérée d′un abandon qui toutefois ne serait pas définitif. Incertaine, d′ailleurs, sur la passade avec moi, son serrement furtif ne s′attarda pas et elle ne me dit pas un mot. Elle me regarda seulement comme j′ai dit, d′une façon qui signifiait « qu′il y a longtemps ! » et où repassaient ses maris, les hommes qui l′avaient entretenue, deux guerres, et ses yeux stellaires, semblables à une horloge astronomique taillée dans une opale, marquèrent successivement toutes ces heures solennelles d′un passé si lointain, qu′elle retrouvait à tout moment quand elle voulait vous dire un bonjour qui était toujours une excuse. Puis m′ayant quitté, elle se mit à trotter vers la porte pour qu′on ne se dérangeât pas pour elle, pour me montrer que, si elle n′avait pas causé avec moi, c′est qu′elle était pressée, pour rattraper la minute perdue à me serrer la main afin d′être exacte chez la reine d′Espagne qui devait goûter seule avec elle. Même, près de la porte, je crus qu′elle allait prendre le pas de course. Elle courait, en effet, à son tombeau.
Salió una señora, pues tenía otras fiestas e iba a merendar con dos reinas. Era aquella gran cocotte del gran mundo que conocí antaño, la princesa de Nassau. Si no hubiera disminuido de estatura (lo que, por su cabeza situada a una altura mucho menor que antes, le daba el aspecto de estar, como suele decirse, con un pie en la sepultura), apenas se podría decir que había envejecido. Seguía siendo una María Antonieta de nariz austríaca, de ojos deliciosos, conservada, embalsamada gracias a mil afeites adorablemente tersos que le daban una cara de lilas. Flotaba sobre ella esa expresión confusa y tierna de estar obligada a marcharse, de prometer tiernamente volver, de esquivarse discretamente, que se debía a las numerosas reuniones selectas donde la esperaban. Nacida casi en las gradas de un trono, casada tres veces, sostenida durante mucho tiempo, y opulentamente, por grandes banqueros, sin contar los mil caprichos que se había permitido, llevaba ligeramente bajo el vestido, malva como sus ojos admirables y redondos y como su cara estucada, los recuerdos un poco embrollados de aquel pasado innumerable. Al pasar junto a mí escapando a la inglesa, la saludé. Me reconoció, me estrechó la mano y fijó en mí las redondas pupilas color malva como diciendo: «¡Cuánto tiempo hace que no nos hemos visto! Ya hablaremos de esto otra vez». Me estrechó la mano con fuerza, sin recordar exactamente si, una tarde que me llevó en coche de casa de la duquesa de Guermantes, hubo o no un escarceo entre nosotros. Por si acaso, pareció aludir a lo que no había sido, cosa que no le era difícil, pues tomaba un gesto de cariño por una tarta de fresas y, si tenía que marcharse antes de que acabara la música, adoptaba el aire desesperado de un abandono que no sería definitivo. Insegura, además, del pasado en relación a mí, su furtivo apretón de manos no fue largo y la señora no me dijo una palabra. Se limitó a mirarme, como he dicho, de una manera que significaba: «¡Cuánto tiempo hace! », y en la que desfilaban sus maridos, sus amantes, dos guerras, y sus ojos estelares, semejantes a un reloj astronómico tallado en un ópalo, marcaron sucesivamente todas aquellas solemnes horas del pasado tan lejano que volvía a encontrar en todo momento cuando quería dirigir un saludo que era siempre una excusa. Luego me dejó y corrió hacia la puerta, para que nadie se molestara por ella, para demostrarme que si no había charlado conmigo era porque tenía prisa, para recuperar el minuto perdido en estrecharme la mano y llegar puntual a la residencia de la reina de España, que iba a merendar sola con ella. Y hasta, ya cerca de la puerta, creí que iba a tomar el paso de carrera. Y corría, en realidad, hacia su tumba.
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En el corto espacio de tiempo durante el cual afluyeron a mi mente los más distintos pensamientos, me saludó una señora gruesa. Vacilé un momento antes de contestarle, temiendo que no reconociera a las personas mejor que yo y me confundiera con otro; pero, después, su seguridad, por miedo de que fuera alguien con quien hubiera tenido estrecha relación, me hizo, por el contrario, exagerar la amabilidad de mi sonrisa, mientras mis ojos seguían buscando en sus rasgos el nombre que no encontraba. Como un estudiante examinándose de reválida, que clava la mirada en la cara del examinador esperando inútilmente encontrar la respuesta que haría mejor en buscar en su propia memoria, así yo, sonriéndole, clavaba la mía en los rasgos de la gruesa dama. Me parecían ser los de madame Swann, y mi sonrisa tomó un matiz de respeto, mientras comenzaba a cesar mi indecisión. Pasado un segundo, oí a la señora gruesa decirme: -Me confunde usted con mamá. Es que empiezo a parecerme mucho a ella.
Pendant ce temps on entendait la princesse de Guermantes répéter d′un air exalté et d′une voix de ferraille que lui faisait son râtelier : « Oui, c′est cela, nous ferons clan ! nous ferons clan ! J′aime cette jeunesse si intelligente, si participante, ah ! quelle mugichienne vous êtes ! » Elle parlait, son gros monocle dans son œil rond, mi-amusé, mi-s′excusant de ne pouvoir soutenir la gaîté longtemps, mais jusqu′au bout elle était décidée à « participer », à « faire clan ».
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Je m′étais assis à côté de Gilberte de Saint-Loup. Nous parlâmes beaucoup de Robert, Gilberte en parlait sur un ton déférent, comme si c′eût été un être supérieur qu′elle tenait à me montrer qu′elle avait admiré et compris. Nous nous rappelâmes l′un à l′autre combien les idées qu′il exposait jadis sur l′art de la guerre (car il lui avait souvent redit à Tansonville les mêmes thèses que je lui avais entendu exposer à Doncières et plus tard) s′étaient souvent et, en somme, sur un grand nombre de points trouvées vérifiées par la dernière guerre. « Je ne puis vous dire à quel point la moindre des choses qu′il me disait à Doncières et aussi pendant la guerre me frappe maintenant. Les dernières paroles que j′ai entendues de lui, quand nous nous sommes quittés pour ne plus nous revoir, étaient qu′il attendait Hindenburg, général napoléonien, à un des types de la bataille napoléonienne, celle qui a pour but de séparer deux adversaires, peut-être, avait-il ajouté, les Anglais et nous. Or, à peine un an après la mort de Robert, un critique pour lequel il avait une profonde admiration et qui exerçait visiblement une grande influence sur ses idées militaires, M. Henry Bidou, disait que l′offensive d′Hindenburg en mars 1918, c′était « la bataille de séparation d′un adversaire massé contre deux adversaires en ligne, manœuvre que l′Empereur a réussie en 1796 sur l′Apennin et qu′il a manquée en 1815 en Belgique ». Quelques instants auparavant, Robert comparait devant moi les batailles à des pièces où il n′est pas toujours facile de savoir ce qu′a voulu l′auteur, où lui-même a changé son plan en cours de route. Or, pour cette offensive allemande de 1918, sans doute, en l′interprétant de cette façon Robert ne serait pas d′accord avec M. Bidou. Mais d′autres critiques pensent que c′est le succès d′Hindenburg dans la direction d′Amiens, puis son arrêt forcé, son succès dans les Flandres, puis l′arrêt encore qui ont fait, accidentellement en somme, d′Amiens, puis de Boulogne, des buts qu′il ne s′était pas préalablement assignés. Et, chacun pouvant refaire une pièce à sa manière, il y en a qui voient dans cette offensive l′annonce d′une marche foudroyante sur Paris, d′autres des coups de boutoir désordonnés pour détruire l′armée anglaise. Et même si les ordres donnés par le chef s′opposent à telles ou telles conceptions, il restera toujours aux critiques le moyen de dire, comme Mounet-Sully à Coquelin qui l′assurait que le Misanthrope n′était pas la pièce triste, dramatique qu′il voulait jouer (car Molière, au témoignage des contemporains, en donnait une interprétation comique et y faisait rire) : « Hé bien, c′est que Molière se trompait. »
Y reconocí a Gilberta. Hablamos mucho de Roberto. Gilberta hablaba de él en un tono deferente, como si fuera un ser superior del que le interesaba demostrarme que le había admirado y comprendido. Nos recordamos mutuamente cómo las ideas que Roberto exponía sobre el arte de la guerra (pues le había repetido muchas veces en Tansonville las mismas que yo le oyera exponer en Doncières y más tarde) habían quedado comprobadas a menudo, y en suma en muchos puntos, por la última guerra. -No sé decirle hasta qué punto la menor de las cosas que me decía en Doncières me impresiona ahora y también durante la guerra. Las últimas palabras que le oí, cuando nos separamos para no volver a vernos, eran que esperaba a Hindenburg, general napoleónico, en uno de los tipos de la batalla napoleónica, la que tiene por objeto separar dos adversarios, quizá -añadió- los ingleses y nosotros. Y apenas un año después de la muerte de Roberto, un crítico a quien él tenía una profunda admiración y que ejercía visiblemente gran influencia sobre sus ideas militares, Henry Bidou, decía que la ofensiva de Hindenburg en marzo de 1918 era «la batalla de separación de un adversario concentrado contra dos adversarios en línea, maniobra que el emperador realizó con éxito en 1796 en el Apenino y que le fracasó en Bélgica en 1815». Unos momentos antes Roberto comparaba conmigo las batallas con piezas de teatro en las que no siempre es fácil saber lo que ha querido el autor, en las que él mismo ha cambiado su plan sobre la marcha. Ahora bien, en cuanto a aquella ofensiva alemana de 1918, seguramente Roberto no estaría de acuerdo con la interpretación de monsieur Bidou. Pero otros críticos piensan que el éxito de Hindenburg en dirección a Amiens, después su detención forzada, su éxito en Flandes, luego su otra detención, fue lo que, de una manera realmente accidental, convirtió Amiens, y después Boulogne, en objetivos que no se había asignado previamente. Y como cada cual puede rehacer a su manera una obra de teatro, hay quienes ven en esta ofensiva el anuncio de una marcha fulminante contra París, otros lo juzgan como mazazos desordenados para destruir el ejército inglés. Y aunque las órdenes dadas por el jefe se opongan a tal o a cual concepto, siempre les quedará a los críticos el recurso de decir, como Mounet-Sully a Coquelin, que le aseguraba que Le misanthrope no era la obra triste, dramática que él quería representar (pues Molière, según testimonio de sus contemporáneos, le daba una interpretación cómica que hacía reír): «Bueno, es que Moliére se equivocaba».
« Et sur les avions, répondit Gilberte, vous rappelez-vous quand il disait — il avait de si jolies phrases — : « il faut que chaque armée soit un Argus aux cent yeux ». Hélas ! il n′a pu voir la vérification de ses dires. — Mais si, répondis-je, à la bataille de la Somme, il a bien su qu′on a commencé par aveugler l′ennemi en lui crevant les yeux, en détruisant ses avions et ses ballons captifs. — Ah ! oui, c′est vrai » Et comme depuis qu′elle ne vivait plus que pour l′intelligence, elle était devenue un peu pédante : « Et lui qui prétendait aussi qu′on reviendrait aux anciens moyens. Savez-vous que les expéditions de Mésopotamie dans cette guerre (elle avait dû lire cela à l′époque, dans les articles de Brichot) évoquent à tout moment, inchangée, la retraite de Xénophon ? Et pour aller du Tigre à l′Euphrate, le commandement anglais s′est servi de bellones, bateaux longs et étroits, gondoles de ce pays, et dont se servaient déjà les plus antiques Chaldéens. » Ces paroles me donnaient bien le sentiment de cette stagnation du passé qui dans certains lieux, par une sorte de pesanteur spécifique, s′immobilise indéfiniment, si bien qu′on peut le retrouver tel quel. Et j′avoue que, pensant aux lectures que j′avais faites à Balbec, non loin de Robert, j′étais très impressionné — comme dans la campagne de France de retrouver la tranchée de Mme de Sévigné — en Orient, à propos du siège de Kout-el-Amara (Kout-l′émir, comme nous disons Vaux-le-Vicomte et Boilleau-l′Évêque, aurait dit le curé de Combray, s′il avait étendu sa soif d′étymologie aux langues orientales), de voir revenir auprès de Bagdad ce nom de Bassorah dont il est tant question dans les Mille et une Nuits et que gagne chaque fois, après avoir quitté Bagdad ou avant d′y rentrer, pour s′embarquer ou débarquer, bien avant le général Townsend, aux temps des Khalifes, Simbad le Marin.
-Y sobre los aviones, ¿se acuerda usted de cuando decía (tenía frases tan bonitas): «Es preciso que cada ejército sea un Argos de cien ojos»? ¡Ay, no ha podido ver la comprobación de sus ideas! -Claro que sí -repliqué-, en la batalla del Somme vio bien que comenzaron por cegar al enemigo sacándole los ojos, destruyendo sus aviones y sus globos cautivos. -¡Ah, sí, es verdad! -Y como desde que vivía únicamente para la Inteligencia se había vuelto un poco pedante-. Y decía que se volvía a los medios antiguos. ¿Sabe usted que las expediciones de Mesopotamia en esta guerra -debió de leer esto, en su época, en los artículos de Brichot- evocan a cada momento, sin variación, la retirada de Jenofonte? Y, para ir del Tigris al Éufrates, el jefe inglés utilizó bellones, una embarcación larga y estrecha, la góndola de aquel país, que ya utilizaban los más antiguos caldeos. Estas palabras me daban muy bien la sensación de ese estancamiento del pasado que, en ciertos lugares, por una especie de peso específico, se inmoviliza indefinidamente, de tal modo que lo podemos encontrar en el mismo estado. Pero confieso que, por las lecturas que hice en Balbec no lejos de Roberto, me impresionaba más, como en la campaña de Francia volver a encontrar en Oriente la trinchera de madame de Sévigné a propósito del sitio de Kout-el-Amara (Kout-l′émir, «como decimos Vaux-le Vicomte y Bailleaul′Evêque », como diría el cura de Combray si hubiera extendido su sed de etimología a las lenguas orientales), ver reaparecer cerca de Bagdad aquel nombre de Bassorah que tanto sale en Las mil y una noches y a donde, en tiempos de los califas, llega cada vez Simbad el Marino, después de dejar Bagdad o antes de volver a ella, para embarcar o para desembarcar, mucho antes del general Townshend y del general Gorringer.
« Il y a un côté de la guerre qu′il commençait à apercevoir, dis-je, c′est qu′elle est humaine, se vit comme un amour ou comme une haine, pourrait être racontée comme un roman, et que par conséquent, si tel ou tel va répétant que la stratégie est une science, cela ne l′aide en rien à comprendre la guerre, parce que la guerre n′est pas stratégique. L′ennemi ne connaît pas plus nos plans que nous ne savons le but poursuivi par la femme que nous aimons, et ces plans peut-être ne les savons-nous pas nous-mêmes. Les Allemands, dans l′offensive de mars 1918, avaient-ils pour but de prendre Amiens ? Nous n′en savons rien. Peut-être ne le savaient-ils pas eux-mêmes, et est-ce l′événement de leur progression à l′ouest, vers Amiens, qui détermina leur projet. À supposer que la guerre soit scientifique, encore faudrait-il la peindre comme Elstir peignait la mer, par l′autre sens, et partir des illusions, des croyances qu′on rectifie peu à peu, comme Dostoski raconterait une vie. D′ailleurs, il est trop certain que la guerre n′est point stratégique, mais plutôt médicale, comportant des accidents imprévus que le clinicien pouvait espérer éviter, comme la Révolution russe. »
-Hay un aspecto de la guerra que yo creo que él comenzaba a ver -le dije-: que es humana, se vive como un amor o como un odio, se podría contar como una novela, y, por consiguiente, si éste o aquél van repitiendo que la estrategia es una ciencia, esto no le ayuda en nada a comprender la guerra, porque la guerra no es estratégica. El enemigo no conoce nuestros planes, como no sabemos el fin que persigue la mujer que amamos, y esos planes quizá no los sabemos nosotros mismos. En la ofensiva de marzo de 1918, ¿era tomar Amiens el objetivo de los alemanes? No lo sabemos. Acaso no lo sabían ni ellos mismos, acaso fue el hecho, su avance en el Oeste hacia Amiens, lo que determinó su proyecto. Aun suponiendo que la guerra sea científica, habría que pintarla como Elstir pintaba el mar, por el otro sentido, y partir de las ilusiones, de las creencias que se van rectificando poco a poco, como Dostoyevski contaba una vida. Por otra parte, es muy cierto que la guerra no es estratégica, sino más bien médica, con accidentes imprevistos que el clínico podía esperar evitar, como la Revolución rusa.
Dans toute cette conversation, Gilberte m′avait parlé de Robert avec une déférence qui semblait plus s′adresser à mon ancien ami qu′à son époux défunt. Elle avait l′air de me dire : « Je sais combien vous l′admiriez. Croyez bien que j′ai su comprendre l′être supérieur qu′il était. » Et pourtant, l′amour que certainement elle n′avait plus pour son souvenir était peut-être encore la cause lointaine de particularités de sa vie actuelle. Ainsi Gilberte avait maintenant pour amie inséparable Andrée. Quoique celle-ci commençât, surtout à la faveur du talent de son mari et de sa propre intelligence, à pénétrer non pas, certes, dans le milieu des Guermantes, mais dans un monde infiniment plus élégant que celui qu′elle fréquentait jadis, on fut étonné que la marquise de Saint-Loup condescendît à devenir sa meilleure amie. Le fait sembla être un signe, chez Gilberte, de son penchant pour ce qu′elle croyait une existence artistique, et pour une véritable déchéance sociale. Cette explication peut être la vraie. Une autre pourtant vint à mon esprit, toujours fort pénétré de ce fait que les images que nous voyons assemblées quelque part sont généralement le reflet, ou d′une façon quelconque l′effet, d′un premier groupement, assez différent quoique symétrique, d′autres images extrêmement éloignées du second. Je pensais que si on voyait tous les soirs ensemble Andrée, son mari et Gilberte, c′était peut-être parce que, tant d′années auparavant, on avait pu voir le futur mari d′Andrée vivant avec Rachel, puis la quittant pour Andrée. Il est probable que Gilberte alors, dans le monde trop distant, trop élevé, où elle vivait, n′en avait rien su. Mais elle avait dû l′apprendre plus tard, quand Andrée avait monté et qu′elle-même avait descendu assez pour qu′elles pussent s′apercevoir. Alors avait dû exercer sur elle un grand prestige de la femme pour laquelle Rachel avait été quittée par l′homme, pourtant séduisant sans doute, qu′elle avait préféré à Robert.
En toda esta conversación, Gilberta me habló de Roberto con una deferencia que parecía dirigirse a mi antiguo amigo más que a su esposo difunto. Tenía el aire de decirme: «Yo sé cuánto le admiraba usted. Créame que supe comprender el ser superior que era». Y, sin embargo, el amor que ciertamente ya no sentía por su recuerdo era quizá todavía causa remota de particularidades de su vida actual. Así, por ejemplo, Andrea era ahora la amiga inseparable de Gilberta. Aunque Andrea comenzaba a penetrar, sobre todo por el talento de su marido y por su propia inteligencia, no ciertamente en el medio de los Guermantes, sino en un mundo infinitamente más elegante que el que ella frecuentaba en otro tiempo, resultó extraño que la marquesa de Saint-Loup condescendiera a ser su mejor amiga. Este hecho pareció ser una señal de la inclinación de Gilberta hacia lo que ella creía una existencia artística y hacia un verdadero descenso social. Esta explicación puede ser la verdadera. Sin embargo, fue otra la que surgió en mi mente, siempre penetrada de que las imágenes que vemos juntas en alguna parte son generalmente reflejo, o al menos, de cualquier modo, efecto, de una primera agrupación bastante diferente aunque simétrica de otras imágenes, sumamente lejana de la segunda. Pensaba yo que, si todas las noches se veía juntos a Andrea, a su marido y a Gilberta, era quizá porque, tantos años antes, se había visto al futuro marido de Andrea viviendo con Raquel, dejándola después por Andrea. Es probable que, entonces, Gilberta, en el mundo demasiado distante, demasiado elevado, en que vivía, no supiera nada. Pero debió de enterarse después, cuando Andrea subió y ella misma descendió lo suficiente para que pudieran verse. Entonces debió de ejercer sobre ella un gran prestigio la mujer por la que Raquel fue abandonada por el hombre al que, aunque seductor, ésta había preferido a Roberto .
Ainsi peut-être la vue d′Andrée rappelait à Gilberte le roman de jeunesse qu′avait été son amour pour Robert, et lui inspirait aussi un grand respect pour Andrée, de laquelle était toujours amoureux un homme tant aimé par cette Rachel que Gilberte sentait avoir été plus aimée de Saint-Loup qu′elle ne l′avait été elle-même. Peut-être, au contraire, ces souvenirs ne jouaient-ils aucun rôle dans la prédilection de Gilberte pour ce ménage artiste et fallait-il y voir simplement — comme chez beaucoup — l′épanouissement des goûts, habituellement inséparables chez les femmes du monde, de s′instruire et de s′encanailler. Peut-être Gilberte avait-elle oublié Robert autant que moi Albertine, et si même elle savait que c′était Rachel que l′artiste avait quittée pour Andrée, ne pensait-elle jamais, quand elle les voyait, à ce fait qui n′avait jamais joué aucun rôle dans son goût pour eux. On n′aurait pu décider si mon explication première n′était pas seulement possible, mais était vraie, que grâce au témoignage des intéressés, seul recours qui reste en pareil cas, s′ils pouvaient apporter dans leurs confidences de la clairvoyance et de la sincérité. Or la première s′y rencontre rarement et la seconde jamais.
Quizá Andrea recordaba a Gilberta aquella novela de juventud que fue su amor por Roberto, e inspiraba también a Gilberta un gran respeto hacia Andrea, de la que seguía enamorado un hombre a quien tanto amó aquella Raquel que Gilberta notaba que había sido más amada por Saint-Loup que ella misma. Acaso, por el contrario, estos recuerdos no tenían ningún papel en la predilección de Gilberta por aquel matrimonio artista y sólo se trataba de tener, como muchos, los gustos habitualmente inseparables en las mujeres del gran mundo, el gusto de instruirse y el de encanallarse. Quizá Gilberta había olvidado a Roberto tanto como yo a Albertina, y aun cuando supiera que era a Raquel a quien el artista había dejado por Andrea, quizá, cuando los veía, no pensaba nunca en este hecho que no tuvo ninguna intervención en su inclinación por ellos. Sólo con el testimonio de los interesados, único recurso que queda en semejante caso, si pudieran aportar en sus confidencias clarividencia y sinceridad, se podría determinar si mi explicación primera era no sólo posible, sino cierta. Ahora bien, la primera se encuentra en ellos rara vez y la segunda nunca. En todo caso, ver a Raquel, ahora una actriz célebre, no podía serle muy agradable a Gilberta. Me contrarió mucho enterarme de que recitaba versos en aquella fiesta, y, según anunciaron, Le Souvenir de Musset y unas fábulas de La Fontaine.
« Mais comment venez-vous dans des matinées si nombreuses ? me demanda Gilberte. Vous retrouver dans une grande tuerie comme cela, ce n′est pas ainsi que je vous schématisais. Certes, je m′attendais à vous voir partout ailleurs qu′à un des grands tralalas de ma tante, puisque tante il y a », ajouta-t-elle d′un air fin, car étant Mme de Saint-Loup depuis un peu plus longtemps que Mme Verdurin n′était entrée dans la famille, elle se considérait comme une Guermantes de tout temps et atteinte par la mésalliance que son oncle avait faite en épousant Mme Verdurin, qu′il est vrai elle avait entendu railler mille fois devant elle, dans la famille, tandis que, naturellement, ce n′était que hors de sa présence qu′on avait parlé de la mésalliance qu′avait faite Saint-Loup en l′épousant. Elle affectait, d′ailleurs, d′autant plus de dédain pour cette tante mauvais teint que la princesse de Guermantes, par l′espèce de perversion qui pousse les gens intelligents à s′évader du chic habituel, par le besoin aussi de souvenirs qu′ont les gens âgés, pour tâcher de donner un passé à son élégance nouvelle aimait à dire, en parlant de Gilberte : « Je vous dirai que ce n′est pas pour moi une relation nouvelle, j′ai énormément connu la mère de cette petite ; tenez, c′était une grande amie à ma cousine Marsantes. C′est chez moi qu′elle a connu le père de Gilberte. Quant au pauvre Saint-Loup, je connaissais d′avance toute sa famille, son propre oncle était mon intime autrefois à la Raspelière. » « Vous voyez que les Verdurin n′étaient pas du tout des bohèmes, me disaient les gens qui entendaient parler ainsi la princesse de Guermantes, c′étaient des amis de tout temps de la famille de Mme de Saint-Loup. » J′étais peut-être seul à savoir par mon grand-père qu′en effet les Verdurin n′étaient pas des bohèmes. Mais ce n′était pas précisément parce qu′ils avaient connu Odette. Mais on arrange aisément les récits du passé que personne ne connaît plus, comme ceux des voyages dans les pays où personne n′est jamais allé. « Enfin, conclut Gilberte, puisque vous sortez quelquefois de votre Tour d′Ivoire, des petites réunions intimes chez moi, où j′inviterais des esprits sympathiques, ne vous conviendraient-elles pas mieux ? Ces grandes machines comme ici sont bien peu faites pour vous. Je vous voyais causer avec ma tante Oriane, qui a toutes les qualités qu′on voudra, mais à qui nous ne ferons pas tort, n′est-ce pas, en déclarant qu′elle n′appartient pas à l′élite pensante. » Je ne pouvais mettre Gilberte au courant des pensées que j′avais depuis une heure, mais je crus que, sur un point de pure distraction, elle pourrait servir mes plaisirs, lesquels, en effet, ne me semblaient pas devoir être de parler littérature avec la duchesse de Guermantes plus qu′avec Mme de Saint-Loup. Certes, j′avais l′intention de recommencer dès demain, bien qu′avec un but cette fois, à vivre dans la solitude. Même chez moi je ne laisserais pas les gens venir me voir dans mes instants de travail, car le devoir de faire mon œuvre primait celui d′être poli, ou même bon. Ils insisteraient sans doute. Ceux qui ne m′avaient pas vu depuis si longtemps, venaient de me retrouver et me jugeaient guéri. Ils insisteraient, venant quand le labeur de leur journée, de leur vie, serait fini ou interrompu, et ayant alors le même besoin de moi que j′avais eu autrefois de Saint-Loup, et cela parce que, comme je m′en étais aperçu à Combray quand mes parents me faisaient des reproches au moment où je venais de prendre à leur insu les plus louables résolutions, les cadrans intérieurs qui sont départis aux hommes ne sont pas tous réglés à la même heure, l′un sonne celle du repos en même temps que l′autre celle du travail, l′un celle du châtiment par le juge quand chez le coupable celle du repentir et du perfectionnement intérieur est sonnée depuis longtemps. Mais j′aurais le courage de répondre à ceux qui viendraient me voir ou me feraient chercher que j′avais, pour des choses essentielles au courant desquelles il fallait que je fusse mis sans retard, un rendez-vous urgent, capital, avec moi-même. Et pourtant, bien qu′il y ait peu de rapport entre notre moi véritable et l′autre, à cause de l′homonymat et du corps commun aux deux, l′abnégation qui vous fait faire le sacrifice des devoirs plus faciles, même des plaisirs, paraît aux autres de l′égoî²e. Et d′ailleurs, n′était-ce pas pour m′occuper d′eux que je vivrais loin de ceux qui se plaindraient de ne pas me voir, pour m′occuper d′eux plus à fond que je n′aurais pu le faire avec eux, pour chercher à les révéler à eux-mêmes, à les réaliser ? À quoi eût servi que, pendant des années encore, j′eusse perdu des soirées à faire glisser sur l′écho à peine expiré de leurs paroles le son tout aussi vain des miennes, pour le stérile plaisir d′un contact mondain qui exclut toute pénétration ? Ne valait-il pas mieux que ces gestes qu′ils faisaient, ces paroles qu′ils disaient, leur vie, leur nature, j′essayasse d′en décrire la courbe et d′en dégager la loi ? Malheureusement, j′aurais à lutter contre cette habitude de se mettre à la place des autres qui, si elle favorise la conception d′une œuvre, en retarde l′exécution. Car, par une politesse supérieure, elle pousse à sacrifier aux autres non seulement son plaisir, mais son devoir, quand, se mettant à la place des autres, le devoir quel qu′il soit, fût-ce, pour quelqu′un qui ne peut rendre aucun service au front, de rester à l′arrière s′il est utile, paraîtra comme, ce qu′il n′est pas en réalité, notre plaisir. Et bien loin de me croire malheureux de cette vie sans amis, sans causerie, comme il est arrivé aux plus grands de le croire, je me rendais compte que les forces d′exaltation qui se dépensent dans l′amitié sont une sorte de porte-à-faux visant une amitié particulière qui ne mène à rien et se détournent d′une vérité vers laquelle elles étaient capables de nous conduire. Mais enfin, quand des intervalles de repos et de société me seraient nécessaires, je sentais que, plutôt que les conversations intellectuelles que les gens du monde croient utiles aux écrivains, de légères amours avec des jeunes filles en fleurs seraient un aliment choisi que je pourrais à la rigueur permettre à mon imagination semblable au cheval fameux qu′on ne nourrissait que de roses ! Ce que tout d′un coup je souhaitais de nouveau, c′est ce dont j′avais rêvé à Balbec, quand, sans les connaître encore, j′avais vu passer devant la mer Albertine, Andrée et leurs amies. Mais hélas ! je ne pouvais plus chercher à retrouver celles que justement en ce moment je désirais si fort. L′action des années qui avait transformé tous les êtres que j′avais vus aujourd′hui, et Gilberte elle-même, avait certainement fait de toutes celles qui survivaient, comme elle eût fait d′Albertine si elle n′avait pas péri, des femmes trop différentes de ce que je me rappelais. Je souffrais d′être obligé de moi-même à atteindre celles-là, car le temps qui change les êtres ne modifie pas l′image que nous avons gardée d′eux. Rien n′est plus douloureux que cette opposition entre l′altération des êtres et la fixité du souvenir, quand nous comprenons que ce qui a gardé tant de fraîcheur dans notre mémoire n′en peut plus avoir dans la vie, que nous ne pouvons, au dehors, nous rapprocher de ce qui nous paraît si beau au-dedans de nous, de ce qui excite en nous un désir, pourtant si individuel, de le revoir. Ce violent désir que la mémoire excitait en moi pour ces jeunes filles vues jadis, je sentais que je ne pourrais espérer l′assouvir qu′à condition de le chercher dans un être du même âge, c′est-à-dire dans un autre être. J′avais pu souvent soupçonner que ce qui semble unique dans une personne qu′on désire ne lui appartient pas. Mais le temps écoulé m′en donnait une preuve plus complète, puisque, après vingt ans, spontanément, je voulais chercher, au lieu des filles que j′avais connues, celles possédant maintenant la jeunesse que les autres avaient alors. D′ailleurs, ce n′est pas seulement le réveil de nos désirs charnels qui ne correspond à aucune réalité parce qu′il ne tient pas compte du temps perdu. Il m′arrivait parfois de souhaiter que par un miracle vinssent auprès de moi, restées vivantes contrairement à ce que j′avais cru, ma grand′mère, Albertine. Je croyais les voir, mon cœur s′élançait vers elles.
-Pero ¿cómo viene usted a unas fiestas tan concurridas? -me preguntó Gilberta-. Encontrarle en una gran matanza como ésta, no es así como yo le esquematizaba. La verdad es que esperaba encontrarle en cualquier sitio menos en uno de los grandes tralalás de mi tía, puesto que de tía se trata -añadió con aire pícaro, pues como ella era madame de Saint-Loup desde hacía un poco más de tiempo que el que madame Verdurin llevaba en la familia, se consideraba como una Guermantes de siempre y a la que había afectado la boda desigual que su tío había hecho casándose con madame Verdurin, de la que, por supuesto, había oído mil veces burlarse en la familia, mientras que de la boda desigual que había hecho Saint-Loup casándose con ella no se había hablado, naturalmente, en su presencia. Por otra parte, aparentaba mayor desdén por aquella tía de origen dudoso porque, por esa especie de perversión que induce a las personas inteligentes a evadirse de la elegancia habitual, también por la necesidad de recuerdos que sienten las personas de edad, por procurar, en fin, dar un pasado a su elegancia nueva, la princesa de Guermantes gustaba de decir hablando de Gilberta: «Le diré que no es para mí una relación nueva, conocí muchísimo a la madre de esa pequeña; era gran amiga de mi prima Marsantes. Fue en mi casa donde conoció al padre de Gilberta. En cuanto al pobre Saint- Loup, yo conocía antes a toda su familia, su propio tío fue íntimo mío en la Raspelière»-. «Ya ve que los Verdurin no eran en absoluto unos bohemios -me decían las personas que oían hablar así a la princesa de Guermantes-, eran amigos de siempre de la familia de Saint-Loup.» Acaso era yo el único que sabía, por mi abuelo, que, en efecto, los Verdurin no eran unos bohemios. Mas no era precisamente porque habían conocido a Odette. Pero es fácil amañar los relatos del pasado que nadie conoce ya, como los de los viajes por países donde nadie ha estado nunca. -En fin -concluyó Gilberta-, ya que sale alguna vez de su torre de marfil, ¿no le serían más agradables unas pequeñas reuniones íntimas en mi casa, a las que invitaría a personas afines? Estas fiestas tan aparatosas no son a propósito para usted. Le he visto hablar con mi tía Oriana, que tiene todas las cualidades que se quiera, pero que no la ofendemos diciendo que no pertenece a la flor del pensamiento, ¿verdad? Yo no podía comunicar a Gilberta lo que estaba pensando desde hacía una hora, pero creí que, en un punto de pura distracción, podría servir a mis placeres, los que, en realidad, no me parecía que hubieran de ser hablar de literatura con la duquesa de Guermantes y tampoco con madame de Saint-Loup. Cierto que tenía la intención de volver a vivir en la soledad desde el día siguiente, aunque esta vez con un fin. Ni en mi casa permitiría que fueran a verme en los momentos de trabajo, pues el deber de hacer mi obra se imponía al de ser cortés o hasta al de ser bueno. Desde luego insistirían, después de pasar tanto tiempo sin verme, ahora que acababan de encontrarme de nuevo y me creían curado, ahora que la labor de su jornada o de su vida había terminado o se había interrumpido, y sintiendo la misma necesidad de mí que en otro tiempo sentía yo por Saint-Loup; y porque, como ya observara en Combray cuando mis padres me hacían reproches en el momento en que yo acababa de tomar al margen de ellos las más loables resoluciones, los relojes interiores asignados a los hombres no están puestos a la misma hora: uno da la del descanso cuando el otro la del trabajo, uno la del castigo decretado por el juez cuando en el del culpable ya ha sonado hace tiempo la del arrepentimiento y del perfeccionamiento interior. Pero tendría el valor de contestar a los que vinieran a verme o me llamaran que tenía una cita urgente, capital, conmigo mismo para ciertas cosas esenciales de las que tenía que enterarme inmediatamente. Y, sin embargo, como hay poca relación entre nuestro yo verdadero y el otro, por el homonimato y el cuerpo común a ambos, la abnegación que nos hace sacrificar los deberes más fáciles, incluso los placeres, a los demás les parece egoísmo. Y, por otra parte, ¿no era para ocuparme de ellos por lo que me alejaba de los que se quejarían de no verme, para ocuparme de ellos más a fondo, para realizarlos? ¿De qué serviría que siguiera perdiendo otros años más unas tardes en deslizar sobre el eco apenas expirado de sus palabras el sonido no menos vano de las mías, por el estéril gusto de un contacto mundano que excluye toda penetración? ¿No valía más que aquellos gestos que hacían, aquellas palabras que decían, su vida, su naturaleza, procurase yo describir su curva y deducir su ley? Desgraciadamente, tendría que luchar contra esa costumbre de ponerse en el lugar de los demás que, si favorece la concepción de una obra, en cambio retrasa su realización. Pues, por una cortesía superior, induce a sacrificar a los demás no sólo el propio placer, sino el propio deber, cuando, poniéndonos en el lugar de los demás, ese deber, cualquiera que sea, incluso quedándonos en la retaguardia si somos útiles en ella y no podemos prestar ningún servicio en el frente, parece nuestro placer, cuando no lo es en realidad. Y muy lejos de creerme desgraciado por esta vida sin amigos, sin conversación, como han llegado a creer los más grandes, me daba cuenta de que las fuerzas de exaltación que se gastan en la amistad son vanas, se dirigen a una amistad particular que no lleva a nada y se desvían de una verdad a la que podían conducirnos. Pero en fin, aun cuando me fueran necesarios intervalos de reposo y de compañía, sentía que, más que las conversaciones intelectuales que la gente del gran mundo cree útiles para los escritores, ligeros amoríos con muchachas en flor serían un alimento selecto que yo podría en rigor permitir a mi imaginación, como al caballo famoso alimentado sólo de rosas. Lo que, de pronto, volvía yo a desear era aquello que soñé en Balbec, cuando, sin conocerlas todavía, vi pasar ante el mar a Albertina, a Andrea y a sus amigas. Pero desgraciadamente ya no podía intentar volver a ver a aquellas que precisamente en aquel momento tanto deseaba. La acción de los años, que había transformado a todos los seres a los que vi este día, y a la misma Gilberta, había ciertamente convertido a todas las que sobrevivían, como habría convertido a Albertina si no hubiera muerto, en unas mujeres demasiado diferentes de las que yo recordaba. Sufría por verme obligado a alcanzar por mí mismo a éstas, pues el tiempo que cambia los seres no modifica la imagen que conservamos de ellos. Nada más doloroso que esa oposición entre la mutación de los seres yla fijeza del recuerdo, cuando comprendemos que lo que tan fresco se ha conservado en nuestra memoria no puede ya estarlo en la vida, que no podemos encontrar fuera lo que tan bello nos parece dentro de nosotros, lo que excita en nosotros un deseo, tan individual sin embargo, de volver a verlo, si no es buscándolo en una persona de la misma edad, es decir, en otro ser. Y es que, como muchas veces pude sospechar, lo que parece único en una persona deseada no le pertenece. Pero el tiempo transcurrido me daba de esto una prueba más completa, porque, pasados veinte años, yo quería, espontáneamente, buscar, en vez de las muchachas que había conocido, las que ahora poseían aquella juventud que las otras tenían entonces. (Por otra parte, no es sólo el despertar de nuestros deseos carnales lo que no corresponde a ninguna realidad, porque no tiene en cuenta el tiempo perdido. A veces deseaba que, por un milagro, entrasen hasta mí vivientes todavía, contra lo que había creído, mi abuela, Albertina. Creía verlas, mi corazón se lanzaba hacia ellas.
J′oubliais seulement une chose, c′est que, si elles vivaient en effet, Albertine aurait à peu près maintenant l′aspect que m′avait présenté à Balbec Mme Cottard, et que ma grand′mère, ayant plus de quatre-vingt-quinze ans, ne me montrerait rien du beau visage calme et souriant avec lequel je l′imaginais encore maintenant, aussi arbitrairement qu′on donne une barbe à Dieu le Père, ou qu′on représentait, au XVIIe siècle, les héros d′Homère avec un accoutrement de gentilshommes et sans tenir compte de leur antiquité. Je regardai Gilberte et je ne pensai pas : « Je voudrais la revoir », mais je lui dis qu′elle me ferait toujours plaisir en m′invitant avec des jeunes filles, sans que j′eusse, d′ailleurs, à leur rien demander que de faire renaître en moi les rêveries, les tristesses d′autrefois, peut-être, un jour improbable, un chaste baiser. Comme Elstir aimait à voir incarnée devant lui, dans sa femme, la beauté vénitienne, qu′il avait si souvent peinte dans ses œuvres, je me donnais l′excuse d′être attiré, par un certain égoî²e esthétique, vers les belles femmes qui pouvaient me causer de la souffrance, et j′avais un certain sentiment d′idolâtrie pour les futures Gilberte, les futures duchesses de Guermantes, les futures Albertine que je pourrais rencontrer, et qui, me semblait-il, pourraient m′inspirer, comme un sculpteur qui se promène au milieu de beaux marbres antiques. J′aurais dû pourtant penser qu′antérieur à chacune était mon sentiment du mystère où elles baignaient et qu′ainsi, plutôt que de demander à Gilberte de me faire connaître des jeunes filles, j′aurais mieux fait d′aller dans ces lieux où rien ne nous rattache à elles, où entre elles et soi on sent quelque chose d′infranchissable, où, à deux pas, sur la plage, allant au bain, on se sent séparé d′elles par l′impossible. C′est ainsi que mon sentiment du mystère avait pu s′appliquer successivement à Gilberte, à la duchesse de Guermantes, à Albertine, à tant d′autres. Sans doute l′inconnu et presque l′inconnaissable était devenu le commun, le familier, indifférent ou douloureux, mais retenant de ce qu′il avait été un certain charme. Et, à vrai dire, comme dans ces calendriers que le facteur nous apporte pour avoir ses étrennes, il n′était pas une de mes années qui n′ait eu à son frontispice, ou intercalée dans ses jours, l′image d′une femme que j′y avais désirée ; image souvent d′autant plus arbitraire que parfois je n′avais pas vu cette femme, quand c′était, par exemple, la femme de chambre de Mme Putbus, Mlle d′Orgeville, ou telle jeune fille dont j′avais vu le nom dans le compte rendu mondain d′un journal, parmi l′essaim des charmantes valseuses. Je la devinais belle, m′éprenais d′elle, et lui composais un corps idéal dominant de toute sa hauteur un paysage de la province où j′avais lu, dans l′Annuaire des Châteaux, que se trouvaient les propriétés de sa famille. Pour les femmes que j′avais connues, ce paysage était au moins double. Chacune s′élevait, à un point différent de ma vie, dressée comme une divinité protectrice et locale, d′abord au milieu d′un de ces paysages rêvés dont la juxtaposition quadrillait ma vie et où je m′étais attaché à l′imaginer ; ensuite, vue du côté du souvenir entourée des sites où je l′avais connue et qu′elle me rappelait, y restant attachée, car si notre vie est vagabonde notre mémoire est sédentaire, et nous avons beau nous élancer sans trêve, nos souvenirs, eux, rivés aux lieux dont nous nous détachons, continuent à y continuer leur vie casanière, comme ces amis momentanés que le voyageur s′était faits dans une ville et qu′il est obligé d′abandonner quand il la quitte, parce que c′est là qu′eux, qui ne partent pas, finiront leur journée et leur vie comme s′il était là encore, au pied de l′église, devant la porte et sous les arbres du cours. Si bien que l′ombre de Gilberte s′allongeait, non seulement devant une église de l′Île-de-France où je l′avais imaginée, mais aussi sur l′allée d′un parc, du côté de Méséglise, celle de Mme de Guermantes dans un chemin humide où montaient en quenouilles des grappes violettes et rougeâtres, ou sur l′or matinal d′un trottoir parisien. Et cette seconde personne, celle née non du désir, mais du souvenir, n′était, pour chacune de ces femmes, unique. Car, chacune, je l′avais connue à diverses reprises, en des temps différents où elle était une autre pour moi, où moi-même j′étais autre, baignant dans des rêves d′une autre couleur. Or la loi qui avait gouverné les rêves de chaque année maintenant assemblés autour d′eux les souvenirs d′une femme que j′y avais connue, tout ce qui se rapportait, par exemple, à la duchesse de Guermantes au temps de mon enfance, était concentré, par une force attractive, autour de Combray, et tout ce qui avait trait à la duchesse de Guermantes qui allait tout à l′heure m′inviter à déjeuner, autour d′un sensitif tout différent ; il y avait plusieurs duchesses de Guermantes, comme il y avait eu, depuis la dame en rose, plusieurs Mmes Swann, séparées par l′éther incolore des années, et de l′une à l′autre desquelles je ne pouvais pas plus sauter que si j′avais eu à quitter une planète pour aller dans une autre planète que l′éther en sépare. Non seulement séparée, mais différente, parée des rêves que j′avais eus dans des temps si différents, comme d′une flore particulière, qu′on ne retrouvera pas dans une autre planète ; au point qu′après avoir pensé que je n′irais déjeuner ni chez Mme de Forcheville, ni chez Mme de Guermantes, je ne pouvais me dire, tant cela m′eût transporté dans un monde autre, que l′une n′était pas une personne différente de la duchesse de Guermantes qui descendait de Geneviève de Brabant, et l′autre de la Dame en rose, que parce qu′en moi un homme instruit me l′affirmait avec la même autorité qu′un savant qui m′eût affirmé qu′une voie lactée de nébuleuses était due à la segmentation d′une seule et même étoile. Telle Gilberte, à qui je demandais pourtant, sans m′en rendre compte, de me permettre d′avoir des amies comme elle avait été autrefois, n′était plus pour moi que Mme de Saint-Loup. Je ne songeais plus en la voyant au rôle qu′avait eu jadis dans mon amour, oublié lui aussi par elle, mon admiration pour Bergotte, pour Bergotte redevenu pour moi simplement l′auteur de ses livres, sans que je me rappelasse (que dans des souvenirs rares et entièrement séparés) l′émoi d′avoir été présenté à l′homme, la déception, l′étonnement de sa conversation, dans le salon aux fourrures blanches, plein de violettes, où on apportait si tôt, sur tant de consoles différentes, tant de lampes. Tous les souvenirs qui composaient la première mademoiselle Swann étaient, en effet, retranchés de la Gilberte actuelle, retenus bien loin par les forces d′attraction d′un autre univers, autour d′une phrase de Bergotte avec laquelle ils faisaient corps et baignés d′un parfum d′aubépine.
Sólo una cosa olvidaba: que si vivieran de verdad, Albertina tendría ahora aproximadamente el aspecto con que vi en Balbec a madame Cottard, y que mi abuela, con más de noventa y cinco años, ya no me mostraría nada del bello rostro sereno y sonriente con el que todavía la imaginaba ahora, tan arbitrariamente como se imagina con barba a Dios Padre o como se representaba en el siglo XVII a los héroes de Homero con traje de hidalgos y sin tener en cuenta su antigüedad.) Miraba a Gilberta y no pensaba: «Quisiera volver a verla», pero le dije que me complacería invitándome con muchachas muy jóvenes, pobres a ser posible, para poder darles una alegría con pequeños regalos, y eso sin pedirles nada más que hacer renacer en mí los sueños, las tristezas de otro tiempo, quizá, algún día improbable, un casto beso. Gilberta sonrió y en seguida pareció buscar seriamente algo en su cabeza. Así como a Elstir le gustaba ver encarnada ante él, en su mujer, la belleza veneciana que había pintado muchas veces en sus obras, yo me escudaba en la disculpa de que me atraía cierto egoísmo estético hacia las mujeres bellas que podían hacerme sufrir, y tenía cierto sentimiento de idolatría por las futuras Gilbertas, las futuras duquesas de Guermantes, las futuras Albertinas a las que podría conocer y que, pensaba yo, podrían inspirarme, como un escultor que se pasea en medio de bellos mármoles antiguos. Pero debí pensar que era anterior a ellas mi sentimiento del misterio de que las rodeaba; que mejor que pedir a Gilberta que me presentara a muchachas era ir a esos lugares donde nada nos ata a ellas, donde sentimos algo infranqueable entre ellas y nosotros, donde, a dos pasos, en la playa, camino del baño, nos sentimos separados de ellas por lo imposible. Así, mi sentimiento del misterio pudo aplicarse sucesivamente a Gilberta, a la duquesa de Guermantes, a Albertina, a tantas otras. Seguramente lo desconocido, y casi lo inconoscible, era ahora lo conocido, lo familiar, indiferente o doloroso, pero conservando, de lo que había sido, cierto encanto. Y a decir verdad, como esos calendarios que nos trae el cartero para pedirnos los aguinaldos, no había uno de mis años que no tuviera en su frontispicio, o intercalara en sus días, la imagen de una mujer que yo había deseado; imagen tanto más arbitraria porque a veces yo no había visto nunca a tal mujer, cuando era, por ejemplo, la doncella de madame Putbus, mademoiselle d′Orgeville o cualquier muchacha cuyo nombre viera en las notas de sociedad de un periódico, entre «el enjambre de encantadoras valsadoras». La adivinaba bonita, me enamoraba de ella y le componía un cuerpo ideal que dominaba con toda su estatura un paisaje de la provincia donde había leído, en el «Annuaire des Châteaux», que se encontraban las propiedades de su familia. En cuanto a las mujeres que yo había conocido, este paisaje era por lo menos doble. Cada una se alzaba, en un punto diferente de mi vida, enhiesta como una divinidad protectora y local, primero en medio de uno de esos paisajes soñados cuya yuxtaposición cuadriculaba mi vida y donde yo me había puesto, a imaginarla; despues, vista desde el lado del recuerdo, rodeada de parajes donde la había conocido y que me recordaba, unida a ellos, pues si nuestra vida es vagabunda, nuestra memoria es sedentaria, y por más que nos lancemos sin tregua, nuestros recuerdos, pegados a los lugares de los que nosotros nos separamos, siguen combinando en ellos su vida cotidiana, como esos amigos momentáneos que el viajero se había hecho en una ciudad y a los que tiene que abandonar cuando la deja, porque ellos, que no se van, acabarán allí su jornada y su vida como si él estuviera allí todavía, al pie de la iglesia, ante el puerto y bajo los árboles del paseo. De suerte que la sombra de Gilberta se alargaba no sólo ante una iglesia de la France donde yo la imaginara, sino también en la avenida de un parque del camino de Méséglise, la de madame de Guermantes en un sendero húmedo donde crecían en copo racimos violetas y rojizos, o sobre el oro matinal de una acera parisiense. Y esta segunda persona, la nacida no del deseo, sino del recuerdo, no era única para cada una de estas mujeres. A cada una la había conocido en diversas ocasiones, en tiempos diferentes en los que era otra para mí, o en los que yo mismo era otro, sumergido en sueños de otro color. Y la ley que gobernó los sueños de cada año mantenía reunidos en torno a ellos los recuerdos de una mujer que en ellos conociera: por ejemplo, todo lo referente a la duquesa de Guermantes en la época de mi infancia se concentraba, por una fuerza atractiva, alrededor de Combray, y todo lo que se refería a la duquesa de Guermantes que iba a invitarme dentro de un momento a almorzar, en torno a un sensitivo muy diferente; había varias duquesas de Guermantes, como, desde la Dama de rosa, hubo varias madame Swann, separadas por el éter incoloro de los años, y no podía saltar de una a otra, como no hubiera podido dejar un planeta para ir a otro del que le separa el éter. No sólo separada, sino diferente, engalanada con los sueños que de ella tuve en tiempos tan diferentes, como de una flora particular que no se encontrará en otro planeta; hasta el extremo de que, después de pensar que no iría a almorzar ni a casa de madame de Forcheville ni a casa de madame de Guermantes, sólo podía decirme -hasta tal punto me habría trasladado todo aquello a un mundo distinto- que la una no era persona diferente de la duquesa de Guermantes, descendiente de Genoveva de Brabante, y la otra de la Dama de rosa; sólo podía porque en mí un hombre instruido me lo afirmaba con la misma autoridad que un sabio me hubiera afirmado que una vía láctea de nebulosas procedía de la segmentación de una sola y misma estrella. Así, Gilberta, a la que yo pedía, sin embargo, sin darme cuenta, que me permitiera tener amigas como ella había sido en otro tiempo, no era ya para mí más que madame de Saint-Loup. Al verla ya no pensaba en el papel que antaño tuvo en mi amor, un papel que ella también había olvidado, mi admiración por Bergotte, por Bergotte, que había vuelto a ser simplemente para mí el autor de sus libros, sin acordarme (sino en recuerdos infrecuentes y enteramente separados) de la emoción de haber sido presentado al hombre, de la decepción, de la sorpresa de su conversación, en el salón de pieles blancas, lleno de violetas, al que tan pronto llevaban, colocándolas en tantas consolas diferentes, tantas lámparas. Todos los recuerdos que componían la primera mademoiselle Swann estaban, en efecto, seccionados de la Gilberta actual, retenidos muy lejos por las fuerzas de atracción de otro universo, en torno a una frase de Bergotte con la que formaban cuerpo y envueltos en un perfume de majuelo.
La fragmentaire Gilberte d′aujourd′hui écouta ma requête en souriant. Puis, en se mettant à y réfléchir, elle prit un air sérieux en ayant l′air de chercher dans sa tête. Et j′en fus heureux car cela l′empêcha de faire attention à un groupe qui se trouvait non loin de nous et dont la vue n′eût pu certes lui être agréable. On y remarquait la duchesse de Guermantes en grande conversation avec une affreuse vieille femme que je regardais sans pouvoir du tout deviner qui elle était : je n′en savais absolument rien. « Comme c′est drôle de voir ici Rachel », me dit à l′oreille Bloch qui passait à ce moment.
La fragmentaria Gilberta de hoy escuchó sonriendo mi petición. Después, reflexionando, adoptó un aire serio. Y esto me satisfacía, pues le impedía prestar atención a un grupo que ciertamente no le habría agradado ver . En él figuraba la duquesa de Guermantes en gran conversación con una horrible vieja a la que yo miraba sin poder adivinar quién era: no sabía absolutamente nada de ella. Era Raquel, la actriz, ahora célebre, que iba a recitar en aquella fiesta versos de Víctor Hugo y de La Fontaine, con quien la tía de Gilberta, madame de Guermantes, estaba hablando en aquel momento.
Ce nom magique rompit aussitôt l′enchantement qui avait donné à la maîtresse de Saint-Loup la forme inconnue de cette immonde vieille, et je la reconnus alors parfaitement. De même, j′ai dit ailleurs que dès qu′on me nommait les hommes dont je ne pouvais reconnaître les visages l′enchantement cessait, et que je les reconnaissais. Pourtant il y en eut un que, même nommé, je ne pus reconnaître, et je crus à un homonyme, car il n′avait aucune espèce de rapport avec celui que non seulement j′avais connu autrefois mais que j′avais retrouvé il y a quelques années. C′était pourtant lui, blanchi seulement et engraissé, mais il avait rasé ses moustaches et cela avait suffi pour lui faire perdre sa personnalité. Pour en revenir à Rachel, c′était bien avec elle, devenue une actrice célèbre et qui allait, au cours de cette matinée, réciter des vers de Musset et de La Fontaine, que la tante de Gilberte, la duchesse de Guermantes, causait en ce moment. Or la vue de Rachel ne pouvait en tout cas être bien agréable à Gilberte, et je fus d′autant plus ennuyé d′apprendre qu′elle allait réciter des vers et de constater son intimité avec la duchesse.
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Celle-ci, consciente depuis trop longtemps d′occuper la première situation de Paris (ne se rendant pas compte qu′une telle situation n′existe que dans les esprits qui y croient et que beaucoup de nouvelles personnes, si elles ne la voyaient nulle part, si elles ne lisaient son nom dans le compte rendu d′aucune fête élégante, croiraient, en effet, qu′elle n′occupait aucune situation), ne voyait plus, qu′en visites aussi rares et aussi espacées qu′elle pouvait, le faubourg Saint-Germain qui, disait-elle, « l′ennuyait à mourir », et, en revanche, se passait la fantaisie de déjeuner avec telle ou telle actrice qu′elle trouvait délicieuse.
Pues la duquesa, consciente desde hacía mucho tiempo de ocupar la más destacada posición de París (sin darse cuenta de que tal posición sólo existe en las mentes que creen en ella y que muchas personas nuevas, si no la vieran en ninguna parte, si no leyeran su nombre en la reseña de ninguna fiesta elegante, creerían que no ocupaba en realidad ninguna posición), sólo en visitas lo más raras y espaciadas que podía y en un bostezo veía al Faubourg Saint-Germain, que, decía ella, la aburría mortalmente, y en cambio se permitía el capricho de almorzar con esta o la otra actriz que le parecía deliciosa.
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En los nuevos medios que frecuentaba, y como seguía siendo ella misma más de lo que creía, continuaba creyendo que aburrirse fácilmente era una superioridad intelectual, pero lo expresaba con una especie de violencia que daba a su voz cierta ronquera. Como yo le hablara de Brichot: «Ya me aburrió bastante durante veinte años», y como madame de Cambremer le aconsejara: «Relea lo que Schopenhauer dijo de la música», nos llamó la atención sobre esta frase diciendo con violencia: «¡Relea es una obra maestra! ¡Ah, eso sí que no!, que no nos la pegue». El viejo D′Albon sonrió reconociendo una de las formas del ingenio Guermantes. Gilberta, más moderna, permaneció impasible. Aunque hija de Swann, como un pato empollado por una gallina, era mas lakista: «A mí me parece emocionante; tiene una sensibilidad encantadora».
La duchesse hésitait encore, par peur d′une scène de M. de Guermantes, devant Balthy et Mistinguett, qu′elle trouvait adorables, mais avait décidément Rachel pour amie. Les nouvelles générations en concluaient que la duchesse de Guermantes, malgré son nom, devait être quelque demi-castor qui n′avait jamais été tout à fait du gratin. Il est vrai que, pour quelques souverains dont l′intimité lui était disputée par deux autres grandes dames, Mme de Guermantes se donnait encore la peine de les avoir à déjeuner. Mais, d′une part, ils viennent rarement, connaissent des gens de peu, et la duchesse, par la superstition des Guermantes à l′égard du vieux protocole (car à la fois les gens bien élevés l′assommaient et elle tenait à la bonne éducation), faisait mettre : « Sa Majesté a ordonné à la duchesse de Guermantes », « a daigné », etc. Et les nouvelles couches, ignorantes de ces formules, en concluaient que la position de la duchesse était d′autant plus basse. Au point de vue de Mme de Guermantes, cette intimité avec Rachel pouvait signifier que nous nous étions trompés quand nous croyions Mme de Guermantes hypocrite et menteuse dans ses condamnations de l′élégance, quand nous croyions qu′au moment où elle refusait d′aller chez Mme de Sainte-Euverte, ce n′était pas au nom de l′intelligence mais du snobisme qu′elle agissait ainsi, ne la trouvant bête que parce que la marquise laissait voir qu′elle était snob, n′ayant pas encore atteint son but. Mais cette intimité avec Rachel pouvait signifier aussi que l′intelligence était, en réalité, chez la duchesse, médiocre, insatisfaite et désireuse sur le tard, quand elle était fatiguée du monde, de réalisations, par ignorance totale des véritables réalités intellectuelles et une pointe de cet esprit de fantaisie qui fait à des dames très bien, qui se disent : « comme ce sera amusant », finir leur soirée d′une façon à vrai dire assommante, en puisant la force d′aller réveiller quelqu′un, à qui finalement on ne sait que dire, près du lit de qui on reste un moment dans son manteau de soirée, après quoi, ayant constaté qu′il est fort tard, on finit par aller se coucher.
La duquesa seguía dudando, por miedo a una escena de monsieur de Guermantes, ante Balthy y Mistinguett, que le parecían adorables, pero su amiga era decididamente Raquel. Las nuevas generaciones sacaban la conclusión de que la duquesa de Guermantes, a pesar de su nombre, debía de ser algún semicastor que no había sido nunca completamente de la crema. Verdad es que, con algunos soberanos cuya intimidad le disputaban otras dos grandes señoras, madame de Guermantes se tomaba todavía la molestia de tenerlos a almorzar. Pero, por una parte, van muy de tarde en tarde, conocen a personas de poco más o menos y la duquesa, por la superstición de los Guermantes por el viejo protocolo (pues al mismo tiempo que le aburrían las personas bien educadas, le gustaba la buena educación), hacía escribir: «Su Majestad ha ordenado a la duquesa de Guermantes, Su Majestad se ha dignado», etc. Y las nuevas hornadas sociales, que ignoraban estas fórmulas, deducían de ellas que la duquesa ocupaba una posición subalterna. En cuanto a madame de Guermantes, aquella intimidad con Raquel podía significar que nos habíamos equivocado cuando creíamos a madame de Guermantes hipócrita y mentirosa en sus condenaciones de la elegancia, cuando pensábamos que al negarse a ir a casa de madame de Saint-Euverte no lo hacía en nombre de la inteligencia, sino del snobismo, pues consideraba tonta a la marquesa sólo porque dejaba ver que era snob sin haber alcanzado todavía su propósito. Pero la intimidad con Raquel podía significar también, en realidad, que la duquesa era poco inteligente, insatisfecha y deseosa a última hora, cuando estaba ya cansada del mundo, de realizaciones, por ignorancia total de las verdaderas realidades intelectuales y un poco por ese espíritu de fantasía que a algunas damas distinguidas que se dicen: «será muy divertido» les hace terminar la velada de una manera aburridísima, haciendo la broma de ir a despertar a una persona a la que, finalmente, no saben qué decir, permaneciendo un momento junto a su cama sin quitarse el abrigo de fiesta, hecho lo cual se dan cuenta de que es muy tarde y acaban por irse a dormir.
Il faut ajouter qu′une vive antipathie qu′avait depuis peu pour Gilberte la versatile duchesse pouvait lui faire prendre un certain plaisir à recevoir Rachel, ce qui lui permettait, en plus, de proclamer une des maximes des Guermantes, à savoir qu′ils étaient trop nombreux pour épouser les querelles (presque pour prendre le deuil) les uns des autres, indépendance de « je n′ai pas à » qu′avait renforcée la politique qu′on avait dû adopter à l′égard de M. de Charlus, lequel, si on l′avait suivi, vous eût brouillé avec tout le monde. Quant à Rachel, si elle s′était, en réalité, donné une grande peine pour se lier avec la duchesse de Guermantes (peine que la duchesse n′avait pas su démêler sous des dédains affectés, des impolitesses voulues, qui l′avaient piquée au jeu et lui avaient donné grande idée d′une actrice si peu snob), sans doute cela tenait, d′une façon générale, à la fascination que les gens du monde exercent à partir d′un certain moment sur les bohèmes les plus endurcis, parallèle à celle que ces bohèmes exercent eux-mêmes sur les gens du monde, double reflux qui correspond à ce qu′est, dans l′ordre politique, la curiosité réciproque et le désir de faire alliance entre peuples qui se sont combattus. Mais le désir de Rachel pouvait avoir une raison plus particulière. C′est chez Mme de Guermantes, c′est de Mme de Guermantes, qu′elle avait reçu jadis sa plus terrible avanie. Rachel l′avait peu à peu non pas oubliée mais pardonnée, mais le prestige singulier qu′en avait reçu à ses yeux la duchesse ne devait s′effacer jamais. L′entretien, de l′attention duquel je désirais détourner Gilberte, fut, du reste, interrompu, car la maîtresse de maison vint chercher Rachel dont c′était le moment de réciter et qui bientôt, ayant quitté la duchesse, parut sur l′estrade.
Añadiremos que la antipatía que, desde hacía poco, le tenía a Gilberta la versátil duquesa podía hacerle sentir cierto gusto en recibir a Raquel, lo que le permitía, por otra parte, proclamar una de las máximas de los Guermantes: que eran demasiado numerosos para adoptar las querellas de los unos contra los otros (casi para guardar luto por ellas), independencia del «no tengo por qué» que reforzó la política que debieron adoptar con monsieur de Charlus, el cual, si la hubieran seguido, los habría indispuesto con todo el mundo. En cuanto a Raquel, si bien es verdad que se había esforzado mucho por relacionarse con la duquesa de Guermantes (esfuerzo que ésta no supo discernir bajo unos desdenes simulados, unas descortesías deliberadas, que la incitaron y le dieron gran idea de una actriz tan poco snob), seguramente se debía, en general, a la fascinación que las personas del gran mundo ejercen a partir de cierto momento sobre los bohemios más recalcitrantes, fascinación paralela a la que esos mismos bohemios ejercen sobre las personas del gran mundo, doble reflujo que corresponde a lo que es en el orden político la curiosidad recíproca y el deseo de alianza entre pueblos que se han combatido. Pero el deseo de Raquel podía tener una razón más particular. En casa de madame de Guermantes recibió en otro tiempo la más terrible afrenta que sufriera jamás. Poco a poco, Raquel la había no precisamente olvidado ni perdonado, pero el prestigio singular que, a sus ojos, dio aquello a la duquesa no se borraría jamás. Por lo demás, la conversación, de la que yo quería apartar la atención de Gilberta, quedó interrumpida, pues la anfitriona se dirigió a la actriz, a quien le tocaba en aquel momento recitar, y que en seguida dejó a la duquesa y apareció en el estrado.
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Or, pendant ce temps, avait lieu à l′autre bout de Paris un spectacle bien différent. La Berma avait convié quelques personnes à venir prendre le thé pour fêter son fils et sa belle-fille. Mais les invités ne se pressaient pas d′arriver. Ayant appris que Rachel récitait des vers chez la princesse de Guermantes (ce qui scandalisait fort la Berma, grande artiste pour laquelle Rachel était restée une grue qu′on laissait figurer dans les pièces où elle-même, la Berma, jouait le premier rôle — parce que Saint-Loup lui payait ses toilettes pour la scène — scandale d′autant plus grand que la nouvelle avait couru dans Paris que les invitations étaient au nom de la princesse de Guermantes, mais que c′était Rachel qui, en réalité, recevait chez la princesse), la Berma avait récrit avec insistance à quelques fidèles pour qu′ils ne manquassent pas à son goûter, car elle les savait aussi amis de la princesse de Guermantes qu′ils avaient connue Verdurin. Or, les heures passaient et personne n′arrivait chez la Berma. Bloch, à qui on avait demandé s′il voulait y venir, avait répondu naîµ¥ment : « Non, j′aime mieux aller chez la princesse de Guermantes. » Hélas ! c′est ce qu′au fond de soi chacun avait décidé. La Berma, atteinte d′une maladie mortelle qui la forçait à fréquenter peu le monde, avait vu son état s′aggraver quand, pour subvenir aux besoins de luxe de sa fille, besoins que son gendre, souffrant et paresseux, ne pouvait satisfaire, elle s′était remise à jouer. Elle savait qu′elle abrégeait ses jours, mais voulait faire plaisir à sa fille à qui elle rapportait de gros cachets, à son gendre qu′elle détestait mais flattait, car, le sachant adoré par sa fille, elle craignait, si elle le mécontentait, qu′il la privât, par méchanceté, de voir celle-ci. La fille de la Berma, qui n′était cependant pas positivement cruelle et était aimée en secret par le médecin qui soignait sa mère, s′était laissé persuader que ces représentations de Phèdre n′étaient pas bien dangereuses pour la malade. Elle avait en quelque sorte forcé le médecin à le lui dire, n′ayant retenu que cela de ce qu′il lui avait répondu, et parmi des objections dont elle ne tenait pas compte ; en effet, le médecin avait dit ne pas voir grand inconvénient aux représentations de la Berma ; il l′avait dit parce qu′il sentait qu′il ferait ainsi plaisir à la jeune femme qu′il aimait, peut-être aussi par ignorance, parce qu′aussi il savait de toutes façons la maladie inguérissable, et qu′on se résigne volontiers à abréger le martyre des malades quand ce qui est destiné à l′abréger nous profite à nous-même, peut-être aussi par la bête conception que cela faisait plaisir à la Berma et devait donc lui faire du bien, bête conception qui lui parut justifiée quand, ayant reçu une loge des enfants de la Berma et ayant pour cela lâché tous ses malades, il l′avait trouvée aussi extraordinaire de vie sur la scène qu′elle semblait moribonde à la ville. Et, en effet, nos habitudes nous permettent dans une large mesure, permettent même à nos organismes, de s′accommoder d′une existence qui semblerait au premier abord ne pas être possible. Qui n′a vu un vieux maître de manège cardiaque faire toutes les acrobaties auxquelles on n′aurait pu croire que son cœur résisterait une minute ? La Berma n′était pas une moins vieille habituée de la scène, aux exigences de laquelle ses organes étaient si parfaitement adaptés qu′elle pouvait donner, en se dépensant avec une prudence indiscernable pour le public, l′illusion d′une bonne santé troublée seulement par un mal purement nerveux et imaginaire. Après la scène de la déclaration à Hippolyte, la Berma avait beau sentir l′épouvantable nuit qu′elle allait passer, ses admirateurs l′applaudissaient à toute force, la déclarant plus belle que jamais. Elle rentrait dans d′horribles souffrances mais heureuse d′apporter à sa fille les billets bleus, que, par une gaminerie de vieille enfant de la balle, elle avait l′habitude de serrer dans ses bas, d′où elle les sortait avec fierté, espérant un sourire, un baiser. Malheureusement, ces billets ne faisaient que permettre au gendre et à la fille de nouveaux embellissements de leur hôtel, contigu à celui de leur mère, d′où d′incessants coups de marteau qui interrompaient le sommeil dont la grande tragédienne aurait eu tant besoin. Selon les variations de la mode, et pour se conformer au goût de M. de X. ou de Y., qu′ils espéraient recevoir, ils modifiaient chaque pièce. Et la Berma, sentant que le sommeil, qui seul aurait calmé sa souffrance, s′était enfui, se résignait à ne pas se rendormir, non sans un secret mépris pour ces élégances qui avançaient sa mort, rendaient atroces ses derniers jours. C′est sans doute un peu à cause de cela qu′elle les méprisait, vengeance naturelle contre ce qui nous fait mal et que nous sommes impuissants à empêcher. Mais c′est aussi parce qu′ayant conscience du génie qui était en elle, ayant appris dès son plus jeune âge l′insignifiance de tous ces décrets de la mode, elle était quant à elle restée fidèle à la tradition qu′elle avait toujours respectée, dont elle était l′incarnation, qui lui faisait juger les choses et les gens comme trente ans auparavant, et, par exemple, juger Rachel non comme l′actrice à la mode qu′elle était devenue, mais comme la petite grue qu′elle avait connue. La Berma n′était pas, du reste, meilleure que sa fille, c′est en elle que sa fille avait puisé, par l′hérédité et par la contagion de l′exemple, qu′une admiration trop naturelle rendait plus efficace, son égoî²e, son impitoyable raillerie, son inconsciente cruauté. Seulement, tout cela la Berma l′avait immolé à sa fille et s′en était ainsi délivrée. D′ailleurs, la fille de la Berma n′eût-elle pas eu sans cesse des ouvriers chez elle, qu′elle eût fatigué sa mère, comme les forces attractives féroces et légères de la jeunesse fatiguent la vieillesse, la maladie, qui se surmènent à vouloir les suivre. Tous les jours c′était un déjeuner nouveau, et on eût trouvé la Berma égoî²´e d′en priver sa fille, même de ne pas assister au déjeuner où on comptait, pour attirer bien difficilement quelques relations récentes et qui se faisaient tirer l′oreille, sur la présence prestigieuse de la mère illustre. On la « promettait » à ces mêmes relations pour une fête au dehors, afin de leur faire « une politesse ». Et la pauvre mère, gravement occupée dans son tête-à-tête avec la mort installée en elle, était obligée de se lever de bonne heure, de sortir. Bien plus, comme, à la même époque, Réjane, dans tout l′éblouissement de son talent, donna à l′étranger des représentations qui eurent un succès énorme, le gendre trouva que la Berma ne devait pas se laisser éclipser, voulut que la famille ramassât la même profusion de gloire, et força la Berma à des tournées où on était obligé de la piquer à la morphine, ce qui pouvait la faire mourir à cause de l′état de ses reins. Ce même attrait de l′élégance, du prestige social, de la vie, avait, le jour de la fête chez la princesse de Guermantes, fait pompe aspirante et avait amené là-bas, avec la force d′une machine pneumatique, même les plus fidèles habitués de la Berma, où, par contre et en conséquence, il y avait vide absolu et mort. Un seul jeune homme, qui n′était pas certain que la fête chez la Berma ne fût, elle aussi, brillante, était venu. Quand la Berma vit l′heure passer et comprit que tout le monde la lâchait, elle fit servir le goûter et on s′assit autour de la table, mais comme pour un repas funéraire. Rien dans la figure de la Berma ne rappelait plus celle dont la photographie m′avait, un soir de mi-carême, tant troublé. La Berma avait, comme dit le peuple, la mort sur le visage. Cette fois c′était bien d′un marbre de l′Erechtéion qu′elle avait l′air. Ses artères durcies étant déjà à demi pétrifiées, on voyait de longs rubans sculpturaux parcourir les joues, avec une rigidité minérale. Les yeux mourants vivaient relativement, par contraste avec ce terrible masque ossifié, et brillaient faiblement comme un serpent endormi au milieu des pierres. Cependant le jeune homme, qui s′était mis à la table par politesse, regardait sans cesse l′heure, attiré qu′il était par la brillante fête chez les Guermantes. La Berma n′avait pas un mot de reproche à l′adresse des amis qui l′avaient lâchée et qui espéraient naîµ¥ment qu′elle ignorerait qu′ils étaient allés chez les Guermantes.
Pero mientras tanto tenía lugar en el otro extremo de París un espectáculo muy diferente. Como he dicho, la Berma había invitado a algunas personas a tomar el té para festejar a su hijo y a su nuera. Mas los invitados no se apresuraban a llegar. Enterados de que Raquel recitaba versos en casa de la princesa de Guermantes (lo que escandalizaba mucho ala Berma, gran artista para la cual Raquel seguía siendo una furcia a la que permitían figurar en las obras donde ella misma, la Berma, desempeñaba el primer papel, porque Saint-Loup le pagaba sus trajes para la escena, y este escándalo era mayor porque corrió en París la noticia de que las invitaciones estaban a nombre de la princesa de Guermantes, pero que era Raquel quien, en realidad, recibía en casa de la princesa), la Berma volvió a escribir con insistencia a algunos fieles para que no faltasen a su merienda, pues sabía que eran también amigos de la princesa de Guermantes, a la que habían conocido cuando ésta se llamaba Verdurin. Ahora bien, las horas pasaban y nadie llegaba a casa de la Berma. Bloch, al que habían preguntado si quería asistir, respondió ingenuamente: «No, prefiero ir a casa de la princesa de Guermantes». Esto era, ¡ay!, lo que todos, en el fondo de sí mismos, habían decidido. La Berma, con una enfermedad mortal que le impedía frecuentar el mundo, se había agravado cuando, para subvenir a las necesidades de lujo de su hija, necesidades que su yerno, enfermo y perezoso, no podía satisfacer, decidió volver a la escena. Sabía que con ello acortaba sus días, pero quería dar gusto a su hija, aportándole grandes ingresos, y a su yerno, al que detestaba, pero le complacía, pues, conociendo el amor que le tenía su mujer, temía que si ella le contrariaba, le impidiera, por maldad, ver a la hija. Ésta, a la que amaba en secreto el médico que asistía al marido, se dejó convencer de que aquellas representaciones de Fedra no eran muy peligrosas para la madre. En cierto modo, obligó al médico a decírselo, y sólo esto retuvo de lo que él le contestó, pasando por alto las objeciones; en realidad, el médico dijo que no veía gran inconveniente en las representaciones de la Berma. Lo dijo porque se dio cuenta de que esto le sería más grato a la mujer a quien amaba, quizá también por ignorancia o porque sabía, además, que la enfermedad era de todos modos incurable, y es fácil resignarse a abreviar el martirio de los enfermos cuando lo que lo abrevia aprovecha a uno mismo; quizá también por la estúpida idea de que aquello agradaba a la Berma y, por lo tanto, debía de serle saludable, idea que le pareció justificada cuando recibió un palco de los hijos de la actriz, dejó por eso a todos sus enfermos y la Berma le pareció en la escena tan extraordinaria de vida como moribunda le pareciera la víspera. Y, en efecto, nuestras costumbres nos permiten, y en gran medida se lo permiten incluso a nuestros órganos, acomodarnos a una existencia que, a primera vista, parecería imposible. ¿Quién no ha visto a un viejo maestro de equitación cardiaco hacer todas las acrobacias que no creíamos que su corazón pudiera resistir un minuto? La Berma era también una antigua habituada a la escena, a la que estaban adaptados sus órganos tan perfectamente que, dándose con una prudencia indiscernible por el público, podía producir la ilusión de una buena salud sólo alterada por un mal puramente nervioso e imaginario. Después de la escena de la declaración a Hipólito, por más que la Berma presintiera la espantosa noche que iba a pasar, sus admiradores la aplaudían con todas sus fuerzas, declarándola más bella que nunca. Volvían los horribles sufrimientos, pero feliz por llevar a su hija los billetes azules, que, por una niñería de cómica vieja, tenía la costumbre de guardar dentro de las medias, de donde los sacaba con orgullo, esperando una sonrisa, un beso. Desgraciadamente, estos billetes no servían más que para que el yerno y la hija siguieran embelleciendo su hotel contiguo al de la madre: de aquí los incesantes martillazos que interrumpían el sueño, tan necesario, de la gran trágica. Innovaban cada habitación con arreglo a las variaciones de la moda y para adaptarse al gusto de monsieur de X o de Y, a quienes esperaban recibir. La Berma notaba que había huido el sueño, lo único que podía calmar su sufrimiento, pero se resignaba a no dormir, no sin un secreto desprecio por aquellas elegancias que le anticipaban la muerte, que hacían atroces sus últimos días. Seguramente, el desprecio se debía un poco a esto, venganza natural contra lo que nos hace daño y no podemos impedir. Pero era también porque, consciente de su genio, conociendo desde muy joven la insignificancia de todos esos decretos de la moda, ella había permanecido fiel a la Tradición, la había respetado siempre, le encantaba, y la Tradición le hacía juzgar las cosas y a las gentes como treinta años antes: por ejemplo, juzgar a Raquel no como la actriz de moda que era hoy, sino como la golfilla que ella había conocido. Por lo demás, la Berma no era mejor que su hija, que, por la herencia y por el contagio del ejemplo que una admiración muy natural hacía más eficaz, había sacado de ella su egoísmo, su implacable burla, su inconsciente crueldad. Sólo que la Berma había inmolado todo esto a su hija y así se había liberado de ello. Por otra parte, aun cuando la hija de la Berma no hubiera tenido siempre obreros en casa, habría cansado de todos modos a su madre, como las fuerzas atractivas, feroces y ligeras de la juventud fatigan a la vejez, a la enfermedad, que se agotan en el empeño de seguirlas. Todos los días era un nuevo almuerzo, y a la Berma le habrían tachado de egoísta si hubiera privado de él a su hija, y hasta si no hubiera asistido al almuerzo donde, para atraer, con gran dificultad, a algunas relaciones recientes y que se hacían rogar, contaban con la prestigiosa presencia de la madre ilustre. Para serles gratos, se la «prometían » a aquellas mismas relaciones para una fiesta. Y la pobre madre, gravemente ocupada en su enfrentamiento con la muerte instalada en ella, tenía que levantarse temprano y salir. Más aún, como, en la misma época, Réjane, en todo el deslumbramiento de su talento, dio en el extranjero unas representaciones que tuvieron un éxito enorme, el yerno dictaminó que la Berma no debía dejarse eclipsar, quiso que la familia recogiera la misma profusión de gloria y obligó a su suegra a unas tournées en las que tenían que ponerle morfina, que, por el estado de sus riñones, podía causarle la muerte. Esta misma atracción de la elegancia, del prestigio social, de la vida, hizo de bomba aspirante el día de la fiesta de la princesa de Guermantes, succionando hacia ella, con la fuerza de una máquina neumática, hasta a los más fieles asiduos de la Berma, mientras que en casa de ésta no había, en consecuencia, más que vacío absoluto y muerte. Acudió un joven que no estaba seguro de que la fiesta en casa de la Berma no fuese, también, brillante. Cuando la Berma vio que pasaba la hora y comprendió que todo el mundo la abandonaba, mandó servir la merienda y se sentaron a la mesa, pero como para un ágape funerario. En el rostro de la Berma nada me recordaba ya aquel cuya fotografía tanto me impresionara un día de carnaval. La Berma llevaba la muerte en la cara, como suele decirse. Esta vez parecía de verdad un mármol del Erechteion. Sus endurecidas arterias estaban ya medio petrificadas y se le veían a lo largo de las mejillas unas largas cintas esculturales, con una rigidez mineral. Contrastando con esta terrible máscara osificada, los moribundos ojos tenían una vida relativa y brillaban débilmente como una sierpe dormida entre unas piedras. A todo esto, el joven que se había sentado a la mesa por cortesía, miraba constantemente la hora, atraído por la brillante fiesta de casa de los Guermantes. La Berma no tenía una palabra de reproche para los amigos que la habían abandonado y que esperaban ingenuamente que no se enterara de que habían ido a casa de los Guermantes.
Elle murmura seulement : « Une Rachel donnant une fête chez la princesse de Guermantes, il faut venir à Paris pour voir de ces choses-là. » Et elle mangeait silencieusement, et avec une lenteur solennelle, des gâteaux défendus, ayant l′air d′obéir à des rites funèbres. Le « goûter » était d′autant plus triste que le gendre était furieux que Rachel, que lui et sa femme connaissaient très bien, ne les eût pas invités. Son crève-cœur fut d′autant plus grand que le jeune homme invité lui avait dit connaître assez bien Rachel pour que, s′il partait tout de suite chez les Guermantes, il pût lui demander d′inviter ainsi, à la dernière heure, le couple frivole. Mais la fille de la Berma savait trop à quel niveau infime sa mère situait Rachel, et qu′elle l′eût tuée de désespoir en sollicitant de l′ancienne grue une invitation. Aussi avait-elle dit au jeune homme et à son mari que c′était chose impossible. Mais elle se vengeait en prenant pendant ce goûter des petites mines exprimant le désir des plaisirs, l′ennui d′être privée d′eux par cette gêneuse qu′était sa mère. Celle-ci faisait semblant de ne pas voir les moues de sa fille et adressait de temps en temps, d′une voix mourante, une parole aimable au jeune homme, le seul invité qui fût venu. Mais bientôt la chasse d′air qui emportait tout vers les Guermantes, et qui m′y avait entraîné moi-même, fut la plus forte, il se leva et partit, laissant Phèdre ou la mort, on ne savait trop laquelle des deux c′était, achever de manger, avec sa fille et son gendre, les gâteaux funéraires.
Se limitó a murmurar: «Una Raquel dando una fiesta en casa de la princesa de Guermantes. Hay que estar en París para ver estas cosas». Y, en silencio, y con una lentitud solemne, como quien cumple un rito funerario, comía pasteles prohibidos. Una cosa acentuaba la tristeza de la merienda y la furia del yerno. Raquel, a la que él y su mujer conocían muy bien, no los había invitado. Y su desasosiego era mayor porque el joven visitante le había dicho que conocía bastante bien a Raquel para que, si se iba en seguida a casa de los Guermantes, pudiera pedirle que invitara también, a última hora, al matrimonio frívolo. Pero la hija de la Berma estaba demasiado enterada del ínfimo nivel en que su madre situaba a Raquel, y sabía que le daría un disgusto mortal solicitando de la antigua ramera una invitación. Por eso dijo al joven y a su marido que era imposible. Pero se vengaba adoptando durante la merienda un gestecillo que expresaba el deseo de divertirse y la contrariedad de no poder hacerlo por aquella pesada de su madre. La Berma aparentaba no ver las muecas de su hija y, con voz moribunda, dirigía de cuando en cuando una palabra amable al joven visitante único. Pero en seguida se impuso la ráfaga de aire que empujaba a todos hacia los Guermantes y que me arrastró a mí mismo, y el joven se levantó y se fue, dejando a Fedra o a la muerte -no se sabía muy bien cuál de las dos era- acabando de comer, con su hija y su.yerno, los pasteles funerarios.
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La conversation que nous tenions, Gilberte et moi, fut interrompue par la voix de Rachel qui venait de s′élever. Le jeu de celle-ci était intelligent, car il présupposait la poésie que l′actrice était en train de dire comme un tout existant avant cette récitation et dont nous n′entendions qu′un fragment, comme si l′artiste, passant sur un chemin, s′était trouvée pendant quelques instants à portée de notre oreille.
Nos interrumpió la voz de la actriz, que iniciaba su recitación, una recitación inteligente, pues presuponía el poema que la actriz estaba recitando como un todo que existía antes de decirlo y del que sólo oíamos un fragmento, como si la artista, yendo por un camino, se encontrara durante unos momentos al alcance de nuestro oído.
Néanmoins, les auditeurs avaient été stupéfaits en voyant cette femme, avant d′avoir émis un seul son, plier les genoux, tendre les bras, en berçant quelque être invisible, devenir cagneuse, et tout d′un coup, pour dire des vers fort connus, prendre un ton suppliant.
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L′annonce d′une poésie que presque tout le monde connaissait avait fait plaisir. Mais quand on avait vu Rachel, avant de commencer, chercher partout des yeux d′un air égaré, lever les mains d′un air suppliant et pousser comme un gémissement à chaque mot, chacun se sentit gêné, presque choqué de cette exhibition de sentiments. Personne ne s′était dit que réciter des vers pouvait être quelque chose comme cela. Peu à peu on s′habitue, c′est-à-dire qu′on oublie la première sensation de malaise, on dégage ce qui est bien, on compare dans son esprit diverses manières de réciter, pour se dire : ceci c′est mieux, ceci moins bien. La première fois de même, dans une cause simple, lorsqu′on voit un avocat s′avancer, lever en l′air un bras d′où retombe la toge, commencer d′un ton menaçant, on n′ose pas regarder les voisins. Car on se figure que c′est grotesque, mais, après tout, c′est peut-être magnifique et on attend d′être fixé.
El anuncio de las poesías que casi todo el mundo conocía resultó grato. Pero cuando los concurrentes vieron a la actriz, antes de comenzar, buscando por todas partes con los ojos, extraviado el gesto, levantando las manos con aire suplicante y lanzando como un gemido cada palabra, a todos les perturbó, casi les chocó aquella exhibición de sentimiento. Nadie había pensado que recitar versos pudiera ser una cosa como aquélla. Poco a poco la gente se habitúa, es decir, olvida la primera sensación de malestar, toma lo que está bien, compara en su mente diversas maneras de recitar y se dice: esto está mejor, esto otro no está tan bien. Mas la primera vez, lo mismo que, en una causa sencilla, viendo a un abogado avanzar, levantar al aire un brazo del que pende la toga, comenzar con un tono amenazador, no nos atrevemos a mirar a nuestros vecinos. Pues nos figuramos que es grotesco, pero después de todo quizá es magnífico, y esperamos a ver en qué para.
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Pero el auditorio se quedó estupefacto viendo que aquella mujer, antes de emitir un solo sonido, dobló las rodillas, extendió los brazos meciendo a un ser invisible, se tornó patizamba y de pronto, para decir unos versos muy conocidos, adoptó un aire suplicante.
Tout le monde se regardait, ne sachant trop quelle tête faire ; quelques jeunesses mal élevées étouffèrent un fou rire ; chacun jetait à la dérobée sur son voisin le regard furtif que dans les repas élégants, quand on a auprès de soi un instrument nouveau, fourchette à homard, râpe à sucre, etc., dont on ne connaît pas le but et le maniement, on attache sur un convive plus autorisé qui, espère-t-on, s′en servira avant vous et vous donnera ainsi la possibilité de l′imiter. Ainsi fait-on encore quand quelqu′un cite un vers qu′on ignore mais qu′on veut avoir l′air de connaître et à qui, comme en cédant le pas devant une porte, on laisse à un plus instruit, comme une faveur, le plaisir de dire de qui il est. Tel, en entendant l′actrice, chacun attendait, la tête baissée et l′œil investigateur, que d′autres prissent l′initiative de rire ou de critiquer, ou de pleurer ou d′applaudir. Mme de Forcheville, revenue exprès de Guermantes, d′où la duchesse, comme nous le verrons, était à peu près expulsée, avait pris une mine attentive, tendue, presque carrément désagréable, soit pour montrer qu′elle était connaisseuse et ne venait pas en mondaine, soit par hostilité pour les gens moins versés dans la littérature qui eussent pu lui parler d′autre chose, soit par contention de toute sa personne afin de savoir si elle « aimait » ou si elle n′aimait pas, ou peut-être parce que, tout en trouvant cela « intéressant », elle n′« aimait » pas, du moins, la manière de dire certains vers. Cette attitude eût dû être plutôt adoptée, semble-t-il, par la princesse de Guermantes. Mais comme c′était chez elle, et que, devenue aussi avare que riche, elle était décidée à ne donner que cinq roses à Rachel, elle faisait la claque. Elle provoquait l′enthousiasme et faisait la presse en poussant à tous moments des exclamations ravies. Là seulement elle se retrouvait Verdurin, car elle avait l′air d′écouter les vers pour son propre plaisir, d′avoir eu l′envie qu′on vînt les lui dire, à elle toute seule, et qu′il y eût par hasard là cinq cents personnes, à qui elle avait permis de venir comme en cachette assister à son propre plaisir. Cependant, je remarquai sans aucune satisfaction d′amour-propre, car elle était devenue vieille et laide, que Rachel me faisait de l′œil, avec une certaine réserve d′ailleurs. Pendant toute la récitation, elle laissa palpiter dans ses yeux un sourire réprimé et pénétrant qui semblait l′amorce d′un acquiescement qu′elle eût souhaité venir de moi. Cependant, quelques vieilles dames, peu habituées aux récitations poétiques, disaient à un voisin : « Vous avez vu ? », faisant allusion à la mimique solennelle, tragique, de l′actrice, et qu′elles ne savaient comment qualifier. La duchesse de Guermantes sentit le léger flottement et décida de la victoire en s′écriant : « C′est admirable ! » au beau milieu du poème, qu′elle crut peut-être terminé. Plus d′un invité tint alors à souligner cette exclamation d′un regard approbateur et d′une inclinaison de tête, pour montrer moins peut-être leur compréhension de la récitante que leurs relations avec la duchesse. Quand le poème fut fini, comme nous étions à côté de Rachel, j′entendis celle-ci remercier Mme de Guermantes et en même temps, profitant de ce que j′étais à côté de la duchesse, elle se tourna vers moi et m′adressa un gracieux bonjour. Je compris alors qu′au contraire des regards passionnés du fils de M. de Vaugoubert, que j′avais pris pour le bonjour de quelqu′un qui se trompait, ce que j′avais pris chez Rachel pour un regard de désir n′était qu′une provocation contenue à se faire reconnaître et saluer par moi. Je répondis par un salut souriant au sien. « Je suis sûre qu′il ne me reconnaît pas, dit en minaudant la récitante à la duchesse. — Mais si, dis-je avec assurance, je vous ai reconnue tout de suite. »
Todo el mundo se miraba, sin saber bien qué cara poner; algunos jóvenes mal educados estrangularon una carcajada; cada uno echaba a hurtadillas a su vecino esa mirada furtiva que en las comidas elegantes, cuando se tiene al lado un intrumento nuevo, tenedor para langosta, rallador de azúcar, etc., del que el invitado no conoce el uso y la manera, dirige a este otro invitado más distinguido con la esperanza de que lo utilizará antes, ofreciéndole así la posibilidad de imitarle. Así se hace también cuando alguien ata un verso que ignoramos pero que queremos hacer como si lo conociéramos y, como quien cede el paso ante una puerta, dejamos a uno más enterado, como por deferencia, el gusto de decir de quién es. De la misma manera, al escuchar a la actriz, cada cual esperaba, la cabeza baja y el ojo inquiridor, que otros tomasen la iniciativa de reír o criticar, o de llorar o aplaudir. Madame de Forcheville, que había venido expresamente de Guermantes, de donde la duquesa había sido casi expulsada, adoptó un continente atento, tenso, casi abiertamente desagradable, fuera por demostrar que era una enterada y no asistía como mundana, fuera por hostilidad hacia los concurrentes menos versados en literatura que hubieran podido hablarle de otra cosa, fuera por contención de toda su persona con el fin de saber si le gustaba o no le gustaba, o quizá porque, aun encontrando aquello «interesante», no le gustaba, al menos la manera de decir ciertos versos. Parece que esta actitud hubiera debido adoptarla más bien la princesa de Guermantes. Pero como estaba en su casa y ahora era tan avara como rica, y había decidido no dar a Raquel más que cinco rosas, hacia de claque. Provocaba entusiasmo y presionaba lanzando a cada momento exclamaciones entusiastas. Sólo en esto volvía a ser Verdurin, pues parecía escuchar los versos por su propio deleite, parecía haber querido que vinieran a decírselos a ella sola y que estuvieran allí por casualidad quinientas personas, sus amigos a quienes permitió asistir como a escondidas a su propio placer. Sin embargo, observé, sin ninguna satisfacción de amor propio, pues era vieja y fea, que la actriz me guiñaba el ojo, aunque con cierta reserva. Durante toda la recitación dejó palpitar en sus ojos una sonrisa reprimida y penetrante que parecía el cebo de una aquiescencia que deseara de mi parte. Sin embargo, algunas señoras viejas, poco habituadas a los recitales poéticos, decían a un vecino: «¿Ha visto?», aludiendo a la mímica solemne, trágica, de la actriz, que no sabían cómo calificar. La duquesa de Guermantes notó la ligera indecisión y decidió la victoria exclamando, en mitad del poema, creyendo quizá que había terminado: «¡Es admirable! » Más de un invitado quiso subrayar esta exclamación con una mirada aprobatoria y con una inclinación de cabeza, para demostrar, más quizá que su comprensión de la recitadora, sus relaciones con la duquesa. Terminado el poema, ya al lado de la actriz oí a ésta dar las gracias a madame de Guermantes y, al mismo tiempo, aprovechando que yo estaba junto a la duquesa, se dirigió a mí y me saludó expresivamente. Entonces comprendí que era una persona a la que yo debía de conocer, y que, al contrario de las miradas apasionadas del hijo de monsieur de Vaugoubert, que creí ser el saludo de alguien que se equivocaba, lo que yo había tomado en la actriz por una mirada de deseo no era más que una provocación contenida para que la saludara y la reconociera. Respondí a su saludo con un saludo sonriente. -Estoy segura de que no me reconoce -dijo la recitadora a la duquesa. -Claro que sí -contesté con seguridad-, la reconozco perfectamente. -Bueno ¿quién soy? No lo sabía ni por lo más remoto y mi situación iba resultando delicada.
Si, pendant les plus beaux vers de La Fontaine, cette femme, qui les récitait avec tant d′assurance, n′avait pensé, soit par bonté, ou bêtise, ou gêne, qu′à la difficulté de me dire bonjour, pendant les mêmes beaux vers Bloch n′avait songé qu′à faire ses préparatifs pour pouvoir, dès la fin de la poésie, bondir comme un assiégé qui tente une sortie, et passant, sinon sur le corps, du moins sur les pieds de ses voisins, venir féliciter la récitante, soit par une conception erronée du devoir, soit par désir d′ostentation.
Afortunadamente, si durante los más hermosos versos de La Fontaine aquella mujer que con tanta seguridad los recitaba no había pensado, fuera por bondad, o por estupidez, o por azoramiento, más que en la dificultad de saludarme, Bloch, durante los mismos bellos versos, sólo había pensado en hacer sus preparativos para, nada más terminar la poesía, saltar como un sitiado que intenta una salida, y pasando, ya que no sobre el cuerpo, al menos sobre los pies de sus vecinos, correr a felicitar a la recitadora, bien por un equivocado concepto del deber, bien por afán de ostentación.
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-¡Qué gracioso ver aquí a Raquel -me dijo al oído. Este nombre mágico rompió inmediatamente el encantamiento que había dado a la amante de Saint-Loup la desconocida forma de aquella vieja inmunda. En cuanto supe quién era, la reconocí perfectamente.
« C′était bien beau », dit-il à Rachel, et ayant dit ces simples mots, son désir étant satisfait, il repartit et fit tant de bruit pour regagner sa place que Rachel dut attendre plus de cinq minutes avant de réciter la seconde poésie. Quand elle eut fini celle-ci, les Deux Pigeons, Mme de Monrienval s′approcha de Mme de Saint-Loup, qu′elle savait fort lettrée sans se rappeler assez qu′elle avait l′esprit subtil et sarcastique de son père, et lui demanda : « C′est bien la fable de La Fontaine, n′est-ce pas ? » croyant bien l′avoir reconnue mais n′étant pas absolument certaine, car elle connaissait fort mal les fables de La Fontaine et, de plus, croyait que c′était des choses d′enfants qu′on ne récitait pas dans le monde. Pour avoir un tel succès l′artiste avait sans doute pastiché des fables de La Fontaine, pensait la bonne dame. Or, Gilberte, jusque-là impassible, l′enfonça sans le vouloir dans cette idée, car n′aimant pas Rachel et voulant dire qu′il ne restait rien des fables avec une diction pareille, elle le dit de cette nuance trop subtile qui était celle de son père et qui laissait les personnes naîµ¥s dans le doute sur ce qu′il voulait dire. Généralement plus moderne, quoique fille de Swann — comme un canard couvé par une poule — elle était assez lakiste et se contentait de dire : « Je trouve d′un touchant, c′est d′une sensibilité charmante. » Mais à Mme de Morienval Gilberte répondit sous cette forme fantaisiste de Swann à laquelle se trompaient les gens qui prennent tout au pied de la lettre : « Un quart est de l′invention de l′interprète, un quart de la folie, un quart n′a aucun sens, le reste est de La Fontaine », ce qui permit à Mme de Morienval de soutenir que ce qu′on venait d′entendre n′était pas les Deux Pigeons de La Fontaine mais un arrangement où tout au plus un quart était de La Fontaine, ce qui n′étonna personne, vu l′extraordinaire ignorance de ce public.
-Ha sido magnífico -dijo a Raquel, y después de estas simples palabras, satisfecho su deseo, se alejó y le costó tanto trabajo e hizo tanto ruido para volver a su sitio que Raquel tuvo que esperar más de cinco minutos antes de recitar su segunda poesía. Terminada ésta, Les deux pigeons, madame de Morienval se acercó a madame de Saint-Loup, a la que sabía muy letrada pero sin recordar bastante que tenía el ingenio sutil y sarcástico de su padre: -Es la fábula de La Fontaine, ¿verdad? -le preguntó, creyendo haberla reconocido, pero sin estar completamente segura, pues conocía muy mal las fábulas de La Fontaine y, además, creía que eran cosas de niños que no se recitan en sociedad. Para tener tal éxito, seguramente la artista debió de imitar las fábulas de La Fontaine, pensaba la buena señora. Y Gilberta la afianzó sin querer en esta idea, pues, como no quería a Raquel, le gustaba decir que, con semejante dicción, no quedaba nada de las fábulas, y lo dijo de esa manera demasiado sutil que era la manera de su padre y que dejaba a las personas ingenuas en la duda sobre lo que quería decir: -Una cuarta parte es invención de la intérprete, otra cuarta parte es locura, otra cuarta parte no tiene ningún sentido, el resto es de La Fontaine -lo cual permitió a madame de Morienval sostener que lo que acababan de oír no era Les deux pigeons de La Fontaine, sino un arreglo en el que a lo sumo una cuarta parte era de La Fontaine, lo que no extrañó a nadie, dada la extraordinaria ignorancia de aquel público.
Mais un des amis de Bloch étant arrivé en retard, celui-ci eut la joie de lui demander s′il n′avait jamais entendu Rachel, de lui faire une peinture extraordinaire de sa diction, en exagérant et en trouvant tout d′un coup à raconter, à révéler à autrui cette diction moderniste, un plaisir étrange, qu′il n′avait nullement éprouvé à l′entendre. Puis Bloch, avec une émotion exagérée, félicita de nouveau Rachel sur un ton de fausset et de proclamer son génie, présenta son ami qui déclara n′admirer personne autant qu′elle, et Rachel, qui connaissait maintenant des dames de la haute société et, sans s′en rendre compte, les copiait, répondit : « Oh ! je suis très flattée, très honorée par votre appréciation. » L′ami de Bloch lui demanda ce qu′elle pensait de la Berma. « Pauvre femme, il paraît qu′elle est dans la dernière misère. Elle n′a pas été, je ne dirai pas sans talent, car ce n′était pas au fond du vrai talent, elle n′aimait que des horreurs, mais enfin elle a été utile, certainement ; elle jouait d′une façon assez vivante, et puis c′était une brave personne, généreuse, qui s′est ruinée pour les autres. Voilà bien longtemps qu′elle ne fait plus un sou, parce que le public n′aime pas du tout ce qu′elle fait. Du reste, ajouta-t-elle en riant, je vous dirai que mon âge ne m′a permis de l′entendre, naturellement, que tout à fait dans les derniers temps et quand j′étais moi-même trop jeune pour me rendre compte. — Elle ne disait pas très bien les vers ? hasarda l′ami de Bloch pour flatter Rachel, qui répondit : — Oh ! ça, elle n′a jamais su en dire un ; c′était de la prose, du chinois, du volapük, tout, excepté un vers. D′ailleurs, je vous dirai que, bien entendu, je ne l′ai entendue que très peu, sur sa fin, ajouta-t-elle pour se rajeunir, mais on m′a dit qu′autrefois ce n′était pas mieux, au contraire. »
Pero a uno de los amigos de Bloch que llegó con retraso tuvo éste la satisfacción de preguntarle si había oído alguna vez a Raquel, de hacerle una descripción extraordinaria de su dicción, exagerando y, a la vez, sintiendo un extraño placer, que no había experimentado al oírla, en exagerar contando, revelando a otro aquella dicción modernista. Después, Bloch, con una emoción también exagerada, felicitó a Raquel en un tono de falsete y presentó a su amigo, el cual declaró que a nadie admiraba tanto como a ella, y Raquel, que ahora conocía a señoras de la alta sociedad y las copiaba sin darse cuenta, contestó: -¡Oh!, me satisface mucho, me honra su apreciación. -El amigo de Bloch le preguntó qué le parecía la Berma-. La pobre mujer parece que está en la última miseria. No carecía, no diré de talento, pues en el fondo no era verdadero talento, no le gustaban más que cosas horribles, pero, en fin, no cabe duda de que ha sido útil; trabajaba de una manera más viva que las otras, y además era una buena persona, generosa, se arruinó por los demás. Y como lleva tanto tiempo sin ganar un céntimo, porque al público hace ya mucho que no le gusta lo que ella hace... De todos modos -añadió riendo-, le diré que, por mi edad, no he podido oírla, naturalmente, hasta sus últimos tiempos y cuando yo era demasiado joven para darme cuenta. -¿No decía muy bien los versos? -aventuró el amigo de Bloch por halagar a Raquel, que contestó: -¡Oh!, lo que es eso, nunca supo decir uno, era prosa, chino, volapuk, cualquier cosa menos un verso.
Je me rendais compte que le temps qui passe n′amène pas forcément le progrès dans les arts. Et de même que tel auteur du XVIIe siècle, qui n′a connu ni la Révolution française, ni les découvertes scientifiques, ni la guerre, peut être supérieur à tel écrivain d′aujourd′hui, et que peut-être même Fagon était un aussi grand médecin que du Boulbon (la supériorité du génie compensant ici l′infériorité du savoir), de même la Berma était, comme on dit, à cent pics au-dessus de Rachel, et le temps, en la mettant en vedette en même temps qu′Elstir, avait consacré son génie.
Pero me daba cuenta de que el tiempo que pasa no determina forzosamente el proceso en las artes. Y así como un autor del siglo XVII que no conoció ni la Revolución francesa, ni los descubrimientos científicos, ni la Guerra, puede ser superior a un escritor de hoy, y acaso hasta Fagon era un médico tan grande como Du Boulbon (compensando aquí la superioridad del genio la inferioridad del saber), así la Berma estaba, como suele decirse, cien codos por encima de Raquel, y el tiempo, dándole categoría de vedette al mismo tiempo que a Elstir, había levantado a una mediocridad y consagrado a un genio.
Il ne faut pas s′étonner que l′ancienne maîtresse de Saint-Loup débinât la Berma. Elle l′eût fait quand elle était jeune. Ne l′eût-elle pas fait alors, qu′elle l′eût fait maintenant. Qu′une femme du monde de la plus haute intelligence, de la plus grande bonté se fasse actrice, déploie dans ce métier nouveau pour elle de grands talents, n′y rencontre que des succès, on s′étonnera, si on se trouve auprès d′elle après longtemps, d′entendre non son langage à elle, mais celui des comédiennes, leur rosserie spéciale envers les camarades, tout ce qu′ajoutent à l′être humain, quand ils ont passé sur lui, « trente ans de théâtre ». Rachel se comportait de même tout en ne sortant pas du monde.
No es de extrañar que la antigua amante de Saint-Loup despellejara a la Berma. Lo habría hecho cuando era joven. Pero aunque no lo hubiera hecho entonces, lo haría ahora. Si una mujer del gran mundo de la más destacada inteligencia, de la mayor bondad, se hace actriz y despliega grandes talentos en este oficio nuevo para ella y no encuentra en él más que triunfos, si nos encontramos con ella al cabo del tiempo nos extrañará oír no su lenguaje propio, sino el de las comediantes, su especial grosería con los compañeros, lo que treinta años de teatro añaden al ser humano cuando han pasado sobre él. Sobre Raquel habían pasado y no salía del gran mundo.
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-Dígase lo que se quiera, es admirable, tiene línea, carácter, es inteligente, nadie ha dicho nunca los versos así -se adelantó a decir la duquesa temiendo que Gilberta se metiera con Raquel. Pero Gilberta se dirigió hacia otro grupo para evitar un conflicto con su tía.
Mme de Guermantes, au déclin de sa vie, avait senti s′éveiller en soi des curiosités nouvelles. Le monde n′avait plus rien à lui apprendre. L′idée qu′elle y avait la première place était, nous l′avons vu, aussi évidente pour elle que la hauteur du ciel bleu par-dessus la terre. Elle ne croyait pas avoir à affermir une position qu′elle jugeait inébranlable. En revanche, lisant, allant au théâtre, elle eût souhaité avoir un prolongement de ces lectures, de ces spectacles ; comme jadis dans l′étroit petit jardin où on prenait de l′orangeade, tout ce qu′il y avait de plus exquis dans le grand monde venait familièrement, parmi les brises parfumées du soir et les nuages de pollen, entretenir en elle le goût du grand monde, de même maintenant un autre appétit lui faisait souhaiter savoir les raisons de telle polémique littéraire, connaître des auteurs, voir des actrices. Son esprit fatigué réclamait une nouvelle alimentation. Elle se rapprocha, pour connaître les uns et les autres, de femmes avec qui jadis elle n′eût pas voulu échanger de cartes et qui faisaient valoir leur intimité avec le directeur de telle revue dans l′espoir d′avoir la duchesse. La première actrice invitée crut être la seule dans un milieu extraordinaire, lequel parut plus médiocre à la seconde quand elle vit celle qui l′y avait précédée. La duchesse, parce qu′à certains soirs elle recevait des souverains, croyait que rien n′était changé à sa situation. En réalité, elle, la seule d′un sang vraiment sans alliage, elle qui, étant née Guermantes, pouvait signer : Guermantes — Guermantes quand elle ne signait pas : la duchesse de Guermantes — elle qui à ses belles-sœurs mêmes semblait quelque chose de plus précieux que tout, comme un Moî²¥ sauvé des eaux, un Christ échappé en Égypte, un Louis XVII enfui du Temple, le pur du pur, maintenant sacrifiant sans doute à ce besoin héréditaire de nourriture spirituelle qui avait fait la décadence sociale de Mme de Villeparisis, elle était devenue elle-même une Mme de Villeparisis, chez qui les femmes snobs redoutaient de rencontrer telle ou tel, et de laquelle les jeunes gens, constatant le fait accompli sans savoir ce qui l′a précédé, croyaient que c′était une Guermantes d′une moins bonne cuvée, d′une moins bonne année, une Guermantes déclassée.
Madame de Guermantes, en la declinación de su vida, había sentido despertarse en ella curiosidades nuevas. El gran mundo ya no tenía nada que enseñarle. La idea de que ocupaba en él el primer lugar era tan evidente para ella como la altura del cielo azul encima de la tierra. No creía tener que afirmar una posición que juzgaba inquebrantable. En cambio, leyendo, yendo al teatro, le hubiera gustado tener una prolongación de aquellas lecturas, de aquellos espectáculos; así como antaño todo lo más exquisito del gran mundo acudía familiarmente al jardincillo donde se tomaba naranjada, para que conservara, entre las brisas perfumadas de la noche y las nubes de polen, el gusto del gran mundo, así ahora otro apetito la hacía desear conocer las razones de estas o aquellas polémicas literarias, conocer a los autores, ver a las actrices. Su espíritu fatigado reclamaba una nueva alimentación. Por conocer a unos y a otros, se acercó a mujeres con las que en otro tiempo no hubiera querido intercambiar tarjetas y que hacían valer su intimidad con el director de cierta revista esperando ganarse así a la duquesa. La primera actriz invitada creyó ser la única en un medio extraordinario, un medio que a la segunda le pareció más mediocre cuando vio a la que la había precedido. La duquesa, porque ciertas tardes recibía a soberanos, creía que nada había cambiado en su posición. En realidad, ella, la única de una sangre verdaderamente sin mezcla, ella que, nacida Guermantes, podía firmar Guermantes-Guermantes cuando no firmaba La duquesa de Guermantes, ella que incluso a sus cuñadas les parecía algo de lo más preciado, como un Moisés salvado de las aguas, un Cristo huyendo a Egipto, un Luis XVII escapado del Temple, lo más puro de lo más puro, ahora, sin duda ofreciendo un sacrificio en el ara de esa necesidad hereditaria de alimento espiritual que determinó la decadencia social de madame de Villeparisis, había llegado a ser a su vez una madame de Villeparisis, en cuya casa las mujeres snobs temían encontrar a ésta o a la otra, y de la que los jóvenes, comprobando el hecho cumplido sin saber lo que le precedió, creían que era una Guermantes de menor abolengo, de un año menos bueno, una Guermantes venida a menos.
Dans les milieux nouveaux qu′elle fréquentait, restée bien plus la même qu′elle ne croyait, elle continuait à croire que s′ennuyer facilement était une supériorité intellectuelle, mais elle l′exprimait avec une sorte de violence qui donnait à sa voix quelque chose de rauque. Comme je lui parlais de Brichot : « Il m′a assez embêtée pendant vingt ans », et comme Mme de Cambremer disait : « Relisez ce que Schopenhauer dit de la musique », elle nous fit remarquer cette phrase en disant avec violence : « Relisez est un chef-d′œuvre ! Ah ! non, ça, par exemple, il ne faut pas nous la faire. » Alors le vieux d′Albon sourit en reconnaissant une des formes de l′esprit Guermantes.
« On peut dire ce qu′on veut, c′est admirable, cela a de la ligne, du caractère, c′est intelligent, personne n′a jamais dit les vers comme ça », dit la duchesse en parlant de Rachel, craignant que Gilberte ne la débinât. Celle-ci s′éloigna vers un autre groupe pour éviter un conflit avec sa tante, laquelle, d′ailleurs, ne dit sur Rachel que des choses fort ordinaires.
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Mais puisque les meilleurs écrivains cessent souvent aux approches de la vieillesse, ou après un excès de production, d′avoir du talent, on peut bien excuser les femmes du monde de cesser, à partir d′un certain moment, d′avoir de l′esprit. Swann ne retrouvait plus dans l′esprit dur de la duchesse de Guermantes le « fondu » de la jeune princesse des Laumes. Sur le tard, fatiguée au moindre effort, Mme de Guermantes disait énormément de bêtises. Certes, à tout moment et bien des fois au cours même de cette matinée, elle redevenait la femme que j′avais connue et parlait des choses mondaines avec esprit. Mais à côté de cela, bien souvent il arrivait que cette parole pétillante sous un beau regard, et qui pendant tant d′années avait tenu sous son sceptre spirituel les hommes les plus éminents de Paris, scintillât encore mais, pour ainsi dire, à vide. Quand le moment de placer un mot venait, elle s′interrompait pendant le même nombre de secondes qu′autrefois, elle avait l′air d′hésiter, de produire, mais le mot qu′elle lançait alors ne valait rien. Combien peu de personnes, d′ailleurs, s′en apercevaient, la continuité du procédé leur faisant croire à la survivance de l′esprit, comme il arrive à ces gens qui, superstitieusement attachés à une marque de pâtisserie, continuent à faire venir leurs petits fours d′une même maison sans s′apercevoir qu′ils sont devenus détestables. Déjà, pendant la guerre, la duchesse avait donné des marques de cet affaiblissement. Si quelqu′un disait le mot culture, elle l′arrêtait, souriait, allumait son beau regard, et lançait : « la KKKKultur », ce qui faisait rire les amis, qui croyaient retrouver là l′esprit des Guermantes. Et certes, c′était le même moule, la même intonation, le même sourire qui avaient jadis ravi Bergotte, lequel, du reste, s′il avait vécu, eût aussi gardé ses coupes de phrase, ses interjections, ses points suspensifs, ses épithètes, mais pour ne rien dire. Mais les nouveaux venus s′étonnaient et parfois disaient, s′ils n′étaient pas tombés un jour où elle était drôle et en pleine possession de ses moyens : « Comme elle est bête ! » La duchesse, d′ailleurs, s′arrangeait pour canaliser son encanaillement et ne pas le laisser s′étendre à celles des personnes de sa famille desquelles elle tirait une gloire aristocratique. Si au théâtre elle avait, pour remplir son rôle de protectrice des arts, invité un ministre ou un peintre et que celui-ci ou celui-là lui demandât naîµ¥ment si sa belle-sœur ou son mari n′étaient pas dans la salle, la duchesse, timorée, avec les apparences superbes de l′audace, répondait insolemment : « Je n′en sais rien. Dès que je sors de chez moi, je ne sais plus ce que fait ma famille. Pour tous les hommes politiques, pour tous les artistes, je suis veuve. » Ainsi s′évitait-elle que le parvenu trop empressé s′attirât des rebuffades — et lui attirât à elle-même des réprimandes — de M. de Marsantes et de Basin.
Pero puesto que los mejores escritores, al acercarse la vejez o después de un exceso de producción, dejan a veces de tener talento, bien se puede disculpar que las mujeres del gran mundo, a partir de cierto momento, dejen de ser inteligentes. Swann no encontraba ya en la inteligencia dura de la duquesa de Guermantes la «ductilidad» de la joven princesa de Laumes. Madame de Guermantes, fatigada al menor esfuerzo, decía a destiempo muchísimas tonterías. Cierto que, en todo momento y muchas veces en aquella misma fiesta, volvía a ser la mujer que conocí y hablaba de cosas mundanas con ingenio. Pero al lado de esto ocurría a menudo que aquella palabra chispeante bajo unos bellos ojos, y que durante tanto tiempo mantuvo bajo su cetro espiritual a los hombres más eminentes de París, centelleaba todavía, pero, por decirlo así, en el vacío. Cuando llegaba el momento de colocar una frase, se interrumpía durante el mismo número de segundos que en otro tiempo, parecía dudar, producir, pero la frase que lanzaba entonces no valía nada. ¡Y qué pocas personas lo notaban! La continuidad del procedimiento les hacía creer en la supervivencia del ingenio, como les ocurre a esas personas que, supersticiosamente apegadas a una marca de pastelería, siguen encargando las pastas a una misma casa sin darse cuenta de que ahora son detestables. Ya durante la guerra, la duquesa había dado muestras de este debilitamiento. Si alguien decía la palabra cultura, ella le detenía, sonreía, encendía su bella mirada y lanzaba: «la KKKKultura», lo que hacía reír a los amigos que creían hallar de nuevo en esto el ingenio de los Guermantes. Y desde luego el molde era el mismo, la misma entonación, la misma sonrisa que habían encantado a Bergotte, el cual, por lo demás, había conservado también sus mismos cortes de frase, sus interjecciones, sus puntos suspensivos, sus epítetos, mas para no decir nada. Pero los recién llegados se extrañaban, y a veces, si no caían un día en que estaba graciosa y «en plena posesión de sus medios», decían: «¡Qué tonta es! » Por otra parte, la duquesa se las arreglaba para canalizar su encanallamiento y que no se extendiera a las personas de su familia que le valían una gloria aristocrática. Si, en el teatro, cumpliendo su papel de protectora de las artes, había invitado a un ministro o a un pintor y éste o aquél le preguntaba ingenuamente si su cuñada o su marido estaban allí, la duquesa, timorata con las soberbias apariencias de la audacia, contestaba insolente: «No lo sé. Yo, desde que salgo de casa, ya no sé lo que hace mi familia. Para todos los hombres políticos, para todos los artistas, soy viuda». Así evitaba que el recién llegado, demasiado expresivo, se ganara sofiones -y le valiera a ella misma reprimendas- de madame de Marsantes y de Basin.
Je dis à Mme de Guermantes que j′avais rencontré M. de Charlus. Elle le trouvait encore plus « baissé » qu′il n′était, les gens du monde faisant des différences, en ce qui concerne l′intelligence, non seulement entre divers gens du monde chez lesquels elle est à peu près semblable, mais même chez une même personne à différents moments de sa vie. Puis elle ajouta : « Il a toujours été le portrait de ma belle-mère ; c′est encore plus frappant maintenant. » Cette ressemblance n′avait rien d′extraordinaire. On sait, en effet, que certaines femmes se projettent en quelque sorte elles-mêmes en un autre être avec la plus grande exactitude, la seule erreur est dans le sexe. Erreur dont on ne peut pas dire : felix culpa, car le sexe réagit sur la personnalité, et chez un homme le féminisme devient afféterie, la réserve susceptibilité, etc. N′importe, dans la figure, fût-elle barbue, dans les joues, même congestionnées sous les favoris, il y a certaines lignes superposables à quelque portrait maternel. Il n′est guère de vieux Charlus qui ne soit une ruine où l′on ne reconnaisse avec étonnement sous tous les empâtements de la graisse et de la poudre de riz quelques fragments d′une belle femme en sa jeunesse éternelle.
« Je ne peux pas vous dire comme ça me fait plaisir de vous voir, reprit la duchesse. Mon Dieu, quand est-ce que je vous avais vu la dernière foisÂ… — En visite chez Mme d′Agrigente où je vous trouvais souvent.— Naturellement, j′y allais souvent, mon pauvre petit, comme Basin l′aimait à ce moment-là. C′est toujours chez sa bonne amie du moment qu′on me rencontrait le plus parce qu′il me disait : « Ne manquez pas d′aller lui faire une visite. » Au fond, cela me paraissait un peu inconvenant cette espèce de « visite de digestion » qu′il m′envoyait faire une fois qu′il avait consommé. J′avais fini assez vite par m′y habituer, mais ce qu′il y avait de plus ennuyeux c′est que j′étais obligée de garder des relations après qu′il avait rompu les siennes.
Ça me faisait toujours penser au vers de Victor Hugo : « Emporte le bonheur et laisse-moi l′ennui. » Comme dans la poésie j′entrais tout de même avec un sourire, mais vraiment ce n′était pas juste, il aurait dû me laisser, à l′égard de ses maîtresses, le droit d′être volage, car, en accumulant tous ses laissés pour compte, j′avais fini par ne plus avoir une après-midi à moi. D′ailleurs, ce temps me semble doux relativement au présent. Mon Dieu, qu′il se soit remis à me tromper, ça ne pourrait que me flatter parce que ça me rajeunit. Mais je préférais son ancienne manière. Dame, il y avait trop longtemps qu′il ne m′avait trompée, il ne se rappelait plus la manière de s′y prendre ! Ah ! mais nous ne sommes pas mal ensemble tout de même, nous nous parlons, nous nous aimons même assez », me dit la duchesse, craignant que je n′eusse compris qu′ils étaient tout à fait séparés, et comme on dit de quelqu′un qui est très malade : « Mais il parle encore très bien, je lui ai fait la lecture ce matin pendant une heure », elle ajouta : « Je vais lui dire que vous êtes là, il voudra vous voir. » Et elle alla près du duc qui, assis sur un canapé auprès d′une dame, causait avec elle. Mais en voyant sa femme venir lui parler, il prit un air si furieux qu′elle ne put que se retirer. « Il est occupé, je ne sais pas ce qu′il fait, nous verrons tout à l′heure », me dit Mme de Guermantes préférant me laisser me débrouiller. Bloch s′étant approché de nous et ayant demandé, de la part de son Américaine, qui était une jeune duchesse qui était là, je répondis que c′était la nièce de M. de Bréauté, nom sur lequel Bloch, à qui il ne disait rien, demanda des explications. « Ah ! Bréauté, s′écria Mme de Guermantes, en s′adressant à moi, vous vous rappelez ? Mon Dieu, que tout cela est loin ! » Puis, se tournant vers Bloch : « Hé bien, c′était un snob. C′étaient des gens qui habitaient près de chez ma belle-mère. Cela ne vous intéresserait pas, c′est amusant pour ce petit, ajouta-t-elle en me désignant, qui a connu tout ça autrefois en même temps que moi », ajouta Mme de Guermantes me montrant par ces paroles, de bien des manières, le long temps qui s′était écoulé. Les amitiés, les opinions de Mme de Guermantes s′étaient tant renouvelées depuis ce moment-là qu′elle considérait son charmant Babal comme un snob. D′autre part, il ne se trouvait pas seulement reculé dans le temps, mais, chose dont je ne m′étais pas rendu compte quand, à mes débuts dans le monde, je l′avais cru une des notabilités essentielles de Paris, qui resterait toujours associé à son histoire mondaine comme celui de Colbert à celle du règne de Louis XIV, il avait lui aussi sa marque provinciale, il était un voisin de campagne de la vieille duchesse, avec lequel la princesse des Laumes s′était liée comme tel. Pourtant ce Bréauté, dépouillé de son esprit, relégué dans ses années si lointaines qu′il datait, ce qui prouvait qu′il avait été entièrement oublié depuis par la duchesse, et dans les environs de Guermantes, était entre la duchesse et moi, ce que je n′eusse jamais cru le premier soir à l′Opéra-Comique quand il m′avait paru un Dieu nautique habitant son antre marin, un lien, parce qu′elle se rappelait que je l′avais connu, donc que j′étais son ami à elle, sinon sorti du même monde qu′elle, du moins vivant dans le même monde qu′elle depuis bien plus longtemps que bien des personnes présentes, qu′elle se le rappelait, et assez imparfaitement cependant pour avoir oublié certains détails qui m′avaient à moi semblé alors essentiels, que je n′allais pas à Guermantes et n′étais qu′un petit bourgeois de Combray, au temps où elle venait à la messe de mariage de Mlle Percepied, qu′elle ne m′invitait pas, malgré toutes les prières de Saint-Loup, dans l′année qui suivit son apparition à l′Opéra-Comique.
-No sabe usted cómo me alegra verle. Dios mío, ¿cuándo le vi la última vez?... -De visita en casa de madame d′Agrigente, donde la veía a usted a menudo. -Claro que sí, yo iba a menudo, hijito mío, porque a Basin le gustaba en aquel momento. Siempre me reunía con él en casa de su amiguita del momento, porque me decía: «No dejes de ir a hacerle una visita». En el fondo, esto me parecía un poco inconveniente, como una especie de «visita de digestión» que me mandaba hacer una vez que él había consumido. Acabé por acostumbrarme bastante pronto. Pero lo peor es que yo tenía que conservar las relaciones después de romper él las suyas. Esto me hacía pensar siempre en el verso de Víctor Hugo: i>Emporte le bonheur et laisse-moi l′ennui. Como ocurre en la misma poesía, yo entraba a pesar de todo con una sonrisa, pero verdaderamente no era justo; Basin debía haberme dejado el derecho de ser versátil con sus queridas, pues, acumulando así todas las que él iba dejando, acabé por no tener una sola tarde para mí. De todos modos, aquel tiempo ahora me parece dulce, en comparación con el presente. Que haya vuelto a engañarme no podría sino serme grato, porque eso me rejuvenece. Pero preferiría su antigua manera. Hacía mucho tiempo que no me engañaba y ya no se acordaba de la manera de hacerlo. ¡Ah!, pero no nos llevamos mal de todas maneras, nos hablamos, y hasta nos queremos bastante -me dijo la duquesa, temiendo que yo hubiese comprendido que estaban completamente separados, y como quien dice de alguien que está muy enfermo: «Pero habla muy bien todavía, le estuve leyendo esta mañana durante una hora». Añadió-: Voy a decirle que está usted aquí, querrá verle. -Y se dirigió hacia el duque, que estaba sentado en un canapé junto a una señora, hablando con ella. Me sorprendió encontrarle lo mismo que antes, sólo con el pelo más blanco, tan majestuoso y tan guapo como siempre. Pero al ver a su mujer, que se acercaba a hablarle, puso un gesto tan fiero que la duquesa no tuvo más remedio que retirarse-. Está ocupado, no sé lo que hace, ya le verá usted luego -me dijo madame de Guermantes, prefiriendo dejarme que me las arreglara solo. Se acercó Bloch a nosotros y me preguntó de parte de su americana quién era una joven duquesa que estaba allí; le contesté que era la sobrina de monsieur de Bréauté, pero a Bloch no le decía nada este nombre y pidió explicaciones- . ¡Ah, Bréauté! -exclamó madame de Guermantes dirigiéndose a mí-; se acuerda usted de eso. ¡Qué viejo, qué lejano! Era un snob. Una de aquellas personas que vivían cerca de casa de mi suegra. No le interesaría a usted, monsieur Bloch; es curioso para este pequeño, que conoció todo eso en otro tiempo a la vez que yo -añadió madame de Guermantes señalándome, y demostrándome con estas palabras de muchas maneras todo el tiempo que había transcurrido. Las amistades, las opiniones de madame de Guermantes se habían renovado tanto desde aquella época, que consideraba retrospectivamente como un snob a su encantador Babal. Por otra parte, no sólo se había quedado atrás en el tiempo, sino que tenía también él -y de esto no me había dado cuenta cuando, al entrar yo en el gran mundo, le creí una de las notabilidades esenciales de París, pensando que permanecería siempre asociado a su historia mundana como Colbert a la del reinado de Luis XIV- su marca provinciana, era vecino de campo de la vieja duquesa, y como tal se había relacionado con él la princesa de Laumes. Sin embargo, este Bréauté, despojado de su ingenio, relegado a unos años tan lejanos cuya época marcaba él (lo que demostraba que, desde entonces, la duquesa le había olvidado por completo) y en los alrededores de Guermantes, era -cosa que jamás creyera yo la primera noche de la ópera cómica, cuando me pareció un dios náutico que habitaba en su antro marino- un lazo entre la duquesa y yo, porque ella recordaba que yo le había conocido, luego que yo era amigo de ella, si no procedente del mismo mundo que ella, al menos viviendo en el mismo mundo desde hacía mucho más tiempo que muchas personas presentes, que ella lo recordaba, y bastante imperfectamente sin embargo, puesto que había olvidado ciertos detalles que entonces me parecían a mí esenciales: que yo no iba a Guermantes y no era más que un pequeño burgués de Combray en el tiempo en que ella asistía a la misa de boda de mademoiselle Percepied, a quien ella no invitaba, a pesar de todos los ruegos de Saint- Loup, en los años siguientes a su aparición en la ópera Cómica.
À moi cela me semblait capital, car c′est justement à ce moment-là que la vie de la duchesse de Guermantes m′apparaissait comme un Paradis où je n′entrerais pas, mais, pour elle, elle lui apparaissait comme sa même vie médiocre de toujours, et puisque j′avais, à partir d′un certain moment, dîné souvent chez elle, que j′avais d′ailleurs été, avant cela même, un ami de sa tante et de son neveu, elle ne savait plus exactement à quelle époque notre intimité avait commencé et ne se rendait pas compte du formidable anachronisme qu′elle faisait en faisant commencer cette amitié quelques années trop tôt. Car cela faisait que j′eusse connu la Mme de Guermantes du nom de Guermantes impossible à connaître, que j′eusse été reçu dans le nom aux syllabes dorées, dans le faubourg Saint-Germain, alors que tout simplement j′étais allé dîner chez une dame qui n′était déjà plus pour moi qu′une dame comme une autre, et qui m′avait fait quelquefois inviter, non à descendre dans le royaume sous-marin des néréides mais à passer la soirée dans la baignoire de sa cousine. « Si vous voulez des détails sur Bréauté, qui n′en valait guère la peine, ajouta-t-elle en s′adressant à Bloch, demandez-en à ce petit qui le vaut cent fois : il a dîné cinquante fois avec lui chez moi. N′est-ce pas que c′est chez moi que vous l′avez connu ? En tout cas, c′est chez moi que vous avez connu Swann. » Et j′étais aussi surpris qu′elle pût croire que j′avais peut-être connu M. de Bréauté ailleurs que chez elle, donc que j′allasse dans ce monde-là avant de la connaître, que de voir qu′elle croyait que c′était chez elle que j′avais connu Swann. Moins mensongèrement que Gilberte quand elle disait de Bréauté : « C′est un vieux voisin de campagne, j′ai plaisir à parler avec lui de Tansonville », alors qu′autrefois, à Tansonville, il ne les fréquentait pas, j′aurais pu dire : « C′est un voisin de campagne qui venait souvent nous voir le soir », de Swann qui, en effet, me rappelait tout autre chose que les Guermantes. « Je ne saurais pas vous dire ! reprit-elle. C′était un homme qui avait tout dit quand il parlait d′Altesses. Il avait un lot d′histoires assez drôles sur des gens de Guermantes, sur ma belle-mère, sur Mme de Varambon avant qu′elle fût auprès de la princesse de Parme. Mais qui sait aujourd′hui qui était Mme de Varambon ? Ce petit-là, oui, il a connu tout ça, mais tout ça c′est fini, ce sont des gens dont le nom même n′existe plus et qui, d′ailleurs, ne mériteraient pas de survivre. » Et je me rendais compte, malgré cette chose une que semble le monde, et où, en effet, les rapports sociaux arrivent à leur maximum de concentration et où tout communique, comme il y reste des provinces, ou du moins comme le Temps en fait qui changent de nom, qui ne sont plus compréhensibles pour ceux qui y arrivent seulement quand la configuration a changé. « C′était une bonne dame qui disait des choses d′une bêtise inouî£ », reprit en parlant de Mme de Varambon la duchesse qui, insensible à cette poésie de l′incompréhensible, qui est un effet du temps, dégageait en toute chose l′élément drôle, assimilable à la littérature genre Meilhac, à l′esprit des Guermantes. « À un moment, elle avait la manie d′avaler tout le temps des pastilles qu′on donnait dans ce temps-là contre la toux et qui s′appelaient — ajouta-t-elle en riant elle-même d′un nom si spécial, si connu autrefois, si inconnu aujourd′hui des gens à qui elle parlait — des pastilles Géraudel. « Madame de Varambon, lui disait ma belle-mère, en avalant tout le temps comme cela des pastilles Géraudel, vous vous ferez mal à l′estomac. » « Mais Madame la Duchesse, répondait Mme de Varambon, comment voulez-vous que cela fasse mal à l′estomac puisque cela va dans les bronches ? » Et puis c′est elle qui disait : « La duchesse a une vache si belle qu′on la prend toujours pour étalon. » Et Mme de Guermantes eût volontiers continué à raconter des histoires de Mme de Varambon, dont nous connaissions des centaines, mais nous sentions bien que ce nom n′éveillait dans la mémoire ignorante de Bloch aucune des images qui se levaient pour nous aussitôt qu′il était question de Mme de Varambon, de M. de Bréauté, du prince d′Agrigente et, à cause de cela même, excitait peut-être chez lui un prestige que je savais exagéré mais que je trouvais compréhensible, non pas parce que je l′avais moi-même subi, nos propres erreurs et nos propres ridicules ayant rarement pour effet de nous rendre, même quand nous les avons percés à jour, plus indulgents à ceux des autres.
A mí esto me parecía capital, pues precisamente en aquel momento la vida de la duquesa de Guermantes me parecía como un paraíso en el que yo no entraría. Pero a ella le parecía como su misma vida mediocre de siempre, y como, a partir de cierto momento, yo había comido a menudo en su casa; como, además, había sido, aun antes de aquel momento, un amigo de su tía y de su sobrino, no sabía exactamente en qué época comenzó nuestra intimidad y no se daba cuenta del formidable anacronismo que cometía poniendo el comienzo de nuestra amistad unos años antes. Pues con esto resultaba que yo habría conocido a la madame de Guermantes con el nombre de Guermantes, cosa imposible, que habría sido recibido en el nombre de sílabas doradas, en el Faubourg Saint-Germain, cuando no había hecho más que ir a comer a casa de una dama como otra cualquiera, y que me había invitado a veces, no a descender al reino submarino de las Nereidas, sino a pasar la velada en el palco de su prima-. Si usted quiere detalles sobre Bréauté, que no valía mucho la pena -añadió dirigiéndose a Bloch-, pídaselos a este pequeño (que vale cien veces más): ha comido cincuenta veces con él en mi casa. ¿Verdad que fue en mi casa donde le conoció? En todo caso, fue en mi casa donde conoció a Swann. -Y me sorprendió tanto que pudiera creer que yo había conocido a monsieur de Bréauté en otro sitio y, por consiguiente, que yo frecuentaba el gran mundo antes de conocerla, como ver que creía que había conocido en su casa a Swann. Mintiendo menos que Gilberta cuando decía de Bréauté: «Es un antiguo vecino del campo, me gusta hablar con él de Tansonville», cuando la verdad es que en otro tiempo, en Tansonville, no los trataba, habría podido decir yo de Swann: «Es un vecino del campo que venía a menudo a vernos por la noche», cuando la verdad es que Swann me recordaba en realidad algo muy distinto de los Guermantes-. No sé cómo decirle. Era un hombre que se le llenaba la boca hablando de altezas. Tenía un lote de historias bastante divertidas sobre gente de Guermantes, sobre mi suegra, sobre madame de Varambon antes de estar con la princesa de Parma. Pero ¿quién sabe hoy quién era madame de Varambon? Sí, este pequeño ha conocido a toda esa gente, pero todo eso se acabó, es una gente de la que no queda ni el nombre y que, por lo demás, no merecía sobrevivir. -Y a pesar de que el gran mundo parece una cosa homogénea y de que, en realidad, las relaciones sociales llegan en él al máximo de concentración y todo en él se comunica, me daba cuenta de que quedan provincias, o al menos de que el Tiempo las forma, que cambian de nombre y que no son ya comprensibles para los que llegan a ellas después de cambiar su configuración. -Era una buena señora que decía unas cosas increíblemente estúpidas -continuó la duquesa, que, insensible a esa poesía de lo incomprensible que es un efecto del tiempo, extraía de todo el elemento gracioso, asimilable a la literatura tipo Meilhac, ingenio de los Guermantes-. Durante un tiempo tuvo la manía de tragar continuamente unas pastillas que entonces daban contra la tos y que se llamaban pastillas Géraudel -añadió riéndose ella misma de un nombre tan especial, tan conocido antaño, tan desconocido hoy para las personas a quienes hablaba-. «Madame de Varambon (le decía mi suegra), tantas pastillas Géraudel le van a estropear el estómago.» «Pero señora duquesa (contestaba madame de Varambon), ¿cómo quiere usted que hagan daño al estómago si van a los bronquios?» Y después decía ella: «La duquesa tiene una vaca tan hermosa, tan hermosa, que la toman siempre por un semental». Y madame de Guermantes hubiera seguido con mucho gusto contando historias de madame de Varambon, de las que conocíamos centenares, pero nos dábamos cuenta de que aquel nombre no despertaba en la memoria ignorante de Bloch ninguna de las imágenes que surgían para nosotros en cuanto se trataba de madame de Varambon, de monsieur de Bréauté, del príncipe de Agrigente y, por esto mismo, evocaba quizá en él un prestigio que yo sabía exagerado pero que me parecía comprensible, no por haberlo experimentado yo mismo, pues nuestros propios errores y nuestras propias ridiculeces rara vez nos tornan, aun cuando nos demos cuenta de ellos, más indulgentes para los de los demás.
Â…
La realidad, insignificante por lo demás, de aquel tiempo tan lejano se había perdido de tal modo que alguien preguntó no lejos de mí si la finca de Tansonville la había heredado Gilberta de su padre monsieur de Forcheville, y otro contestó: «¡Nada de eso! Procede de la familia de su marido. Todo eso es de la parte de Guermantes. Tansonville está muy cerca de Guermantes. Perteneció a madame de Marsantes, la madre del marqués de Saint- Loup. Sólo que estaba muy hipotecada. Por eso se la dieron como dote al novio y la fortuna de mademoiselle de Forcheville la redimió». Otra vez, alguien a quien yo hablaba de Swann para hacerle comprender lo que era un hombre de talento, me dijo: «¡Oh, sí!, la duquesa de Guermantes me ha contado frases de él; era un señor al que usted conoció en casa de ella, ¿verdad?»
Le passé s′était tellement transformé dans l′esprit de la duchesse, ou bien les démarcations qui existaient dans le mien avaient été toujours si absentes du sien, que ce qui avait été événement pour moi avait passé inaperçu d′elle, qu′elle pouvait supposer non seulement que j′avais connu Swann chez elle et M. de Bréauté ailleurs, me faisant ainsi un passé d′homme du monde qu′elle reculait même trop loin. Car cette notion du temps écoulé, que je venais d′acquérir, la duchesse l′avait aussi, et même, avec une illusion inverse de celle qui avait été la mienne de le croire plus court qu′il n′était, elle, au contraire, exagérait, elle le faisait remonter trop haut notamment, sans tenir compte de cette infinie ligne de démarcation entre le moment où elle était pour moi un nom — puis l′objet de mon amour — et le moment où elle n′avait été pour moi qu′une femme du monde quelconque. Or, je n′étais allé chez elle que dans cette seconde période où elle était pour moi une autre personne. Mais à ses propres yeux ces différences échappaient, et elle n′eût pas trouvé plus singulier que j′eusse été chez elle deux ans plus tôt, ne sachant pas qu′elle était alors pour moi une autre personne, sa personne n′offrant pas pour elle-même, comme pour moi, de discontinuité.
Realmente, el pasado se había transformado de tal modo en el espíritu de la duquesa (o bien las demarcaciones que existían en el mío habían estado siempre tan lejos del suyo que lo que fue acontecimiento para mí pasó inadvertido para ella) que podía suponer que yo había conocido a Swann en su casa y también a monsieur de Bréauté, formándome así un pasado de hombre del gran mundo que ella llevaba incluso demasiado atrás. Pues aquella noción del tiempo transcurrido que yo acababa de adquirir, la duquesa la tenía también, y es más, ella, con una ilusión inversa a la mía al creerlo más corto de lo que era, exageraba en cambio, lo hacía remontar demasiado lejos, especialmente sin tener en cuenta esa infinita línea de demarcación entre el momento en que fue para mí un nombre, después el objeto de mi amor, y el momento en que ya no fue para mí más que una mujer cualquiera del gran mundo. Ahora bien, yo no había ido a su casa hasta aquel segundo período en que ella era para mí otra persona. Pero estas diferencias escapaban a sus propios ojos, y no le habría parecido singular que yo hubiese estado en su casa dos años antes, sin saber que era otra persona, con otras alfombras, y su persona no tenía para ella misma, como para mí, ninguna discontinuidad.
Je dis à la duchesse de Guermantes, en lui racontant que Bloch avait cru que c′était l′ancienne princesse de Guermantes qui recevait : « Cela me rappelle la première soirée où je suis allé chez la princesse de Guermantes, où je croyais ne pas être invité et qu′on allait me mettre à la porte, et où vous aviez une robe toute rouge et des souliers rouges. — Mon Dieu, que c′est vieux, tout cela », me répondit la duchesse, accentuant pour moi l′impression du temps écoulé. Elle regardait dans le lointain avec mélancolie et pourtant insista particulièrement sur la robe rouge. Je lui demandai de me la décrire, ce qu′elle fit complaisamment. « Maintenant cela ne se porterait plus du tout. C′étaient des robes qui se portaient dans ce temps-là. — Mais est-ce que ce n′était pas joli ? » lui dis-je. Elle avait toujours peur de donner un avantage contre elle par ses paroles, de dire quelque chose qui la diminuât. « Mais si, moi je trouvais cela très joli. On n′en porte pas parce que cela ne se fait plus en ce moment. Mais cela se reportera, toutes les modes reviennent, en robes, en musique, en peinture », ajouta-t-elle avec force, car elle croyait une certaine originalité à cette philosophie. Cependant la tristesse de vieillir lui rendit sa lassitude qu′un sourire lui disputa : « Vous êtes sûr que c′étaient des souliers rouges ? Je croyais que c′étaient des souliers d′or. » J′assurai que cela m′était infiniment présent à l′esprit, sans dire la circonstance qui me permettait de l′affirmer. « Vous êtes gentil de vous rappeler cela », me dit-elle d′un air tendre, car les femmes appellent gentillesse se souvenir de leur beauté comme les artistes admirer leurs œuvres. D′ailleurs, si lointain que soit le passé, quand on est une femme de tête comme la duchesse, il peut ne pas être oublié. « Vous rappelez-vous, me dit-elle en remerciement de mon souvenir pour sa robe et ses souliers, que nous vous avons ramené, Basin et moi ? Vous aviez une jeune fille qui devait venir vous voir après minuit. Basin riait de tout son cœur en pensant qu′on vous faisait des visites à cette heure-là. » Je me rappelais, en effet, que ce soir-là Albertine était venue me voir après la soirée de la princesse de Guermantes, je me le rappelais aussi bien que la duchesse, moi à qui Albertine était maintenant aussi indifférente qu′elle l′eût été à Mme de Guermantes, si Mme de Guermantes eût su que la jeune fille à cause de qui je n′avais pas pu entrer chez eux était Albertine. C′est que longtemps après que les pauvres morts sont sortis de nos cœurs, leur poussière indifférente continue à être mêlée, à servir d′alliage, aux circonstances du passé. Et, sans plus les aimer, il arrive qu′en évoquant une chambre, une allée, un chemin, où ils furent à une certaine heure, nous sommes obligés, pour que la place qu′ils occupaient soit remplie, de faire allusion à eux, même sans les regretter, même sans les nommer, même sans permettre qu′on les identifie. (Mme de Guermantes n′identifiait guère la jeune fille qui devait venir ce soir-là, n′avait jamais su son nom et n′en parlait qu′à cause de la bizarrerie de l′heure et de la circonstance.) Telles sont les formes dernières et peu enviables de la survivance.
Le dije: -Eso me recuerda la primera noche que fui a casa de la princesa de Guermantes, creyendo que no estaba invitado y que me iban a poner en la puerta; usted llevaba un vestido rojo y unos zapatos rojos. -¡Santo Dios, qué viejo es todo eso! -exclamó la duquesa de Guermantes, acentuando así para mí la impresión del tiempo transcurrido. Miraba a lo lejos con melancolía y sin embargo insistió particularmente en el vestido rojo. Le pedí que me lo describiera, lo que hizo complaciente-. Ahora ya no se llevaría eso. Eran unos vestidos que se llevaban en aquellos tiempos. -Pero ¿no era bonito? -le dije. La duquesa tenía siempre miedo de dar una ventaja contra ella con sus palabras, de decir algo que la disminuyera. -Claro que sí, a mí me parecía aquello muy bonito. Ya no se lleva porque ya no se hace. Pero se volverá a llevar; todas las modas vuelven, en vestidos, en música, en pintura -añadió con fuerza, pues creía encontrar cierta originalidad en esta filosofía. Pero la tristeza de envejecer le devolvió su lasitud, que una sonrisa le disputó-. ¿Está usted seguro de que eran zapatos rojos? Yo creía que eran dorados. -Le aseguré que me acordaba perfectamente, sin decir la circunstancia que me permitía afirmarlo-. Es usted muy amable recordando eso -me dijo en un tono tierno, pues las mujeres llaman amabilidad a acordarse de su belleza, como los artistas a admirar sus obras. Por otra parte, por lejano que sea el pasado, cuando se es una mujer inteligente como era la duquesa, puede no olvidarse-. ¿Recuerda usted -me dijo en agradecimiento a mi recuerdo de su vestido y de sus zapatos- que le llevamos Basin y yo a su casa? Esperaba usted a una muchacha que iba a ir a verle después de medianoche. Basin se reía con toda el alma pensando que recibía usted visitas a tales horas. -En efecto, aquella noche fue Albertina a verme después de la fiesta de la princesa de Guermantes; lo recordaba tan bien como la duquesa, aunque Albertina me era ya tan indiferente como lo sería para madame de Guermantes si madame de Guermantes supiera que la muchacha por la que no pude entrar en su casa era Albertina. Y es que mucho tiempo después de salir de nuestro corazón los pobres muertos, su polvo indiferente sigue mezclado, sirviendo de aleación, a las circunstancias del pasado. Y, sin amarlos ya, ocurre que al evocar una habitación, una avenida, un camino, donde ellos estuvieron a cierta hora, nos vemos obligados, para que ocupen su sitio, a aludir a ellos, aun sin echarlos de menos, aun sin nombrarlos, aun sin permitir que los identifiquen. (Madame de Guermantes no identificaba a la muchacha que tenía que ir a mi casa aquella noche, no supo nunca quién fue y sólo por la singularidad de la hora y de la circunstancia se refirió a ella.) Tales son las formas últimas y poco envidiables de la supervivencia.
Si les jugements que la duchesse porta ensuite sur Rachel furent en eux-mêmes médiocres, ils m′intéressèrent en ce que, eux aussi, marquaient une heure nouvelle sur le cadran. Car la duchesse n′avait pas plus complètement que Rachel perdu le souvenir de la soirée que celle-ci avait passée chez elle, mais ce souvenir n′y avait pas subi une moindre transformation. « Je vous dirai, me dit-elle, que cela m′intéresse d′autant plus de l′entendre, et de l′entendre acclamer, que je l′ai dénichée, appréciée, prônée, imposée à une époque où personne ne la connaissait et où tout le monde se moquait d′elle. Oui, mon petit, cela va vous étonner, mais la première maison où elle s′est fait entendre en public, c′est chez moi ! Oui, pendant que tous les gens prétendus d′avant-garde, comme ma nouvelle cousine, dit-elle en montrant ironiquement la princesse de Guermantes qui, pour Oriane, restait Mme Verdurin, l′auraient laissée crever de faim sans daigner l′entendre, je l′avais trouvée intéressante et je lui avais fait offrir un cachet pour venir jouer chez moi devant tout ce que nous faisions de mieux comme gratin. Je peux dire, d′un mot un peu bête et prétentieux, car, au fond, le talent n′a besoin de personne, que je l′ai lancée. Bien entendu, elle n′avait pas besoin de moi. » J′esquissai un geste de protestation et je vis que Mme de Guermantes était toute prête à accueillir la thèse opposée : « Si ? Vous croyez que le talent a besoin d′un appui ? Au fond, vous avez peut-être raison. C′est curieux, vous dites justement ce que Dumas me disait autrefois. Dans ce cas je suis extrêmement flattée si je suis pour quelque chose, pour si peu que ce soit, non pas évidemment dans le talent, mais dans la renommée d′une telle artiste. » Mme de Guermantes préférait abandonner son idée que le talent perce tout seul comme un abcès, parce que c′était plus flatteur pour elle, mais aussi parce que depuis quelque temps, recevant des nouveaux venus, et étant du reste fatiguée, elle s′était faite assez humble, interrogeant les autres, leur demandant leur opinion pour s′en former une. « Je n′ai pas besoin de vous dire, reprit-elle, que cet intelligent public, qui s′appelle le monde, ne comprenait absolument rien à cela. On protestait, on riait. J′avais beau leur dire : « C′est curieux, c′est intéressant, c′est quelque chose qui n′a encore jamais été fait », on ne me croyait pas, comme on ne m′a jamais crue pour rien. C′est comme la chose qu′elle jouait, c′était une chose de Maeterlinck, maintenant c′est très connu, mais à ce moment-là tout le monde s′en moquait, eh bien, moi je trouvais ça admirable.
Ça m′étonne même, quand j′y pense, qu′une paysanne comme moi, qui n′ai que l′éducation des filles de province, ait aimé du premier coup ces choses-là. Naturellement, je n′aurais pas pu dire pourquoi, mais ça me plaisait, ça me remuait ; tenez, Basin qui n′a rien d′un sensible avait été frappé de l′effet que ça me produisait. Il m′avait dit : « Je ne veux plus que vous entendiez ces absurdités, ça vous rend malade. » Et c′était vrai parce qu′on me prend pour une femme sèche et que je suis, au fond, un paquet de nerfs. »
Si los juicios de la duquesa sobre Raquel eran mediocres en sí mismos, me interesaban porque, también ellos, marcaban una hora nueva en la esfera del reloj. Pues la duquesa no había perdido más que lo perdiera Raquel el recuerdo de la velada que ésta pasó en su casa, pero tampoco había sido menor en la duquesa que en Raquel la transformación de aquel recuerdo. -Debo decirle -me advirtió- que me interesa tanto más oírla, y oír aclamarla, cuanto que yo la descubrí, la valoré, la levanté, la impuse en una época en que nadie la conocía y en que todo el mundo se burlaba de ella. Sí, hijito, esto le extrañará, pero la primera casa donde la oyeron en público fue la mía. Sí, mientras que todas las personas supuestamente de vanguardia como mi nueva prima -dijo señalando irónicamente a la princesa de Guermantes, que para Oriana seguía siendo madame Verdurin- la habrían dejado morir de hambre sin dignarse oírla, yo la encontré interesante y mandé a ofrecerle una retribución por venir a representar a mi casa ante todo lo más encopetado. Puedo decir, con una frase un poco tonta y pretenciosa, pues en el fondo el talento no necesita a nadie, que yo la lancé. Claro que no tenía necesidad de mí. -Yo esbocé un gesto de protesta y vi que madame de Guermantes estaba muy dispuesta a aceptar la tesis contraria-. ¿Sí? ¿Cree usted que el talento necesita apoyo, alguien que lo descubra? En el fondo puede que tenga razón. Es curioso, dice usted precisamente lo mismo que Dumas me decía en otro tiempo. En ese caso estoy muy contenta si he servido de algo, por poco que sea, desde luego no en el talento, sino en la fama de una artista como ésa. -Madame de Guermantes prefería abandonar su idea de que el talento revienta solo como un abceso, porque era más lisonjero para ella, pero también porque, desde hacía algún tiempo, al recibir a gente nueva, y estando además cansada, se había vuelto bastante humilde, interrogaba a los demás, les preguntaba su opinión para formarse una-. No necesito decirle -continuó- que ese inteligente público que se llama el gran mundo no entendía nada de aquello. Protestaban, reían. Ya podía yo decirles: «Es curioso, es interesante, es una cosa que hasta ahora no se había hecho», pues no me creían, como nunca me han creído en nada. Es como lo que representaba Raquel, una cosa de Maeterlinck, que ahora es muy conocido, pero que en aquel momento todo el mundo se burlaba de él, mientras que yo lo encontraba admirable. Hasta me extraña, cuando pienso en ello, que una campesina como yo, que no ha tenido más educación que la de las muchachas de su provincia, haya apreciado desde el primer momento esas cosas. Naturalmente, no habría sabido decir por qué, pero me gustaba, me hacía tilín; mire, a Basin, que no tiene nada de sensible, le impresionó el efecto que me producía aquello. Me dijo: «No quiero que oigas esos absurdos, te ponen enferma». Y era verdad, porque me tienen por una mujer fría y en el fondo soy un manojo de nervios.
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À ce moment se produisit un incident inattendu. Un valet de pied vint dire à Rachel que la fille de la Berma et son gendre demandaient à lui parler. On a vu que la fille de la Berma avait résisté au désir qu′avait son mari de faire demander une invitation à Rachel. Mais après le départ du jeune homme invité, l′ennui du jeune couple auprès de leur mère s′était accru, la pensée que d′autres s′amusaient les tourmentait, bref, profitant d′un moment où la Berma s′était retirée dans sa chambre, crachant un peu de sang, ils avaient quatre à quatre revêtu des vêtements plus élégants, fait appeler une voiture et étaient venus chez la princesse de Guermantes sans être invités. Rachel, se doutant de la chose et secrètement flattée, prit un ton arrogant et dit au valet de pied qu′elle ne pouvait pas se déranger, qu′ils écrivissent un mot pour dire l′objet de leur démarche insolite. Le valet de pied revint portant une carte où la fille de la Berma avait griffonné qu′elle et son mari n′avaient pu résister au désir d′entendre Rachel et lui demandaient de les laisser entrer. Rachel sourit de la niaiserie de leur prétexte et de son propre triomphe. Elle fit répondre qu′elle était désolée, mais qu′elle avait terminé ses récitations. Déjà, dans l′antichambre, où l′attente du couple s′était prolongée, les valets de pied commençaient à se gausser des deux solliciteurs éconduits. La honte d′une avanie, le souvenir du rien qu′était Rachel auprès de sa mère, poussèrent la fille de la Berma à poursuivre à fond une démarche que lui avait fait risquer d′abord le simple besoin du plaisir. Elle fit demander comme un service à Rachel, dût-elle ne pas avoir à l′entendre, la permission de lui serrer la main. Rachel était en train de causer avec un prince italien qu′on disait séduit par l′attrait de sa grande fortune, dont quelques relations mondaines dissimulaient un peu l′origine ; elle mesura le renversement des situations qui mettait maintenant les enfants de l′illustre Berma à ses pieds. Après avoir narré à tout le monde, d′une façon plaisante, cet incident, elle fit dire au jeune couple d′entrer, ce qu′il fit sans se faire prier, ruinant d′un seul coup la situation sociale de la Berma comme il avait détruit sa santé. Rachel l′avait compris, et que son amabilité condescendante donnerait la réputation, à elle de plus de bonté, au jeune couple de plus de bassesse que n′eût fait son refus. Aussi les reçut-elle à bras ouverts, avec affectation, disant d′un air de protectrice en vue et qui sait oublier sa grandeur : « Mais je crois bien ! c′est une joie. La princesse sera ravie. » Ne sachant pas qu′on croyait, au Théâtre, que c′était elle qui invitait, peut-être avait-elle craint qu′en refusant l′entrée aux enfants de la Berma ceux-ci doutassent, au lieu de sa bonne volonté, ce qui lui eût été bien égal, de son influence. La duchesse de Guermantes s′éloigna instinctivement, car au fur et à mesure que quelqu′un avait l′air de rechercher le monde, il baissait dans l′estime de la duchesse. Elle n′en avait plus en ce moment que pour la bonté de Rachel et eût tourné le dos aux enfants de la Berma si on les lui avait présentés. Rachel, cependant, composait déjà dans sa tête la phrase gracieuse dont elle accablerait le lendemain la Berma dans les coulisses : « J′ai été navrée, désolée, que votre fille fasse antichambre. Si j′avais compris ! Elle m′envoyait bien cartes sur cartes. » Elle était ravie de porter ce coup à la Berma. Peut-être eût-elle reculé si elle eût su que ce serait un coup mortel. On aime à faire des victimes, mais sans se mettre précisément dans son tort, et en les laissant vivre. D′ailleurs, où était son tort ? Elle devait dire en riant, quelques jours plus tard : « C′est un peu fort, j′ai voulu être plus aimable pour ses enfants qu′elle n′a jamais été pour moi, et pour un peu on m′accuserait de l′avoir assassinée. Je prends la duchesse à témoin. » Il semble pour les grands artistes que tous les mauvais sentiments et tout le factice de la vie de théâtre passent en leurs enfants sans que chez eux le travail obstiné soit un dérivatif comme chez la mère ; les grandes tragédiennes meurent souvent victimes de complots domestiques noués autour d′elles, comme il leur arrivait tant de fois à la fin des pièces qu′elles jouaient.
En este momento se produjo un incidente inesperado. Un criado se acercó a decir a Raquel que la hija de la Berma y su yerno querían hablar con ella. Ya hemos visto que la hija de la Berma había resistido al deseo que tenía su marido de pedir una invitación a Raquel. Pero cuando se marchó el joven invitado, el aburrimiento del joven matrimonio junto a la madre fue aún mayor; los atormentaba la idea de que otros se estaban divirtiendo: en fin, aprovechando un momento en que la Berma se retiró a su cuarto escupiendo un poco de sangre, se pusieron a toda prisa unos trajes más elegantes, mandaron a buscar un coche y se presentaron en casa de la princesa de Guermantes sin estar invitados. Raquel, sospechando lo ocurrido y secretamente halagada, adoptó un tono arrogante y dijo al criado que no podía molestarse, que le escribiesen unas palabras diciéndole el objeto de su insólito paso. El criado volvió con una tarjeta en la que la hija de la Berma había garabateado que ella y su marido no habían podido resistir al deseo de oír a Raquel y le rogaban que les permitiera entrar. Raquel se sonrió por la ingenuidad de su pretexto y por su propio triunfo. Mandó contestarles que lo sentía muchísimo, pero que ya había terminado el recital. En la antesala, donde se prolongaba la espera de la pareja, los criados comenzaban ya a burlarse de los dos postulantes rechazados. La vergüenza de una afrenta, el recuerdo de lo poquísimo que era Raquel comparada con la Berma, incitaron a la hija de ésta a proseguir hasta el fin un propósito que, al principio, sólo inició por simple necesidad de diversión. Mandó a pedir a Raquel como un favor, aunque no hubiera de oírla, permiso para estrecharle la mano. Raquel estaba hablando con un príncipe italiano, seducido, según decían, por la atracción de su gran fortuna, cuyo origen disimulaban un poco algunas relaciones mundanas; la actriz midió la inversión de las situaciones que ahora ponía a sus pies a los hijos de la ilustre Berma. Después de contar a todo el mundo de una manera divertida el incidente mandó a decir al joven matrimonio que entrara, lo que el joven matrimonio hizo sin hacerse rogar, hundiendo de golpe la posición social de la Berma como habían destruido su salud. Raquel lo comprendió y comprendió también que su amabilidad condescendiente le daría a ella en el gran mundo fama de más bondad y al joven matrimonto fama de mayor bajeza que a ella y a él les daría su negativa. En consecuencia, los recibió, abriéndoles stentosamente los brazos, diciendo con gesto de protectora importante y que sabe olvidar su importancia: -¡Ya lo creo, con mucho gusto! La princesa estará encantada. Ignorando que en el teatro se creía que era ella quien invitaba, temió que, si negaba la entrada a los hijos de la Berma, éstos dudaran no de su buena voluntad, lo que le tenía sin cuidado, sino de su influencia. La duquesa de Guermantes se alejó instintivamente, pues a medida que alguien parecía buscar el gran mundo, bajaba en la estimación de la duquesa. En aquel momento la sentía únicamente por la bondad de Raquel y habría vuelto la espalda a los hijos de la Berma si se los hubieran presentado. Entre tanto, Raquel iba componiendo en su cabeza la frase graciosa con que abrumaría al día siguiente a la Berma entre bastidores: «Sentí muchísimo que su hija tuviera que hacer antesala. Es que no entendí, a pesar de que me enviaba tarjetas y tarjetas». Estaba encantada de asestar a la Berma aquel golpe. Quizá de haber sabido que sería un golpe mortal habría retrocedido. A la gente le gusta causar víctimas, pero sin quedar mal, dejándolas vivir. Por otra parte, ¿en qué estaba su falta? Unos días más tarde dijo riendo: «La cosa es gorda, quise ser más amable con sus hijos de lo que nunca fue ella para mí, y a poco me acusan de haberla asesinado. Pongo por testigo a la duquesa». Parece que todos los malos sentimientos de los actores y todo lo artificial de la vida de teatro pasan a los hijos, sin que el trabajo obstinado sea en ellos un derivativo como lo es en la madre; las grandes trágicas suelen morir víctimas de los complots domésticos tramados en torno a ellas, como tantas vëces les ocurría al final de las obras que representaban.
Gilberte, nous l′avons vu, avait voulu éviter un conflit avec sa tante au sujet de Rachel. Elle avait bien fait : il n′était déjà pas facile de prendre devant Mme de Guermantes la défense de la fille d′Odette, tant son animosité était grande, et cela parce que la manière nouvelle dont la duchesse m′avait dit être trompée était la manière dont le duc la trompait, si extraordinaire que cela pût paraître à qui savait l′âge d′Odette, avec Mme de Forcheville. Quand on pensait à l′âge que devait avoir maintenant Mme de Forcheville, cela semblait, en effet, extraordinaire. Mais peut-être Odette avait-elle commencé la vie de femme galante très jeune. Et puis il y a des femmes qu′à chaque décade on retrouve en une nouvelle incarnation, ayant de nouvelles amours, parfois alors qu′on les croyait mortes, faisant le désespoir d′une jeune femme que pour elles abandonne son mari.
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La vie de la duchesse ne laissait pas, d′ailleurs, d′être très malheureuse et pour une raison qui, par ailleurs, avait pour effet de déclasser parallèlement la société que fréquentait M. de Guermantes. Celui-ci qui, depuis longtemps calmé par son âge avancé, et quoiqu′il fût encore robuste, avait cessé de tromper Mme de Guermantes, s′était épris de Mme de Forcheville sans qu′on sût bien les débuts de cette liaison.
Por lo demás, la vida de la duquesa no dejaba de ser muy desdichada, y por una razón que se traducía en un paralelo descenso social del mundo que frecuentaba monsieur de Guermantes. El duque, que, calmado desde hacía tiempo por su avanzada edad y que, aunque fuerte aún, había dejado de engañar a madame de Guermantes, se había enamorado de madame de Forcheville, sin que se conocieran bien los comienzos de estas relaciones .
Mais celle-ci avait pris des proportions telles que le vieillard, imitant, dans ce dernier amour, la manière de celles qu′il avait eues autrefois, séquestrait sa maîtresse au point que, si mon amour pour Albertine avait répété, avec de grandes variations, l′amour de Swann pour Odette, l′amour de M. de Guermantes rappelait celui que j′avais eu pour Albertine. Il fallait qu′elle déjeunât, qu′elle dînât avec lui, il était toujours chez elle ; elle s′en parait auprès d′amis qui sans elle n′eussent jamais été en relation avec le duc de Guermantes et qui venaient là pour le connaître, un peu comme on va chez une cocotte pour connaître un souverain son amant. Certes, Mme de Forcheville était depuis longtemps devenue une femme du monde. Mais recommençant à être entretenue sur le tard, et par un si orgueilleux vieillard qui était tout de même chez elle le personnage important, elle se diminuait à chercher seulement à avoir les peignoirs qui lui plussent, la cuisine qu′il aimait, à flatter ses amis en leur disant qu′elle lui avait parlé d′eux, comme elle disait à mon grand-oncle qu′elle avait parlé de lui au Grand-Duc qui lui envoyait des cigarettes, en un mot elle tendait, malgré tout l′acquis de sa situation mondaine, et par la force de circonstances nouvelles, à redevenir, telle qu′elle était apparue à mon enfance, la dame en rose. Certes, il y avait bien des années que mon oncle Adolphe était mort. Mais la substitution autour de nous d′autres personnes aux anciennes nous empêche-t-elle de recommencer la même vie ? Ces circonstances nouvelles, elle s′y était prêtée sans doute par cupidité, mais aussi parce que, assez recherchée dans le monde quand elle avait une fille à marier, laissée de côté dès que Gilberte eut épousé Saint-Loup, elle sentit que le duc de Guermantes, qui eût tout fait pour elle, lui amènerait nombre de duchesses peut-être enchantées de jouer un tour à leur amie Oriane, et peut-être enfin piquée au jeu par le mécontentement de la duchesse sur laquelle un sentiment féminin de rivalité la rendait heureuse de prévaloir. Des neveux fort difficiles du duc de Guermantes, les Courvoisier, Mme de Marsantes, la princesse de Trania, allaient chez Mme de Forcheville dans un espoir d′héritage, sans s′occuper de la peine que cela pouvait faire à Mme de Guermantes, dont Odette, piquée par ses dédains, disait tout le mal possible.
Pero llegaron a tomar tales proporciones que el viejo, imitando en este último amor la manera de los antiguos, secuestraba a su amante hasta el punto de que, así como mi amor por Albertina repitió, con grandes variaciones, el amor de Swann por Odette, el amor de monsieur de Guermantes recordaba el mío por Albertina. Le exigía que almorzara, que comiera con él, estaba siempre en su casa; ella se aprovechaba de esto con amigos que, sin ella, jamás habrían tenido relaciones con el duque de Guermantes y que acudían por conocerle, un poco como quien va a casa de una cocotte por conocer a un soberano que es su amante. Madame de Forcheville era desde hacía tiempo una mujer del gran mundo. Pero, volviendo, a estas alturas, a sus antiguas costumbres, y con un orgulloso anciano que, después de todo, era en casa de su querida el personaje importante, se rebajaba buscando solamente los peinadores que a él le gustaban, la cocina que él prefería, halagando a sus amigos diciéndoles que le había hablado de ellos, como decía a mi tío abuelo que había hablado de él al Gran Duque que le mandaba cigarrillos; en una palabra, pese a la elevación de su posición mundana, y por la fuerza de circunstancias nuevas, tendía a ser de nuevo la Dama de rosa, tal como yo la vi en mi infancia. Claro que hacía muchos años que mi tío Adolfo había muerto. Mas la sustitución en torno nuestro de las antiguas personas por otras nuevas ¿nos impide acaso volver a empezar la misma vida? A estas nuevas circunstancias se había prestado Odette seguramente por avaricia, también porque, bastante buscada en el gran mundo cuando tenía una hija casadera, desdeñada desde que Gilberta se casó con Saint-Loup, se dio cuenta de que el duque de Guermantes, capaz de todo por ella, le llevaría muchas duquesas quizá encantadas de jugarle una mala pasada a su amiga Oriana; acaso, en fin, incitada por el descontento de la duquesa y, por un sentimiento femenino de rivalidad, encantada de vencerla. Saint-Loup, hasta su muerte, llevó a su casa fielmente a su mujer. ¿No eran los dos herederos a la vez de monsieur de Guermantes y de Odette, la cual, por otra parte, sería seguramente la principal heredera del duque? Además, hasta unos sobrinos Courvoisier muy difíciles, madame de Marsantes, la princesa de Trania, iban allí con la esperanza de la herencia, sin preocuparse de que esto pudiera contrariar a madame de Guermantes, de la que Odette, picada por sus desdenes, hablaba mal.
Cette liaison avec Mme de Forcheville, liaison qui n′était qu′une imitation de ses liaisons plus anciennes, venait de faire perdre au duc de Guermantes, pour la deuxième fois, la possibilité de la présidence du Jockey et un siège de membre libre à l′Académie des Beaux-Arts, comme la vie de M. de Charlus, publiquement associée à celle de Jupien, lui avait fait manquer la présidence de l′Union et celle aussi de la Société des amis du Vieux Paris. Ainsi les deux frères, si différents dans leurs goûts, étaient arrivés à la déconsidération à cause d′une même paresse, d′un même manque de volonté, lequel était sensible, mais agréablement, chez le duc de Guermantes leur grand-père, membre de l′Académie française, mais qui, chez les deux petits-fils, avait permis à un goût naturel et à un autre qui passe pour ne l′être pas, de les désocialiser.
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Le vieux duc ne sortait plus, car il passait ses journées et ses soirées chez Odette. Mais aujourd′hui, comme elle-même s′était rendue à la matinée de la princesse de Guermantes, il était venu un instant pour la voir, malgré l′ennui de rencontrer sa femme. Je ne l′eusse sans doute pas reconnu, si la duchesse, quelques instants plus tôt, ne me l′eût clairement désigné en allant jusqu′à lui. Il n′était plus qu′une ruine, mais superbe, et plus encore qu′une ruine, cette belle chose romantique que peut être un rocher dans la tempête. Fouettée de toutes parts par les vagues de souffrance, de colère de souffrir, d′avancée montante de la mer qui la circonvenaient, sa figure, effritée comme un bloc, gardait le style, la cambrure que j′avais toujours admirés ; elle était rongée comme une de ces belles têtes antiques trop abîmées mais dont nous sommes trop heureux d′orner un cabinet de travail.
El viejo duque de Guermantes ya no salía, pues pasaba los días y las noches con ella. Pero esta vez fue un momento a verla, a pesar de lo que le contrariaba encontrar a su mujer. Yo no le había visto y seguramente no le habría reconocido si no me lo hubieran señalado claramente. Ya no era más que una ruina, pero una ruina soberbia, y menos aún que una ruina: esa bella cosa romántica que puede ser una roca en la tempestad. Azotada por todas partes por las olas de sufrimiento, de cólera de sufrir, de la marea ascendente de la muerte que la circundaba, su cara, desmoronada como un bloque, conservaba el estilo, la firmeza que siempre admiré en ella; estaba carcomida como una de esas cabezas antiguas demasiado estropeadas pero con las que tanto nos gusta decorar un depacho.
Elle paraissait seulement appartenir à une époque plus ancienne qu′autrefois, non seulement à cause de ce qu′elle avait pris de rude et de rompu dans sa matière jadis plus brillante, mais parce que à l′expression de finesse et d′enjouement avait succédé une involontaire, une inconsciente expression, bâtie par la maladie, de lutte contre la mort, de résistance, de difficulté à vivre. Les artères ayant perdu toute souplesse avaient donné au visage jadis épanoui une dureté sculpturale. Et sans que le duc s′en doutât, il découvrait des aspects de nuque, de joue, de front, où l′être, comme obligé de se raccrocher avec acharnement à chaque minute, semblait bousculé dans une tragique rafale, pendant que les mèches blanches de sa chevelure moins épaisse venaient souffleter de leur écume le promontoire envahi du visage. Et comme ces reflets étranges, uniques, que seule l′approche de la tempête où tout va sombrer donne aux roches qui avaient été jusque-là d′une autre couleur, je compris que le gris plombé des joues raides et usées, le gris presque blanc et moutonnant des mèches soulevées, la faible lumière encore départie aux yeux qui voyaient à peine, étaient des teintes non pas irréelles, trop réelles au contraire, mais fantastiques et empruntées à la palette de l′éclairage, inimitable dans ses noirceurs effrayantes et prophétiques, de la vieillesse, de la proximité de la mort. Le duc ne resta que quelques instants, assez pour que je comprisse qu′Odette, toute à des soupirants plus jeunes, se moquait de lui. Mais, chose curieuse, lui qui jadis était presque ridicule quand il prenait l′allure d′un roi de théâtre avait pris un aspect véritablement grand, un peu comme son frère, à qui la vieillesse, en le désencombrant de tout l′accessoire, le faisait ressembler. Et comme son frère, lui, jadis orgueilleux, bien que d′une autre manière, semblait presque respectueux, quoique aussi d′une autre façon. Car il n′avait pas subi la déchéance de M. de Charlus, réduit à saluer avec une politesse de malade oublieux ceux qu′il eût jadis dédaignés, mais il était très vieux, et quand il voulut passer la porte et descendre l′escalier pour sortir, la vieillesse, qui est tout de même l′état le plus misérable pour les hommes et qui les précipite de leur faîte le plus semblablement aux rois des tragédies grecques, la vieillesse, en le forçant à s′arrêter dans le chemin de croix que devient la vie des impotents menacés, à essuyer son front ruisselant, à tâtonner, en cherchant des yeux une marche qui se dérobait, parce qu′il aurait eu besoin pour ses pas mal assurés, pour ses yeux ennuagés, d′un appui, lui donnait à son insu l′air de l′implorer doucement et timidement des autres, la vieillesse l′avait fait encore plus qu′auguste, suppliant.
Parecía solamente pertenecer a una época más antigua que la suya de antes, no sólo por lo rudo y curtido que ahora aparecía en su materia antes tan brillante, sino porque a la expresión de sagacidad y de jovialidad había sucedido una involuntaria, una inconsciente expresión, amasada por la enfermedad, de lucha contra la muerte, de resistencia, de dificultad para vivir. Las arterias, perdida toda elasticidad, habían dado a su rostro, tan abierto antes, una dureza escultural. Y, sin que el duque se diera cuenta, descubría aspectos de nuca, de pómulo, de frente, en los que el ser, como obligado a agarrarse con encarnizamiento a cada minuto, parecía sacudido por una trágica ráfaga, mientras que los blancos mechones de su magnífica cabellera, menos espesa, venían a azotar con su espuma el invadido promontorio del rostro. Y como esos reflejos extraños, únicos, que sólo la llegada de la tormenta en que todo va a hundirse da a las rocas que hasta entonces fueran de otro color, comprendí que el gris plomo de las mejillas acartonadas y marchitas, el gris casi blanco y como lana de cordero de los mechones indómitos, la leve luz aún concedida a los ojos que apenas veían, eran tintes no irreales, al contrario, demasiado reales, pero fantásticos y tomados de la paleta, de la luz, inimitable en sus negros espantables y proféticos, de la vejez, de la proximidad de la muerte. El duque no se quedó más que unos momentos, lo suficiente para que yo comprendiera que Odette, toda entregada a pretendientes más jóvenes, se burlaba de él. Pero, cosa curiosa, él, que en otro tiempo estaba casi ridículo cuando adoptaba las trazas de un rey de teatro, tenía ahora un aspecto verdaderamente grande, un poco como su hermano, a quien la vejez, librándole de todo lo accesorio, le hacía parecerse. Y, como su hermano, el duque, antes tan orgulloso aunque de otra manera, parecía casi respetuoso, aunque también de otra manera. Pues no había sufrido la decadencia de su hermano, reducido a saludar con una cortesía de enfermo desmemoriado a los que antes desdeñara. Pero era demasiado viejo y, cuando quiso pasar la puerta y bajar la escalera para salir, la vejez, que es después de todo el estado más mísero para los hombres y que los precipita de su pináculo de la manera más parecida a los reyes de las tragedias griegas; la vejez, obligándole a detenerse en el vía crucis en que se convierte la vida de los inválidos amenazados, a enjugarse la frente madorosa, a titubear buscando con los ojos un escalón que se escapa, porque, para sus pasos inseguros, para sus ojos empañados, necesitaría un apoyo, dándole a su pesar el aire de implorarlo de los demás dulce y tímidamente; la vejez le había hecho, más aún que augusto, suplicante.
Ainsi, dans le faubourg Saint-Germain, ces positions en apparence imprenables du duc et de la duchesse de Guermantes, du baron de Charlus avaient perdu leur inviolabilité, comme toutes choses changent en ce monde, par l′action d′un principe intérieur auquel on n′avait pas pensé : chez M. de Charlus l′amour de Charlie qui l′avait rendu esclave des Verdurin, puis le ramollissement ; chez Mme de Guermantes, un goût de nouveauté et d′art ; chez M. de Guermantes, un amour exclusif, comme il en avait déjà eu de pareils dans sa vie, que la faiblesse de l′âge rendait plus tyrannique et aux faiblesses duquel la sévérité du salon de la duchesse, où le duc ne paraissait plus et qui, d′ailleurs, ne fonctionnait plus guère, n′opposait plus son démenti, son rachat mondain. Ainsi change la figure des choses de ce monde, ainsi le centre des empires et le cadastre des fortunes, et la charte des situations, tout ce qui semblait définitif est-il perpétuellement remanié et les yeux d′un homme qui a vécu peuvent-ils contempler le changement le plus complet là où justement il lui paraissait le plus impossible.
En consecuencia, estas posiciones aparentemente intomables del duque y de la duquesa de Guermantes, del barón de Charlus, habían perdido en el Faubourg Saint-Germain su inviolabilidad, como cambian todas las cosas en este mundo, por la acción de un principio interior en el que no se había pensado: en monsieur de Charlus, el amor de Charlie, que le hizo esclavo de los Verdurin, el reblandecimiento después; en madame de Guermantes, una afición a la novedad y al arte; en monsieur de Guermantes, un amor exclusivo, como había habido otros en su vida, pero que la flaqueza de la edad hacía más tiránico y a cuyas debilidades no oponía ya su mentís, su tributo mundano a la severidad del salón de la duquesa, donde el duque ya no aparecía nunca y que además apenas funcionaba ya. Así cambia la figura de las cosas de este mundo; así el centro de los imperios, y el catastro de las fortunas, y la carta de las situaciones, todo lo que parecía definitivo, se renueva perpetuamente, y los ojos de un hombre que ha vivido pueden contemplar el cambio más completo precisamente allí donde le parecía más imposible.
Ne pouvant se passer d′Odette, toujours installé chez elle dans le même fauteuil d′où la vieillesse et la goutte le faisaient difficilement lever, M. de Guermantes la laissait recevoir des amis qui étaient trop contents d′être présentés au duc, de lui laisser la parole, de l′entendre parler de la vieille société, de la marquise de Villeparisis, du duc de Chartres.
Como no podía pasar sin Odette, como estaba siempre instalado en su casa en el mismo sillón del que, por la vejez y por la gota, le era difícil levantarse, monsieur de Guermantes la dejaba recibir a unos amigos que estaban contentísimos de ser presentados al duque, de dejarle la palabra, de oírle hablar de la vieja sociedad, de la marquesa de Villeparisis, del duque de Chartres.
Par moments, sous le regard des tableaux anciens réunis par Swann dans un arrangement de « collectionneur » qui achevait le caractère démodé de cette scène, avec ce duc si « Restauration » et cette cocotte tellement « Second Empire », dans un des peignoirs qu′il aimait, la dame en rose l′interrompait d′une jacasserie : il s′arrêtait net, plantait sur elle un regard féroce. Peut-être s′était-il aperçu qu′elle aussi, comme la duchesse, disait quelquefois des bêtises ; peut-être, dans une hallucination de vieillard, croyait-il que c′était un trait d′esprit intempestif de Mme de Guermantes qui lui coupait la parole, et se croyait-il à l′hôtel de Guermantes, comme ces fauves enchaînés qui se figurent un instant être encore libres dans les déserts de l′Afrique. Levant brusquement la tête, de ses petits yeux jaunes qui avaient l′éclat d′yeux de fauves il fixait sur elle un de ces regards qui quelquefois chez Mme de Guermantes, quand celle-ci parlait trop, m′avaient fait trembler. Ainsi le duc regardait-il un instant l′audacieuse dame en rose. Mais celle-ci lui tenait tête, ne le quittait pas des yeux, et au bout de quelques instants qui semblaient longs aux spectateurs, le vieux fauve dompté, se rappelant qu′il était, non pas libre chez la duchesse, dans ce Sahara dont le paillasson du palier marquait l′entrée, mais chez Mme de Forcheville, dans la cage du Jardin des Plantes, rentrait dans ses épaules sa tête d′où pendait encore une épaisse crinière dont on n′aurait pu dire si elle était blonde ou blanche, et reprenait son récit. Il semblait n′avoir pas compris ce que Mme de Forcheville avait voulu dire et qui, d′ailleurs, généralement n′avait pas grand sens. Il lui permettait d′avoir des amis à dîner avec lui. Par une manie empruntée à ses anciennes amours, qui n′était pas pour étonner Odette, habituée à avoir eu la même de Swann, et qui me touchait moi, en me rappelant ma vie avec Albertine, il exigeait que ces personnes se retirassent de bonne heure afin qu′il pût dire bonsoir à Odette le dernier. Inutile de dire qu′à peine était-il parti, elle allait en rejoindre d′autres. Mais le duc ne s′en doutait pas ou préférait ne pas avoir l′air de s′en douter ; la vue des vieillards baisse, comme leur oreille devient plus dure, leur clairvoyance s′obscurcit, la fatigue même fait faire relâche à leur vigilance. Et à un certain âge c′est en un personnage de Molière — non pas même en l′olympien amant d′Alcmène mais en un risible Géronte — que se change inévitablement Jupiter. D′ailleurs, Odette trompait M. de Guermantes, et aussi le soignait, sans charme, sans grandeur. Elle était médiocre dans ce rôle comme dans tous les autres. Non pas que la vie ne lui en eût souvent donné de beaux, mais elle ne savait pas les jouer. En attendant, elle jouait celui de recluse. De fait, chaque fois que je voulus la voir dans la suite je n′y pus réussir, car M. de Guermantes, voulant à la fois concilier les exigences de son hygiène et de sa jalousie, ne lui permettait que les fêtes de jour, à condition encore que ce ne fussent pas des bals. Cette réclusion où elle était tenue, elle me l′avoua avec franchise, pour diverses raisons. La principale est qu′elle s′imaginait, bien que je n′eusse écrit que des articles ou publié que des études, que j′étais un auteur connu, ce qui lui faisait même naîµ¥ment dire, se rappelant le temps où j′allais avenue des Acacias pour la voir passer, et plus tard chez elle :
A veces, bajo la mirada de los cuadros antiguos reunidos por Swann en una disposición de «coleccionista» que acentuaba el carácter pasado de moda, antiguo, de la escena, con aquel duque tan «Restauración» y aquella cocotte tan «Segundo Imperio», en uno de aquellos peinadores que al duque le gustaban, la Dama de rosa le interrumpía con su locuacidad; el duque se paraba en seco y le clavaba una mirada feroz. Quizá se había dado cuenta de que también ella, como la duquesa, decía a veces tonterías; quizá, en una alucinación de viejo, creía que era un rasgo de ingenio intempestivo de madame de Guermantes que le cortaba la palabra, y se creía en el hotel de Guermantes, como esas fieras enjauladas que por un momento se figuran que están aún libres en los desiertos de África. Y alzando bruscamente la cabeza, con sus ojos pequeños, redondos y amarillos que tenían el destello de ojos de fiera, le clavaba una de aquellas miradas que en otro tiempo, en casa de madame de Guermantes, cuando ésta hablaba demasiado, me hicieran temblar. El duque miraba así un momento a la audaz Dama de rosa. Pero ésta le hacía frente, no desviaba los ojos y, al cabo de unos instantes que parecían largos a los espectadores, el viejo león domado, recordando que estaba, no libre en casa de la duquesa, en aquel Sahara donde el felpudo del vestíbulo marcaba la entrada, sino en casa de madame de Forcheville, en la jaula del zoológico, hundía entre los hombros la cabeza, de la que pendía aún una espesa cabellera que no se podría decir si era rubia o blanca, y reanudaba su relato. Parecía no haber entendido lo que madame de Forcheville había querido decirle y que, por otra parte, no solía tener gran sentido. Le permitía invitar a amigos a comer con él; con una manía adquirida en sus antiguos amores, que no era para extrañar a Odette, habituada a ver la misma manía en Swann, y que a mí me impresionaba recordándome mi vida con Albertina, exigía que aquellas personas se retirasen temprano para ser él el último en despedirse de Odette. Inútil decir que, apenas se marchaba, Odette iba a reunirse con otros. Pero el duque no lo sospechaba o prefería aparentar que no lo sospechaba: los viejos pierden vista como pierden oído, su clarividencia se oscurece, la fatiga hace aflojar la vigilancia. Y a cierta edad es en un personaje de Molière -ni siquiera en el olímpico amante de Alcmena, sino en un risible Geronte- en el que se transforma inevitablemente Júpiter. Además, Odette engañaba a monsieur de Guermantes, y también le cuidaba, sin gracia, sin grandeza. Era mediocre en este papel como en todos los demás. No es que la vida no se los hubiera ofrecido hermosos a menudo, pero no sabía representarlos. Y, en realidad, cada vez que quise verla en lo sucesivo, no pude conseguirlo, pues monsieur de Guermantes, queriendo conciliar con sus celos las exigencias de su higiene, sólo le permitía las fiestas diurnas, y esto a condición de que no fueran bailes. Esta reclusión que le imponían me la confesó ella con franqueza, por diversas razones. La principal es que, aunque ya no había escrito más que artículos o publicado estudios, se imaginaba que era un autor conocido, lo que le hacía decir hasta ingenuamente, recordando el tiempo en que yo iba a la avenida de las Acacias para verla pasar, y más tarde a su casa:
« Ah ! si j′avais pu deviner que ce petit serait un jour un grand écrivain ! » Or, ayant entendu dire que les écrivains se plaisent auprès des femmes pour se documenter, se faire raconter des histoires d′amour, elle redevenait maintenant avec moi simple cocotte pour m′intéresser : « Tenez, une fois il y avait un homme qui s′était toqué de moi et que j′aimais éperdument aussi. Nous vivions d′une vie divine. Il avait un voyage à faire en Amérique, je devais y aller avec lui. La veille du départ, je trouvai que c′était plus beau de ne pas laisser diminuer un amour qui ne pourrait pas toujours rester à ce point. Nous eûmes une dernière soirée où il était persuadé que je partais, ce fut une nuit folle, j′avais près de lui des joies infinies et le désespoir de sentir que je ne le reverrais pas. Le matin j′étais allée donner mon billet à un voyageur que je ne connaissais pas. Il voulait au moins l′acheter. Je lui répondis : « Non, vous me rendez un tel service en me le prenant, je ne veux pas d′argent. » Puis c′était une autre histoire : « Un jour j′étais dans les Champs-Élysées, M. de Bréauté, que je n′avais vu qu′une fois, se mit à me regarder avec une telle insistance que je m′arrêtai et lui demandai pourquoi il se permettait de me regarder comme ça. Il me répondit : « Je vous regarde parce que vous avez un chapeau ridicule. » C′était vrai. C′était un petit chapeau avec des pensées, les modes de ce temps-là étaient affreuses. Mais j′étais en fureur, je lui dis : « Je ne vous permets pas de me parler ainsi. » Il se mit à pleuvoir. Je lui dis : « Je ne vous pardonnerais que si vous aviez une voiture. — Hé bien, justement j′en ai une et je vais vous accompagner. — Non, je veux bien de votre voiture, mais pas de vous. » Je montai dans la voiture, il partit sous la pluie. Mais le soir il arriva chez moi. Nous eûmes deux années d′un amour fou. » Elle reprit : « Venez prendre une fois le thé avec moi, je vous raconterai comment j′ai fait la connaissance de M. de Forcheville. Au fond, dit-elle d′un air mélancolique, j′ai passé ma vie cloîtrée parce que je n′ai eu de grands amours que pour des hommes qui étaient terriblement jaloux de moi. Je ne parle pas de M. de Forcheville, car, au fond, c′était un médiocre et je n′ai jamais pu aimer véritablement que des gens intelligents. Mais, voyez-vous, M. Swann était aussi jaloux que l′est ce pauvre duc ; pour celui-ci je me prive de tout parce que je sais qu′il n′est pas heureux chez lui. Pour M. Swann, c′était parce que je l′aimais follement, et je trouve qu′on peut bien sacrifier la danse, et le monde, et tout le reste à ce qui peut faire plaisir ou seulement éviter des soucis à un homme qu′on aime. Pauvre Charles, il était si intelligent, si séduisant, exactement le genre d′hommes que j′aimais. » Et c′était peut-être vrai. Il y avait eu un temps où Swann lui avait plu, justement celui où elle n′était pas « son genre ». À vrai dire, « son genre », même plus tard, elle ne l′avait jamais été. Il l′avait pourtant alors tant et si douloureusement aimée. Il était surpris plus tard de cette contradiction. Elle ne doit pas en être une si nous songeons combien est forte dans la vie des hommes la proportion des souffrances pour des femmes « qui n′étaient pas leur genre ». Peut-être cela tient-il à bien des causes ; d′abord, parce qu′elles ne sont pas votre genre on se laisse d′abord aimer sans aimer, par là on laisse prendre sur sa vie une habitude qui n′aurait pas eu lieu avec une femme qui eût été votre genre et qui, se sentant désirée, se fût disputée, ne nous aurait accordé que de rares rendez-vous, n′eût pas pris dans notre vie cette installation dans toutes nos heures qui plus tard, si l′amour vient et qu′elle vienne à nous manquer, pour une brouille, pour un voyage où on nous laisse sans nouvelles, ne nous arrache pas un seul lien mais mille. Ensuite, cette habitude est sentimentale parce qu′il n′y a pas grand désir physique à la base, et si l′amour naît, le cerveau travaille bien davantage : il y a un roman au lieu d′un besoin. Nous ne nous méfions pas des femmes qui ne sont pas notre genre, nous les laissons nous aimer, et si nous les aimons ensuite, nous les aimons cent fois plus que les autres, sans avoir même près d′elles la satisfaction du désir assouvi. Pour ces raisons et bien d′autres, le fait que nous ayons nos plus gros chagrins avec les femmes qui ne sont pas notre genre ne tient pas seulement à cette dérision du destin qui ne réalise notre bonheur que sous la forme qui nous plaît le moins. Une femme qui est notre genre est rarement dangereuse, car ou elle ne veut pas de nous, ou nous contente et nous quitte vite, ne s′installe pas dans notre vie, et ce qui est dangereux et procréateur de souffrances dans l′amour, ce n′est pas la femme elle-même, c′est sa présence de tous les jours, la curiosité de ce qu′elle fait à tous moments ; ce n′est pas la femme, c′est l′habitude.
«¡Ah, si yo hubiera podido adivinar que usted iba a llegar a ser un gran escritor! » Y como había oído decir que a los escritores les gusta tratar a las mujeres para documentarse, para que les cuenten historias de amor, ahora Odette, para interesarme, tornaba a ser conmigo simple cocotte. Me contaba: «Verá, una vez había un hombre que se enamoró de mí y al que yo amaba también perdidamente. Vivíamos una vida divina. Él tenía que hacer un viaje a América y yo tenía que ir con él. La víspera de la marcha pensé que era preferible no esperar a que disminuyera un amor que no se podía mantener siempre en aquel punto. Tuvimos una última velada en la que él estaba convencido de que yo me iba con él, fue una noche loca, yo gozaba con él deleites infinitos y tenía la desesperación de sentir que no volvería a verle. Aquella mañana había ido a dar mi billete a un viajero al que no conocía. Quería comprármelo. Le contesté: “No, me hace usted un gran favor tomándomelo; no quiero dinero”». Después, otra historia: «Un día estaba yo en los Champs-Elysées. Monsieur de Bréauté, al que no había visto más que una vez, se puso a mirarme con tal insistencia que me detuve y le pregunté por qué se permitía mirarme de aquel modo. Me contestó: “La miro porque lleva un sombrero ridículo”. Era verdad. Era un sombrerito con pensamientos, las modas de aquel tiempo eran horribles. Pero yo estaba furiosa y le dije: “No le permito hablarme así”. Empezó a llover. Le dije: “Sólo le perdonaría si tuviera un coche”. “Pues precisamente tengo un coche y la voy a acompañar.” “No, quiero su coche, pero no a usted:′ Subí al coche y él echó a andar bajo la lluvia. Pero por la noche llega a mi casa, pasamos dos años de un amor loco. Venga una vez a tomar el té conmigo, le contaré cómo conocí a monsieur de Forcheville. En el fondo -dijo con aire melancólico- me he pasado la vida encerrada porque sólo he tenido grandes amores con hombres terriblemente celosos. No hablo de monsieur de Forcheville, pues en el fondo era un mediocre y yo nunca he podido amar de verdad más que a personas inteligentes. Pero, ya ve, monsieur Swann era tan celoso como este pobre duque; por éste me privo de todo porque sé que no es feliz en su casa. Por monsieur Swann era porque le amaba locamente, y yo creo que bien se puede sacrificar el baile y el mundo y todo lo demás por dar gusto al hombre que la ama a una, aunque sólo sea por evitarle preocupaciones. Pobre Carlos, era tan inteligente, tan seductor, exactamente el tipo de hombre que a mí me gustaba.» Y quizá era verdad. Hubo un tiempo en que Swann le gustó, precisamente el tiempo en que ella no era «su tipo». A decir verdad, no lo fue nunca. Sin embargo, al principio, la amó tanto y tan dolorosamente. Pasado el tiempo, le sorprendía esta contradicción. Si pensamos lo fuerte que es en la vida de los hombres la proporción de los sufrimientos por mujeres «que no eran su tipo», no hay tal contradicción. Quizá esto se debe a muchas causas; en primer lugar, porque esas mujeres no son «nuestro tipo» nos dejamos al principio amar sin amar nosotros, luego dejamos que nos gane una costumbre que no se hubiera producido con una mujer de «nuestro tipo» y que, sintiéndose deseada, discutiría, no nos concedería más que algunas citas, pocas, no se instalaría en nuestra vida ocupando todas nuestras horas de tal modo que, pasado el tiempo, si llega el amor y la mujer nos falta, por una riña, por un viaje en el que nos deja sin noticias, no nos arranca un solo lazo, sino mil. Después, el hábito es sentimental porque no hay gran deseo fisico en su base, y si nace el amor, el cerebro trabaja mucha más: hay una novela en vez de una necesidad. No desconfiamos de las mujeres que no son «nuestro tipo», las dejamos amarnos, y si después las amamos nosotros, las amamos cien veces más que a las otras, sin tener con ellas siquiera la satisfacción del deseo cumplido. Por estas razones y otras muchas, el hecho de que sintamos nuestras mayores penas con las mujeres que no son «nuestro tipo» no depende sólo de esa ironía del destino que sólo realiza nuestra felicidad bajo la forma que menos nos place. Una mujer que es «nuestro tipo» no suele ser peligrosa, pues no le gustamos, nos contenta, nos deja pronto, no se instala en nuestra vida, y en amor lo peligroso y procreador de sufrimiento no es la mujer misma, es su presencia de todos los días, la curiosidad de lo que hace en todos los momentos; no es la mujer, es el hábito.
J′eus la lâcheté d′ajouter que ce qu′elle disait de Swann était gentil et noble de sa part, mais je savais combien c′était faux et que sa franchise se mêlait de mensonges. Je pensais avec effroi, au fur et à mesure qu′elle me racontait ses aventures, à tout ce que Swann avait ignoré, dont il aurait tant souffert parce qu′il avait fixé sa sensibilité sur cet être-là, et qu′il devinait à en être sûr, rien qu′à ses regards quand elle voyait un homme ou une femme inconnus et qui lui plaisaient. Au fond, elle le faisait seulement pour me donner ce qu′elle croyait des sujets de nouvelles ! Elle se trompait, non qu′elle n′eût de tout temps abondamment fourni les réserves de mon imagination, mais d′une façon bien plus involontaire et par un acte émané de moi-même, qui dégageait d′elle à son insu les lois de sa vie.
Tuve la cobardía de decir que aquello era gentil y noble por su parte, pero yo sabía lo falso que era aquello y que su franqueza iba trenzada con mentiras. A medida que me iba contando aventuras, yo pensaba con espanto en todo lo que Swann había ignorado, que tanto le hubiera hecho sufrir por haber puesto su sensibilidad en aquel ser, un ser al que él adivinaba con seguridad, sólo por sus miradas cuando veía a un hombre o a una mujer desconocidos y que le gustaban. En el fondo, Odette hacía aquello sólo por darme lo que ella creía temas de novela. Se engañaba, y no es que no contribuyera en todo tiempo y abundantemente a las reservas de mi imaginación, pero de una manera más involuntaria y por un acto emanado de mí mismo que sacaba de ella, sin su intervención, las leyes de su vida.
M. de Guermantes ne gardait ses foudres que pour la duchesse ; sur les libres fréquentations de laquelle Mme de Forcheville ne manquait pas d′attirer l′attention irritée du duc. Aussi la duchesse était-elle fort malheureuse. Il est vrai que M. de Charlus, à qui j′en avais parlé une fois, prétendait que les premiers torts n′avaient pas été du côté de son frère, que la légende de pureté de la duchesse était faite, en réalité, d′un nombre incalculable d′aventures habilement dissimulées. Je n′avais jamais entendu parler de cela. Pour presque tout le monde Mme de Guermantes était une femme toute différente. L′idée qu′elle avait été toujours irréprochable gouvernait les esprits.
Monsieur de Guermantes guardaba sus rayos y truenos sólo para la duquesa, sobre cuyas libres frecuentaciones no dejaba madame de Forcheville de llamar la atención irritada de monsieur de Guermantes. La duquesa era, pues, muy desgraciada. Verdad es que monsieur de Charlus, a quien hablé una vez del asunto, aseguraba que su hermano no fue el primero en delinquir, que la leyenda de pureza de la duquesa estaba hecha, en realidad, de un incalculable número de aventuras hábilmente disimuladas. Yo no había oído hablar nunca de esto. Para casi todo el mundo, madame de Guermantes era una mujer muy diferente. En las mentes imperaba la idea de que fue siempre irreprochable.
Entre ces deux idées je ne pouvais décider laquelle était conforme à la vérité, cette vérité que presque toujours les trois quarts des gens ignorent. Je me rappelais bien certains regards bleus et vagabonds de la duchesse de Guermantes dans la nef de Combray, mais, vraiment, aucune des deux idées n′était réfutée par eux, et l′une et l′autre pouvaient leur donner un sens différent et aussi acceptable. Dans ma folie, enfant, je les avais pris un instant pour des regards d′amour adressés à moi. Depuis j′avais compris qu′ils n′étaient que des regards bienveillants d′une suzeraine, pareille à celle des vitraux de l′église, pour ses vassaux. Fallait-il maintenant croire que c′était ma première idée qui avait été la vraie, et que si, plus tard, jamais la duchesse ne m′avait parlé d′amour, c′est parce qu′elle avait craint de se compromettre avec un ami de sa tante et de son neveu plus qu′avec un enfant inconnu rencontré par hasard à Saint-Hilaire de Combray ?
Entre estas dos ideas yo no podía decidir cuál de ellas se ajustaba a la verdad, a esa verdad que casi siempre ignoran las tres cuartas partes de las personas. Desde luego, recordaba ciertas miradas azules y vagabundas de la duquesa de Guermantes en la nave de Combray, pero, por supuesto, aquellas miradas no refutaban verdaderamente ninguna de las dos ideas, y una y otra podían darles un sentido diferente y también aceptable. En mi locura, niño de mí, las tomé un instante por miradas de amor a mí dirigidas. Después comprendí que no eran más que las miradas benévolas de una señora feudal, como las de las vidrieras de iglesia, a sus vasallos. ¿Había que creer ahora que mi primera idea era la verdadera, y que, si más tarde la duquesa no me habló nunca de amor, es porque temía comprometerse con un amigo de su tía y de su sobrino más que con un niño desconocido encontrado por casualidad en San Hilario de Combray?
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La duchesse avait pu un instant être heureuse de sentir son passé plus consistant parce qu′il était partagé par moi, mais à quelques questions que je lui posai à nouveau sur le provincialisme de M. de Bréauté, que j′avais à l′époque peu distingué de M. de Sagan, ou de M. de Guermantes, elle reprit son point de vue de femme du monde, c′est-à-dire de contemptrice de la mondanité. Tout en me parlant, la duchesse me faisait visiter l′Hôtel. Dans des salons plus petits on trouvait des intimes qui, pour écouter la musique, avaient préféré s′isoler. Dans un petit salon Empire, où quelques rares habits noirs écoutaient assis sur un canapé, on voyait, à côté d′une Psyché supportée par une Minerve, une chaise longue, placée de façon rectiligne, mais à l′intérieur incurvée comme un berceau, et où une jeune femme était étendue. La mollesse de sa pose, que l′entrée de la duchesse ne lui fit même pas déranger, contrastait avec l′éclat merveilleux de sa robe Empire en une soierie nacarat devant laquelle les plus rouges fuchsias eussent pâli et sur le tissu nacré de laquelle des insignes et des fleurs semblaient avoir été enfoncés longtemps, car leur trace y restait en creux. Pour saluer la duchesse elle inclina légèrement sa belle tête brune.
La duquesa pudo tener por un instante la alegría de sentir su pasado más consistente porque era compartido por mí, pero al hacerle yo unas preguntas sobre el provincianismo de monsieur de Bréauté, al que en la época yo distinguía poco de monsieur de Sagan o de monsieur de Guermantes, volvió a su punto de vista de mujer de mundo, es decir, de vilipendiadora de la mundanidad. Mientras me hablaba, la duquesa me enseñaba el hotel. En otros salones más pequeños había algunos íntimos que preferían aislarse para escuchar la música. En un saloncito Imperio, donde unos pocos fracs negros escuchaban sentados en un canapé, se veía al lado de una psyché sostenida por una minerva una chaise longe, situada en forma rectilínea pero curvada interiormente como una cuna, y donde estaba tendida una mujer joven. Su postura descuidada, que ni la entrada de la duquesa le hizo alterar, contrastaba con el maravilloso esplendor de su vestido Imperio en una seda nacarada junto a la cual habrían palidecido los más rojos fucsias y en cuyo tejido nácar parecían haber estado clavadas mucho tiempo insignias y flores, pues conservaba su huella en hueco. Saludó a la duquesa inclinando ligeramente su bella cabeza morena.
Bien qu′il fît grand jour, comme elle avait demandé qu′on fermât les grands rideaux, en vue de plus de recueillement pour la musique, on avait, pour ne pas se tordre les pieds, allumé sur un trépied une urne où s′irisait une faible lueur. En réponse à ma demande, la duchesse de Guermantes me dit que c′était Mme de Sainte-Euverte. Alors je voulus savoir ce qu′elle était à la madame de Sainte-Euverte que j′avais connue. Mme de Guermantes me dit que c′était la femme d′un de ses petits-neveux, parut supporter l′idée qu′elle était née La Rochefoucauld, mais nia avoir elle-même connu des Sainte-Euverte. Je lui rappelai la soirée, que je n′avais sue, il est vrai, que par ouí¬¤ire, où princesse des Laumes, elle avait retrouvé Swann. Mme de Guermantes m′affirma n′avoir jamais été à cette soirée. La duchesse avait toujours été un peu menteuse et l′était devenue davantage. Mme de Sainte-Euverte était pour elle un salon — d′ailleurs assez tombé avec le temps — qu′elle aimait à renier. Je n′insistai pas. « Non, qui vous avez pu entrevoir chez moi, parce qu′il avait de l′esprit, c′est le mari de celle dont vous parlez et avec qui je n′étais pas en relations. — Mais elle n′avait pas de mari. — Vous vous l′êtes figuré parce qu′ils étaient séparés, mais il était bien plus agréable qu′elle. »
Aunque era pleno día, como había ordenado cerrar los cortinones, para mayor recogimiento en la música, habían encendido sobre un trípode, para que la gente no se torciera los pies, una urna donde irisaba un débil resplandor. En respuesta a mi pregunta, la duquesa de Guermantes me dijo que era madame de Saint-Euverte. Entonces quise saber qué era aquella señora de la madame de Saint-Euverte que yo había conocido. Madame de Guermantes me dijo que era la mujer de un sobrino nieto, pareció soportar la idea de que pertenecía a la familia La Rochefoucauld, pero negó que ella hubiera conocido personas de la familia Saint-Euverte. Le recordé la velada (de la que, a decir verdad, sólo de oídas tuve noticia) donde, princesa de Laumes, encontró a Swann. Madame de Guermantes afirmó que nunca estuvo en aquella velada. La duquesa había sido siempre un poco mentirosa y ahora lo era más. Madame de Saint-Euverte era para ella un salón -por lo demás bastante venido a menos con el tiempo- del que le gustaba renegar. No insistí. -No, al que pudo usted entrever en mi casa, porque era inteligente, es al marido de esa señora de quien usted habla y con la que yo no me relacionaba. -Pero si no tenía marido. -Se lo figuró usted porque estaban separados, pero era mucho más agradable que ella.
Je finis par comprendre qu′un homme énorme, extrêmement grand, extrêmement fort, avec des cheveux tout blancs, que je rencontrais un peu partout et dont je n′avais jamais su le nom était le mari de Mme de Sainte-Euverte. Il était mort l′an passé. Quant à la nièce, j′ignore si c′est à cause d′une maladie d′estomac, de nerfs, d′une phlébite, d′un accouchement prochain, récent ou manqué, qu′elle écoutait la musique étendue sans se bouger pour personne. Le plus probable est que, fière de ses belles soies rouges, elle pensait faire sur sa chaise longue un effet genre Récamier. Elle ne se rendait pas compte qu′elle donnait pour moi la naissance à un nouvel épanouissement de ce nom Sainte-Euverte, qui à tant d′intervalle marquait la distance et la continuité du Temps. C′est le Temps qu′elle berçait dans cette nacelle où fleurissaient le nom de Sainte-Euverte et le style Empire en soie de fuchsias rouges. Ce style Empire, Mme de Guermantes déclarait l′avoir toujours détesté ; cela voulait dire qu′elle le détestait maintenant, ce qui était vrai, car elle suivait la mode, bien qu′avec quelque retard. Sans compliquer en parlant de David qu′elle connaissait peu, toute jeune fille elle avait cru M. Ingres le plus ennuyeux des poncifs, puis, brusquement, le plus savoureux des maîtres de l′Art nouveau, jusqu′à détester Delacroix. Par quels degrés elle était revenue de ce culte à la réprobation importe peu, puisque ce sont là des nuances des goûts que le critique d′art reflète dix ans avant la conversation des femmes supérieures. Après avoir critiqué le style Empire, elle s′excusa de m′avoir parlé de gens aussi insignifiants que les Sainte-Euverte et de niaiseries comme le côté provincial de Bréauté, car elle était aussi loin de penser pourquoi cela m′intéressait que Mme de Sainte-Euverte de La Rochefoucauld, cherchant le bien de son estomac ou un effet ingresque, était loin de soupçonner que son nom m′avait ravi, celui de son mari, non celui plus glorieux de ses parents, et que je lui voyais comme une fonction dans cette pièce pleine d′attributs de bercer le temps.
Acabé por comprender que un hombre enorme, altísimo, muy gordo, con el pelo enteramente blanco, al que yo encontraba más o menos en todas partes y cuyo nombre no supe nunca era el marido de madame de Saint-Euverte. Había muerto el año anterior. En cuanto a la sobrina ignoro si la causa de que escuchara la música en aquella postura sin moverse por nadie era una enfermedad de estómago, de los nervios, una flebitis, un parto próximo, reciente o fracasado. Lo más probable es que, orgullosa de sus bellas sedas rojas, pensara hacer en su chaise longe el efecto de una madame Récamier. No se daba cuenta de que provocaba en mí una nueva expansión de aquel nombre Saint-Euverte, que, con tan largo intervalo, marcaba la distancia y la continuidad del Tiempo. El Tiempo es lo que ella mecía en aquella cuna donde florecían el nombre de Saint-Euverte y el estilo Imperio en sedas de fucsias rojas. Madame de Guermantes declaró que había odiado siempre ese estilo Imperio; quería decir que lo detestaba ahora, y era cierto, pues seguía la moda, aunque con algún retraso. Sin complicar la cosa hablando de David, al que conocía poco, de muy joven había creído a Ingres el más aburrido de los tópicos, después, repentinamente, el más sabroso de los maestros del arte nuevo, hasta detestar a Delacroix. Poco importan los grados que la llevaron de aquel culto a la reprobación, pues son matices del gusto que el crítico de arte refleja diez años antes de la conversación de las mujeres superiores. Después de criticar el estilo Imperio se disculpó de haberme hablado de una gente tan insignificante como los Saint-Euverte y de simplezas como el lado provinciano de Bréauté, pues estaba tan lejos de pensar por qué me interesaba aquello como lo estaba madame de Saint-Euverte-La Rochefoucauld, buscando el bien de su estómago o un efecto ingresco, de sospechar que me había encantado su nombre, el de su marido, no el más glorioso de su propia familia, y que yo le atribuía, en aquella estancia llena de atributos, la función de acunar el Tiempo.
« Mais comment puis-je vous parler de ces sottises, comment cela peut-il vous intéresser ? » s′écria la duchesse. Elle avait dit cette phrase à mi-voix et personne n′avait pu entendre ce qu′elle disait. Mais un jeune homme (qui devait m′intéresser dans la suite par un nom bien plus familier de moi autrefois que celui de Sainte-Euverte) se leva d′un air exaspéré et alla plus loin pour écouter avec plus de recueillement. Car c′était la sonate à Kreutzer qu′on jouait, mais, s′étant trompé sur le programme, il croyait que c′était un morceau de Ravel qu′on lui avait déclaré être beau comme du Palestrina, mais difficile à comprendre. Dans sa violence à changer de place, il heurta, à cause de la demi-obscurité, un bonheur du jour, ce qui n′alla pas sans faire tourner la tête à beaucoup de personnes pour qui cet exercice si simple de regarder derrière soi interrompait un peu le supplice d′écouter « religieusement » la sonate à Kreutzer. Et Mme de Guermantes et moi, causes de ce petit scandale, nous nous hâtâmes de changer de pièce. « Oui, comment ces riens-là peuvent-ils intéresser un homme de votre mérite ? C′est comme tout à l′heure, quand je vous voyais causer avec Gilberte de Saint-Loup. Ce n′est pas digne de vous. Pour moi c′est exactement rien, cette femme-là, ce n′est même pas une femme, c′est ce que je connais de plus factice et de plus bourgeois au monde (car, même à sa défense de l′actualité, la duchesse mêlait ses préjugés d′aristocrate). D′ailleurs devriez-vous venir dans des maisons comme ici ? Aujourd′hui, encore, je comprends parce qu′il y avait cette récitation de Rachel, ça peut vous intéresser. Mais si belle qu′elle ait été, elle ne donne pas devant ce public-là. Je vous ferai déjeuner seule avec elle. Alors vous verrez l′être que c′est. Mais elle est cent fois supérieure à tout ce qui est ici. Et après déjeuner elle vous dira du Verlaine. Vous m′en direz des nouvelles. »
-Pero ¿por qué le he hablado de esas tonterías, cómo pueden interesarle? -exclamó la duquesa. Dijo esta frase a media voz y nadie pudo oírla. Pero un joven (que me interesó después por un nombre mucho más familiar para mí en otro tiempo que el de Saint- Euverte) se levantó con gesto exasperado y se fue más lejos para escuchar con más recogimiento. Estaban tocando la Sonata de Kreutzer, pero como se habían equivocado en el programa, creía que era un trozo de Ravel que le habían dicho que era tan hermoso como una obra de Palestrina, pero difícil de entender. En su brusco movimiento para cambiar de sitio tropezó, por la semioscuridad, con un bargueño, y esto hizo mover la cabeza a muchas personas para las que aquel ejercicio tan sencillo de mirar atrás suspendía un poco el suplicio de escuchar «religiosamente» la Sonata de Kreutzer. Y madame de Guermantes y yo, causantes de aquel pequeño escándalo, nos apresuramos a cambiar de salón. -Sí, ¿cómo esas naderías pueden interesar a un hombre de su mérito? Es como hace un momento, cuando le estaba viendo hablar con Gilberta de Saint-Loup. No es digna de usted. Para mí esa mujer es ni más ni menos que nada, ni siquiera es una mujer, es lo más artificial y lo más burgués que conozco -pues la duquesa, hasta en su defensa de la Intelectualidad, mezclaba prejuicios de aristócrata-. Además, ¿debería usted venir a casas como ésta? Todavía hoy lo comprendo, porque había ese recital de Raquel, que puede interesarle. Pero por bello que el recital haya sido, Raquel no se da ante este público. Le invitaré a almorzar solo con ella. Entonces verá usted qué persona es. Pero es cien veces superior a todo lo que hay aquí. Y después del almuerzo le recitará Verlaine. Ya verá usted.
Elle me vanta surtout ses après-déjeuners, où il y avait tous les jours X et Y. Car elle en était arrivée à cette conception des femmes à « salons » qu′elle méprisait autrefois (bien qu′elle le niât aujourd′hui) et dont la grande supériorité, le signe d′élection selon elle, étaient d′avoir chez elle « tous les hommes ». Si je lui disais que telle grande dame à « salons » ne disait pas du bien, quand elle vivait, de Mme Howland, la duchesse éclatait de rire devant ma naîµ¥té : « Naturellement, l′autre avait chez elle tous les hommes et celle-ci cherchait à les attirer. »
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Elle reprit : « Mais dans de grandes machines comme ici, non, ça me passe que vous veniez. À moins que ce ne soit pour faire des étudesÂ… », ajouta-t-elle d′un air de doute, de méfiance, et sans trop s′aventurer, car elle ne savait pas très exactement en quoi consistait le genre d′opérations improbables auquel elle faisait allusion.
Pero a estos batiburrillos como hoy, no, no debe usted ir. A menos que sea para estudiar... -añadió con un gesto de duda, de desconfianza y sin aventurar demasiado, pues no sabía muy exactamente en qué consistía el género de operaciones improbables a que se refería.
« Est-ce que vous ne croyez pas, dis-je à la duchesse, que ce soit pénible à Mme de Saint-Loup d′entendre ainsi, comme elle vient de le faire, l′ancienne maîtresse de son mari ? » Je vis se former dans le visage de Mme de Guermantes cette barre oblique qui relie par des raisonnements ce qu′on vient d′entendre à des pensées peu agréables. Raisonnements inexprimés, il est vrai, mais toutes les choses graves que nous disons ne reçoivent jamais de réponse ni verbale, ni écrite. Les sots seuls sollicitent en vain deux fois de suite une réponse à une lettre qu′ils ont eu le tort d′écrire et qui était une gaffe ; car à ces lettres-là il n′est jamais répondu que par des actes, et la correspondante qu′on croit inexacte vous dit Monsieur quand elle vous rencontre, au lieu de vous appeler par votre prénom. Mon allusion à la liaison de Saint-Loup avec Rachel n′avait rien de si grave et ne put mécontenter qu′une seconde Mme de Guermantes en lui rappelant que j′avais été l′ami de Robert, et peut-être son confident au sujet des déboires qu′avait procurés à Rachel sa soirée chez la duchesse. Mais celle-ci ne persista pas dans ses pensées, la barre orageuse se dissipa, et Mme de Guermantes me répondit à ma question relative à Mme de Saint-Loup :
-¿No cree usted -dije a la duquesa- que será penoso para madame de Saint-Loup oír así, como acaba de hacerlo, a la antigua querida de su marido? Vi formarse en el rostro de madame de Guermantes esa barra oblicua que, con razonamientos, enlaza lo que se acaba de oír con pensamientos poco agradables. Razonamientos inexpresados, verdad es, pero todas las cosas graves que decimos no reciben jamás respuesta verbal ni escrita. Sólo los tontos requieren en vano diez veces seguidas una respuesta a una carta que han cometido la torpeza de escribir y que era una coladura; pues a esas cartas no se contesta nunca más que con actos, pero la comunicante a la que creemos impuntual nos dice monsieur cuando nos encuentra, en lugar de llamarnos por nuestro nombre de pila. Mi alusión al enredo de Saint-Loup con Raquel no era tan grave y sólo pudo desagradar durante un segundo a madame de Guermantes recordándole que yo había sido amigo de Roberto y quizá su confidente sobre los disgustos que le había producido a Raquel su velada en casa de la duquesa. Pero ésta no persistió en sus pensamientos, la barra tempestuosa se borró y madame de Guermantes contestó a mi pregunta sobre madame de Saint-Loup:
« Je vous dirai que je crois que ça lui est d′autant plus égal que Gilberte n′a jamais aimé son mari. C′est une petite horreur. Elle a aimé la situation, le nom, être ma nièce, sortir de sa fange, après quoi elle n′a pas eu d′autre idée que d′y rentrer. Je vous dirai que ça me faisait beaucoup de peine à cause du pauvre Robert, parce qu′il avait beau ne pas être un aigle, il s′en apercevait très bien, et d′un tas de choses. Il ne faut pas le dire parce qu′elle est malgré tout ma nièce, je n′ai pas la preuve positive qu′elle le trompait, mais il y a eu un tas d′histoires. Mais si, je vous dis que je le sais, avec un officier de Méséglise, Robert a voulu se battre. C′est pour tout ça que Robert s′est engagé. La guerre lui est apparue comme une délivrance de ses chagrins de famille ; si vous voulez ma pensée, il n′a pas été tué, il s′est fait tuer. Elle n′a eu aucune espèce de chagrin, elle m′a même étonnée par un rare cynisme dans l′affectation de son indifférence, ce qui m′a fait beaucoup de chagrin parce que j′aimais bien le pauvre Robert.
Ça vous étonnera peut-être parce qu′on me connaît mal, mais il m′arrive encore de penser à lui. Je n′oublie personne. Il ne m′a jamais rien dit, mais il avait bien compris que je devinais tout.
-Le diré, creo que le importa poco, porque Gilberta no amó nunca a su marido. Es una horrible personilla. Le gustó la situación, el nombre, ser mi sobrina, salir de su fango, después de lo cual ya no pensó más que en volver a él. Le diré que me daba mucha pena por el pobre Roberto, porque aunque no era un águila, se daba muy bien cuenta, y de muchas cosas. No hay que decirlo, porque después de todo es mi sobrina, no tengo pruebas positivas de que le engañara, pero hubo un montón de historias. Le digo que sí, que lo sé, que Roberto quiso batirse con un oficial de Méséglise. Pero fue por todo esto por lo que se enroló Roberto, la guerra le parecería como una liberación de sus penas de familia; si quiere que le diga lo que pienso, no es que le mataron, es que se hizo matar. Ella no tuvo la menor pena, hasta me asombró por un raro cinismo en la ostentación de su indiferencia, y me disgustó mucho, porque yo quería bien al pobre Roberto. A usted le extrañará quizá, porque me conocen mal, pero todavía pienso a veces en él: yo no olvido a nadie. Nunca me dijo nada, pero comprendía muy bien que yo lo adivinaba todo.
Mais, voyons, si elle avait aimé tant soit peu son mari, pourrait-elle supporter avec ce flegme de se trouver dans le même salon que la femme dont il a été l′amant éperdu pendant tant d′années, on peut dire toujours, car j′ai la certitude que ça n′a jamais cessé, même pendant la guerre. Mais elle lui sauterait à la gorge », s′écria la duchesse, oubliant qu′elle-même, en faisant inviter Rachel et en rendant possible la scène qu′elle jugeait inévitable si Gilberte eût aimé Robert, agissait cruellement. « Non, voyez-vous, conclut-elle, c′est une cochonne. » Une telle expression était rendue possible à Mme de Guermantes par la pente agréable qu′elle descendait, du milieu des Guermantes à la société des comédiennes, et aussi parce qu′elle greffait cela sur un genre XVIIIe siècle qu′elle jugeait plein de verdeur, enfin parce qu′elle se croyait tout permis. Mais cette expression lui était aussi dictée par la haine qu′elle éprouvait pour Gilberte, par un besoin de la frapper, à défaut de matériellement, en effigie. Et en même temps la duchesse pensait justifier par là toute la conduite qu′elle tenait à l′égard de Gilberte, ou plutôt contre elle, dans le monde, dans la famille, au point de vue même des intérêts et de la succession de Robert. Mais parfois les jugements qu′on porte reçoivent des faits qu′on ignore et qu′on n′eût pu supposer une justification apparente. Gilberte, qui tenait sans doute un peu de l′ascendance de sa mère (et c′est bien cette facilité que j′avais, sans m′en rendre compte, escomptée, en lui demandant de me faire connaître de très jeunes filles), tira, après réflexion, de la demande que j′avais faite, et sans doute pour que le profit ne sortît pas de la famille, une conclusion plus hardie que toutes celles que j′avais pu supposer et, revenant vers moi, me dit : « Si vous le permettez, je vais aller chercher ma fille pour vous la présenter. Elle est là-bas qui cause avec le petit Mortemart et d′autres bambins sans intérêt. Je suis sûre qu′elle sera une gentille amie pour vous. » Je lui demandai si Robert avait été content d′avoir une fille : « Oh ! il était tout fier d′elle. Mais, naturellement, je crois tout de même qu′étant donné ses goûts, dit naîµ¥ment Gilberte, il aurait préféré un garçon. » Cette fille, dont le nom et la fortune pouvaient faire espérer à sa mère qu′elle épouserait un prince royal et couronnerait toute l′œuvre ascendante de Swann et de sa femme, choisit plus tard comme mari un homme de lettres obscur, car elle n′avait aucun snobisme, et fit redescendre cette famille plus bas que le niveau d′où elle était partie. Il fut alors extrêmement difficile de faire croire aux générations nouvelles que les parents de cet obscur ménage avaient eu une grande situation.
Vamos, si hubiera querido, por poco que fuera, a su marido, ¿cómo iba a poder soportar con esa tranquilidad estar en el mismo salón que la mujer de la que Roberto estuvo tantos años perdidamente enamorado?; puede decirse que siempre, pues tengo la seguridad de que eso no acabó nunca, ni siquiera durante la guerra. ¡Pero se le echaría al cuello! -exclamó la duquesa, olvidando que ella misma, al invitar a Raquel y al hacer posible la escena que consideraba inevitable si Gilberta hubiera amado a Roberto, obraba quizá cruelmente-. No -concluyó-, le digo que es una cochina. Una expresión así era posible en madame de Guermantes por la pendiente que ella bajaba desde el medio de los Guermantes agradables a la sociedad de los comediantes, y también porque injertaba aquello en un género siglo XVIII que ella consideraba muy verde, en fin, porque se lo creía permitido todo. Pero esta expresión se la dictaba el odio que le tenía a Gilberta, una necesidad de herirla en efigie, ya que no fuera posible materialmente. Y, al mismo tiempo, la duquesa pensaba justificar así toda su conducta con Gilberta o más bien contra Gilberta, en el mundo, en la familia, hasta en cuestión de los intereses y de la herencia de Roberto. Pero como aveces los juicios que se hacen reciben de hechos que se ignoran y que no se han podido suponer una justificación aparente, Gilberta, que tenía sin duda un poco del ascendiente de su madre (y, desde luego, yo había contado sin darme cuenta con esta facilidad, al pedirle que me pusiera en relación con muchachas muy jóvenes), previa reflexión, sacó de la petición que le hice, y seguramente para que el beneficio no saliera de la familia, una conclusión más audaz que todas las que yo hubiera podido suponer; me dijo: -Si me lo permite, voy a ir a buscar a mi hija para presentársela. Está allí hablando con el joven Mortemart y con otros chicuelos sin interés. Estoy segura de que será una simpática amiga para usted. -Le pregunté si Roberto estaba contento de tener una hija-. ¡Oh!, estaba muy orgulloso de ella. Pero, naturalmente, conociendo sus gustos, creo -dijo ingenuamente Gilberta- que hubiera preferido un chico. Aquella muchacha, cuyo nombre y cuya fortuna podían hacer esperar a su madre que se casaría con un príncipe real y coronaría toda la obra ascendente de Swann y de su mujer, eligió después por marido a un hombre de letras oscuro, pues no tenía ningún snobismo, e hizo descender de nuevo a aquella familia a un nivel más bajo de aquel de donde saliera. Entonces fue muy difícil hacer creer a las generaciones nuevas que los padres de aquel oscuro matrimonio tuvieran una gran posición. Resucitaron milagrosamente los nombres de Swann y de Odette de Crécy para permitir a la gente decirnos que nos engañábamos, que no eran una familia tan encopetada.
L′étonnement que me causèrent les paroles de Gilberte et le plaisir qu′elles me firent furent bien vite remplacés, tandis que Mme de Saint-Loup s′éloignait vers un autre salon, par cette idée du Temps passé, qu′elle aussi, à sa manière, me rendait, et sans même que je l′eusse vue, Mlle de Saint-Loup. Comme la plupart des êtres, d′ailleurs, n′était-elle pas comme sont dans les forêts les « étoiles » des carrefours où viennent converger des routes venues, pour notre vie aussi, des points les plus différents. Elles étaient nombreuses pour moi, celles qui aboutissaient à Mlle de Saint-Loup et qui rayonnaient autour d′elle. Et avant tout venaient aboutir à elle les deux grands « côtés » où j′avais fait tant de promenades et de rêves — par son père Robert de Saint-Loup le côté de Guermantes, par Gilberte sa mère le côté de Méséglise qui était le côté de chez Swann. L′un, par la mère de la jeune fille et les Champs-Élysées, me menait jusqu′à Swann, à mes soirs de Combray, au côté de Méséglise ; l′autre, par son père, à mes après-midi de Balbec où je le revoyais près de la mer ensoleillée. Déjà entre ces deux routes des transversales s′établissaient. Car ce Balbec réel où j′avais connu Saint-Loup, c′était en grande partie à cause de ce que Swann m′avait dit sur les églises, sur l′église persane surtout, que j′avais tant voulu y aller et, d′autre part, par Robert de Saint-Loup, neveu de la duchesse de Guermantes, je rejoignais, à Combray encore, le côté de Guermantes. Mais à bien d′autres points de ma vie encore conduisait Mlle de Saint-Loup, à la Dame en rose, qui était sa grand′mère et que j′avais vue chez mon grand-oncle. Nouvelle transversale ici, car le valet de chambre de ce grand-oncle et qui m′avait introduit ce jour-là et qui plus tard m′avait, par le don d′une photographie, permis d′identifier la Dame en rose, était l′oncle du jeune homme que, non seulement M. de Charlus, mais le père même de Mlle de Saint-Loup avait aimé, pour qui il avait rendu sa mère malheureuse. Et n′était-ce pas le grand-père de Mlle de Saint-Loup, Swann, qui m′avait le premier parlé de la musique de Vinteuil, de même que Gilberte m′avait la première parlé d′Albertine ? Or, c′est en parlant de la musique de Vinteuil à Albertine que j′avais découvert qui était sa grande amie et commencé avec elle cette vie qui l′avait conduite à la mort et m′avait causé tant de chagrins. C′était, du reste, aussi le père de Mlle de Saint-Loup qui était parti tâcher de faire revenir Albertine. Et même je revoyais toute ma vie mondaine, soit à Paris dans le salon des Swann ou des Guermantes, soit tout à l′opposé, à Balbec chez les Verdurin, faisant ainsi s′aligner, à côté des deux côtés de Combray, les Champs-Élysées et la belle terrasse de la Raspelière. D′ailleurs, quels êtres avons-nous connus qui, pour raconter notre amitié avec eux, ne nous obligent à les placer nécessairement dans tous les sites les plus différents de notre vie ? Une vie de Saint-Loup peinte par moi se déroulerait dans tous les décors et intéresserait toute ma vie, même les parties de cette vie où il fut étranger, comme ma grand′mère ou comme Albertine. D′ailleurs, si à l′opposé qu′ils fussent, les Verdurin tenaient à Odette par le passé de celle-ci, à Robert de Saint-Loup par Charlie, et chez eux quel rôle n′avait pas joué la musique de Vinteuil.
La impresión y la alegría que aquellas palabras me produjeron fueron sustituidas en seguida, mientras madame de Saint-Loup se encaminaba a otro salón, por esa idea del Tiempo pasado que también me devolvía, a su modo, y aun sin haberla visto todavía, mademoiselle de Saint-Loup. ¿No era ésta, como la mayor parte de las personas, por lo demás, como son en los bosques las «estrellas» de los cruces donde vienen a converger caminos procedentes, también en nuestra vida, desde los puntos más distintos? Para mí eran muchos los que iban a parar a mademoiselle de Saint-Loup y tendían sus radios en torno a ella. Y, sobre todo, iban a parar a ella los dos grandes caminos donde yo había dado tantos paseos y vivido tantos sueños -por su padre Roberto de Saint-Loup, el camino de Guermantes; por Gilberta, su madre, el camino de Méséglise, que era «el camino de Swann». Uno de ellos, por la madre de la muchacha y los Champs-Elysées, me llevaba a Swann, a mis noches de Combray, al camino de Méséglise; el otro, por su padre, a mis tardes de Balbec, donde le veía junto al mar soleado-. Ya se tendían transversales entre estos dos caminos. Pues si tuve tanto empeño en ir a aquel Balbec real donde conocí a Saint-Loup, fue en gran parte por lo que Swann me había dicho sobre las iglesias, sobre todo sobre la iglesia persa, y, por otra parte, por Roberto de Saint-Loup, sobrino de la duquesa de Guermantes, enlazaba, también en Combray, con el camino de Guermantes. Pero mademoiselle de Saint-Loup conducía a otros muchos puntos de mi vida, a la Dama de rosa, que era su abuela y a la que vi en casa de mi tío abuelo. Aquí otra transversal, pues el criado de aquel tío abuelo, que aquel día me introdujo y más tarde me permitió, dándome una fotografía, identificar a la Dama de rosa, era el padre del joven al que amaron no sólo monsieur de Charlus, sino el padre mismo de mademoiselle de Saint-Loup, que por él hizo desgraciada a su madre. ¿Y no fue el abuelo de mademoiselle de Saint-Loup, Swann, el primero que me habló de la música de Vinteuil, como fue Gilberta la primera que me habló de Albertina? Y hablando a Albertina de la música de Vinteuil descubrí quién era su gran amiga y comencé con ella aquella vida que la condujo a la muerte y que tantas penas me causó. Y fue también el padre de mademoiselle de Saint-Loup quien trató de que volviera Albertina. Y hasta toda mi vida mundana, ya en París, en el salón de los Swann o de los Guermantes, ya en el extremo opuesto, en casa de los Verdurin, alineándose así, junto a los dos caminos de Combray, de los Champs-Elysées, la bella terraza de la Raspelière. Por otra parte, ¿qué seres hemos conocido que, para contar nuestra amistad con ellos, no nos obliguen a situarlos sucesivamente en los lugares más diferentes de nuestra vida? Una vida de Saint-Loup pintada por mí se desarrollaría en todas las decoraciones y afectaría a toda mi vida, hasta a las partes de esa vida a las que más ajeno fue, como mi abuela o como Albertina. Por otra parte, por opuestos que fuesen, los Verdurin estaban relacionados con Odette por el pasado de ésta, con Roberto de Saint-Loup por Charlie; ¡y qué papel no había desempeñado en su casa la música de Vinteuil!
Enfin Swann avait aimé la sœur de Legrandin, lequel avait connu M. de Charlus, dont le jeune Cambremer avait épousé la pupille. Certes, s′il s′agit uniquement de nos cœurs, le poète a eu raison de parler des fils mystérieux que la vie brise. Mais il est encore plus vrai qu′elle en tisse sans cesse entre les êtres, entre les événements, qu′elle entre-croise ces fils, qu′elle les redouble pour épaissir la trame, si bien qu′entre le moindre point de notre passé et tous les autres, un riche réseau de souvenirs ne laisse que le choix des communications. On peut dire qu′il n′y avait pas, si je cherchais à ne pas en user inconsciemment mais à me rappeler ce qu′elle avait été, une seule des choses qui nous servaient en ce moment qui n′avait été une chose vivante, et vivant d′une vie personnelle pour nous, transformée ensuite à notre usage en simple matière industrielle. Et ma présentation à Mlle de Saint-Loup allait avoir lieu chez Mme Verdurin devenue princesse de Guermantes ! Avec quel charme je repensais à tous nos voyages avec Albertine — dont j′allais demander à Mlle de Saint-Loup d′être un succédané — dans le petit tram, vers Doville, pour aller chez Mme Verdurin, cette même Mme Verdurin qui avait noué et rompu, avant mon amour pour Albertine, celui du grand-père et de la grand′mère de Mlle de Saint-Loup. Tout autour de nous étaient des tableaux de cet Elstir qui m′avait présenté à Albertine. Et pour mieux fondre tous mes passés, Mme Verdurin, tout comme Gilberte, avait épousé un Guermantes.
Por último, Swann amó a la hermana de Legrandin, el cual conoció a monsieur de Charlus, cuya pupila se casó con el joven Cambremer. Desde luego, si se trata únicamente de nuestros corazones, el poeta hizo bien en hablar de los «misteriosos hilos» que la vida rompe. Pero es más cierto aún que los teje sin cesar entre los seres, entre los acontecimientos, que entrecruza sus hilos, que los dobla para reforzar la trama, de suerte que entre el menor punto de nuestro pasado y todos los demás hay una espesa red de recuerdos que sólo nos deja la elección de las comunicaciones. Puede decirse que, si yo intentara no usarla inconscientemente, sino recordar lo que fue para mí, no había una sola de las cosas que nos servían en aquel momento que no fuera cosa viva, y viva con una vida personal para nosotros, transformada luego con nuestro uso en simple materia industrial. Mi presentación a mademoiselle de Saint-Loup iba a tener lugar en casa de madame Verdurin: ¡con qué deleite volvía yo a pensar en todos nuestros viajes con aquella Albertina -de la que yo iba a pedir a mademoiselle de Saint- Loup que fuera un sucedáneo- en el trenecillo, hacia Doville, para ir a casa de madame Verdurin, aquella misma madame Verdurin que había anudado y roto, antes de mi amor por Albertina, el del abuelo y la abuela de mademoiselle de Saint-Loup! Estábamos rodeados de los cuadros de aquel Elstir que me presentó Albertina. Y para fundir mejor todos mis pasados, madame Verdurin, como Gilberta, se casó con un Guermantes.
Nous ne pourrions pas raconter nos rapports avec un être, que nous avons même peu connu, sans faire se succéder les sites les plus différents de notre vie. Ainsi chaque individu — et j′étais moi-même un de ces individus — mesurait pour moi la durée par la révolution qu′il avait accomplie non seulement autour de soi-même, mais autour des autres, et notamment par les positions qu′il avait occupées successivement par rapport à moi.
No podríamos contar nuestras relaciones con un ser al que hemos conocido, aunque sea poco, sin hacer que se sucedan los sitios más diferentes de nuestra vida. Así, cada individuo -y yo mismo era uno de esos invididuos- medía para mí el tiempo por la revolución que realizó no sólo en torno de sí mismo, sino en torno de los demás, y especialmente por las posiciones que ocupó sucesivamente con relación a mí.
Et sans doute tous ces plans différents, suivant lesquels le Temps, depuis que je venais de le ressaisir, dans cette fête, disposait ma vie, en me faisant songer que, dans un livre qui voudrait en raconter une, il faudrait user, par opposition à la psychologie plane dont on use d′ordinaire, d′une sorte de psychologie dans l′espace, ajoutaient une beauté nouvelle à ces résurrections que ma mémoire opérait tant que je songeais seul dans la bibliothèque, puisque la mémoire, en introduisant le passé dans le présent sans le modifier, tel qu′il était au moment où il était le présent, supprime précisément cette grande dimension du Temps suivant laquelle la vie se réalise.
Y todos esos diferentes planos con arreglo a los cuales el Tiempo, desde que yo acababa de recobrarlo en aquella fiesta, disponía mi vida, haciéndome pensar que, en un libro que se propusiera contar una, habría que emplear, en lugar de la psicología plana que se aplica generalmente, una especie de psicología del espacio, daban sin duda una belleza nueva a esas resurrecciones que mi memoria operaba mientras estaba solo en la biblioteca, porque la memoria, al introducir el pasado en el presente sin modificarlo, tal como era cuando era presente, suprime precisamente esa gran dimensión del Tiempo con arreglo a la cual se realiza la vida.
Je vis Gilberte s′avancer. Moi, pour qui le mariage de Saint-Loup — les pensées qui m′occupaient alors et qui étaient les mêmes ce matin — était d′hier, je fus étonné de voir à côté d′elle une jeune fille d′environ seize ans, dont la taille élevée mesurait cette distance que je n′avais pas voulu voir.
Vi acercarse a Gilberta. A mí, para quien la boda de Saint-Loup, los pensamientos que me ocupaban entonces y que eran los mismos esta mañana, eran de ayer, me extrañó ver a su lado a una muchacha de unos dieciséis años cuya elevada estatura medía aquella distancia que yo no había querido ver.
Le temps incolore et insaisissable s′était, afin que, pour ainsi dire, je puisse le voir et le toucher, matérialisé en elle et l′avait pétrie comme un chef-d′œuvre, tandis que parallèlement sur moi, hélas ! il n′avait fait que son œuvre. Cependant Mlle de Saint-Loup était devant moi. Elle avait les yeux profonds, nets, forés et perçants. Je fus frappé que son nez, fait comme sur le patron de celui de sa mère et de sa grand′mère, s′arrêtât juste par cette ligne tout à fait horizontale sous le nez, sublime quoique pas assez courte. Un trait aussi particulier eût fait reconnaître une statue entre des milliers, n′eût-on vu que ce trait-là, et j′admirais que la nature fût revenue à point nommé pour la petite fille, comme pour la mère, comme pour la grand′mère, donner, en grand et original sculpteur, ce puissant et décisif coup de ciseau. Ce nez charmant, légèrement avancé en forme de bec, avait la courbe, non point de celui de Swann mais de celui de Saint-Loup. L′âme de ce Guermantes s′était évanouie ; mais la charmante tête aux yeux perçants de l′oiseau envolé était venue se poser sur les épaules de Mlle de Saint-Loup, ce qui faisait longuement rêver ceux qui avaient connu son père. Je la trouvais bien belle, pleine encore d′espérances. Riante, formée des années mêmes que j′avais perdues, elle ressemblait à ma jeunesse.
El tiempo incoloro e inasible, para que yo pudiese, por decirlo así, verlo y tocarlo, se había materializado en ella y la había modelado como una obra maestra, mientras que, paralelamente, en mí, no había hecho, ¡ay!, más que su obra. Mientras tanto, mademoiselle de Saint-Loup estaba ante mí. Tenía los ojos profundamente hundidos y penetrantes, y también la nariz encantadora ligeramente saliente en forma de pico y curva, quizá no como la de Swann, sino como la de Saint- Loup. El alma de aquel Guermantes se había esfumado; pero la encantadora cabeza de ojos penetrantes del pájaro que voló había venido a posarse sobre los hombros de mademoiselle de Saint-Loup, lo que hacía pensar mucho a los que habían conocido a su padre. Me pareció muy bella: llena aún de esperanzas, reidora, formada de los mismos años que yo había perdido, parecida a mi juventud.
Enfin cette idée de temps avait un dernier prix pour moi, elle était un aiguillon, elle me disait qu′il était temps de commencer si je voulais atteindre ce que j′avais quelquefois senti au cours de ma vie, dans de brefs éclairs, du côté de Guermantes, dans mes promenades en voiture avec Mme de Villeparisis et qui m′avait fait considérer la vie comme digne d′être vécue. Combien me le semblait-elle davantage, maintenant qu′elle me semblait pouvoir être éclaircie, elle qu′on vit dans les ténèbres ; ramenée au vrai de ce qu′elle était, elle qu′on fausse sans cesse, en somme réalisée dans un livre. Que celui qui pourrait écrire un tel livre serait heureux, pensais-je ; quel labeur devant lui ! Pour en donner une idée, c′est aux arts les plus élevés et les plus différents qu′il faudrait emprunter des comparaisons ; car cet écrivain, qui, d′ailleurs, pour chaque caractère, aurait à en faire apparaître les faces les plus opposées, pour faire sentir son volume comme celui d′un solide devrait préparer son livre minutieusement, avec de perpétuels regroupements de forces, comme pour une offensive, le supporter comme une fatigue, l′accepter comme une règle, le construire comme une église, le suivre comme un régime, le vaincre comme un obstacle, le conquérir comme une amitié, le suralimenter comme un enfant, le créer comme un monde, sans laisser de côté ces mystères qui n′ont probablement leur explication que dans d′autres mondes et dont le pressentiment est ce qui nous émeut le plus dans la vie et dans l′art. Et dans ces grands livres-là, il y a des parties qui n′ont eu le temps que d′être esquissées, et qui ne seront sans doute jamais finies, à cause de l′ampleur même du plan de l′architecte. Combien de grandes cathédrales restent inachevées. Longtemps, un tel livre, on le nourrit, on fortifie ses parties faibles, on le préserve, mais ensuite c′est lui qui grandit, qui désigne notre tombe, la protège contre les rumeurs et quelque peu contre l′oubli. Mais, pour en revenir à moi-même, je pensais plus modestement à mon livre, et ce serait même inexact que de dire en pensant à ceux qui le liraient, à mes lecteurs. Car ils ne seraient pas, comme je l′ai déjà montré, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d′eux-mêmes, mon livre n′étant qu′une sorte de ces verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l′opticien de Combray, mon livre, grâce auquel je leur fournirais le moyen de lire en eux-mêmes. De sorte que je ne leur demanderais pas de me louer ou de me dénigrer, mais seulement de me dire si c′est bien cela, si les mots qu′ils lisent en eux-mêmes sont bien ceux que j′ai écrits (les divergences possibles à cet égard ne devant pas, du reste, provenir toujours de ce que je me serais trompé, mais quelquefois de ce que les yeux du lecteur ne seraient pas de ceux à qui mon livre conviendrait pour bien lire en soi-même). Et changeant à chaque instant de comparaison, selon que je me représentais mieux, et plus matériellement, la besogne à laquelle je me livrerais, je pensais que sur ma grande table de bois blanc je travaillerais à mon œuvre, regardé par Françoise. Comme tous les êtres sans prétention qui vivent à côté de nous ont une certaine intuition de nos tâches et comme j′avais assez oublié Albertine pour avoir pardonné à Françoise ce qu′elle avait pu faire contre elle, je travaillerais auprès d′elle, et presque comme elle (du moins comme elle faisait autrefois : si vieille maintenant, elle n′y voyait plus goutte), car, épinglant de-ci de-là un feuillet supplémentaire, je bâtirais mon livre, je n′ose pas dire ambitieusement comme une cathédrale, mais tout simplement comme une robe. Quand je n′aurais pas auprès de moi tous mes papiers, toutes mes paperoles, comme disait Françoise, et que me manquerait juste celui dont j′aurais eu besoin, Françoise comprendrait bien mon énervement, elle qui disait toujours qu′elle ne pouvait pas coudre si elle n′avait pas le numéro du fil et les boutons qu′il fallait, et puis, parce que, à force de vivre ma vie, elle s′était fait du travail littéraire une sorte de compréhension instinctive, plus juste que celle de bien des gens intelligents, à plus forte raison que celle des gens bêtes. Ainsi quand j′avais autrefois fait mon article pour le Figaro, pendant que le vieux maître d′hôtel, avec une figure de commisération qui exagère toujours un peu ce qu′a de pénible un labeur qu′on ne pratique pas, qu′on ne conçoit même pas, et même une habitude qu′on n′a pas, comme les gens qui vous disent : « Comme ça doit vous fatiguer d′éternuer comme ça », plaignait sincèrement les écrivains en disant : « Quel casse-tête ça doit être », Françoise, au contraire, devinait mon bonheur et respectait mon travail. Elle se fâchait seulement que je contasse d′avance mes articles à Bloch, craignant qu′il me devançât, et disant : « Tous ces gens-là, vous n′avez pas assez de méfiance, c′est des copiateurs. » Et Bloch se donnait, en effet, un alibi rétrospectif en me disant, chaque fois que je lui avais esquissé quelque chose qu′il trouvait bien : « Tiens, c′est curieux, j′ai fait quelque chose de presque pareil, il faudra que je te lise cela. » (Il n′aurait pas pu me le lire encore, mais allait l′écrire le soir même.)
Además, esta idea del Tiempo tenía para mí otro valor: era un acicate, me decía que ya era hora de comenzar si quería conseguir lo que a veces sintiera en el transcurso de mi vida, en breves fogonazos, camino de Guermantes, en mis paseos en coche con madame de Villeparisis, y que me hizo considerar la vida como digna de ser vivida. ¡Cuánto más me lo parecía ahora que creía poder esclarecerla, esa vida que vivimos en las tinieblas, traída a la verdad de lo que era, esa vida que falseamos continuamente, por fin realizada en un libro! ¡Qué feliz sería, pensaba yo, el que pudiera escribir un libro así, qué labor ante él! Para dar una idea de esa felicidad, habría que tomar comparaciones entre las artes más elevadas y más diferentes; pues ese escritor que, por otra parte, en cada carácter presentaría las caras opuestas para mostrar su volumen, tendría que preparar su libro minuciosamente, con continuos reagrupamientos de fuerzas, como una ofensiva, soportarlo como una fatiga, aceptarlo como una regla, construirlo como una iglesia, seguirlo como un régimen, vencerlo como un obstáculo, conquistarlo como una amistad, sobrealimentarlo como a un niño, crearlo como un mundo, sin prescindir de esos misterios que probablemente sólo tienen explicación en otros mundos y cuyo presentimiento es lo que más nos conmueve en la vida y en el arte. Y en esos grandes libros hay partes que sólo han tenido tiempo de ser esbozadas y que seguramente no se terminarán nunca, por la misma amplitud del plano del arquitecto. ¡Cuántas grandes catedrales permanecen inacabadas! Se le alimenta, se fortifican sus partes débiles, se le ampara, pero luego es él quien crece, quien designa nuestra tumba, quien la protege contra los rumores y, durante algún tiempo, contra el olvido. Mas, volviendo a mí mismo, yo pensaba más modestamente en mi libro, y aún sería inexacto decir que pensaba en quienes lo leyeran, en mis lectores. Pues, a mi juicio, no serían mis lectores, sino los propios lectores de sí mismos, porque mi libro no sería más que una especie de esos cristales de aumento como los que ofrecía a un comprador el óptico de Combray; mi libro, gracias al cual les dada yo el medio de leer en sí mismos, de suerte que no les pediría que me alabaran o me denigraran, sino sólo que me dijeran si es efectivamente esto, si las palabras que leen en ellos mismos son realmente las que yo he escrito (pues, por lo demás, las posibles divergencias a este respecto no siempre se debían a que yo me hubiera equivocado, sino a que a veces los ojos del lector no fueran los ojos que convienen a mi libro para leer bien en sí mismo). Y, cambiando a cada momento de comparación según que me representara mejor y más materialmente la tarea a la que me entregaba, pensaba que, en mi gran mesa de madera blanca, mirado por Francisca, como todos los seres sin pretensiones que viven junto a nosotros tienen cierta intuición de nuestras tareas (y yo había olvidado a Albertina lo bastante para haber perdonado a Francisca lo que hizo con ella), trabajaría junto a ella, y casi como ella (al menos como ella trabajaba antes: ahora, tan vieja ya, no veía ni gota); pues, prendiendo aquí un papel suplementario, construiría mi libro, no me atrevo a decir, ambiciosamente, como una catedral, sino simplemente como un vestido. Aunque no tuviera junto a mí todos mis papelotes, como decía Francisca, y aunque me faltara precisamente el que necesitaba, Francisca comprendería bien mi nerviosismo, siempre decía que no podía coser si no tenía el número del hilo y los botones que hacían falta. Y, además, porque, a fuerza de vivir de mi vida, Francisca había llegado a una especie de comprensión instintiva del trabajo literario, una comprensión más exacta que la de muchas personas inteligentes, y con mayor razón que la de los tontos. Así, por ejemplo, cuando, años atrás, escribí mi artículo para Le Figaro, mientras el viejo mayordomo, con esa especie de conmiseración que exagera siempre un poco lo que tiene de penosa una labor que no se practica, que ni siquiera se concibe, y hasta una costumbre que no se tiene, como las personas que nos dicen: «Cómo debe cansarle estornudar así», compadecía sinceramente a los escritores diciendo: «Qué rompecabezas debe de ser eso». Francisca, por el contrario, adivinaba mi felicidad y respetaba mi trabajo. Lo único que le molestaba era que yo le contase de antemano mi artículo a Bloch, temiendo que me lo pisara, y diciendo: «Toda esa gente es para desconfiar, son unos copiones». Y Bloch se preparaba, en efecto, una coartada retrospectiva diciéndome, cada vez que le esbozaba algo que le parecía bien: «Hombre, es curioso, yo he hecho algo casi parecido, tendré que leértelo». (No habría podido leérmelo todavía, porque lo iba a escribir aquella misma noche.)
À force de coller les uns aux autres ces papiers, que Françoise appelait mes paperoles, ils se déchiraient çà et là. Au besoin Françoise pourrait m′aider à les consolider, de la même façon qu′elle mettait des pièces aux parties usées de ses robes ou qu′à la fenêtre de la cuisine, en attendant le vitrier comme moi l′imprimeur, elle collait un morceau de journal à la place d′un carreau cassé
A fuerza de pegar unos con otros aquellos papeles que Francisca llamaba mis papelotes, se iban rompiendo por uno u otro lado. ¿No podría Francisca, en caso necesario, ayudarme a consolidarlos, de la misma manera que ponía piezas en las partes usadas de sus vestidos, o que mientras esperaba al cristalero como yo al impresor, ponía un pedazo de periódico en el lugar del cristal roto?
Elle me disait, en me montrant mes cahiers rongés comme le bois où l′insecte s′est mis : « C′est tout mité, regardez, c′est malheureux, voilà un bout de page qui n′est plus qu′une dentelle, et — l′examinant comme un tailleur — je ne crois pas que je pourrai la refaire, c′est perdu. C′est dommage, c′est peut-être vos plus belles idées. Comme on dit à Combray, il n′y a pas de fourreurs qui s′y connaissent aussi bien comme les mites. Elles se mettent toujours dans les meilleures étoffes. »
Â…
D′ailleurs, comme les individualités (humaines ou non) seraient dans ce livre faites d′impressions nombreuses, qui, prises de bien des jeunes filles, de bien des églises, de bien des sonates, serviraient à faire une seule sonate, une seule église, une seule jeune fille, ne ferais-je pas mon livre de la façon que Françoise faisait ce bœuf mode, apprécié par M. de Norpois, et dont tant de morceaux de viande ajoutés et choisis enrichissaient la gelée. Et je réaliserais ce que j′avais tant désiré dans mes promenades du côté de Guermantes et cru impossible, comme j′avais cru impossible, en rentrant, de m′habituer jamais à me coucher sans embrasser ma mère ou, plus tard, à l′idée qu′Albertine aimât les femmes, idée avec laquelle j′avais fini par vivre sans même m′apercevoir de sa présence, car nos plus grandes craintes, comme nos plus grandes espérances, ne sont pas au-dessus de nos forces, et nous pouvons finir par dominer les unes et réaliser les autres. — Oui, à cette œuvre, cette idée du temps, que je venais de former, disait qu′il était temps de me mettre. Il était grand temps, cela justifiait l′anxiété qui s′était emparée de moi dès mon entrée dans le salon, quand les visages grimés m′avaient donné la notion du temps perdu ; mais était-il temps encore ? L′esprit a ses paysages dont la contemplation ne lui est laissée qu′un temps. J′avais vécu comme un peintre montant un chemin qui surplombe un lac dont un rideau de rochers et d′arbres lui cache la vue. Par une brèche il l′aperçoit, il l′a tout entier devant lui, il prend ses pinceaux. Mais déjà vient la nuit, où l′on ne peut plus peindre, et sur laquelle le jour ne se relèvera plus !
Por otra parte, como en un libro las individualidades (humanas o no) se componen de impresiones numerosas que, tomadas de muchas muchachas, de muchas iglesias, de muchas sonatas, sirven para hacer una sola sonata, una sola iglesia, una sola muchacha, ¿no haría yo mi libro como hacía Francisca su estofado de vaca, que le gustaba mucho a monsieur de Norpois, con una gelatina enriquecida con tantos y tan selectos trozos de carne? Y yo realizaría por fin lo que, en mis paseos por el camino de Guermantes, tanto deseé y creí imposible, como, al volver, me parecía imposible acostumbrarme nunca a irme a la cama sin dar un beso a mi madre, o, después, a la idea de que a Albertina le gustaban las mujeres, idea con la cual acabé por vivir sin siquiera notar su presencia; pues nuestros más grandes temores, como nuestras mayores esperanzas, no son superiores a nuestras fuerzas y podemos acabar por dominar los unos y realizar las otras. Sí, esta idea del Tiempo que yo acababa de formarme decía que ya era hora de ponerme a la obra. Ya era hora, desde luego; pero, y esto justificaba la ansiedad que se había apoderado de mí desde que entré en el salón, cuando las muecas de los rostros me dieron la noción del tiempo perdido, ¿tenía todavía tiempo y me encontraba además en estado de hacerla? El espíritu tiene sus paisajes para cuya contemplación sólo se le da un tiempo. Yo había vivido como un pintor subiendo por un camino que bordea un lago cuya vista le oculta una cortina de roca y de árboles. De pronto, lo divisa por una brecha que le permite verlo entero, y coge los pinceles. Pero se acerca ya la noche y no puede pintar, una noche tras la cual no se levanta el día.
Une condition de mon œuvre telle que je l′avais conçue tout à l′heure dans la bibliothèque était l′approfondissement d′impressions qu′il fallait d′abord recréer par la mémoire. Or celle-ci était usée.
Â…
Puis, du moment que rien n′était commencé, je pouvais être inquiet, même si je croyais avoir encore devant moi, à cause de mon âge, quelques années, car mon heure pouvait sonner dans quelques minutes. Il fallait partir, en effet, de ceci que j′avais un corps, c′est-à-dire que j′étais perpétuellement menacé d′un double danger, extérieur, intérieur. Encore ne parlé-je ainsi que pour la commodité du langage. Car le danger intérieur, comme celui d′une hémorragie cérébrale, est extérieur aussi, étant du corps. Et avoir un corps c′est la grande menace pour l′esprit. La vie humaine et pensante (dont il faut sans doute moins dire qu′elle est un miraculeux perfectionnement de la vie animale et physique, mais plutôt qu′elle est une imperfection encore aussi rudimentaire qu′est l′existence commune des protozoaires en polypiers, que le corps de la baleine, etc.), dans l′organisation de la vie spirituelle, est telle que le corps enferme l′esprit dans une forteresse ; bientôt la forteresse est assiégée de toutes parts et il faut à la fin que l′esprit se rende.
Al principio, como yo no había empezado nada, podía estar inquieto, aunque, por mi edad, creyese tener por delante algunos años, pues podía llegarme la hora a los pocos minutos. Había, en efecto, que partir de esto, de que tenía un cuerpo, es decir, que estaba perpetuamente amenazado por un doble peligro, exterior, interior. Además, hablaba así por comodidad de lenguaje, pues el peligro interior, como el de la hemorragia cerebral, es también exterior, puesto que es del cuerpo. Y tener un cuerpo es la gran amenaza para el espíritu, la vida humana y pensante, de la que debemos decir no precisamente que es un milagroso perfeccionamiento de la vida animal y física, sino más bien que es una imperfección, todavía tan rudimentaria como la existencia común de los protozoarios en políperos, como el cuerpo de la ballena, etc., en la organización de la vida espiritual. El cuerpo encierra al espíritu en una fortaleza; pronto la fortaleza queda sitiada por todas partes y el espíritu, al fin, tiene que rendirse.
Mais pour me contenter de distinguer les deux sortes de dangers menaçant l′esprit, et pour commencer par l′extérieur, je me rappelais que souvent déjà, dans ma vie, il m′était arrivé, dans les moments d′excitation intellectuelle où quelque circonstance avait suspendu chez moi toute activité physique, par exemple quand je quittais en voiture, à demi gris, le restaurant de Rivebelle pour aller à quelque casino voisin, de sentir très nettement en moi l′objet présent de ma pensée, et de comprendre qu′il dépendait d′un hasard, non seulement que cet objet n′y fût pas encore entré, mais qu′il fût avec mon corps même anéanti. Je m′en souciais peu alors. Mon allégresse n′était pas prudente, pas inquiète. Que cette joie fuît dans une seconde et entrât dans le néant, peu m′importait. Il n′en était plus de même maintenant ; c′est que le bonheur que j′éprouvais ne tenait pas d′une tension purement subjective des nerfs qui nous isole du passé, mais, au contraire, d′un élargissement de mon esprit en qui se reformait, s′actualisait le passé, et me donnait, mais hélas ! momentanément, une valeur d′éternité. J′aurais voulu léguer celle-ci à ceux que j′aurais pu enrichir de mon trésor. Certes, ce que j′avais éprouvé dans la bibliothèque et que je cherchais à protéger, c′était plaisir encore, mais non plus égoî²´e, ou du moins d′un égoî²e (car tous les altruismes féconds de la nature se développent selon un mode égoî²´e, l′altruisme humain qui n′est pas égoî²´e est stérile, c′est celui de l′écrivain qui s′interrompt de travailler pour recevoir un ami malheureux, pour accepter une fonction publique, pour écrire des articles de propagande) utilisable pour autrui.
Mas, limitándome a distinguir las dos clases de peligros que amenazan al espíritu, y comenzando por el exterior, recordaba que ya me había ocurrido a menudo en la vida, en momentos de excitación intelectual en los que alguna circunstancia había suspendido en mí toda actividad fisica, por ejemplo cuando salí en coche, a medios pelos, del restaurante de Rivebelle para ir a un casino próximo, sentir muy claramente en mí el objeto presente de mi pensamiento y comprender que dependía de una casualidad, no sólo que este objeto no hubiera entrado todavía en mi pensamiento, sino que fuera aniquilado con mi cuerpo mismo. Por entonces, esto me preocupaba poco. Mi animación no era prudente, no era inquieta. Me importaba poco que aquella alegría terminara al cabo de un segundo y entrara en la nada. Ahora no ocurría lo mismo; y es que la felicidad que sentía no provenía de una tensión puramente subjetiva de los nervios que los aísla del pasado, sino, por el contrario, de un ensanchamiento de mi espíritu donde se rehacía, se actualizaba aquel pasado y me daba, pero, ¡ay!, momentáneamente, un valor de eternidad. Hubiera querido legar ésta a los que pudiera enriquecer con mi tesoro. Desde luego lo que sentí en la biblioteca y quería proteger era todavía goce, pero ya no un goce egoísta, o al menos de un egoísmo (pues todos los altruismos fecundos de la naturaleza se desarrollan de un modo egoísta, el altruismo humano que no es egoísta es estéril, es el altruismo del escritor que deja de trabajar para recibir a un amigo desgraciado, para aceptar una función pública, para escribir artículos de propaganda), de un egoísmo utilizable para otro.
Je n′avais plus mon indifférence des retours de Rivebelle, je me sentais accru de cette œuvre que je portais en moi (comme de quelque chose de précieux et de fragile qui m′eût été confié et que j′aurais voulu remettre intact aux mains auxquelles il était destiné et qui n′étaient pas les miennes).
Yo no tenía ya mi indiferencia de los retornos de Rivebelle, me sentía acrecido con aquella obra que llevaba en mí (como con algo precioso y frágil que me hubieran confiado y que yo quisiera entregar intacto en las manos a que iba destinado y que no eran las mías).
Et dire que tout à l′heure, quand je rentrerais chez moi, il suffirait d′un choc accidentel pour que mon corps fût détruit, et que mon esprit, d′où la vie se retirerait, fût obligé de lâcher à jamais les idées qu′en ce moment il enserrait, protégeait anxieusement de sa pulpe frémissante et qu′il n′avait pas eu le temps de mettre en sûreté dans un livre.
...
Maintenant, me sentir porteur d′une œuvre rendait pour moi un accident où j′aurais trouvé la mort plus redoutable, même (dans la mesure où cette œuvre me semblait nécessaire et durable) absurde, en contradiction avec mon désir, avec l′élan de ma pensée, mais pas moins possible pour cela puisque les accidents, étant produits par des causes matérielles, peuvent parfaitement avoir lieu au moment où des volontés fort différentes, qu′ils détruisent sans les connaître,
les rendent détestables, comme il arrive chaque jour dans les incidents les plus simples de la vie où, pendant qu′on désire de tout son cœur ne pas faire de bruit à un ami qui dort, une carafe placée trop au bord de la table tombe et le réveille.
Ahora, sentirme portador de una obra hacía para mí más temible un accidente que me costara la vida, lo hacía hasta absurdo (en la medida en que esta obra me parecía necesaria y duradera), era contradicción con mi deseo, con el vuelo de mi pensamiento, pero no por eso menos posible, pues como los accidentes son producidos por causas materiales, pueden perfectamente tener lugar en el momento en que los hacen detestables unos deseos muy diferentes, que ellos destruyen sin conocerlos.
Je savais très bien que mon cerveau était un riche bassin minier, où il y avait une étendue immense et fort diverse de gisements précieux. Mais aurais-je le temps de les exploiter ? J′étais la seule personne capable de le faire. Pour deux raisons : avec ma mort eût disparu non seulement le seul ouvrier mineur capable d′extraire les minerais, mais encore le gisement lui-même ; or, tout à l′heure, quand je rentrerais chez moi, il suffirait de la rencontre de l′auto que je prendrais avec une autre pour que mon corps fût détruit et que mon esprit fût forcé d′abandonner à tout jamais mes idées nouvelles. Or, par une bizarre coî£idence, cette crainte raisonnée du danger naissait en moi à un moment où, depuis peu, l′idée de la mort m′était devenue indifférente. La crainte de n′être plus moi m′avait fait jadis horreur et à chaque nouvel amour que j′éprouvais — pour Gilberte, pour Albertine — parce que je ne pouvais supporter l′idée qu′un jour l′être qui les aimait n′existerait plus, ce qui serait comme une espèce de mort. Mais à force de se renouveler cette crainte s′était naturellement changée en un calme confiant.
Yo sabía muy bien que mi cerebro era una rica cuenca minera donde había una extensión inmensa y muy variada de yacimientos valiosos. Pero ¿tendría tiempo de explotarlos? Yo era la única persona capaz de hacerlo. Por dos razones: con mi muerte habría desaparecido no sólo el único obrero minero capaz de extraer esos minerales, sino hasta el yacimiento mismo; ahora bien, pasado un momento, cuando volviera a mi casa, bastaría que el auto que yo tomara chocase con otro auto para que mi cuerpo quedara destruido y mi espíritu, del que se retiraría la vida, tuviera que abandonar para siempre las ideas nuevas que en este momento, no habiendo tenido tiempo de ponerlas en mayor seguridad en un libro, apretaba ansiosamente, con su pulpa estremecida, protectora, pero frágil. Y, por una extraña coincidencia, este temor razonado del peligro nacía en mí en un momento en que, desde hacía poco, la idea de la muerte había llegado a serme indiferente. El temor de dejar de ser yo me había horrorizado antes, y me horrorizaba a cada nuevo amor que sentía (por Gilberta, por Albertina), porque no podía soportar la idea de que un día ya no existiera el ser que las amaba, lo que sería como una especie de muerte. Pero, a fuerza de renovarse, este miedo se había tornado, naturalmente, en una tranquilidad confiada.
Si l′idée de la mort, dans ce temps-là, m′avait ainsi assombri l′amour, depuis longtemps déjà le souvenir de l′amour m′aidait à ne pas craindre la mort. Car je comprenais que mourir n′était pas quelque chose de nouveau, mais qu′au contraire depuis mon enfance j′étais déjà mort bien des fois. Pour prendre la période la moins ancienne, n′avais-je pas tenu à Albertine plus qu′à ma vie ? Pouvais-je alors concevoir ma personne sans qu′y continuât mon amour pour elle ? Or je ne l′aimais plus, j′étais, non plus l′être qui l′aimait, mais un être différent qui ne l′aimait pas, j′avais cessé de l′aimer quand j′étais devenu un autre. Or je ne souffrais pas d′être devenu cet autre, de ne plus aimer Albertine ; et certes, ne plus avoir un jour mon corps ne pouvait me paraître, en aucune façon, quelque chose d′aussi triste que m′avait paru jadis de ne plus aimer un jour Albertine. Et pourtant, combien cela m′était égal maintenant de ne plus l′aimer ! Ces morts successives, si redoutées du moi qu′elles devaient anéantir, si indifférentes, si douces une fois accomplies, et quand celui qui les craignait n′était plus là pour les sentir, m′avaient fait, depuis quelque temps, comprendre combien il serait peu sage de m′effrayer de la mort. Or c′était maintenant qu′elle m′était devenue depuis peu indifférente que je recommençais de nouveau à la craindre, sous une autre forme il est vrai, non pas pour moi, mais pour mon livre, à l′éclosion duquel était, au moins pendant quelque temps, indispensable cette vie que tant de dangers menaçaient. Victor Hugo dit : « Il faut que l′herbe pousse et que les enfants meurent. » Moi je dis que la loi cruelle de l′art est que les êtres meurent et que nous-mêmes mourions en épuisant toutes les souffrances pour que pousse l′herbe non de l′oubli mais de la vie éternelle, l′herbe drue des œuvres fécondes, sur laquelle les générations viendront faire gaiement, sans souci de ceux qui dorment en dessous, leur « déjeuner sur l′herbe ». J′ai dit des dangers extérieurs ; des dangers intérieurs aussi. Si j′étais préservé d′un accident venu du dehors, qui sait si je ne serais pas empêché de profiter de cette grâce par un accident survenu au-dedans de moi, par quelque catastrophe interne, quelque accident cérébral, avant que fussent écoulés les mois nécessaires pour écrire ce livre.
Si en aquel tiempo la idea de la muerte me ensombreció el amor, como se ha visto, ahora el recuerdo del amor me ayudaba, desde hacía tiempo, a no temer la muerte. Pues comprendía que morir no era cosa nueva, sino que, por el contrario, desde mi infancia había muerto ya muchas veces. Tomando el período menos antiguo, ¿no me había importado Albertina más que mi vida? ¿Podía yo entonces concebir mi persona sin que continuara mi amor por Albertina? Ahora bien, ya no la amaba, era no el ser que la amó, sino otro diferente que no la amaba, había dejado de amarla cuando pasé a ser otro. Y no sufría por ser otro, por no amar ya a Albertina; y ciertamente llegar un día a no tener mi cuerpo no podía parecerme en modo alguno una cosa tan triste como me pareciera tiempo atrás que llegara un día en que ya no amara a Albertina. Y, sin embargo, ¡qué poco me importaba ahora no amarla ya! Esas muertes sucesivas, tan temidas por mí, a quien tenían que aniquilar, tan indiferentes, tan suaves una vez cumplidas y cuando el que las temía ya no estaba aquí para sentirlas, me habían hecho comprender desde hacía tiempo cuán insensato sería temer la muerte. Y ahora que, desde hacía poco, había llegado a serme indiferente, comenzaba de nuevo a temerla, verdad es que bajo otra forma, no por mí, sino por mi libro, para cuya eclosión era indispensable, al menos durante algún tiempo, esta vida por tantos peligros amenazada. Dice Victor Hugo: Il faut que l′herbe pousse et que les enfants meurent . Yo digo que la ley cruel del arte es que los seres mueran y que nosotros mismos muramos agotando todos los sufrimientos, para que nazca la hierba no del olvido, sino de la vida eterna, la hierba firme de las obras fecundas, sobre la cual vendrán las generaciones a hacer, sin preocuparse de los que duermen debajo, su «almuerzo en la hierba». He hablado de los peligros exteriores; hay también los peligros interiores. Si me librara de un accidente venido de fuera, quién sabe si no tendría que dejar de aprovechar esa gracia por un accidente sobrevenido dentro de mí, por alguna catástrofe interna, antes de que transcurrieran los meses necesarios para escribir ese libro.
L′accident cérébral n′était même pas nécessaire. Des symptômes, sensibles pour moi par un certain vide dans la tête, et par un oubli de toutes choses que je ne retrouvais plus que par hasard, comme quand, en rangeant des affaires, on en trouve une qu′on avait oubliée, qu′on n′avait même pas pensé à chercher, faisaient de moi un thésauriseur dont le coffre-fort crevé eût laissé fuir au fur et à mesure ses richesses.
Ni siquiera era necesario el accidente cerebral. Sus síntomas, sensibles para mí por cierto vacío en la cabeza y por un olvido de todas las cosas que ya sólo encontraba por casualidad, como cuando, al arreglar esas cosas, encontramos una que habíamos olvidado hasta que teníamos que buscarla, hacían de mí como un avaro de cuya caja fuerte, rota, se van yendo las riquezas a medida que las acumula. Durante un tiempo existió en mí un yo que deploró perder esas riquezas, y pronto me di cuenta de que la memoria, al retirarse, se llevaba también aquel yo.
Quand, tout à l′heure, je reviendrais chez moi par les Champs-Élysées, qui me disait que je ne serais pas frappé par le même mal que ma grand′mère, un après-midi où elle était venue y faire avec moi une promenade qui devait être pour elle la dernière, sans qu′elle s′en doutât, dans cette ignorance, qui est la nôtre, que l′aiguille est arrivée sur le point précis où le ressort déclenché de l′horlogerie va sonner l′heure. Peut-être la crainte d′avoir déjà parcouru presque tout entière la minute qui précède le premier coup de l′heure, quand déjà celui-ci se prépare, peut-être cette crainte du coup qui serait en train de s′ébranler dans mon cerveau était-elle comme une obscure connaissance de ce qui allait être, comme un reflet dans la conscience de l′état précaire du cerveau dont les artères vont céder, ce qui n′est pas plus impossible que cette soudaine acceptation de la mort qu′ont des blessés, qui, quoiqu′ils aient gardé leur lucidité, que le médecin et le désir de vivre cherchent à les tromper, disent, voyant ce qui va être : « Je vais mourir, je suis prêt » et écrivent leurs adieux à leur femme.
Cuando, pasado un rato, volviera a mi casa por los Champs-Elysées, ¿quién me aseguraba que no me iba a dar el mismo mal que a mi abuela, la tarde en que fue conmigo a dar aquel paseo que iba a ser para ella el último, sin que lo sospechara, con esa ignorancia, que es la nuestra, de una aguja llegada al punto, ignorado por ella, en que el resorte disparado del reloj va a dar la hora? Quizá el temor a haber recorrido ya casi todo el minuto que precede al primer golpe de la hora, cuando ya éste se prepara, acaso ese miedo al golpe que está a punto de producirse en mi cerebro, ese temor era como un oscuro conocimiento de lo que iba a ocurrir, como un reflejo en la conciencia del estado precario del cerebro cuyas arterias van a ceder, lo que no es más imposible que esa repentina aceptación de la muerte que tienen algunos heridos cuando, aunque el médico y el deseo de vivir intentan engañarlos, dicen, viendo lo que va a ser: «Voy a morir, estoy dispuesto», y escriben unas letras despidiéndose de la familia.
Cette obscure connaissance de ce qui devait être me fut donnée par la chose singulière qui arriva avant que j′eusse commencé mon livre, et qui m′arriva sous une forme dont je ne me serais jamais douté. On me trouva, un soir où je sortis, meilleure mine qu′autrefois, on s′étonna que j′eusse gardé tous mes cheveux noirs. Mais je manquai trois fois de tomber en descendant l′escalier. Ce n′avait été qu′une sortie de deux heures, mais quand je fus rentré je sentis que je n′avais plus ni mémoire, ni pensée, ni force, ni aucune existence. On serait venu pour me voir, pour me nommer roi, pour me saisir, pour m′arrêter, que je me serais laissé faire sans dire un mot, sans rouvrir les yeux, comme ces gens atteints au plus haut degré du mal de mer et qui, traversant sur un bateau la mer Caspienne, n′esquissent pas même une résistance si on leur dit qu′on va les jeter à la mer. Je n′avais, à proprement parler, aucune maladie, mais je sentais que je n′étais plus capable de rien, comme il arrive à des vieillards alertes la veille et qui, s′étant fracturé la cuisse, ou ayant eu une indigestion, peuvent mener encore quelque temps, dans leur lit, une existence qui n′est plus qu′une préparation plus ou moins longue à une mort désormais inéluctable. Un des moi, celui qui jadis allait dans un de ces festins de barbares qu′on appelle dîners en ville et où, pour les hommes en blanc, pour les femmes à demi nues et emplumées, les valeurs sont si renversées que quelqu′un qui ne vient pas dîner après avoir accepté, ou seulement n′arrive qu′au rôti, commet un acte plus coupable que les actions immorales dont on parle légèrement pendant ce dîner ainsi que des morts récentes, et où la mort ou une grave maladie sont les seules excuses à ne pas venir, à condition qu′on ait fait prévenir à temps, pour l′invitation du quatorzième, qu′on était mourant, ce moi-là en moi avait gardé ses scrupules et perdu sa mémoire. L′autre moi, celui qui avait conçu son œuvre, en revanche se souvenait. J′avais reçu une invitation de Mme Molé et appris que le fils de Mme Sazerat était mort. J′étais résolu à employer une de ces heures après lesquelles je ne pourrais plus prononcer un mot, la langue liée comme ma grand′mère pendant son agonie, ou avaler du lait, à adresser mes excuses à Mme Molé et mes condoléances à Mme Sazerat. Mais, au bout de quelques instants, j′avais oublié que j′avais à le faire. Heureux oubli, car la mémoire de mon œuvre veillait et allait employer à poser mes premières fondations l′heure de survivance qui m′était dévolue. Malheureusement, en prenant un cahier pour écrire, la carte d′invitation de Mme Molé glissait près de moi. Aussitôt le moi oublieux, mais qui avait la prééminence sur l′autre, comme il arrive chez tous les barbares scrupuleux qui ont dîné en ville, repoussait le cahier, écrivait à Mme Molé (laquelle d′ailleurs m′eût sans doute fort estimé, si elle l′eût appris, d′avoir fait passer ma réponse à son invitation avant mes travaux d′architecte). Brusquement, un mot de ma réponse me rappelait que Mme Sazerat avait perdu son fils, je lui écrivais aussi, puis ayant ainsi sacrifié un devoir réel à l′obligation factice de me montrer poli et sensible, je tombais sans forces, je fermais les yeux, ne devant plus que végéter pour huit jours. Pourtant, si tous mes devoirs inutiles, auxquels j′étais prêt à sacrifier le vrai, sortaient au bout de quelques minutes de ma tête, l′idée de ma construction ne me quittait pas un instant. Je ne savais pas si ce serait une église où des fidèles sauraient peu à peu apprendre des vérités et découvrir des harmonies, le grand plan d′ensemble, ou si cela resterait comme un monument druidique au sommet d′une île, quelque chose d′infréquenté à jamais. Mais j′étais décidé à y consacrer mes forces qui s′en allaient comme à regret, et comme pour pouvoir me laisser le temps d′avoir, tout le pourtour terminé, fermé « la porte funéraire ». Bientôt je pus montrer quelques esquissés. Personne n′y comprit rien. Même ceux qui furent favorables à ma perception des vérités que je voulais ensuite graver dans le temple me félicitèrent de les avoir découvertes au « microscope » quand je m′étais, au contraire, servi d′un télescope pour apercevoir des choses, très petites, en effet, mais parce qu′elles étaient situées à une grande distance, et qui étaient chacune un monde. Là où je cherchais les grandes lois, on m′appelait fouilleur de détails. D′ailleurs, à quoi bon faisais-je cela ? j′avais eu de la facilité, jeune, et Bergotte avait trouvé mes pages de collégien « parfaites », mais au lieu de travailler, j′avais vécu dans la paresse, dans la dissipation des plaisirs, dans la maladie, les soins, les manies, et j′entreprenais mon ouvrage à la veille de mourir, sans rien savoir de mon métier. Je ne me sentais plus la force de faire face à mes obligations avec les êtres, ni à mes devoirs envers ma pensée et mon œuvre, encore moins envers tous les deux. Pour les premiers, l′oubli des lettres à écrire simplifiait un peu ma tâche.
Y, en efecto, esta cosa singular fue lo que ocurrió antes de comenzar mi libro, y ocurrió en una forma que jamás hubiera sospechado. Una noche que salí me encontraron mejor cara que otras veces, se extrañaron de que conservara todo el pelo negro. Pero estuve tres veces a punto de caer al bajar la escalera. No fue más que una salida de dos horas; pero cuando volví noté que ya no tenía ni memoria, ni pensamiento, ni fuerza, ni existencia ninguna. Ya podían haber venido a nombrarme rey, a embargarme, a detenerme, que habría dejado hacer lo que quisieran sin decir palabra, sin abrir los ojos, como esas personas mareadas que, al pasar en un barco el mar Caspio, ni siquiera insinúan la menor resistencia si les dicen que los van a tirar al mar. Yo no tenía, propiamente hablando, ninguna enfermedad, pero me daba cuenta de que ya no era capaz de nada, como les ocurre a los viejos, muy vivaces la víspera y que, al sufrir una fractura de fémur o una indigestión, pueden llevar todavía durante algún tiempo en la cama una existencia que no es más que una preparación más o menos larga para una muerte ya ineluctable. Uno de mis yos, el que antaño iba a esos festines bárbaros que se llaman banquetes y donde, en los hombres de blanco, en las mujeres medio desnudas y empenachadas, los valores están tan alterados que si alguien no llega a comer después de haber aceptado, o simplemente no llega hasta el asado, comete un acto más culpable que los actos inmorales de que se habla ligeramente durante esa comida, igual que de las muertes recientes, y las únicas disculpas para no asistir serían la muerte o una grave enfermedad, siempre que se avisara a tiempo de que el que se disculpa se está muriendo, para poder invitar a otro que haga el número catorce, aquel que yo había conservado en mí sus escrúpulos y perdido su memoria. En cambio, el otro yo, el que concibió su obra se acordaba. Había recibido una invitación de madame Molé y me había enterado de que el hijo de madame Sazerat había muerto. Estaba decidido a emplear una de aquellas horas en las que no podía pronunciar una palabra, con la lengua trabada como mi abuela durante su agonía, o tragar leche, a enviar mis excusas a madame Molé y mi pésame a madame Sazerat. Pero a los pocos momentos olvidé que tenía que hacerlo. Feliz olvido, pues la memoria de mi obra velaba e iba a dedicarse a poner los primeros cimientos la hora de supervivencia que me era concedida. Desgraciadamente, al coger un cuaderno para escribir, resbaló a mi lado la tarjeta de invitación de madame Molé. Inmediatamente, el yo desmemoriado pero que tenía preeminencia sobre el otro, como ocurre con todos esos bárbaros escrupulosos que han asistido a un banquete, apartaba el cuaderno, escribía a madame Molé (la cual, por lo demás, me habría agradecido mucho, de haberlo sabido, que antepusiera a mis trabajos de arquitectura mi respuesta a su invitación). Bruscamente, una palabra de mi respuesta me recordaba que madame Sazerat había perdido a su hijo, le escribía también, luego, sacrificado un deber real a la obligación ficticia de ser cortés y sensible, caía sin fuerzas, cerraba los ojos, yya no podía hacer otra cosa que vegetar durante ocho días. Sin embargo, si todos mis deberes inútiles, a los que estaba dispuesto a sacrificar el verdadero, salían al cabo de unos minutos de mi cabeza, la idea de mi construcción no me abandonaba un momento. No sabía si el gran plano general sería una iglesia donde los fieles aprenderían poco a poco verdades y descubrirían armonías, o si resultaría, como un monumento druídico en la cumbre de una isla, algo que nadie frecuentaría jamás. Pero yo estaba decidido a consagrarle mis fuerzas, que se iban como a su pesar y para darme tiempo a cerrar «la puerta funeraria» una vez terminadas las paredes. Pronto pude mostrar algunos esbozos. Nadie entendió nada. Hasta los que fueron favorables a mi percepción de las verdades que quería luego grabar en el templo me felicitaron por haberles descubierto al «microscopio» -cuando la verdad es que me había servido de un telescopio- unas cosas muy pequeñas al parecer, pero porque estaban situadas a gran distancia, y que cada una de ellas era un mundo. Allí donde yo buscaba las grandes leyes, me llamaban desenterrador de detalles. Por otra parte, ¿para qué diablos hacía aquello? De joven tuve facilidad, y a Bergotte le parecieron «perfectas» mis páginas de colegial. Pero, en vez de trabajar, viví en la pereza, en la disipación de los placeres, en la enfermedad, en los cuidados, en las manías, y ahora emprendía mi obra en vísperas de morir, sin saber nada de mi oficio. Ya no me sentía con fuerzas para hacer frente a mis obligaciones con las letras, ni a mis deberes con mi pensamiento y mi obra, menos aún con ambos. En cuanto a las primeras, el olvido de las cartas que tenía que escribir, etc., simplificaba un poco mi tarea.
La perte de la mémoire m′aidait un peu en faisant des coupes dans mes obligations, mon œuvre les remplaçait. Mais tout d′un coup, au bout d′un mois, l′association des idées ramenait, avec mes remords, le souvenir et j′étais accablé du sentiment de mon impuissance. Je fus étonné d′être indifférent aux critiques qui m′étaient faites, mais c′est que, depuis le jour où mes jambes avaient tellement tremblé en descendant l′escalier, j′étais devenu indifférent à tout, je n′aspirais plus qu′au repos, en attendant le grand repos qui finirait par venir. Ce n′était pas parce que je reportais après ma mort l′admiration qu′on devait, me semblait-il, avoir pour mon œuvre que j′étais indifférent aux suffrages de l′élite actuelle. Celle d′après ma mort pourrait penser ce qu′elle voudrait. Cela ne me souciait pas davantage. En réalité, si je pensais à mon œuvre et point aux lettres auxquelles je devais répondre, ce n′était plus que je misse entre les deux choses, comme au temps de ma paresse, et ensuite au temps de mon travail, jusqu′au jour où j′avais dû me retenir à la rampe de l′escalier, une grande différence d′importance. L′organisation de ma mémoire, de mes préoccupations, était liée à mon œuvre, peut-être parce que, tandis que les lettres reçues étaient oubliées l′instant d′après, l′idée de mon œuvre était dans ma tête, toujours la même, en perpétuel devenir. Mais elle aussi m′était devenue importune. Elle était pour moi comme un fils dont la mère mourante doit encore s′imposer la fatigue de s′occuper sans cesse, entre les piqûres et les ventouses. Elle l′aime peut-être encore, mais ne le sait plus que par le devoir excédant qu′elle a de s′occuper de lui. Chez moi les forces de l′écrivain n′étaient plus à la hauteur des exigences égoî²´es de l′œuvre. Depuis le jour de l′escalier, rien du monde, aucun bonheur, qu′il vînt de l′amitié des gens, des progrès de mon œuvre, de l′espérance de la gloire, ne parvenait plus à moi que comme un si pâle soleil qu′il n′avait plus la vertu de me réchauffer, de me faire vivre, de me donner un désir quelconque, et encore était-il trop brillant, si blême qu′il fût, pour mes yeux qui préféraient se fermer, et je me retournais du côté du mur. Il me semble, pour autant que je sentais le mouvement de mes lèvres, que je devais avoir un petit sourire infime d′un coin de la bouche quand une dame m′écrivait : « J′ai été surprise de ne pas avoir de réponse à ma lettre. » Néanmoins, cela me rappelait la lettre, et je lui répondais. Je voulais tâcher, pour qu′on ne pût me croire ingrat, de mettre ma gentillesse actuelle au niveau de la gentillesse que les gens avaient pu avoir pour moi. Et j′étais écrasé d′imposer à mon existence agonisante les fatigues surhumaines de la vie.
Pero, de pronto, la asociación de ideas me traía al cabo de un mes el recuerdo de mis remordimientos, y me abrumaba el sentido de mi impotencia. Me sorprendió ser indiferente a esto, pero es que, desde el día en que las piernas me temblaron de tal modo bajando la escalera, me torné indiferente a todo, y ya no aspiraba más que al descanso, mientras llegaba el gran descanso que acabaría por venir. Mi indiferencia por los sufragios de los dilectos actuales no era porque yo aplazara para después de mi muerte la admiración que, a mi parecer, debía suscitar mi obra. Los dilectos de después de mi muerte podían pensar lo que quisieran, tampoco esto me preocupaba. En realidad, si pensaba en mi obra y no en las cartas a las que tenía que contestar, no era porque hiciera gran diferencia de importancia entre las dos cosas, como en el tiempo de mi pereza y después en el tiempo de mi trabajo hasta el día en que tuve que agarrarme a la barandilla de la escalera. La organización de mi memoria, de mis preocupaciones, iba unida a mi obra, quizá porque, mientras que las cartas recibidas las olvidaba en seguida, la idea de mi obra permanecía en mi cabeza, siempre la misma, en perpetuo devenir. Pero también esta idea llegó a serme importuna. Era para mí como un hijo cuya madre moribunda tiene que imponerse la fatiga de ocuparse de él sin tregua, entre las inyecciones y las ventosas. Quizá le ama todavía, pero sólo lo sabe por el deber, superior a sus fuerzas, que tiene de ocuparse de él. En mí, las fuerzas del escritor no estaban ya a la altura de las exigencias egoístas de la obra. Desde el día de la escalera, nada en el mundo, ninguna alegría, viniera de la amistad de la gente, de los progresos de mi obra, de la esperanza de la gloria, llegaba ya a mí más que como un sol tan pálido que no tenía la virtud de calentarme, de hacerme vivir, de darme un deseo cualquiera; y aun era demasiado brillante, por pálido que fuera, para mis ojos que querían cerrarse, y me volvía de cara a la pared. Hasta donde podía notar el movimiento de mis labios, creo que debía de tener una sonrisita de la comisura ínfima de la boca cuando una dama me escribía: «Me ha sorprendido mucho no recibir respuesta a mi carta». Sin embargo, esto me recordaba aquella carta y le contestaba. Para que no me creyeran ingrato, quería poner mi amabilidad actual al nivel de la que la gente había podido tener conmigo. Y estaba abrumado de imponer a mi existencia agonizante la fatiga sobrehumana de la vida. La pérdida de la memoria me ayudaba un poco operando cortes en mis obligaciones; mi obra las reemplazaba.
Cette idée de la mort s′installa définitivement en moi comme fait un amour. Non que j′aimasse la mort, je la détestais. Mais, après y avoir songé sans doute de temps en temps, comme à une femme qu′on n′aime pas encore, maintenant sa pensée adhérait à la plus profonde couche de mon cerveau si complètement que je ne pouvais m′occuper d′une chose, sans que cette chose traversât d′abord l′idée de la mort et même, si je ne m′occupais de rien et restais dans un repos complet, l′idée de la mort me tenait compagnie aussi incessante que l′idée du moi. Je ne pense pas que, le jour où j′étais devenu un demi-mort, c′étaient les accidents qui avaient caractérisé cela, l′impossibilité de descendre un escalier, de me rappeler un nom, de me lever, qui avaient causé, par un raisonnement même inconscient, l′idée de la mort, que j′étais déjà à peu près mort, mais plutôt que c′était venu ensemble, qu′inévitablement ce grand miroir de l′esprit reflétait une réalité nouvelle. Pourtant je ne voyais pas comment des maux que j′avais on pouvait passer sans être averti à la mort complète. Mais alors je pensais aux autres, à tous ceux qui chaque jour meurent sans que l′hiatus entre leur maladie et leur mort nous semble extraordinaire. Je pensais même que c′était seulement parce que je les voyais de l′intérieur (plus encore que par les tromperies de l′espérance) que certains malaises ne me semblaient pas mortels, pris un à un, bien que je crusse à ma mort, de même que ceux qui sont le plus persuadés que leur terme est venu sont néanmoins persuadés aisément que, s′ils ne peuvent pas prononcer certains mots, cela n′a rien à voir avec une attaque, une crise d′aphasie, mais vient d′une fatigue de la langue, d′un état nerveux analogue au bégaiement, de l′épuisement qui a suivi une indigestion.
Esta idea de la muerte se instaló definitivamente en mí como un amor. No es que yo amase ala muerte, la detestaba. Pero, después de pensar en ella de cuando en cuando como en una mujer a la que no amamos, ahora el pensamiento de la muerte se adhería a la capa más profunda de mi cerebro tan profundamente que no podía ocuparme de una cosa sin que esa cosa atravesara, en primer lugar, la idea de la muerte, y aunque no me ocupara de nada y permaneciera en un reposo completo, la idea de la muerte me daba una compañía tan permanente como la idea del yo. No creo que, el día en que llegué a estar medio muerto, fueran los accidentes -la imposibilidad de bajar una escalera, de recordar un nombre, de levantarme- lo que caracterizó aquello, lo que, por un razonamiento hasta inconsciente, dio origen a la idea de la muerte, que yo estaba ya casi muerto, sino más bien lo uno y otro llegó a la vez, que inevitablemente ese gran espejo del espíritu reflejaba una realidad nueva. Sin embargo, yo no veía cómo se podía pasar, sin ser advertido, de los males que sufría a la muerte completa. Pero entonces pensaba en los demás, en todos los que mueren cada día sin que el hiato entre su enfermedad y su muerte nos parezca extraordinario. Hasta pensaba que si ciertos malestares no me parecían mortales tomados uno a uno, aunque creyese en mi muerte, era sólo (más aún que por los engaños de la esperanza) porque los veía desde el interior, lo mismo que los más convencidos de que ha llegado su fin se convencen, sin embargo, fácilmente de que si no pueden pronunciar ciertas palabras, eso no tiene nada que ver con un ataque, con la afasia, etc., sino que se debe a un cansancio de la lengua, a un estado nervioso análogo al tartamudeo, al agotamiento subsiguiente a una indigestión.
Moi, c′était autre chose que les adieux d′un mourant à sa femme que j′avais à écrire, de plus long et à plus d′une personne. Long à écrire. Le jour, tout au plus pourrais-je essayer de dormir. Si je travaillais, ce ne serait que la nuit. Mais il me faudrait beaucoup de nuits, peut-être cent, peut-être mille. Et je vivrais dans l′anxiété de ne pas savoir si le Maître de ma destinée, moins indulgent que le sultan Sheriar, le matin, quand j′interromprais mon récit, voudrait bien surseoir à mon arrêt de mort et me permettrait de reprendre la suite le prochain soir. Non pas que je prétendisse refaire, en quoi que ce fût, les Mille et une Nuits, pas plus que les Mémoires de Saint-Simon, écrits eux aussi la nuit, pas plus qu′aucun des livres que j′avais tant aimés et desquels, dans ma naîµ¥té d′enfant, superstitieusement attaché à eux comme à mes amours, je ne pouvais sans horreur imaginer une œuvre qui serait différente. Mais, comme Elstir, comme Chardin, on ne peut refaire ce qu′on aime qu′en le renonçant. Sans doute mes livres, eux aussi, comme mon être de chair, finiraient un jour par mourir. Mais il faut se résigner à mourir. On accepte la pensée que dans dix ans soi-même, dans cent ans ses livres, ne seront plus. La durée éternelle n′est pas plus promise aux œuvres qu′aux hommes. Ce serait un livre aussi long que les Mille et une Nuits peut-être, mais tout autre. Sans doute, quand on est amoureux d′une œuvre, on voudrait faire quelque chose de tout pareil, mais il faut sacrifier son amour du moment et ne pas penser à son goût, mais à une vérité qui ne nous demande pas nos préférences et nous défend d′y songer. Et c′est seulement si on la suit qu′on se trouve parfois rencontrer ce qu′on a abandonné, et avoir écrit, en les oubliant, les Contes arabes ou les Mémoires de Saint-Simon d′une autre époque. Mais était-il encore temps pour moi ? n′était-il pas trop tard ?
Lo que yo quería escribir era otra cosa, otra cosa más larga y para más de una persona. Más larga de escribir. Por el día, lo más que podía hacer era intentar dormir. Si trabajaba, sería sólo de noche. Pero necesitaría muchas noches, quizá cien, acaso mil. Y viviría con la ansiedad de no saber si el Árbitro de mi destino, menos indulgente que el sultán Sheriar, por la mañana, cuando interrumpiera mi relato, se dignaría aplazar la ejecución de mi sentencia de muerte y permitirme continuarlo la próxima noche. No es que yo pretendiese volver a hacer, en ningún aspecto, Las mil y una noches, ni tampoco las Memorias de Saint-Simon, escritas las dos también de noche, ni ninguno de los libros que me gustaban en mi inocencia de niño, supersticiosamente apegado a ellos, mis amores, no pudiendo imaginar sin horror una obra diferente de ellos. Pero, como Elstir Chardin, sólo renunciando a ello se puede rehacer lo que se ama. Sería un libro tan largo como Lasmil y una noches, pero muy diferente. Desde luego, cuando estamos enamorados de una obra quisiéramos hacer algo muy parecido, pero tenemos que sacrificar nuestro amor del momento, no pensar en nuestro gusto, sino en una verdad que no nos pregunta nuestras preferencias y nos prohíbe pensar en ellas. Y solamente siguiendo esta verdad se encuentra a veces lo que se ha abandonado y se escribe, olvidándolos, los «Cuentos árabes» o las «Memorias de Saint-Simon» de otra época. Pero ¿me quedaría tiempo? ¿No sería demasiado tarde?
En tout cas, si j′avais encore la force d′accomplir mon œuvre, je sentais que la nature des circonstances qui m′avaient, aujourd′hui même, au cours de cette matinée chez la princesse de Guermantes, donné à la fois l′idée de mon œuvre et la crainte de ne pouvoir la réaliser, marquerait certainement avant tout, dans celle-ci, la forme que j′avais pressentie autrefois dans l′église de Combray, au cours de certains jours qui avaient tant influé sur moi — et qui nous reste habituellement invisible — la forme du Temps. Cette dimension du Temps, que j′avais jadis pressentie dans l′église de Combray, je tâcherais de la rendre continuellement sensible dans une transcription du monde qui serait forcément bien différente de celle que nous donnent nos sens si mensongers. Certes, il est bien d′autres erreurs de nos sens — on a vu que divers épisodes de ce récit me l′avaient prouvé — qui faussent pour nous l′aspect réel de ce monde. Mais enfin, je pourrais, à la rigueur, dans la transcription plus exacte que je m′efforcerais de donner, ne pas changer la place des sons, m′abstenir de les détacher de leur cause, à côté de laquelle l′intelligence les situe après coup, bien que faire chanter la pluie au milieu de la chambre et tomber en déluge dans la cour l′ébullition de notre tisane ne doit pas être, en somme, plus déconcertant que ce qu′ont fait si souvent les peintres quand ils peignent, très près ou très loin de nous, selon que les lois de la perspective, l′intensité des couleurs et la première illusion du regard nous les font apparaître, une voile ou un pic que le raisonnement déplacera ensuite de distances quelquefois énormes. Je pourrais, bien que l′erreur soit plus grave, continuer, comme on fait, à mettre des traits dans le visage d′une passante, alors qu′à la place du nez, des joues et du menton, il ne devrait y avoir qu′un espace vide sur lequel jouerait tout au plus le reflet de nos désirs. Et même, si je n′avais pas le loisir de préparer, chose déjà bien plus importante, les cent masques qu′il convient d′attacher à un même visage, ne fût-ce que selon les yeux qui le voient et le sens où ils en lisent les traits et, pour les mêmes yeux, selon l′espérance ou la crainte, ou au contraire l′amour et l′habitude qui cachent pendant tant d′années les changements de l′âge, même enfin si je n′entreprenais pas, ce dont ma liaison avec Albertine suffisait pourtant à me montrer que sans cela tout est factice et mensonger, de représenter certaines personnes non pas au dehors, mais en dedans de nous où leurs moindres actes peuvent amener des troubles mortels, et de faire varier aussi la lumière du ciel moral selon les différences de pression de notre sensibilité ou selon la sérénité de notre certitude, sous laquelle un objet est si petit alors qu′un simple nuage de risque en multiplie en un moment la grandeur, si je ne pouvais apporter ces changements et bien d′autres (dont la nécessité, si on veut peindre le réel, a pu apparaître au cours de ce récit) dans la transcription d′un univers qui était à redessiner tout entier, du moins ne manquerais-je pas avant toute chose d′y décrire l′homme comme ayant la longueur non de son corps mais de ses années, comme devant, tâche de plus en plus énorme et qui finit par le vaincre, les traîner avec lui quand il se déplace. D′ailleurs, que nous occupions une place sans cesse accrue dans le Temps, tout le monde le sent, et cette universalité ne pouvait que me réjouir puisque c′est la vérité, la vérité soupçonnée par chacun, que je devais chercher à élucider. Non seulement tout le monde sent que nous occupons une place dans le Temps, mais, cette place, le plus simple la mesure approximativement comme il mesurerait celle que nous occupons dans l′espace. Sans doute, on se trompe souvent dans cette évaluation, mais qu′on ait cru pouvoir la faire signifie qu′on concevait l′âge comme quelque chose de mesurable.
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Je me disais aussi : « Non seulement est-il encore temps, mais suis-je en état d′accomplir mon œuvre ? » La maladie qui, en me faisant, comme un rude directeur de conscience, mourir au monde, m′avait rendu service (car si le grain de froment ne meurt après qu′on l′a semé, il restera seul, mais s′il meurt, il portera beaucoup de fruits), la maladie qui, après que la paresse m′avait protégé contre la facilité, allait peut-être me garder contre la paresse, la maladie avait usé mes forces et, comme je l′avais remarqué depuis longtemps, au moment où j′avais cessé d′aimer Albertine, les forces de ma mémoire. Or la recréation par la mémoire d′impressions qu′il fallait ensuite approfondir, éclairer, transformer en équivalents d′intelligence, n′était-elle pas une des conditions, presque l′essence même de l′œuvre d′art telle que je l′avais conçue tout à l′heure dans la bibliothèque ? Ah ! si j′avais encore eu les forces qui étaient intactes dans la soirée que j′avais alors évoquée en apercevant François le Champi ? C′était de cette soirée, où ma mère avait abdiqué, que datait, avec la mort lente de ma grand′mère, le déclin de ma volonté, de ma santé. Tout s′était décidé au moment où, ne pouvant plus supporter d′attendre au lendemain pour poser mes lèvres sur le visage de ma mère, j′avais pris ma résolution, j′avais sauté du lit et étais allé, en chemise de nuit, m′installer à la fenêtre par où entrait le clair de lune jusqu′à ce que j′eusse entendu partir M. Swann. Mes parents l′avaient accompagné, j′avais entendu la porte s′ouvrir, sonner, se refermer.
No me decía sólo: «¿Me quedará tiempo?», sino: «¿Puedo hacerlo?» La enfermedad, que, como un inexorable director de conciencia, me hacía morir para el mundo, me hizo un servicio («pues si la semilla del trigo no muere una vez sembrada, quedará sola, pero si muere dará muchos frutos»): la enfermedad que, después de haberme protegido la pereza contra la facilidad, iba quizá a protegerme contra la pereza, la enfermedad había gastado mis fuerzas y, como había observado desde hacía tiempo, especialmente cuando dejé de amar a Albertina, las fuerzas de mi memoria. Ahora bien, la recreación por la memoria de las impresiones en las que luego había que profundizar, que había que esclarecer, que transformar en equivalentes de inteligencia, ¿no era acaso una de las condiciones, casi la esencia misma de la obra de arte tal como la concibiera un momento antes en la biblioteca? ¡Ah, si yo tuviera todavía las fuerzas que estaban aún intactas en la fiesta que entonces evoqué al ver François le Champi! De aquella fiesta, donde mi madre abdicó, databa, con la muerte lenta de mi abuela, la declinación de mi voluntad, de mi salud. Todo se decidió en el momento en que no pudiendo ya soportar la espera hasta el día siguiente para posar los labios en el rostro de mi madre, me decidí, salté de la cama y, en camisón, me fui a instalar a la ventana por donde entraba la luz de la luna hasta que oí marcharse a monsieur Swann. Mis padres le habían acompañado, oí abrirse la puerta del jardín, sonar la campanilla, volver a cerrarse...
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Entonces pensé de pronto que si tenía aún fuerzas para realizar mi obra, aquella fiesta que -como antaño en Combray ciertos días que influyeron sobre mí- me dio, hoy mismo, a la vez la idea de mi obra y el miedo de no poder realizarla, marcaría ciertamente ante todo en ésta la forma que antaño presentí en la, y que, habitualmente, nos es invisible, la del Tiempo. Sin duda hay otros muchos errores de nuestros sentidos -hemos visto que diversos episodios de este relato me lo demostraron- que falsean para nosotros el aspecto real de este mundo. Pero, en fin, en la transcripción más exacta que yo me esforzaría por dar, podría, en rigor, no cambiar el lugar de los sonidos, abstenerme de separarlos de su causa, al lado de la cual la inteligencia los sitúa a posteriori, aunque hacer cantar dulcemente la lluvia en medio de la estancia y caer en diluvio en el patio la ebullición de nuestra tisana no debiera ser en suma más desconcertante que lo que tan a menudo hacen los pintores cuando pintan, muy cerca o muy lejos de nosotros, según las leyes de la perspectiva, la intensidad de los colores y la primera ilusión de la mirada nos los hagan ver, una vela o un pico que luego el razonamiento trasladará a distancias a veces enormes. Aunque el error sea más grave, podría continuar, como se suele hacer, poniendo trazos en el rostro de una transeúnte, cuando en el lugar de la nariz, de las mejillas y de la barbilla, no debiera haber más que un espacio vacío sobre el que jugaría cuando más el reflejo de nuestros deseos. Y aun cuando yo no tuviera tiempo de preparar, cosa ya mucho más importante, las cien máscaras que conviene poner a un mismo rostro, aunque sea según los ojos que lo ven y el sentido con que leen los rasgos, y, para los mismos ojos, según la esperanza o el miedo, o, por el contrario, según el amor y el hábito que ocultan durante treinta años las mutaciones de la edad; en fin, aun cuando no me propusiera -y mi relación con Albertina bastaba, sin embargo, para demostrarme que, sin esto, todo es ficticio y falso- representar a ciertas personas, no fuera, sino dentro de nosotros, donde sus menores actos pueden determinar trastornos mortales y hacer variar también la luz del cielo moral según las diferencias de presión de nuestra sensibilidad o cuando una nube de peligro, alterando la serenidad de nuestra certidumbre bajo la cual un objeto es tan pequeño, multiplica en un momento su magnitud; aun cuando yo no pudiera introducir estas mutaciones y otras muchas (cuya necesidad, si queremos pintar la realidad, ha podido aparecer en el transcurso de este relato) en la transcripción de un universo que había que dibujar de nuevo todo entero, al menos no dejaría de describir en él al hombre con la largura no de su cuerpo, sino de sus años, como si hubiera de arrastrarlos con él cuando camina, tarea cada vez más enorme y que acaba por vencerle.
Por lo demás, que ocupamos un lugar que aumenta continuamente en el Tiempo lo siente todo el mundo, y esta universalidad no podía menos de alegrarme, porque lo que yo debía procurar esclarecer es la verdad, la verdad que todos sospechan. No sólo todo el mundo siente que ocupamos un lugar en el Tiempo, sino que el más simple mide este lugar aproximadamente como mediría el que ocupamos en el espacio, puesto que personas sin especial perspicacia, al ver a dos hombres que no conocen, los dos con bigote negro o afeitados, dicen que son dos hombres de unos veinte años el uno, de unos cuarenta el otro. Desde luego, solemos equivocarnos en esta evaluación, pero el hecho de haber creído que podíamos hacerla significa que considerábamos la edad como cosa medible. Al segundo hombre de bigote negro se le han sumado efectivamente veinte años más.
À ce moment même, dans l′hôtel du prince de Guermantes, ce bruit de pas de mes parents reconduisant M. Swann, ce tintement rebondissant, feux, interminableerrugin, criard et frais de la petite sonnette, qui m′annonçait qu′enfin M. Swann était parti et que maman allait monter, je les entendais encore, je les entendais eux-mêmes, eux situés pourtant si loin dans le passé. Alors, en pensant à tous les événements qui se plaçaient forcément entre l′instant où je les avais entendus et la matinée Guermantes, je fus effrayé de penser que c′était bien cette sonnette qui tintait encore en moi, sans que je pusse rien changer aux criaillements de son grelot, puisque, ne me rappelant plus bien comment ils s′éteignaient, pour le réapprendre, pour bien l′écouter, je dus m′efforcer de ne plus entendre le son des conversations que les masques tenaient autour de moi. Pour tâcher de l′entendre de plus près, c′est en moi-même que j′étais obligé de redescendre. C′est donc que ce tintement y était toujours, et aussi, entre lui et l′instant présent, tout ce passé indéfiniment déroulé que je ne savais pas que je portais. Quand il avait tinté j′existais déjà et, depuis, pour que j′entendisse encore ce tintement, il fallait qu′il n′y eût pas eu discontinuité, que je n′eusse pas un instant pris de repos, cessé d′exister, de penser, d′avoir conscience de moi, puisque cet instant ancien tenait encore à moi, que je pouvais encore le retrouver, retourner jusqu′à lui, rien qu′en descendant plus profondément en moi.
Si era esta noción del tiempo evaporado, de los años transcurridos no separados de nosotros, lo que ahora tenía yo la intención de poner tan fuertemente de relieve es porque en este mismo momento, en el hotel del príncipe de Guermantes, aquel ruido de los pasos de mis padres despidiendo a monsieur Swann, aquel tintineo repercutiente, ferruginoso, insistente, estrepitoso y fresco de la pequeña campanilla que me anunciaba que monsieur Swann se había ido por fin y que mamá iba a subir, volví a oírlos, eran los mismos, situados sin embargo en un pasado tan lejano. Entonces, pensando en todos los acontecimientos que se situaban forzosamente entre el momento en que los oí y la fiesta de los Guermantes, me aterró pensar que era verdaderamente aquella campanilla la que aún tintineaba en mí, sin que me fuera posible modificar en nada el tintineo de su badajo, puesto que no recordaba ya bien cómo se paraba, y, para aprenderlo de nuevo, para escucharlo bien, tuve que esforzarme por no oír el son de las conversaciones que las máscaras sostenían en torno mío. Para intentar oírlo de más cerca tenía que descender dentro de mí mismo. Luego aquel tintineo era allí donde estaba, como estaba también, entre él y el momento presente, todo aquel pretérito indefinidamente desarrollado que yo no sabía que llevaba en mí. Cuando la campanilla sonó, yo existía ya, y desde entonces para que yo oyese aún su tintineo, era necesario que no hubiera habido discontinuidad, que yo no hubiera dejado ni un momento de existir, de pensar, de tener consciencia de mí, puesto que aquel momento antiguo estaba aún en mí, que pudiera todavía volver hasta él, con sólo descender más profundamente en mí.
C′était cette notion du temps incorporé, des années passées non séparées de nous, que j′avais maintenant l′intention de mettre si fort en relief dans mon œuvre.
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Et c′est parce qu′ils contiennent ainsi les heures du passé que les corps humains peuvent faire tant de mal à ceux qui les aiment, parce qu′ils contiennent tant de souvenirs, de joies et de désirs déjà effacés pour eux, mais si cruels pour celui qui contemple et prolonge dans l′ordre du temps le corps chéri dont il est jaloux, jaloux jusqu′à en souhaiter la destruction. Car après la mort le Temps se retire du corps et les souvenirs — si indifférents, si pâlis — sont effacés de celle qui n′est plus et le seront bientôt de celui qu′ils torturent encore, eux qui finiront par périr quand le désir d′un corps vivant ne les entretiendra plus.
Y porque así contienen las horas del pasado, pueden los cuerpos humanos causar tanto daño a quienes los aman, porque guardan tantos recuerdos de alegrías y de deseos ya borrados para ellos, pero tan crueles para el que contempla y prolonga en el orden del tiempo el cuerpo querido del que está celoso, celoso hasta desear su destrucción. Pues, después de la muerte, el Tiempo se retira del cuerpo, y los recuerdos tan indiferentes, tan empalidecidos, se borran en la que ya no existe y pronto se borrarán en aquel a quien aún torturan, pero en el cual acabarán por perecer cuando deje de sustentarlo el deseo de un cuerpo vivo.
J′éprouvais un sentiment de fatigue profonde à sentir que tout ce temps si long non seulement avait sans une interruption été vécu, pensé, sécrété par moi, qu′il était ma vie, qu′il était moi-même, mais encore que j′avais à toute minute à le maintenir attaché à moi, qu′il me supportait, que j′étais juché à son sommet vertigineux, que je ne pouvais me mouvoir sans le déplacer avec moi.
Me producía un sentimiento de fatiga y de miedo percibir que todo aquel tiempo tan largo no sólo había sido vivido, pensado, segregado por mí sin una sola interrupción, sentir que era mi vida, que era yo mismo, sino también que tenía que mantenerlo cada minuto amarrado a mí, que me sostenía, encaramado yo en su cima vertiginosa, que no podía moverme sin moverlo.
La date à laquelle j′entendais le bruit de la sonnette du jardin de Combray, si distant et pourtant intérieur, était un point de repère dans cette dimension énorme que je ne savais pas avoir. J′avais le vertige de voir au-dessous de moi et en moi pourtant, comme si j′avais des lieues de hauteur, tant d′années.
La fecha en que yo oía el sonido de la campanilla del jardín de Combray, tan distante y sin embargo interior, era un punto de referencia en esta dimensión enorme que yo no me conocía. Me daba vértigo ver tantos años debajo de mí, aunque en mí, como si yo tuviera leguas de estatura.
Je venais de comprendre pourquoi le duc de Guermantes, dont j′avais admiré, en le regardant assis sur une chaise, combien il avait peu vieilli bien qu′il eût tellement plus d′années que moi au-dessous de lui, dès qu′il s′était levé et avait voulu se tenir debout, avait vacillé sur des jambes flageolantes comme celles de ces vieux archevêques sur lesquels il n′y a de solide que leur croix métallique et vers lesquels s′empressent les jeunes séminaristes, et ne s′était avancé qu′en tremblant comme une feuille sur le sommet peu praticable de quatre-vingt-trois années, comme si les hommes étaient juchés sur de vivantes échasses grandissant sans cesse, parfois plus hautes que des clochers, finissant par leur rendre la marche difficile et périlleuse, et d′où tout d′un coup ils tombent. Je m′effrayais que les miennes fussent déjà si hautes sous mes pas, il ne me semblait pas que j′aurais encore la force de maintenir longtemps attaché à moi ce passé qui descendait déjà si loin, et que je portais si douloureusement en moi ! Si du moins il m′était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l′idée s′imposait à moi avec tant de force aujourd′hui, et j′y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l′espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu′ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes — entre lesquelles tant de jours sont venus se placer — dans le Temps.
Acababa de comprender por qué el duque de Guermantes, que, mirándole sentado en una silla, me impresionó por lo poco que había envejecido, aunque tenía debajo de sus pies tantos años más que yo, al levantarse e intentar mantenerse en pie vaciló sobre unas piernas temblonas como las de esos viejos arzobispos sobre los cuales lo único sólido es la cruz de metal y hacia los que se precipitan unos seminaristas grandullones, y avanzó, no sin temblar como una hoja, sobre la cima poco practicable de ochenta y tres años, como si los hombres fueran encaramados en unos zancos vivos que crecen continuamente, que a veces llegan a ser más altos que campanarios, que acaban por hacerles la marcha difícil y peligrosa y de los que de pronto se derrumban66. Me daba miedo que mis zancos fueran ya tan altos bajo mis pasos, me parecía que no iban a conservar la fuerza suficiente para mantener mucho tiempo unido a mí aquel pasado que descendía ya tan lejos. Si me diese siquiera el tiempo suficiente para realizar mi obra, lo primero que haría sería describir en ella a los hombres ocupando un lugar sumamente grande (aunque para ello hubieran de parecer seres monstruosos), comparado con el muy restringido que se les asigna en el espacio, un lugar, por el contrario, prolongado sin límite en el Tiempo, puesto que, como gigantes sumergidos en los años, lindan simultáneamente con épocas tan distantes, entre las cuales vinieron a situarse tantos días.